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PREMIÈRE PARTIE Sources L’écriture de la justice A INTRODUCTION AUX SOURCES DU HAUT MOYEN ÂGE HISPANIQUE

3. Corpus choisi : i Introduction :

Pour toutes les raisons qui viennent d’être exposées, le corpus choisi pour mener ce travail de recherche est constitué soit de documents écrits sur des pièces de parchemins séparées, soit de documents contenus dans des cartulaires soit de copies plus modernes et qui attestent d’un exercice de la vie juridique, notamment autour de la mutation de droits et de propriétés.

Au total, il s’agit là d’un corpus qui dépasse les quatre mille cinq cents documents entre le VIIIe siècle et l’année 1035 relatifs au nord et à l’ouest de la péninsule Ibérique (Galice, Asturies, León, Navarre, l’ouest de l’Aragon), entre le VIIIe

siècle et l’année 1035 – on laisse de côté les régions plus orientales. La majorité des documents étudiés sont du Xe et du premier tiers du XIe siècle. Pour l’époque wisigothique, ils sont bien rares, à peine une poignée22 : une vingtaine pour le VIIIe siècle23. Le IXe siècle, en revanche, offre plus de deux cents chartes, mais cela ne compense pas le déséquilibre chronologique de la répartion documentaire, qui s’impose à toute l’analyse de l’information judiciaire. Le premier problème que pose à tout chercheur l’exploration de ces siècles médiévaux concerne ces chiffres et notre ignorance de ce que fut la situation réelle : combien de documents a-t-on rédigés ?

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Nous avons aussi les cas plus caractéristiques des ardoises wisigothes, encore qu’elles soient difficiles à dater, comme c’est le cas pour celles de Carrio et de Santa Cruz de Cangas, qui posent déjà le problème auquel se heurteront les érudits des siècles à venir, à savoir celui de l’existence de communautés rurales habituées à l’écriture et la survivance de ces usages dit wisigoths dans les siècles qui ont suivi. Sur l’ardoise de Carrio cf FERNÁNDEZ VIEJO, Xulio, « La pizarra de Carrio. Estudio mitográfico y literario », dans PÉREZ GONZÁLEZ, Maurilio (éd.), Actas del II Congreso Hispánico de Latín Medieval, León, 1998, 895-902; sur celle de Santa Cruz de Cangas, cf DÍAZ y DÍAZ, Manuel Cecilio, Asturias en el siglo VIII. La cultura literaria, Oviedo, 2001, p. 31-41. Cf. Aussi RUIZ ASENCIO, José Manuel, « Pizarra visigoda con Credo », in DÍAZ y DÍAZ, Manuel Cecilio (coord.), Escritos dedicados a José María Fernández Catón, Fuentes y Estudios de Historia Leonesa (100), vol. 2, 1317 – 1328.

23 N’oublions pas une précision importante, qui est qu’aucun d’eux n’est considéré comme original : même le

document du roi Silo, daté de l’an 775 était déjà une copie, peut-être du Xème

siècle. Cf GARCÍA LEAL, Alfonso, « Aportaciones del análisis lingüístico a la datación del diploma del rey Silo y a la determinación de su procedencia », Signo. Revista de Historia de la Cultura Escrita, 11 (2003), 127-172. Ainsi donc, aujourd’hui, le document original le plus ancien qui nous serait parvenu après la chute du royaume de Tolède pourrait être la donation de Faquilo au monastère de Libardón en 803. Cf SANZ FUENTES, María Josefa, « El documento de Fakilo (803). Estudio y edición », Estudos em Homenagem ao Prof. Doutor José Marques, Oporto, 2006, 31-40 (38) et GARCÍA LEAL, Alfonso, « La carta de Fakilo: observaciones sobre el diploma original más antiguo del reino de Asturias », in MARTÍNEZ GÁZQUEZ, José, CRUZ PALMA, Óscar de la y FERRERO HERNÁNDEZ, Cándida, Estudio de latín medieval hispánico. Actas del V Congreso Internacional de Ltín

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Combien en a-t-on détruit volontairement ? Combien d’entre eux se sont-ils perdus sur les chemins de la transmission documentaire ? Il est impossible de le savoir. Certes, on connaît en partie ce qui a été involontairement perdu à la période moderne, car nous avons des traces et des mentions de documents disparus aujourd’hui. L’historiographie a répété que le feu, l’occupation française du début du XIXe

siècle, le désamortissement24 (ou du moins ses

conséquences, plutôt que la chose en soi) ont été les grandes causes de la perte, de la mutilation et de la destruction d’un corpus qui malgré tout reste abondant, si on le compare à ce qui subsiste dans d’autres régions de l’Occident européen. Nous n’avons pas trouvé d’évaluation numérique de ces pertes, mais les mentions de codices et de documents, rédigées par les archivistes à partir du XVIe siècle sont si nombreuses qu’elles font nécessairement penser à un nombre de documents bien supérieur à celui de tous ceux qui ont survécu au passage du temps.

