• Aucun résultat trouvé

CHAPITRE  2   : RECENSION DES ÉCRITS ET TERMINOLOGIE 15

2.3   Contexte actuel et réponses gouvernementales 31

2.3.4   Contexte québécois : spécificité québécoise? 40

Au Québec, on constate la même effervescence alors que le gouvernement provincial affiche un plus grand engagement et que se déploient différents projets. Il n’existe pas de politique, plan d’action ou législation spécifique à l’exploitation sexuelle et la traite de personnes. Contrairement à la Colombie-Britannique, le Québec ne s’est pas doté d’un Plan d’action provincial concernant la traite de personnes, ni de législation spécifique, comme nous avons mentionné précédemment concernant le Manitoba. Toutefois, la préoccupation concernant

15 Pour une description détaillée de la réponse canadienne face à la traite de personnes, voire les résultats d’une

l’exploitation sexuelle et la traite de personnes est présente et se reflète par la publication récente de rapports de recherche (CSF, 2002, 2012; Ricard-Guay & Hanley, 2015; Ricci & Kurtzman, 2013; Ricci, Kurtzman, & Roy, 2012; SRCQ, 2013), l’adoption de plan d’action institutionnel (SPVM, 2014) et la mobilisation de différents acteurs et organismes qui font de l’exploitation sexuelle et la traite de personnes une priorité. Nous présentons de façon succincte quelques éléments du contexte québécois.

Dès les années 1980 et 1990, on constate un accroissement de la préoccupation envers la prostitution de rue et la prostitution juvénile, comme en témoigne la publication du rapport du

Comité montréalais sur la prostitution de rue et la prostitution juvénile en 1999. À peine trois

ans plus tard, le service de police de la ville de Montréal (SPVM) mettait sur pied le Module d’enquête sur l’exploitation sexuelle des enfants à des fins commerciales (ESEC) (On note ici le changement de terminologie : de prostitution juvénile à exploitation sexuelle). Au moment de sa création, ce type de module d’enquête dédiée à l’enjeu de l’ESC était une première au Canada.

Dans son Avis sur la Prostitution «La prostitution : il est temps d’agir», publié en 2012, le Conseil du Statut de la femme (CSF) appelle à faire de la lutte contre l’exploitation sexuelle une priorité pour le gouvernement du Québec (CSF, 2012). Dans ses conclusions, on reconnaît que la prostitution est souvent liée à la traite, ce qui rejoint également les préoccupations soulevées dans sont rapport de recherche sur la prostitution publié en 2002. À la différence que la traite est désormais envisagée comme étant liée aux dynamiques locales d’exploitation sexuelle : alors qu’en 2002, la référence à la traite de personnes ne concernait que des personnes migrantes, adultes et enfants, en 2012, on reconnaît l’aspect local du phénomène.

Au niveau gouvernemental16, en 2013, dans le cadre du Plan d’action gouvernemental pour l’égalité entre les femmes et les hommes 2011-2015 (mesures 85 et 86), un Comité interministériel sur l’exploitation sexuelle a été mis sur pied. Ce comité – coprésidé par le Secrétariat à la condition féminine et le ministère de la Sécurité publique - a pour mandat

16 Illustrant une fois de plus le changement d’approche vis-à-vis de la traite de personnes, notons que le

gouvernement québécois avait créé un comité interministériel sur la traite des femmes migrantes en 2005, en réponse à une revendication de la Marche des femmes. Comme le nom du Comité l’indique, ce dernier s’intéressait de manière exclusive aux femmes migrantes, et non aux personnes mineures, ni à la traite sexuelle dite locale. Le Rapport du Comité fut publié en 2009 (Gouvernement du Québec, 2009).

d’élaborer une proposition de plan d’action gouvernemental pour prévenir et contrer l’exploitation sexuelle. Ce Plan d’action était prévu pour la fin de l’année 2014, et au moment de rédiger cette thèse, n’avait toujours pas été publié. Les travaux du comité ont donné lieu à de vastes consultations à l’échelle de la province auprès des organismes concernés. L’exploitation sexuelle, dans une perspective de prévention, y est abordée sous trois angles principalement : l’hypersexualisation, la prostitution et la traite des femmes (à l’intérieur et à l’extérieur du pays).

