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Chapitre 1 Revue des travaux antérieurs

1.3 La qualité de la viande

1.3.5 La couleur

La couleur de la viande vient de la myoglobine, une protéine sarcoplasmique dans le muscle. Au centre de cette protéine se trouve une molécule de fer héminique qui joue un rôle important dans les variations de couleurs de la viande (Mancini, 2009). Le fer héminique est composé d’une protoporphyrine à laquelle est complexée une molécule de fer ferreux (Fe2+). Les histidines 64 et 93 de la molécule de myoglobine jouent un rôle aussi très important dans la structure de celle-ci et dans la stabilité de la couleur de la viande (Mancini, 2009). Le fer sous forme de fer ferreux Fe2+ dans la myoglobine a la capacité de former 6 liens avec différentes molécules : quatre de ces liens sont formés avec l’azote pyrrole, le cinquième lien est formé avec les histidines proximales (H93, F8), ce qui permet de lier le groupe prosthétique à l’apoprotéine, et finalement un sixième lien est disponible pour une liaison de ligands (Mancini, 2009). Les histidines distales 64 et 93, quant à elles, ont un effet sur la qualité de la viande puisqu’elles permettent de réguler partiellement l’accès des ligands au sein de l’hème hydrophobe. Le ligand disponible ainsi que l’état oxydé ou réduit du fer permettent d’obtenir différentes formes de la protéine myoglobine, ce qui entraîne différentes couleurs de la viande (Mancini, 2009).

Quatre formes chimiques de la myoglobine peuvent être observées dans le muscle. La figure 1.2 résume les différentes formes ainsi que l’impact sur la couleur de la viande.

Figure 1.2 Les quatre formes chimiques de la myoglobine (adaptée de Mancini, 2009)

La première forme chimique, soit la désoxymyoglobine est observée dans la viande n’ayant pas de contact direct avec l’oxygène. Elle s’observe généralement lorsque la viande est emballée sous vide. La deuxième forme chimique, l’oxymyoglobine, est observée lorsque la viande entre en contact avec l’oxygène. L’état du fer ne change pas, mais la place disponible pour la liaison de ligands est occupée par le dioxygène. La troisième forme chimique, soit la metmyoglobine, est observée lorsqu’il y a une oxydation du fer, qui passe de l’état ferreux à l’état ferrique. Dans un morceau de viande, généralement, la surface en contact avec l’oxygène sera d’un rouge clair grâce à l’oxymyoglobine et plus on pénètre dans le morceau de viande, plus la myoglobine sera sous forme de désoxymyoglobine puisque la pression partielle de l’oxygène diminue lorsqu’on s’éloigne de la surface de la viande. Entre la section où la viande est en contact avec l’oxygène et la myoglobine est sous forme d’oxymyoglobine et la section où la viande n’est pas du tout en contact avec l’oxygène et la myoglobine est sous forme de désoxymyoglobine, il se trouve une section où la myoglobine est sous forme de metmyoglobine. Cette forme chimique à cet endroit résulte du fait que la pression partielle de l’oxygène est trop faible (donc présence d’oxygène faible) pour permettre de transformer la myoglobine en oxymyoglobine, mais assez élevée pour permettre l’oxydation de la myoglobine (Mancini, 2009). La metmyoglobine, avec le temps, finira par migrer vers la surface. La vitesse de migration de celle-ci dépend de plusieurs facteurs comme la

Désoxymyoglobine

Fer ferreux (Fe

2+

)

Ø ligand

Couleur mauve-rouge/mauve-rose

Carboxymyoglobine

Fer ferreux (Fe

2+

)

Ligand CO

Couleur cerise-rouge clair

Oxymyoglobine

Fer ferreux (Fe

2+

)

Ligand O

2

Couleur cerise-rouge

Metmyoglobine

Fer ferrique (Fe

3+

)

Ligand H

2

O

Couleur brune

+CO +O2

pression partielle de l’oxygène, la température de la viande et le pH, entre autres. L’oxydation de la myoglobine diminue la durée de conservation de la viande, alors que les formes oxymyoglobine et désoxymyoglobine permettent d’avoir une belle couleur de la viande. Enfin, la quatrième forme de myoglobine, soit la carboxymyoglobine est observée surtout lorsque la viande est emballée avec du monoxyde de carbone, où la place disponible sur le sixième lien du fer héminique est occupée par le monoxyde de carbone, qui forme une liaison très forte avec la myoglobine (Mancini, 2009).