À ce nombre, il conviendrait d’en ajouter un autre, qui nous est à ce jour inconnu, à savoir celui de tous les documents mentionnés dans les textes qui sont parvenus jusqu’à nous25.

Cette documentation a été transmise grâce aux institutions ecclésiastiques et plus particulièrement via les monastères et les cathédrales, qui ont eu la possibilité de maintenir une vie institutionnelle jusqu’à nos jours, alors que les archives familiales et laïques ont souvent vu leur cycle de vie plus rapidement interrompu. Cela n’implique pas que les parties

24 Dans presque toutes les éditions de documents on retrouve cette allusion au désamortissement, non sans raison

d’ailleurs. Nationalisation des biens du clergé, vendus aux enchères publiques, le désamortissement a connu plusieurs pics importants au XIXe siècle, notamment en 1836-1837 et 1854-1856), provoquant, entre autres conséquences, nombre d’exodes, de périples et d’odyssées au sein des archives ecclésiastiques : cet épisode joue un rôle de premier plan dans toute recherche médiévale s’appuyant sur les archives ecclésiastiques, les seules existant pour le haut Moyen Âge : Cf RUIZ ASENCIO, José Manuel, RUIZ ALBI, Irene et HERRERO JIMÉNEZ, Mauricio, Los Becerros Gótico y Galicano de Valpuesta, 2 vols., Madrid, 2010, 13. SÁEZ, Emilio y Carlos, Colección diplomática del monasterio de Celanova, 842 – 1230, t. I (842 – 942), Alcalá de Henares, 1996, 9 ; ESCALONA MONGE, Julio, « La documentación de la Castilla condal : viejos problemas y nuevas perspectivas », in Mundos medievales: espacios, sociedades y poder. Homenaje al profesor José Ángel García

de Cortázar y Ruiz de Aguirre, vol. 1, Santander, 2012, 481 ; CABALLERO GARCÍA, Antonio,

« Desamortización y patrimonio documental : un ejemplo de tratamiento de archivos en el s. XIX », Signo.

Revista de Historia de la Cultura Escrita, 15 (2005), 77 – 117.

25 Cette comptabilité est intéressante, notamment lorsqu’il s’agit de documents contenant de l’information

judiciaire, puisque bien souvent, dans le procès, il est fait référence à une vente ou à une donation antérieure, matérialisée par un parchemin – parfois nous pouvons même en connaître une référence matérielle plus détaillée, car il peut arriver que ledit parchemin soit présenté comme preuve dans le cadre de la résolution du litige. Un peu plus du sixième des documents consultés mentionnent d’autres documents, que nous ne connaissons plus aujourd’hui. Il s’agit en général de références à des titres de propriété, dont il est fait état en tant que preuve à l’appui des dires d’une des parties ; ou alors, de simples mentions, sans que l’on puisse bien savoir si ces pièces étaient matériellement présentes au procès : C 35* (941) … quia nostro tio domno Alaricus abuit illa vobis

tradita et concessa per testamentum et scriptura que contra vos est; Cel 52 (936) … fecimus eis kartam perfiliationis de omnia nostra…; Lii 508 (985) Istas villas ab omni integritate… secundum in scripturas priores resonat; etc.

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en présence dans l’acte juridique que ces documents contiennent soient nécessairement des clercs. De nombreux échanges d’ordre juridique entre laïcs sont consignés dans un document qui bien souvent se retrouve entre les mains d’une institution ecclésiastique. Les circonstances et les proportions de cette transmission documentaire sont malaisées à établir de façon catégorique, pour les raisons qui sont évoquées plus haut et parce qu’on ne sait pas grand- chose du volume et du développement des archives laïques26.

