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Partie II. Auto-assemblage de nanoparticules semi-conductrices

A. Auto-assemblages de QR

Parmi les différentes stratégies précédemment élaborées au laboratoire[4,5], l’assemblage de nanobâtonnets métalliques[6] ou semi-conducteurs[7,8] a été obtenu grâce à l’optimisation de ligands PEGylés dérivés peptidiques[9]. Le séchage contrôlé des QR en suspension aqueuse sur des substrats décorés induit la formation de superstructures tridimensionnelles de QR ordonnées en phase smectique sur des échelles mésoscopiques (jusqu’au millimètre) avec un très bon contrôle de l’interdistance entre bâtonnets. Ici, l’idée est de mettre à profit la paire α2/A3 pour initier l’auto-assemblage de QR mais aussi pour imposer une interdistance déterminée par la taille du complexe de protéines. Pour ces travaux, les QR utilisés sont synthétisés au laboratoire et présentent des dimensions de 12,1 ± 1,5 nm sur 2,9 ± 0,3 nm. Ces QR sont choisis avec un rapport d’aspect modéré pour limiter les risques de défauts cristallins. Les interactions dipolaires des QR induisent une attraction latérale d’autant plus forte que le rapport d’aspect est grand. Ces interactions de van der Waals induisent la formation de phases smectiques et la formation de superstructures dans lesquelles les QR sont empilés les uns contre les autres comme dans une ceinture de cartouches.

A.1 Auto-assemblages massif de QR

À partir de QR-C5PEG4, la fonctionnalisation est effectuée à l’aide de 200 équivalents molaires de α2 et A3 afin de préparer les suspensions de QR-α2 et de QR-A3. Cette quantité de protéines est suffisante pour saturer la surface de ces bâtonnets puisque leur surface totale est d’environ 140 nm² par particule. Pour des QD d’un diamètre de 9 nm, 200 équivalents de α2 ou 100 équivalents de A3 permettent de saturer la surface de plus de 250 nm² de ces particules sphériques (voir la Partie II.A du Chapitre III).

Après purification de l’excès de protéines par filtration centrifuge, les suspensions de QR-α2 et QR-A3 sont caractérisées par TEM (Figure 5). Ces QR-protéine ne s’agrègent ni sous forme d’agrégats massifs ni en cartouche, ce qui est un bon indicateur de stabilité malgré la saturation de leur surface par les protéines. On remarque toutefois la récurrence surprenante d’un contact pointe à pointe entre deux QR.

Figure 5. Images TEM de (a) QR-A3 et de (b) QR- α2 dans du tampon NaP à pH 7,4.

Pour initier l’auto-assemblage de ces QR, la suspension de QR-α2 est mélangée à la suspension de QR-A3 (voir le détail en partie expérimentale). Plusieurs mélanges sont réalisés en variant les concentrations relatives en QR-α2 et QR-A3 dans le but d’étudier l’influence du ratio molaire QR-A3:QD-α2 sur la morphologie des assemblages de QR. Après mélange des suspensions de QR-α2 et de QR-A3, les suspensions obtenues sont incubées à 6 °C pendant au moins 24 heures. Dans le but de mettre en évidence l’auto-assemblage de QR, l’ensemble des suspensions est caractérisé par électrophorèse sur gel d’agarose (Figure 6).

Figure 6. Photographie de fluorescence de la migration électrophorétique des mélanges de QR (Puit 1 : QR-C5PEG4 ; puit 2 : QR-A3 ; puits 3—7 : mélanges de QR avec les ratios de 5:1 à 1:5 et puit 8 : QR-α2). La migration est effectuée pendant 20 minutes à 50 V dans un gel à 0,5 % d’agarose immergé dans du tampon borate à pH 8.

On observe qu’en présence de protéine, la migration des particules est ralentie, ce qui est cohérent avec le greffage des protéines à la surface qui change la taille et la charge de la particule. De plus, le spot fluorescent des QR-A3 purs tend à former une traînée qui témoigne de leur tendance à l’agrégation. Les spots observés pour les mélanges présentent tous une traînée plus marquée que celle des QR-A3 purs ce qui témoigne de la polydispersité des objets migrants résultants de l’association des deux types de QR. Par ailleurs la migration des mélanges évolue de façon monotone avec le ratio molaire des deux populations et entre celles des QR-A3 et des QR-α2 purs.

