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Le contrôle de la performance globale

Dans le document L'organisation hybride et son contrôle (Page 105-108)

Partie 3 - Nécessité d’un contrôle spécifique de l’Organisation Hybride

2 Le contrôle de l’organisation en situation d’hybridité majeure

2.2 Le contrôle de la performance globale

Il existe un rapport naturel entre les notions d’hybridité et de performance globale (PG). En effet la coexistence au sein du même Groupe de structures s’inspirant de principes d’agencement différents, la présence de parties prenantes aux intérêts divergents, le mélange de systèmes de valeurs à la compatibilité incertaine et pour couronner le tout la pression constante d’un contexte perturbateur de logiques internes, toutes ces caractéristiques de la dynamique d’hybridation ne peuvent se résumer à la poursuite d’un objectif unique qui serait le profit.

Le débat sur la performance globale, tel qu’il se présente aujourd’hui, est le produit d’une complexification croissante de la problématique le concernant. Sans trop schématiser on peut résumer cette évolution en trois phases. La première a pris naissance dans la sphère financière avec deux questions de base : quel résultat ? Profit, création de valeur, accroissement des fonds propres… ? Et pour qui ? Actionnaires, parties prenantes… Ces questions introduisaient déjà l’idée de performances multiples, mais les problèmes posés étaient alors assez bien maîtrisés par les systèmes comptables traditionnels. La seconde phase a découlé d’une controverse sur la possible réalisation concomitante de performances de nature différente : financières, économiques et sociales. Cette interrogation en partie d’origine politique a poussé les théoriciens à tenter de définir une vision holiste de l’organisation. Enfin, la troisième phase a été le désir d’intégration de performances environnementales dans la logique de cette vision holiste de l’organisation, sous la pression d’une écologie de plus en plus prégnante et alarmiste sur l’avenir de la planète. Les efforts pour mettre au point une comptabilité environnementale ont alors mobilisé beaucoup d’énergie ; la tâche des 123A cet égard, on peut penser à des entreprises comme celle du charismatique dirigeant Jean-Marc Borello, créateur du Groupe SOS (plus de 11000 salariés) dont R. Soubie disait de lui : « Il a construit un modèle hybride, qui connaît une croissance extraordinaire. Il a un parcours

impressionnant ».

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chercheurs et praticiens s’en est trouvée fortement complexifiée à tel point que pour certains la mesure d’une performance globale relèverait aujourd’hui de la mythologie124. Sans aller jusque-là il faut bien reconnaître que : « … les connaissances théoriques intégrant les aspects sociétaux demeurent

encore largement insuffisantes »(Germain & Trébucq, 2004).

L’idée de performance globale pose donc un immense problème mettant en jeu la conception même que l’on a de l’organisation, et notamment celle d’une vision contractuelle ou institutionnelle. Il paraît hors de propos d’aborder ici ce débat dans toutes ses dimensions125. Par contre, je souhaite présenter une facette particulière de la performance globale quand elle est relative à l’organisation en situation d’hybridité majeure et poser la question des conditions de son contrôle dans ce cadre particulier. En partant de l’hypothèse généralement admise que la mise en évidence de la performance globale d’une organisation relève d‘une vision holiste de cette dernière ; les travaux et pratiques se concentrent sur le choix de méthodes d’évaluations quantitatives et/ou qualitatives de mesure, et sur celui d’indicateurs mixant les mesures de variables financières, économiques, sociales et environnementales126. Ces choix présentent d’importantes difficultés comme cela a déjà été souligné, notamment concernant l’intégration des différentes composantes de la performance. Aussi j’ai choisi une autre voie, en cohérence avec la vision institutionnelle qui a marqué mes réflexions, et fondée sur l’essai de vision holiste de l’organisation qui a été précédemment proposé. C’est donc sur cette base que j’esquisserai mon idée de ce que pourrait signifier la recherche d’une performance globale pour l’organisation à hybridité majeure. Je la définirai comme « la recherche d’un équilibre entre les

principales tensions de logiques parcourant l’organisation ». Dès lors j’identifierai la PG de

l’organisation au maintien de tensions dynamiques et à la capacité d’en extraire les effets positifs (dont l’hétérosis). Notons qu’une telle définition n’est pas en contradiction avec l’idée de compatibiliser résultats financiers, économiques, sociaux et environnementaux, elle se situe seulement en amont car ce sont ces tensions qui génèrent ces résultats. Autrement dit plutôt que de tenter de définir la performance globale de l’organisation hybride, je m’efforce de préciser les conditions permettant de la réaliser.

L’idée du contrôle de la PG qui serait réduite à l’obtention, d’un seul chiffre la résumant reste utopique. Par contre, l’établissement d’une situation évolutive des conditions permettant la réalisation d’une PG me semble possible grâce à une représentation synthétique datée d’estimations des équilibres réalisés.

Cette représentation peut être construite à l’aide de quatre évaluations des arbitrages réalisés sur chacun des quatre axes de tensions, choisis rappelons-le, pour figurer les quatre types de logique de pensée et d’action principaux transversaux à l’OH en situation d’hybridité majeure (cf. figure 16).

