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1.1 Contexte sociopolitique de la RAC au Québec

Le début du 21e siècle est perçu comme permettant une démocratisation des savoirs dans la société et la diversification des lieux d’apprentissage, faisant de la reconnaissance officielle des compétences un des principaux piliers de la formation continue et du développement des compétences sur le marché du travail (CSE, 2000). La RAC s’inscrit dans des changements divers des réalités sur le marché du travail, notamment l’avancement des technologies d’information et de communication, dont les réseaux sociaux, l’automatisation des industries et un rapport au travail en évolution. Le travail devient un milieu de développement des compétences et d’apprentissage tout au long de la vie pour les adultes (Gouvernement du Québec 2002a). La Politique gouvernementale d’éducation des adultes et de formation continue présente les orientations que l’État souhaitait prendre à l’époque pour accroitre l’adaptabilité des travailleurs et travailleuses

aux nombreuses transformations du monde de l’emploi. En fait, la RAC y est reconnue comme un moyen pertinent pour élever les qualifications de la population québécoise dans une vision de formation continue. Bien qu’il existe d’autres documents sur des politiques publiques plus récentes traitant de RAC, c’est cette politique qui a fait de la RAC une orientation prioritaire pour l’État et qui marque un investissement grandissant dans son développement dans tous les ordres d’enseignement au Québec (Bélisle et Fernandez, 2018).

Assorti à cette politique, le Plan d’action en matière d’éducation des adultes et de formation continue présente l’objectif global de l’État en matière de reconnaissance des acquis et compétences : « Mettre en place un ensemble diversifié de moyens structurants pour assurer l’accès à des services de reconnaissance des acquis et compétences dans chaque région du Québec

» (Gouvernement du Québec, 2002b, p. 26). Le plan d’action propose huit mesures pour soutenir la croissance de la RAC au Québec. Ces mesures couvrent l’ensemble des dispositifs de RAC officielle québécoise se faisant dans les établissements d’enseignement pour l’admission, l’obtention de crédits ou d’un diplôme. On y trouve également des mesures concernant les comités sectoriels de main-d’œuvre et les ordres professionnels. Cette mesure soutient l’élaboration d’un mécanisme de collaboration école-industrie. Compte tenu que chaque ordre d’enseignement a des dispositifs différents de RAC, que le développement de l’instrumentation s’y est fait un peu plus rapidement en formation professionnelle (Bélisle, Gosselin et Michaud, 2010) et que les données statistiques sur la RAC en FP ont été publiées pendant une dizaine d’années, entre 2006-2015, alors que ce n’est pas le cas des autres dispositifs, cet essai s’intéresse plus précisément à la RAC en formation professionnelle.

1.2 Évolution de la RAC en formation professionnelle

En considérant que la formation professionnelle répond à des besoins importants du marché du travail québécois et que l’État s’est engagé depuis plusieurs années à la valoriser et en faire un maillon fort de la formation de la main-d’œuvre québécoise (MELS, 2018), il est pertinent d’explorer comment ce type de formation fait place à la RAC. Les efforts pour favoriser le déploiement de la RAC en formation professionnelle se sont multipliés depuis l’adoption de la politique et du plan d’action mentionnés plus haut. En effet, l’État québécois a conçu des documents de soutien pour accompagner les milieux scolaires dans le développement d’une approche structurée, claire et harmonisée de la RAC (MELS, 2005; MELS et MESRS, 2014). La RAC en FP se fait dans une démarche type en six ou sept étapes (CERAC-FP, 2020), introduite dès 2002 au Québec.

Ainsi, on constate qu’entre 2006 et 2015, le nombre d’inscriptions en RAC dans un programme de formation professionnelle a plus que triplé et que le nombre de centres de services scolaires1 (CSS) offrant ce type de service est progressivement en augmentation (MEES, 2015).

Selon le rapport statistique du MEES sur la RAC en formation professionnelle pour la période

1 L’adoption du Projet de loi 40, en février 2020, modifie le mode de gouvernance des commissions scolaires (CS) qui continuent, par ailleurs, à donner les mêmes services. Les CS anglophones maintiennent cette appellation et certains éléments de gouvernance, alors que celles francophones sont désignées, à partir du 15 juin 2020, comme des centres de services scolaires. Dans cet essai, lorsqu’un document est signé par une commission scolaire, nous maintenons ce terme. En d’autres cas, le terme centre de services scolaire (CSS) est celui utilisé pour cet essai.

2014-20152, il y a eu 6 702 inscriptions en RAC dans l’ensemble du Québec. Aussi, les données du MEES montrent qu’il y a 102 établissements pouvant faire de la RAC en formation professionnelle, mais que seulement 71 d’entre eux offrent le service (MEES, 2015). Parmi les 71 organismes offrant le service de RAC (centres de services scolaires, commissions scolaires et organismes privés), 28 centres de services scolaires représentent 85 % de l’ensemble des personnes inscrites en RAC en formation professionnelle pour la période 2014-2015.