Pour parvenir à des fonds d’archives ecclésiastiques, ces documents ont probablement suivi deux voies :

– Le transfert de propriété d’une terre entre deux laïcs est concrétisé par l’établissement d’un acte qui permet de fixer la transaction dans le temps. Par la suite, il peut arriver (par exemple) que le nouveau propriétaire fasse don de cette terre à un monastère : il lui remettra alors aussi l’acte documentant la précédente transaction. Par la suite, les cartulaires enregistrent les documents relatifs aux transactions entre laïcs27.

– De la même manière, un laïc qui entre au couvent, ou qui lui lègue ses biens après son décès lui transmet également ses archives. On peut relever ici une légère différence, car les archives du donateur ne sont pas toujours exclusivement composées d’actes juridiques : elles peuvent également receler des œuvres littéraires, ou de dévotion ; et il est alors permis de se demander si ces archives correspondent pleinement et exactement à l’ensemble des terres offertes post mortem28.

Autre question : jusqu’à quel point l’usage de l’écriture s’était-il répandu dans le monde laïque, en comparaison du monde ecclésiastique ? Les hypothèses émises à cet égard concernent l’ensemble du monde postérieur à la chute de l’empire. Michael Richter envisage plutôt une société laïque qui règle ses affaires oralement et considère que l’écriture prend

26 On trouve un exemple d’archives laïques dans un document portuguais où une femme, Flamula, deovota, nièce

de la comtesse Mummadonna, qui, avant mourir et faire son testament, demanda d’apporter ses titres de propriétés au monastère où elle se trouve. P 81 (960) Omnes illos meos cartarios sunt in Salzeta ducant ad

Vimaranes. Cf. aussi EVERETT, Nicholas, « Lay documents and archives in early medieval Spain and Italy, c.

400 – 700 », in BROWN, Warren C. ; COSTAMBEYS, Marios et INNES, Matthew (éds.), Documentary

Culture and the Laity in the Early Middle Ages, Cambridge, 2013, 95 – 124.

27 PRIETO MORERA, « El proceso judicial », 387; DAVIES, Windows on Justice, 15. 28

Dans ce cas de figure, un exemple particulièrement frappant est offert par les documents conservés dans le fonds du monastère de Santa María de Otero de las Dueñas, auquel ses fondateurs ont fait don de leurs archives : nous y trouvons donc aujourd’hui de nombreux documents antérieurs aux autres de plus de deux siècles, qui évoquent l’activité des ancêtres de la famille donatrice et n’ont rien à voir avec cet établissement religieux de la région de León.

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toute son importance dans le monde ecclésiastique, seul détenteur de la tradition romaine de l’écrit. Face à Richter, Matthew Innes, Rosamond McKitterick ou Janet Nelson ont défendu l’implication du monde laïque dans les formes écrites, soit pour comprendre la construction d’une mémoire où l’oralité et l’écriture cohabitent dans un même espace sans s’annuler29

, soit pour défendre l’idée que l’écriture a servi à administrer les biens laïques30

. Nous ne saurons pas si la diffusion de l’écriture dans le nord-ouest de la Péninsule est représentative de la réalité, ni si les sources dont nous avons hérité témoignent ou non d’une disparité entre les univers laïque et ecclésiastique dans la pratique de l’écriture. En revanche, nous pouvons affirmer qu’elle est représentative d’une situation concrète : un centre monastique avait à gérer bien plus de propriétés que la majorité des familles laïques ; et était bien mieux outillé pour le faire, d’autant plus qu’il avait réussi à maintenir une continuité institutionnelle dans la conservation de ses textes et documents, contrairement à la famille laïque qui elle était restée plus ignorante, plus éloignée de l’intérêt que présentait la pratique de l’écriture.

L’espace couvert par cette documentation est très divers, malgré les efforts du

désamortissement entrepris au XIXe siècle, qui a cherché à la centraliser à l’Archivo Histórico

Nacional, à Madrid, ou encore à la répartir dans les divers fonds régionaux. Mais ce

mouvement centralisateur n’est pas complètement parvenu à ses fins et il y a eu divers petits processus de décentralisation – ou de récupération – par des institutions ecclésiastiques puissantes, qui perdurent aujourd’hui, comme la cathédrale de León, ou celles de Santiago de Compostela ou d’Orense. En outre, l’entreprise de désamortissement et cette grande migration des archives vers Madrid qu’elle a entraînée, n’ont pas été sans pertes ni dommages : nous savons qu’une bonne partie de ce matériau s’est perdue en route, soit qu’il ait été détruit, soit que, chemin faisant, il ait été retenu entre des mains privées, ou par d’autres centres. Quoi

29 INNES, Matthew, « Memory, Orality and literacy in an early medieval society », Past and Present, 158

(1998), 3-36.

