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Dérogation, par le procès, au principe de légalisme en droit pénal

B. Méthodes de la recherche

IV. Dérogation, par le procès, au principe de légalisme en droit pénal

I. Contextualisation du phénomène national-socialiste 1. Antécédents du phénomène national-socialiste

Les avocats de la défense décèlent dans l’histoire de la modernité européenne trois antécédents de l’entreprise national-socialiste: l’idéologie raciste, les pratiques coloniales, la Première guerre mondiale. Ce point de vue tend à présenter l’émergence du national- socialisme non pas comme une rupture anomique dans le développement évolutif du vieux continent, mais bien au contraire, comme un aboutissement de développements accumulés au fil des derniers siècles, comme un couronnement logique de tendances néfastes, propres à l’Etat européen moderne.

a) L’idéologie raciste

L’avocat du barreau d’Alger, Bouaïta, fait état de prémisses racistes dans les bases intellectuelles de la modernité européenne. Ainsi affirme-t-il:

"La philosophie du siècle des Lumières elle-même a jeté dans l’ombre la souffrance noire. A l’époque des rêveries du promeneur solitaire, à l’époque des professions de foi du vicaire solitaire, de l’esprit des lois, j’accuse Montesquieu et Voltaire d’avoir ignorer l’esclavage."181

S’appuyant sur deux articles du "Code noir", rédigé sous commande du ministre Colbert:

"Art. 12. - Les enfants qui naîtront de mariage entre esclaves seront esclaves et appartiendront aux maîtres des femmes esclaves.

Art. 44. - Déclarons les esclaves être meubles(…)",

l’avocat de conclure:

"A l’époque personne ne doutait de l’infériorité naturelle de la race noire, si race il y a, et les bons sauvages de Rousseau avaient tous la peau rose bonbon".182

Vergès cite, de son côté, comme source précurseur de l’idéologie raciste, une phrase de Jules Ferry (ce dernier désigné comme "apôtre de la colonisation"), en date de 1885: "Il faut le dire ouvertement, les races supérieures ont un droit vis-à-vis des races inférieures."183

b) Les pratiques coloniales

Ce n’est pas qu’une idéologie, prise en tant que telle, donc abstraite et virtuelle, que les avocats s’emploient à dégager, ils s’arrêtent plus longuement sur les pratiques coloniales, exercées, croient-ils, en pleine conformité avec cette doctrine colonisatrice. Après avoir dressé, devant le prétoire, une description de certaines pratiques coloniales inhumaines, qui se seraient produites au Congo pendant les années 30, le représentant congolais de la défense M. Mbemba lance l’hypothèse que le jeune mouvement national-socialiste pourrait s’être inspiré des pratiques coloniales à base raciste:

"Pensez-vous que ce qui s’est passé au Congo quelque deux, trois ans avant l’arrivée du nazisme, ce traitement des gens comme des bêtes (…) n’ait pas pu - je ne sais pas à quel degré - espérer, si j’ose dire, triompher en Allemagne dans l’année 1933?

(…) Est-ce que ceux qui ont appliqué certaines méthodes coloniales n’ont pas leur part de responsabilité dans la formation de l’idéologie nazie? Est-ce que vous pensez que toutes les pratiques nazies sont totalement différentes des pratiques coloniales?"184

La même hypothèse, avec plus de certitude, parce que s’appuyant sur une citation de Hitler, est avancée par Vergès:

"Nous pouvons donc dire que ce n’est pas l’antisémitisme d’Hitler qui est à l’origine des crimes contre l’humanité commis par l’Allemagne, mais sa volonté de coloniser les Slaves car cette colonisation, il la voit à travers les expériences raciales des puissances occidentales. Quand on cite Hitler il faut le citer en entier, même quand il nous renvoie notre propre image. Hitler dit: "Les territoires de la Russie seront pour nous ce que l’Inde est pour l’Angleterre. (…) Le colon vivra dans une ferme jolie et spacieuse, les services allemands seront logés dans de merveilleux bâtiments, les gouverneurs dans des palais.