Comme mentionné plus haut, le Plan d’action en matière d’éducation des adultes et de formation continue soutient l’élaboration d’un mécanisme de collaboration école-industrie, notamment pour la RAC en formation professionnelle (Gouvernement du Québec, 2002b). Le rapport statistique du MEES ne fait aucune référence à cette mesure du plan d’action. De plus, lors d’une étude sur les avancées des huit mesures en RAC de 2002, celle-ci est passée sous silence sur les sites web consultés et dans le propos d’acteurs clés (Bélisle et al., 2010). L’arrivée des centres d’expertise en RAC (CERAC)3, en 2016, semble correspondre à un nouvel intérêt pour la collaboration école-industrie en RAC.

2 Au moment de la rédaction de cet essai, il n’y a pas d'autre document statistique plus récent.

3 Il existe cinq CERAC en FP au Québec dont la mission est de soutenir le déploiement de la RAC dans les CSS partout au Québec (Gouvernement du Québec, 2018). Les CERAC se partagent des dossiers. Le CERAC de la Beauce-Etchemin est responsable de développer de la documentation et de la formation sur la RAC en collaboration avec les entreprises.

1.3 RAC en formation professionnelle en collaboration avec les entreprises

Récemment, les CERAC ont accentué le soutien aux CSS pour une présence accrue de la RAC en entreprise, notamment par un mécanisme permettant aux travailleuses et travailleurs d’expérience d’une même entreprise de faire reconnaître leurs acquis et de recevoir un accompagnement individualisé pour acquérir l’ensemble des compétences d’un programme menant à un diplôme reconnu par l’État. La possibilité de faire une démarche complète de RAC dans une entreprise relève d’un processus de collaboration faisant généralement appel au responsable de la RAC et au service aux entreprises (SAE) d’un même CSS et d’une personne dans l’entreprise, comme le directeur de celle-ci (CERAC Beauce-Etchemin, 2019). Les acteurs impliqués dans la RAC en entreprise n’ont pas nécessairement les mêmes buts, mais ils peuvent trouver entente sur des objectifs communs. Le processus peut s’avérer complexe compte tenu de la diversité des personnes impliquées et des changements dans l’entreprise. Par exemple, la collaboration en RAC en entreprise pourrait prendre fin en raison de la fermeture de l’usine ou d’un changement de personne à sa direction. Les candidats peuvent tout de même poursuivre avec le CSS leur démarche de RAC. Cette diversité des personnes et des buts pourrait expliquer qu’un CSS n’est en mesure d’établir que quelques ententes de collaboration de ce genre par année et que, outre des professionnels de l’éducation travaillant à la RAC ou aux services aux entreprises des centres de services scolaires, on entend peu parler de cette possibilité de collaboration (CERAC Beauce-Etchemin, 2019).

Néanmoins, une recherche documentaire sur la RAC dans le secteur minier québécois montre que la RAC en entreprise est bien présente dans ce domaine. On y mentionne que dans un

centre de services scolaire, ce serait 25 % des candidats à la RAC qui participeraient à la démarche à la demande des employeurs en collaboration avec le service aux entreprises du CSS (Bélisle, Supeno et César, 2019). De plus, selon une entrevue faite dans le Journal de Montréal, en 2018, auprès de Caroline Sauvageau, conseillère pédagogique à la RAC au Centre multiservice des Samares à Joliette, on y mentionne que la RAC peut apporter une multitude d’avantages à une entreprise, notamment augmenter sa compétitivité sur le marché du travail et soutenir la qualification de ses employés (Cordier-Chemarin, 2018). Dans un rapport de recherche réalisé dans le cadre d’un projet subventionné, notamment par le MEES, on constatait que la présence de l’employeur dans des démarches apparentées à la RAC québécoise contribuait à l’engagement des adultes jusqu’au diplôme (Bélisle et Fernandez, 2018). Peu de temps après, le même ministère a accordé du financement pour l’élaboration du Guide sur les bonnes pratiques en reconnaissance des acquis et compétences en entreprise (CERAC Beauce-Etchemin, 2020). Ce document, à diffusion restreinte dans le réseau des personnes œuvrant en RAC en FP, présente différents moyens de faire de la RAC dans les entreprises et les rôles de chacun des acteurs.

Pourtant, on remarque qu’une personne conseillère d’orientation organisationnelle qui souhaiterait présenter cette possibilité à une entreprise a peu d’information à sa disposition pour le faire, celle-ci semblant circuler dans les cercles restreints des personnes travaillant dans le milieu scolaire. De plus, la population générale ne semble pas avoir connaissance de l’existence de ce partenariat (CERAC Beauce-Etchemin, 2019). Ainsi, il semble pertinent d’explorer comment se fait cette collaboration entre les entreprises et les établissements scolaires en faisant un état des connaissances sur ce que l’on sait à ce jour sur les conditions générales de ce type de collaboration dans des contextes apparentés à la RAC en formation professionnelle québécoise.