En effet, il est à rappeler que la question de l’exploitation sexuelle fait partie des sept grandes orientations de la Politique d’égalité et de son plan d’action. Bien que la traite sexuelle y soit abordée de façon indirecte et secondaire, l’enjeu de l’exploitation sexuelle, lui, fait l’objet d’engagement gouvernemental, tant en termes de prévention que d’aide pour soutenir les personnes qui peuvent s’en sortir.

Plus récemment encore, le Service de police de la ville de Montréal (SPVM) lançait son plan d’action directeur sur la prostitution et la traite de personnes à des fins d’exploitation sexuelle, dans lequel le SPVM souligne l’importance de se doter d’une stratégie spécifique à cet enjeu, et ce dans un esprit de collaboration avec les acteurs d’autres secteurs d’intervention liés (SPVM & Service de police de la ville de Montréal, 2014). Le SPVM appelle également au développement de ressources spécifiques aux victimes d’exploitation sexuelle au Québec afin de s’assurer qu’elles aient accès aux services adéquats.

Certains programmes spécifiques à l’exploitation sexuelle auprès des jeunes, tout particulièrement en prévention auprès des filles, ont été développés au courant des cinq à dix dernières années. Notons deux programmes de financement : au provincial, les Plans

d’intervention sur les gangs de rue (2007-2010/2011-2014) financés par le ministère de la

Sécurité publique du Québec ont inclus des projets de prévention en matière d’exploitation sexuelle; au fédéral – cette fois l’accent étant mis sur l’exploitation sexuelle par Internet, la

Stratégie nationale pour la protection des enfants contre l'exploitation sexuelle sur Internet a été

lancée en 2004 puis renouvelée en 2009 sous le nom Programme de contribution pour la lutte

De plus, de nouvelles initiatives et programmes qui visent de façon plus spécifique l’exploitation sexuelle et la traite ont vu le jour . Certaines de ces initiatives sont d’ailleurs citées en exemple de bonnes pratiques dans l’Avis du Conseil du Statut de la femme sur la prostitution publié en 2012 (CSF, 2012), notamment le projet Les Survivantes mis sur pied par le SPVM et qui s’appuie sur le travail de femmes ayant vécu l’exploitation sexuelle, ainsi que le programme Mobilis du Centre Jeunesse de la Montérégie. Mobilis repose sur un partenariat étroit entre les services policiers et le centre jeunesse afin de prévenir l’exploitation sexuelle des mineurs en contexte de gangs de rue, ainsi que de contrer ce problème (CJM, 2012; Mobilis, 2011a; Philibert & Demers, 2013). Le projet Les Survivantes offre un programme de formation et sensibilisation auprès des corps policiers de même qu’aux intervenants d’autres secteurs, de même qu’un programme de pairage entre une survivante et une jeune à risque ou en situation d’exploitation sexuelle (Les Survivantes, 2013; Sécurité publique Québec, 2014).

Ces initiatives viennent s’ajouter aux organismes déjà existants et qui oeuvrent auprès des jeunes de la rue et en difficulté à Montréal, ou qui travaillent sur des problématiques connexes et associées à l’exploitation sexuelle (i.e. : toxicomanie). En termes de services dans la communauté, il y a peu de programmes de soutien spécifiques aux jeunes qui vivent ou se sortent de situations d’exploitation sexuelle ; par exemple, il y a l’organisme P.I.A.M.P., Sortie de secours. La majorité des services et programmes existants concernent ou visent les jeunes de la rue et en difficultés; ces organismes rencontrent dans la population desservie des jeunes se trouvant dans ce type de situation. Certains programmes de financement ponctuel (durée de 3 ans) ont permis de soutenir des projets spécifiques sur l’exploitation sexuelle, sans pouvoir assurer leur pérennité.

Enfin, les institutions de la PJ, de par leur mandat, sont amenées à jouer un rôle prépondérant, de même que le secteur policier et d’application de la loi, alors que la lutte contre la criminalité occupe une place centrale dans les interventions en matière d’exploitation sexuelle des mineurs. Les institutions de la PJ sont actives dans les forums de discussions, instances de concertation et de discussion. Des recherches ont été menées sur la problématique, notamment en lien avec les gangs de rue (comme précédemment discuté).

2.4 État des connaissances sur l’expérience de l’exploitation sexuelle à des fins