(…) Nous n’avons qu’un seul devoir: germaniser le pays par l’émigration allemande et considérer les indigènes comme des Peaux - Rouges."185

En plus des expériences coloniales des grandes puissances occidentales, Vergès porte l’attention aussi sur les expériences coloniales propres de l’Allemagne, comme source d’inspiration possible du mouvement national-socialiste. Ainsi poursuit-il plus loin:

"N’oublions jamais que Göring est le fils d’un ancien gouverneur du Sud-Ouest africain allemand, aujourd’hui la Namibie, où les colons allemands opérèrent un véritable génocide de la population indigène par l’empoisonnement des points d’eau, un génocide dont les grandes consciences ne parlent pas parce qu’il ne s’agit que de Noirs, et contre lequel ne s’éleva aucune Ligue des droits de l’homme."186

Dans le même sens s’inscrivent deux citations, plus radicales encore, de l’auteur africain, représentant notoire du mouvement de décolonisation, Aimé Césaire. Dans ces citations, apportées l’une par le Congolais Mbemba, l’autre par J.Vergès, l’auteur conclut à une identité de nature entre les pratiques inhumaines coloniales et celles nazies:

"Lorsque Hitler a vociféré pour la première fois ses abominations sur la race supérieure, les peuples d’Europe ont pu être étonnés. Nous autres, peuples coloniaux, nous l’avons été fort peu, car nous avions déjà entendu ce langage-là, non par la bouche d’Hitler, mais de la bouche de nos maîtres, de celle des grands colonisateurs.

(…) peut-être la grande originalité d’Hitler a-t-elle été simplement d’appliquer aux peuples européens les méthodes coloniales que l’Europe avait jusqu’ici, sans sorcier, appliqué pour son plus grand profit, aux nations non européennes."187

"Ce que le bourgeois humaniste ne pardonne pas à Hitler, ce n’est pas l’humiliation de l’homme en soi, c’est le crime contre l’homme blanc, c’est l’humiliation de l’homme blanc, et d’avoir appliqué à l’Europe des procédés dont ne relevaient jusqu’alors que les Arabes d’Algérie, les coolies de l’Inde et les nègres d’Afrique."188

c) La Première guerre mondiale

Selon l’avis de Vergès le pouvoir national-socialiste n’a pas ajouté beaucoup d’original en ce qui concerne l’élément-clé de son entreprise, à savoir la guerre d'invasion. Le phénomène de l’industrialisation de la guerre est observable déjà lors du premier conflit mondial.

"Barbie est né, il y a 74 ans - entame son avocat - à la veille de la Première guerre mondiale, cette première grande tentative de suicide de l’Europe, tentative à demi réussie du reste car de ce moment, l’histoire du monde ne se confond plus abusivement avec celle du vieux continent."189

Vu que l’épisode de la Résistance française anti nazie, respectivement l’écrasement de cette Résistance par les services de Barbie, est au cœur des débats au prétoire, l’avocat fait allusion au caractère routinier (parce qu’inhérent à tout occupant militaire) de la répression de la résistance:

"Barbie avait dix ans quand, le 26 mai 1923, Albert Leo Schlageter, ancien des corps francs de la Baltique et de Silésie, fut mis à mort par les troupes d’occupation françaises, pour crime de résistance." (c'est moi qui souligne).190

Se référant à la généalogie de la notion de crime contre l'humanité, Vergès suggère que la Deuxième guerre mondiale, loin d'être un événement incommensurable, s'inscrit bien dans une lignée européenne de l'histoire des conflits armés:

"Cette notion de crime contre l'humanité ne date pas des camps de concentration hitlériens, aussi récente qu'elle paraisse. Durant l'été 1789, par ex., la prise de la Bastille abaissa l'autorité du trône mais entraîna aussi la mise à mort, dans des conditions affreuses, d'un certain nombre de ses principaux serviteurs. Antoine de Rivarol écrivait: "Ce crime contre la royauté a été suivi d'attentats sans nombre contre l'humanité."

(…) Cent vingt ans passent, la France oublie Rivarol. Avec l'Europe entière elle change de civilisation et se précipite dans l'aventure industrielle. Au rythme de la production moderne, la guerre aussi devient une industrie. Lorsqu'elle éclate en 1914, ses ravages prennent de telles dimensions qu'en Russie, le jour même où il prend le pouvoir, Lénine lance son fameux décret sur la paix du 26 novembre 1917 et dit: "Le gouvernement estime que continuer la guerre serait commettre le plus grand crime contre l'humanité."