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McKITTERICK, The Carolingians and the Written Word, Cambridge, 1989; NELSON, Janet L., « Literacy in carolingian government », in McKITTERICK, Rosamond (éd.), The Uses of Literacy in Early Medieval Europe, Cambridge, 1990, 258-296 et COLLINGS, Roger, « Literacy and the laity in early mediaeval Spain », in McKITTERICK (éd.), The Uses of Literacy, 109-133. Pour des raisons de forme, Atsma et Vezin se rejoignent sur le fait que l’oralité et l’écriture étaient, pour le moins, complémentaires. Ils ajoutent que, sur la totalité des documents qui ont dû être rédigés, assez rares sont ceux qui portent sur l’administration pratique des biens, contrairement à ce qui se passe pour ceux qui garantissent les droits de propriété. Un exemple de ce type de document concernant la gestion pratique : celui, célèbre, qui fut rédigé sur ordre de l’abbé Irminon de Saint- Germain des Prés en 820 et où l’on trouve un inventaire détaillé. Nous retrouvons des éléments comparables à l’époque de Cresconio, au début du XIème siècle, au monastère de Celanova, mais ce sont là quelques exceptions, qui ont réussi à parvenir jusqu’à nous. ATSMA, Hartmut et VEZIN, Jean, « Pouvoir par écrit : Les implications graphiques », in GASSE-GRANDJEAN, Marie-Jose et TOCK, Benoît Michel, (éds.), Les actes

comme expression du pouvoir au Haut Moyen Âge. Actes de la Table Ronde de Nancy, 26-27 novembre 1999,

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qu’il en soit, cette documentation a progressivement été publiée ou intégrée dans l’édition de diverses collections. Travail ardu, qui montre à quel point, aujourd’hui encore, il est difficile de consulter les sources directement, dans les fonds d’archives31

. Les éditions elles-mêmes (certaines plus que d’autres) font état dans leurs « introductions » des problèmes et des situations rencontrées pour la publication de ces collections documentaires.

Précisons aussi que les collections conservées dans les centres ecclésiastiques contiennent aussi, bien souvent, tout ou partie de fonds issus d’autres monastères ou églises qui ont été, au fil du temps, absorbés par des institutions plus importantes32.

Dès le début de ce travail de recherche les premiers obstacles se dressent, qui tiennent aux éditions elles-mêmes. Ils sont parfois surmontables, mais bien souvent il faut se résigner à les intégrer pour travailler dans les limites qu’ils imposent. Au cours de ces dernières décennies, en effet, on a non seulement poursuivi l’effort d’édition33

, mais encore repris ce qui avait déjà été publié, pour en corriger les nombreuses imprécisions et développer l’analyse des sources34.

31 Le même Roger Collins, au début des années 90, évoquait la difficulté qu’il y avait à consulter les sources,

étant donné que de nombreux fonds n’avaient pas été édités et se retrouvaient dispersés. COLLINS, « Literacy and the laity », 113.

32 Ce processus d’absorption est difficile à décrire et le cheminement documentaire assez enchevêtré, au cours

des Xème et XIème siècles, époque où de nombreux monastères se sont insérés dans un réseau de hiérarchies, certains pour survivre, d’autres parce qu’ils ont été pieusement offerts par des donateurs laïques qui les avaient fondés. Ainsi, les documents conservés dans le fonds de la cathédrale de León comportent-ils des informations sur de très nombreux centres ecclésiastiques aujourd’hui disparus, selon un processus qui a culminé au XIIème

siècle. Cf RUIZ ASENCIO, José Manuel, Colección diplomática del Archivo de la Catedral de León III, XIII.