Pour rendre compte de la morphologie des structures auto-assemblées, les mélanges sont caractérisés par microscopie électronique (Figure 7). Pour chaque mélange, on peut observer que les QR s’assemblent en fagots imbriqués suivant des interactions latérales et entre pointes sans ordre apparent. Ces assemblages sont de dimension très variable sans corrélation évidente avec le ratio molaire des QR-α2 et des QR-A3. En dehors des agrégats observés coexistent un nombre important de QR non assemblés. On peut aussi remarquer que l’assemblage initial en forme de V entre deux QD est conservé, ce qui rend compte de la conservation des interactions pointe à pointe. Les structures auto-assemblées ne laissent pas apparaître d’interdistance évidente comme cela avait été observé par séchage contrôlé de QR[7]. Ces observations démontrent que l’association de nombreux QR liés entre eux par des complexes α2•A3 induit la formation d’agrégats massifs de taille non contrôlée.

A.2 Vers le contrôle de la morphologie de l’auto-assemblage de QR

Dans le but de mieux contrôler l’auto-assemblage des QR, le nombre de protéines greffées à la surface de chaque type de nanobâtonnet semi-conducteur a été réduit de façon à diminuer le nombre d’ancrage possible par particule et ainsi les rendre « moins réactifs ». De cette façon, le phénomène d’auto-assemblage devrait se limiter à la formation de structures plus petites qui favorisent potentiellement une meilleure organisation des QR auto-assemblés.

Pour ces travaux, les mêmes QR-C5PEG4 sont fonctionnalisés avec 50 équivalents molaires de protéines. Après purification, les QR fonctionnalisés avec chacune des biomolécules ne présentent pas d’agrégation (Figure 8). De plus, en comparaison avec les suspensions de QR-α2 et de QR-A3 fonctionnalisés à saturation, ces QR montrent des interactions latérales plus fréquentes, ce qui va dans le sens d’un échange de ligands moins important. Ces QR ont tendance à s’assembler de façon assez définie via des interactions « pointe à pointe » qui dépassent les simples dimères de QR comme il peut être observé avec des QR bioconjugués avec plus de protéines.

Figure 8. Images TEM de (a) QR-A3 et (b) QR-α2 fonctionnalisés avec peu de protéines.

Après purification, les suspensions de QR-α2 (77 nM) et de QR-A3 (77 nM) sont mélangées pour former des mélanges complémentaires dont les concentrations en chacun des deux types de QR-protéine varie entre 64 nM et 13 nM (détails dans la partie expérimentale).

Les mélanges de QR sont incubés pendant au moins 24 heures avant d’être caractérisés par microscopie électronique (Figure 9). Contrairement aux vastes zones d’assemblages très marquées qui ressortent des mélanges de QR saturés en protéines, ces QR dont la densité en protéine greffées est plus modérée ont un comportement moins clair.

Figure 9. Images TEM issues de l’observation du mélange de QR-α2 et de QR-A3 aux concentrations relatives 1:1 pour des QR fonctionnalisés avec une quantité réduite de protéines.

Ici, le mélange équimolaire de QR-α2 et de QR-A3 ne semble pas initier l’auto-assemblage des nanobâtonnets. On retrouve, comme pour chaque autre mélange, des agrégats de taille limitée qui semblent résulter majoritairement d’interactions « pointe à pointe » comme observé dans le cas des deux populations séparées (Figure 8). Il est ainsi difficile de relier la présence de ces petites structures à l’auto-assemblage de QR induit par la reconnaissance entre α2 et A3. Le caractère mal défini de l’association QR—QR peut ici s’expliquer par un greffage de protéine trop limité. En effet, le ligand de départ assurant l’hydrophilie des nanobâtonnets est ici le C5PEG4, qui est un ligand tricystéine mais qui dispose également d’une chaîne alkyle à 11 atomes de carbone (dont la structure est détaillée dans le Tableau 1 du Chapitre II). Ce ligand forme une couche dense à la surface des QR

stabilisée par des interactions latérales attractives de type van der Waals, ce qui peut rendre plus difficile le greffage des protéines[7]. Ce phénomène est d’autant plus important que la quantité de protéines utilisée est ici plutôt faible (50 équivalents).

En conclusion, ces expériences ont démontré qu’il est possible, à partir de QR, de former des superstructures désordonnées pour lesquelles les images de microscopie ne permettent pas de faire apparaître des interdistances bien définies entre particules.