Rivarol et Lénine marchent rarement de concert. L'identité de leur formule mérite donc de retenir spécialement l'attention. Lorsqu'ils veulent exprimer l'horreur la plus complète, le même terme de crime contre l'humanité leur vient spontanément à l'esprit, en 1789 comme en 1917. Il ne s'agit pas d'une notion nouvelle, apparue seulement vers 1945 devant les charniers du Troisième Reich."191

2. Elargissement de la responsabilité pour l'émergence du national-socialisme sur tous les protagonistes de la scène politique européenne de l'époque. L'Europe politique des années 30 - climat propice au nazisme

Vergès appréhende le processus de l'avènement, sur la scène politique allemande, du mouvement national-socialiste, la prise et la stabilisation du pouvoir en ses mains, non pas comme une affaire isolée spécifiquement allemande, mais comme un processus européen commun, dans lequel la complicité de l'entier establishment européen est engagée. Par erreur d'appréciation ou par défaut de réaction adéquate, les représentants de l'Europe politique assistent, selon Vergès, l'accouchement et l'élargissement progressif du jeune mouvement turbulent. Vergès produit, parmi d'autres, l'exemple éloquent d'aveuglement d'une figure symbolique de la gauche européenne:

"(…) tant de beaux esprits se sont trompés, et pas seulement en Allemagne (…), en France même. Dans le conflit qui, dès la fin de 1932 oppose Hitler et les siens aux représentants de l'Allemagne traditionnelle, c'est pour Hitler que penche Léon Blum, ce grand timonier de notre socialisme démocratique. N'écrit-il pas, dans "Le Populaire" en date du 9 novembre 1932, écoutez ce que dit Blum: "Hitler symbolise un esprit de changement, de rénovation, de révolution et confusément, à côté de certaines traditions nationales de la vielle Allemagne, tous les instincts contradictoires, toutes les angoisses, toutes les misères, toutes les révoltes de l'Allemagne nouvelle."

(…) Et Léon Blum poursuit: "C'est contre cette virtualité mystérieuse et formidable que les hommes de l'Allemagne impériale, appuyés sur la Reichswehr, opposent aujourd'hui leurs barricades."

Vous avez bien entendu: devant le nazisme c'est le pouvoir légal qui est accusé de dresser des barricades.

Et Léon Blum conclut par ce souhait: "En ferai-je l'aveu? Si je me plaçais sur le plan du "devenir" la victoire de von Schleicher me paraît encore bien plus décevante, encore plus désolante que celle d'Hitler."192

La complicité, voire la responsabilité partagée, des dirigeants des vielles démocraties européennes ne se limitent pas, selon l'avis de Vergès, à des envolés lyriques et à des écrits inoffensifs. Ils collaborent avec le nouveau maître au désamorçage de la Tchécoslovaquie:

"En 1938, reniant la signature de la France et de l'Angleterre au bas des traités, les dirigeants conservateurs de Londres et ceux de Paris, issus d'un parlement du Front populaire, abandonnent à Hitler un morceau d'un pays allié, la Tchécoslovaquie."193

En ce qui concerne la question épineuse du crime anti-juif, Vergès partage la conception dite fonctionnaliste sur l'Holocauste, selon laquelle l'idéologie raciste et antisémite ne conduit pas inévitablement aux fours crématoires. S'ensuivent immédiatement la discrimination raciale et les poursuites des Juifs, certes, mais le seuil de la violence exterminatrice n'est franchi qu'avec la radicalisation de la spirale de la violence militaire, notamment avec la guerre à l'Est. Le génocide des Juifs est, selon cette vision, tributaire en premier lieu non pas de l'inspiration raciste, mais de la généralisation de la violence.

Pendant la première phase de la persécution des Juifs, la phase précédant l'extermination, les "mesures" anti-juives du gouvernement nazi n'éveillent pas de protestations, suggère Vergès, mais plutôt de la compréhension auprès des dirigeants des grandes puissances. La période du gouvernement nazi avant le déclenchement de la guerre témoignerait, d'un côté, de la fréquentabilité des autorités nazies en Europe, et d'un autre côté, d'un antisémitisme, voire plus généralement d'un racisme partagé:

"Jusqu'à la guerre à l'Est la "solution finale" de la question juive passe incontestablement par l'émigration. (…) C'est ainsi qu'en janvier 1939 des pourparlers sont engagés par les autorités allemandes représentées par Schacht, président de la Reichsbank (...), à une conférence internationale sur le problème de l'émigration juive, Schacht acquitté par le Tribunal militaire inter-allié à Nuremberg, y a négocié l'émigration juive en 1939.