Analyse de la couleur. L’analyse de la couleur à la surface de la viande peut être effectuée de différentes façons. Les deux principales façons consistent à l’évaluer visuellement ou bien à l’aide d’un colorimètre permettant d’évaluer la couleur (Mancini, 2009). La méthode visuelle peut être effectuée par des professionnels qui sont entraînés à évaluer la couleur de la viande. Cette méthode permet de bien décrire la couleur générale de la viande et aussi de mentionner certaines particularités qui peuvent être observées. Par exemple, il arrive souvent que la couleur ne soit pas uniforme sur un morceau de viande (Mancini, 2009). Une autre méthode visuelle est l’utilisation d’une échelle dite « japonaise », côté de 1 à 6, où 1 est le plus pâle et 6 le plus foncé. Cette méthode permet d’avoir une idée rapide de la couleur de la viande en industrie lors de la découpe et est surtout utilisée pour déterminer la couleur des longes et des jambons (IFIP, 2014). La méthode du colorimètre permet de mesurer la réflectance de la lumière à la surface de la viande pour évaluer la couleur. Cette méthode permet par le fait même d’évaluer la couleur en fonction de ce que le consommateur voit, ce qui permet d’avoir une meilleure idée de l’acceptabilité du morceau de viande par rapport aux consommateurs. Le colorimètre permet d’obtenir trois différentes valeurs pour la couleur de la viande, soit L*, a* et b*. La valeur L* permet de déterminer la clarté de la viande, la valeur 100 étant blanche et la valeur 0 étant noire. Plus le morceau de viande évalué est pâle, plus la valeur sera donc élevée. La valeur a* mesure le niveau de rouge dans la viande, où les valeurs positives sont associées à une couleur rouge de la viande. Plus cette valeur est élevée, plus le morceau de viande est donc rouge, tandis qu’une valeur négative tend plutôt vers le vert. Enfin, la valeur b* détermine le degré de jaune de la viande où plus la valeur est élevée, plus il y a de jaune dans la viande. Dans ce cas, une valeur négative est associée au bleu (Hernandez et al., 2016). Généralement, une viande ayant un L* entre 42 et 50 est adéquate (Rocha et al., 2016). Pour ce qui est des valeurs de a* et b*, elles peuvent être utilisées pour calculer le Chroma (C*) ainsi que l’angle de teinte (hue angle). Le Chroma se calcule de la façon suivante : C* = (a*2+b*2)1/2 et l’angle de teinte : hab = arctan(b*/a*). La valeur du Chroma représente la couleur vive ou terne de la viande. Plus la valeur C* est élevée, plus la couleur est vive. La couleur de la viande a* et b* doit généralement être supérieure à zéro et l’angle hue doit se trouver entre 0 et 90° pour que la qualité soit adéquate. Plus l’angle hue est élevé, moins la viande sera rouge (Hernandez et al., 2016).

Facteurs agissant sur la couleur. Le principal élément affectant la couleur de la viande post mortem est la gestion de la température sur la chaîne d’abattage (Mancini, 2009). Une température élevée entraînera une oxydation plus rapide de la myoglobine, une oxydation des lipides et une croissance microbienne importante, réduisant ainsi le temps de conservation de la viande et accélérant l’apparition d’une couleur brune sur le morceau de viande (Mancini, 2009). De plus, la compétition pour l’oxygène dans le muscle entre la myoglobine et la mitochondrie aura un effet sur la couleur finale de la viande. En effet, si des processus autres que celui de la myoglobine utilisent l’oxygène disponible, les pigments resteront dans un état désoxygéné et la viande aura une couleur plus foncée (Mancini, 2009). Ce processus est souvent observé lorsque l’animal vit un stress prolongé avant l’abattage, la réserve musculaire de glycogène se trouve épuisée et peu de glycogène est disponible pour la glycolyse anaérobique lors de l’abattage. Cela entraîne une baisse du pH beaucoup moins importante et un pH ultime élevé favorise la respiration mitochondriale et entraîne une plus grande compétition pour l’oxygène dans le muscle (Mancini, 2009). Un autre élément affectant la couleur est le lien entre la baisse du pH du muscle et l’effet de cette baisse sur les protéines pigmentées du muscle. Lorsque la vitesse de la glycolyse est rapide, il se produit une accumulation de lactate et d’ions hydrogène alors que la température de la viande est encore élevée, ce qui entraîne une dénaturation ainsi qu’une diminution de la solubilité des protéines du muscle menant à une viande pâle. Les principales protéines dénaturées dans ce cas-ci sont les protéines sarcoplasmiques et les protéines myofibrillaires (Muchenje et Ndou, 2011). Enfin, la méthode utilisée pour emballer la viande crue aura une influence sur la couleur perçue par le consommateur. La méthode traditionnelle d’emballage avec des assiettes de styromousse et pellicules de plastique expose la viande aux différents gaz de l’environnement, ce qui lui donne une couleur rouge cerise vif provenant de l’oxymyoglobine. Une autre méthode d’emballage est l’emballage sous-vide, qui améliore la préservation de la couleur de la viande, mais qui donne une couleur plus mauve à la viande en raison de la désoxymyoglobine, ce qui peut rendre la viande moins attrayante pour le consommateur. La dernière méthode d’emballage consiste à changer l’atmosphère dans laquelle la viande se trouve, soit en créant une atmosphère élevée en oxygène ou une atmosphère faible en oxygène avec ajout de monoxyde de carbone. Un environnement élevé en oxygène (80 %) entraîne une oxygénation de la myoglobine et une augmentation de la profondeur de pénétration de l’oxymyoglobine. Un environnement faible en oxygène (moins de 1 %) limite l’oxydation des lipides et le développement de microorganismes. L’ajout de monoxyde de carbone avec la faible quantité d’oxygène permet d’obtenir une couleur rouge cerise vif (grâce à la carboxymyoglobine), car le monoxyde de carbone a une grande affinité avec la myoglobine pour former la carboxymyoglobine (Mancini, 2009).

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