● Premier axe : positionnement d’intensité, hybridité majeure vs hybridité de gestion, pour indiquer où l’organisation en est de sa capacité à faire coexister des systèmes de valeurs différents. Ces derniers concernant tant les systèmes généraux de référence (capitalisme, coopérativisme, fédéralisme) que des systèmes communautaires (nationalités, ethnies,

124 « Finalement, certains auteurs se demandent si « la PG ne serait pas un mythe (Capron & Quairel, 2006; Chauvey, Naro, &

Seignour, 2015) utopique, car impossible à réaliser tant il semble complexe d’intégrer véritablement les performances entre elles pour concevoir une PG réelle » écrivent A. Rambaud et J Richard (2016).

125 On aura une idée de l’ampleur du débat en consultant les 6ème Etats Généraux de le Recherche Comptable 12 décembre 2016 www.anc.gouv.fr et en particulier (Escraffre & Kuszla, 2016; Rambaud & Richard, 2016).

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communautés épistémiques…) ou encore des systèmes managériaux (différentes cultures d’entreprises des entités composantes de l’organisation).

● Deuxième axe : positionnement d’ambidextrie visant à évaluer la capacité de l’organisation à réaliser une symbiose entre les logiques d’exploitation et d’exploration

● Troisième axe : positionnement de mimétisme, conformisme vs singularité, ayant pour finalité de montrer l’aptitude de l’organisation à se différencier tout en ne s’éloignant pas trop des standards de la profession.

● Quatrième axe : positionnement communicationnel montrant à quel niveau se trouve l’organisation par rapport à la position choisie entre le dire et le faire127.

Bien entendu, la difficulté d’évaluation de ces quatre positionnements ne tient en aucun cas à la recherche des chiffres précis ce qui aurait peu de sens128. Outre le fait que ces quatre points feront l’objet de recherches futures, ajoutons que les solutions d’évaluations sont à rechercher plus du côté des méthodologies de diagnostics organisationnels et d’évaluations qualitatives129, que du côté d’évaluations comptables. Ces méthodologies sont par exemple développées par les analystes extra-financiers dans le cadre de leur travail de notation extra-financière des entreprises pour la constitution des fonds d’investissement socialement responsables (document 36). La tâche sera certainement facilitée par la mise en place de sous-systèmes d’informations ad hoc, intégrés au système général d’information de l’organisation et fournissant des informations triées en vue des évaluations des positions d’équilibre. Il y a là tout un domaine de recherche qu’on retrouve dans d’autres disciplines dont on peut s’inspirer (par exemple la physique), domaine concernant la mesure des tensions et des différences de potentiels.

Ajoutons que quelles que soient les méthodes choisies les indicateurs retenus doivent être stables pour que les comparaisons dans le temps aient un sens. Par ailleurs, la qualité de ces évaluations sera appréciée non pas en fonction d’évaluations optimales, difficiles à concevoir, mais en fonction d’objectifs fixés pour une période de temps donné. En d’autres termes, la phase des diagnostics de positionnements devra se conclure par une série de recommandations destinées à corriger les équilibres réalisés au moment de l’évaluation de la performance globale.

Enfin, l’évolution d’année en année de ces évaluations pourra être complétée d’une série d’éclairages particuliers, selon les besoins de l’organisation, tirés du suivi de combinaisons binaires entre les 8 variables au sommet des quatre axes de tensions. Par exemple, on pourra vouloir approfondir les relations pouvant exister entre « hybridité majeure » et « exploration », entre « singularité et « Exploitation » ou encore de combinaisons binaires entre deux axes. Ainsi il peut être intéressant d’approfondir la signification des espaces définis par l’axe « Le Dire-Le Faire » et par l’axe « Conformisme-Singularité ».

Poursuivons à présent avec les deux autres aspects que j’ai choisis de privilégier dans la gouvernance de l’OH et dans son contrôle : le contrôle processuel et le contrôle d’identité. En effet, le contrôle d’une

127 Dans un premier temps j’avais été tentée de parler de cohérence communicationnelle en considérant que suivre l’adage bien connu « dire ce que l’on fait et faire ce que l’on dit » exprimait une position idéale. Mais, comme cela sera précisé plus bas dans le paragraphe concernant l’identité organisationnelle, j’ai été, en partie au moins, convaincue de l’intérêt de la « polyphonie communicationnelle » (Christensen et al., 2015).

128 Mais, comme le rappelle S. Trébucq (2011) « le fait qu’il faille mesurer pour gérer n’enlève rien à la pertinence de ce que

l’on ne peut mesurer ». Par ailleurs, la pertinence de ce qu’on ne peut mesurer reste néanmoins évaluable et analysable , par

exemple en matière culturelle (Henri, 2006).

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performance globale implique non seulement de la définir comme je me suis efforcée de le faire, mais suppose aussi un autre type de contrôle qualifié de processuel.

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