(…) En février 1939 (…) Alfred Rosenberg condamné à Nuremberg, l'un des principaux théoriciens du national-socialisme, l'auteur du "Mythe du XX-ème siècle", insiste devant des diplomates et des journalistes

sur la création d'une colonie juive à Madagascar, avec l'accord du gouvernement français, pas celui de Vichy, celui de la Troisième république, celui du Front populaire. Une note spéciale annexée à ce projet envisage même la création d'une banque pour financer, avec les Juifs, l'installation à Madagascar et servir d'intermédiaire spécial entre les Juifs de l'île et le monde extérieur, la place des Malgaches demeurant évidemment la même, celle des sous-sous-hommes."194

Finalement, en ce qui concerne la France, la défense aboutit à la conclusion que "l'effondrement de ses troupes en 1940, son désarroi, la collaboration de la majeure partie de ses élites et de ses dirigeants la rendent participante aux actes de l'accusé"195.

3. Contextualisation de l'Etat totalitaire national-socialiste dans le continuum de l'Etat national européen

Contrairement à la vision unanime de l'accusation et des parties civiles concernant la nature de l'Etat national-socialiste comme un Etat totalitaire aux structures administratives empreintes et dominées par les services proprement nazis (les SS), ainsi que par l'idéologie nazie, et qui se situe au pôle opposé du type d'Etat prédominant en Europe - l'Etat démocratique et libéral -, Vergès suggère systématiquement la thèse opposée: notamment qu'il n'y a pas de fossé infranchissable, séparant l'Etat totalitaire national-socialiste du modèle d'Etat national européen.

a) L'état de guerre

L'état de guerre représentant un état d'exception pour le fonctionnement normal des structures étatiques, connu à tous les Etats, Vergès s'applique à observer l'Etat national- socialiste sous l'angle de cette situation de crise, en dressant des analogies avec le type d'Etat

national européen, se trouvant dans la même situation. Ainsi, les activités de la police

allemande dans les territoires occupés, qui sont notamment retenus à charge contre Barbie, n'échappent pas, selon Vergès, à la comparaison avec ce genre d'activités de répression dans le cas type d'une police dans un territoire occupé.

A l'égard de la rafle opérée par la police allemande de Lyon dans le siège de l'UGIF (Union générale des Israélites de France) Vergès, se référant à un bulletin de nouvelles de l'armée allemande, éclaire l'opportunité de l'opération policière par analogie:

"Or, d'après ce document, versé par M. Klarsfeld, il apparaît que cette opération, menée dans le cadre de l'UGIF ce jour-là, entrait dans un cadre beaucoup plus général, celui - nous sommes à Lyon - du passage

illégal de la frontière suisse par les Juifs étrangers en situation irrégulière que les accords franco-allemands, hélas!, livraient à l'Allemagne. C'étaient des nouvelles sur les activités des réseaux d'évasion vers la Suisse pour les déserteurs de l'armée allemande, c'étaient des activités visant les services de renseignement étrangers et même polonais, de Londres, c'était la détection des messages radio.

(…)Toutes ces activités de démantèlement de services de renseignement, de passage illégal de la frontière, de commerce ou fabrication ou usage de faux documents relevaient incontestablement de la police allemande. Il n'était pas besoin, à cette police, d'être nazie pour (c'est moi qui souligne) arrêter des gens qui avaient de faux papiers. Tous les jours on arrête des gens qui ont de faux papiers en France, et les policiers qui font ce travail ne sont pas des nazis, sauf dans certaines polémiques."196

S'agissant de la relation armée - police allemande, à la thèse du Ministère public portant sur la domination des structures spécifiquement nazies (les SS, y compris la police, donc les structures relevant de la RSHA - Reichssicherheithauptamt) sur le reste des organes étatiques, Vergès oppose l'affirmation que c'est l'armée allemande, la Wehrmacht, qui emporte le pas dans les disputes institutionnelles.

