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PARTIE 1 : Synthèse bibliographique et présentation des objectifs de cette thèse

1 Phénylpropanoïdes

1.2 Coumarines

1.2 Coumarines

1.2.1 Généralités

Les coumarines représentent une classe de composés phénoliques simples qui dérivent tous de la même structure de base, la 2H-1-benzopyran-2-one (Figure 3, p. 30) (Bourgaud et al., 2006). La coumarine tire son nom de kumarù, le nom local du gaïac de Cayenne dont elle a été pour la première fois isolée en 1820 par Vogel à partir de fèves tonka (Clark, 1995). La structure de base peut subir de nombreuses modifications comme des hydroxylations, des o-méthylations, des géranylations ou encore des glycosylations ce qui conduit à la synthèse de nombreux dérivés dont plus d’un millier a été caractérisé à ce jour dans les plantes (Figure 3, p. 30).

Figure 3 : Représentation de la structure chimique développée de base des coumarines et de quelques dérivés.

Les coumarines peuvent être classées en quatre catégories (Bourgaud et al., 2006) (Figure 4, p. 31) :

les coumarines simples (benzo-α-pyrones) dont la structure diffère de la 2H-1-benzopyran-2-one par des hydroxylations, méthylations, géranylations et glycosylations,

les furanocoumarines (furobenzo-α-pyrones) qui présentent l’ajout d’un noyau furane à l’hétérocycle coumarine. La position du noyau furane en C6-C7 ou en C7-C8 au niveau de la coumarine permet de distinguer les formes linéaires et angulaires,

les pyranocoumarines (benzodipyran-2-ones) dont la structure est formée par l’addition d’un hétérocycle à six carbones sur la coumarine. Comme pour les furanocoumarines, la position de l’hétérocycle sur la coumarine définit les formes linéaires et angulaires,

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et les phénylcoumarines (benzo-benzopyrones) qui sont caractérisées par l’addition d’un cycle phényl sur la 2H-1-benzopyran-2-one.

Figure 4 : Classification des différents types de coumarines.

1.2.2 Rôle physiologique des coumarines

Les coumarines sont synthétisées chez tous les végétaux supérieurs, mais leurs profils métaboliques varient selon l’espèce botanique considérée (Gliszczyńska and Brodelius, 2012; Gray and Waterman, 1978). Leur présence a été décrite notamment chez les Rutacées, Apiacées, Fabacées, Solanacées, Rubiacées, Saxifragacées, Astéracées et Rosacées (Ojala, 2001). Les coumarines sont principalement synthétisées au niveau des parties aériennes (de Castro et al., 2007; Tal and Robeson, 1985, 1986), mais elles peuvent également être produites dans les parties racinaires comme c’est le cas des furanocoumarines chez le panais. Ces molécules peuvent être stockées dans la plante dans les tissus où elles sont produites ou acheminées vers d’autres organes (Gorz and Haskins, 1962), mais elles peuvent également être excrétées dans le milieu (Gutiérrez-Mellado et al., 1996). La plupart des coumarines sont des phytoalexines impliquées dans des réactions de défense des plantes contre des attaques par des organismes pathogènes (Afek et al., 1995; Churngchow and Rattarasarn, 2001; Stange Jr. et al., 1999; Tal and Robeson, 1985, 1986). Certaines de ces molécules peuvent également être accumulées à la suite

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d’un traitement au méthyljasmonate ou à l’acide 2,4-dichlorophénoxyacétique (Kai et al., 2006; Sharan

et al., 1998). Les coumarines sont utilisées dans l’industrie pharmaceutique grâce à leur large spectre d’activités. En effet, elles présentent des propriétés antibactériennes (phytoalexines) (Cowan, 1999; Ojala et al., 2000), antifongiques (Carpinella et al., 2005; Valle et al., 1997), anti-inflammatoires (Chen

et al., 2008), anticoagulantes (Cravotto et al., 2001), antidépresseurs (Sashidhara et al., 2011), antivirales et seraient impliquées dans la réduction du stress oxydatif (Chong et al., 2002). L’usage le plus connu est l’extrait de mélilot, riche en coumarines, utilisé dans le traitement de l’insuffisance veineuse et des phlébites et commercialisé sous le nom Esberiven. Certaines coumarines sont également valorisées dans les industries agroalimentaire, cosmétique et chimique (Egan et al., 1990). A titre d’exemple, la coumarine qui est caractérisée par une odeur de foin fraîchement coupé fut l’une des premières molécules synthétisée chimiquement au XIXème siècle pour la création de parfums et de nombreux produits cosmétiques (Ehlers et al., 1995), mais elle est aussi utilisée comme arôme dans l’élaboration de tabac et de cigarettes (Stanfill et al., 2006), ou comme neutralisateur d’odeurs dans l’élaboration de colles et de peintures.