33 Il reste encore beaucoup à faire, selon les périodes. Cf les opinions de FERNÁNDEZ de VIANA Y VIEITES,

José Ignacio, « Las fuentes documentales gallegas en la edad Media. Estado de su publicación », in Galicia en la

Edad Media. Actas del Coloquio de Santiago de Compostela-La Coruña-Pontevedra-Vigo-Betanzos, 1987,

Madrid, 1990, 1, où l’auteur affirme que 5% seulement de la documentation pour toute la période médiévale galicienne a été éditée. Voir aussi PORTELA SILVA, Ermelindo et PALLARES MÉNDEZ, María Carmen, « La investigación histórica sobre la Edad Media en Galicia », dans BERAMENDI, Justo G. (coord.), Galicia e a

Historiografía, Santiago de Compostela, 1993, 74 : ces auteurs nous rappellent que la rareté et la dispersión des

sources publiées continuent de handicaper les chercheurs. Dispersion que, dans le cas de la Galice, on peut observer dans la compilation des sources éditées menée par LÓPEZ SANGIL, José Luis, « Relación de fuentes documentales, publicadas o transcritas de la historia medieval gallega », Cátedra. Revista Eumesa de Estudios, 6 (1999), 39-66.

34 Ce n’est pas seulement que d’anciennes éditions soient reprises ; mais on peut aussi s’étonner de ce que

certaines collections documentaires fassent l’objet de publications successives et assez rapprochées dans le temps. C’est le cas entre autres de Otero de las Dueñas et des Tumbos de Celanova : Del SER QUIJANO, Gregorio, Colección diplomática de Santa María de Otero de las Dueñas (León) (854 – 1037) et FERNÁNDEZ FLÓREZ, José Antonio y HERRERO de la FUENTE, Marta, Colección documental del monasterio de Santa

María de Otero de las Dueñas, I (854 – 1108) ; SÁEZ, Emilio y Carlos, Colección diplomática del monasterio de Celanova, 842 – 1230 et ANDRADE CERNADAS, José Miguel, Estudio introductorio, edición e índices. O tombo de Celanova (s. IX – XII).

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ii. Difficultés rencontrées dans la gestion des éditions :

Nous avons travaillé sur des documents édités : cela, certes, nous a beaucoup facilité la tâche, mais il est difficile de ne pas buter sur certaines limites que l’on rencontre systématiquement et dont il faudra tenir compte lors de l’exploitation de la documentation. Dans l’idéal, il faudrait distinguer deux grandes catégories de problèmes : ceux qui sont intrinsèques à toute édition ; et ceux qui sont adventices et obéissent à des causes diverses – travail de l’éditeur, conditions de publication, relation entre temps et travail, objectifs, état des documents édités etc. Mais tous ces problèmes vont généralement de pair et, quoi qu’il en soit, il ne s’agit nullement ici de dédaigner les travaux réalisés jusqu’à nos jours et parfois depuis plus d’un siècle35.

Premier problème posé par l’édition diplomatique : le nombre élevé de critères mis en œuvre pour créer des ensembles documentaires. Les monastères, par exemple, ne disposent pas toujours d’archives, même celles qui seraient antérieures au désamortissement. Ils recueillent ainsi parfois celles d’autres institutions, dont les collections seront peut-être éditées séparément par la suite, ce qui donne lieu à certains chevauchements entre éditions qui obéissent à des critères différents et qui ne sont pas toujours des plus heureux36. Celui de l’autorité dont émane le document, par exemple, peut donner lieu à des recueils et compilations d’actes soi-disant royaux (simplement parce qu’ils enregistrent telle ou telle disposition royale). Cela donne une documentation finalement très disparate et une image bien parcellaire de l’activité documentaire sous un règne donné37. Ou encore le critère chronologique (rois asturo-léonais, léonais, navarrais38), régional39, thématique40. Beaucoup

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La critique des éditions est un exercice inhérent à l’activité de recherche et d’édition et, formulée avec mesure, est une marque de reconnaissance pour ses auteurs : SÁNCHEZ ALBORNOZ, Claudio, « Observaciones a la Historia de Castilla de Pérez de Úrbel », Cuadernos de Historia de España, 11 (1949), 139 – 152.

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SÁEZ, Emilio, Colección documental del archivo de la catedral de León (775-1230), I (775-952), SÁEZ, Emilio et Carlos, Colección documental del archivo de la catedral de León (775-1230), II (953-985) face à YÁÑEZ CIFUENTES, María del Pilar, El monasterio de Santiago de León. Estudio histórico documental, Fuentes y Estudios de Historia Leonsa (6), León, 1972.

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NÚÑEZ CONTRERAS, Luis, « Colección diplomática de Vermudo III, rey de León », Anuario de Estudios

Medievales, 4 (1977), 381-514 ou FERNÁNDEZ del POZO, José María, « Alfonso V rey de León. Estudio