Cette thèse accrédite effectivement la vision selon laquelle le module explicatif de l'entreprise national-socialiste consiste dans l'état de guerre et non pas dans l'Etat totalitaire. Selon cette version, ce n'est pas la spécificité macabre, la barbarie nazie, l'unicité absolue et l'incommensurabilité, le tranchement absolu avec le reste du continent (avec "le monde civilisé"), qui est à l'origine du Mal, mais c'est la banalité, la répétitivité du phénomène de la guerre, tristement ancré dans l'histoire du vieux continent, et du monde.

Pour appuyer cette thèse capitale pour la défense, Vergès porte une attention accrue, durant toutes ses interventions, sur la relation police allemande - armée allemande.

"Un historien - entame Vergès - est venu ici parler de la police allemande, des SS. (…) Il vous a parlé de la situation de l'Allemagne en disant que dans l'administration allemande, au fur et à mesure, les SS envahissaient tout l'appareil de l'Etat. Il a oublié de dire que cela se passait ainsi en Allemagne, mais pas en France. Voyez-vous en France 2000 ou 2500 SS envahissant tous les secteurs de l'administration? Ce n'est pas possible.

(…) Le régime qui sévissait était celui appliqué à un pays soumis à une occupation militaire (c'est moi qui souligne). Ce n'est pas difficile de comprendre. Quand on parle d'occupation militaire, de centaines de milliers d'hommes, c'est leur chef qui contrôle la situation, ce n'est pas un policier allemand ou un officier des services de renseignement. Il est facile de faire une analogie avec d'autres pays, mutatis mutandis.

Pendant la guerre d'Algérie il est bien évident que les liens entre l'administration civile et l'armée n'étaient pas les mêmes qu'en France. L'armée avait le pas sur l'administration civile.

Sans porter de jugement sur la situation ici ou là, il est évident que lorsque l'armée américaine est à tel endroit, les règles qui s'appliquent pour la conduite de la guerre au Vietnam, par ex., n'impliquent pas un contrôle du pouvoir civil, comme aux Etats-Unis."197

La répression de la Résistance, exercée par la police, servirait finalement les objectifs de l'armée, et c'est cette dernière qui établirait les règles:

"Ce décret Nacht und Nebel est de 1941(…), toutes les déportations se font selon les règles édictées par le statut de Nacht und Nebel.

(…) Quand quelqu'un est arrêté, c'est effectivement ce qui arrive, il est arrêté par la police, certes, interrogé par la police, certes, mais ensuite envoyé à la prison de Montluc qui dépend de la Wehrmacht, envoyé à Paris, au camp de Compiègne, dans des trains qui dépendent de la Wehrmacht. L'ordre Nuit et Brouillard n'est pas signé SS Reichsführer Himmler, il est signé le maréchal - chef de l'Oberkommando de la Wehrmacht Keitel, c'est un ordre de l'armée, et c'est l'armée qui l'exécute.

Il n'y a pas entre l'armée et la SS cet hiatus, ce fossé qu'on vous a décrit."198

Poussant la comparaison armée - police jusqu'au point le plus sensible: la politique anti-juive, Vergès croit pouvoir démontrer que parfois le zèle de l'armée dépasse à cet endroit l'empressement des SS. De sorte, il fait fondre la responsabilité des organes spécialisés du Reich dans une responsabilité généralisée de l'armée:

"L'on nous dit aussi, lettre de Stülpnagel199 à de Brinon200, réclamant l'imposition de mesures anti- juives très sévères: étoile jaune, interdiction d'accès dans les cinémas, théâtres; couvre-feu de 22 à 7 h. Ce n'est pas une directive d'Oberg201, c'est une directive de Stülpnagel.

(…) Voilà, dans ce domaine nous voyons l'armée allemande plus intransigeante que la SS, nous voyons l'ambassade d'Allemagne plus intransigeante que la SS."202

b) La légalité de l'Etat national-socialiste, et de l'activité de Barbie

Vergès réfute la thèse du procureur général niant les fondements légaux du système national-socialiste, en général, et ceux de l'activité propre de Barbie, en particulier. Vergès s'en tient à une conception formaliste de la légalité, qui se refuse à appréhender le contenu des