1.2.3 Voie de biosynthèse des coumarines

La voie de biosynthèse des coumarines dérive de la voie de biosynthèse des phénylpropanoïdes (Figure 2, p. 29) (Brown, 1963; Kai et al., 2006). Le noyau phénol de l’acide t-cinnamique et de ses dérivés peut être hydroxylé en différentes positions. Les hydroxylations en position 4 de l’acide t-cinnamique, en position 5 de l’acide féruliqueet en position 3 de l’acide p-coumarique sont des réactions dépendantes de P450s (Gabriac et al., 1991; Meyer et al., 1996; Nair et al., 2002). De la même manière, les esters p -coumaroyl quinate et p-coumaroyl shikimate formés à partir du p-coumaroyl CoA grâce à l’HCT (hydroxycinnamoyl CoA shikimate/quinate hydroxycinnamoyl transférase) et à l’HQT (hydroxycinnamoyl CoA quinate hydroxycinnamoyl transférase) (Comino et al., 2007, 2009; Niggeweg

et al., 2004) peuvent être hydroxylés en position 3’ par un cytochrome P450 de la sous-famille CYP98A et former respectivement le caféoyl shikimate et le caféoyl quinate (acide chlorogénique) (Schoch et al., 2001) (Figure 5, p. 34). Les hydroxylations en position 2 de l’acide t-cinnamique, de l’acide p -coumarique, du férulate et du caféate ainsi que les hydroxylations en position 2’ si ces molécules sont estérifiées par un coenzyme A, l’acide shikimique ou quinique orientent cette voie vers la biosynthèse de coumarines. Cette étape d’hydroxylation fut longtemps supposée être catalysée par un P450, mais récemment des études ont montré que l’étape d’ortho-hydroxylation de l’acide p-coumarique et de ses dérivés est catalysée par une dioxygénase (FeII)/α-cétoglutarate dépendante. Kai et ses collaborateurs ont créé différents mutants d’Arabidopsis thalianan’exprimant pas la p-coumaroyl shikimate/quinate 3’-hydroxylase (CYP98A3) ou pas la caféoyl CoA O-méthyltransférase 1 (CCoAOMT1). La

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comparaison des profils métaboliques des mutants par rapport aux plantes sauvages indique que ces mutations conduisent toutes les deux à une diminution importante de la synthèse de scopolétine et de sa forme glycosylée, la scopoline dans les racines (Kai et al., 2008). Ils en concluent que la scopolétine est synthétisée à partir du féruloyl CoA et non pas à partir de l’acide férulique comme les études précédentes semblaient le démontrer (Cabello-Hurtado et al., 1998a; Fritig et al., 1970). L’enzyme capable de réaliser l’ortho-hydroxylation du féruloyl CoA est appelée la féruloyl CoA 6’-hydroxylase (F6’H) (Figure 5, p. 34). Une autre étude réalisée par notre groupe de recherche décrit l’isolement et la caractérisation fonctionnelle d’une p-coumaroyl CoA 2’-hydroxylase de Ruta graveolens (Figure 5, p. 34) (Annexe 1, p. 273-281) (Vialart et al., 2012).

Cette dioxygénase (FeII)/α-cétoglutarate dépendante est capable de former de la scopolétine à partir du féruloyl CoA et de l’umbelliférone à partir du p-coumaroyl CoA (Vialart et al., 2012) (Figure 5, p. 34). Des résultats similaires ont été obtenus chez Ipomea batatasavec l’isolement de deux C2’H, l’une étant également capable de former de la scopolétine et de l’umbelliférone respectivement à partir du féruloyl CoA et du p-coumaroyl CoA alors que la deuxième ne produit que de la scopolétine à partir du féruloyl CoA (Matsumoto et al., 2012). L’umbelliférone peut alors être hydroxylée par une polyphénol oxidase en position 6 pour former l’esculétine (Garcia-Molina et al., 2013) ou être prénylée et ainsi conduire à la formation de furanocoumarines (Figure 5, p. 34).

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Figure 5 : Voie de biosynthèse des coumarines, formations de l’umbelliférone, de l’esculétine et de la scopolétine. C4H : cinnamate-4-hydroxylase ; 4CL : p-coumarate :CoA-ligase ; C2’H : p-coumaroyl CoA 2’ -hydroxylase ; HCT : hydroxycinnamoyl CoA shikimate/quinate hydroxycinnamoyl transférase ; HQT : hydroxycinnamoyl CoA quinate hydroxycinnamoyl transférase ; C3’H : p-coumaroyl shikimate/quinate 3’ -hydroxylase ; CCoAOMT : caféoyl CoA O-méthyltransférase ; F6’H : féruloyl CoA 6’-hydroxylase ; PPO : polyphénol oxidase ; PT : prényltransférase.

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