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Chapitre 1 Introduction et Mise en contexte

1.1 Contexte de l’économie monde

1.1.3 Contexte de la fin de vie des produits

1.1.3.1

Production de déchets

Pour maintenir les flux de production, l’approche linéaire est fortement consommatrice de MP vierges, aussi, en FdV ces matières se retrouvent dans les déchets ou les rejets (figure 1-2) ce qui entraîne leur perte (figure 1-11). Le volume annuel de production de déchets croit à mesure du développement économique (OCDE, 2015). Cette production de déchets est vue majoritairement comme une source de nuisances (Béguin, 2013). Les déchets concernent aussi bien les pays développés que les pays en développement, même si les pays développés ont mis en place des systèmes de gestions des déchets pour réduire la gêne occasionnée. Les graphiques de la figure 1-15 présentent les destinations des déchets en France selon leur origine.

Figure 1-15 Destination des déchets collectés par catégories en France en 2013 (ADEME, 2014)

La production de déchets ménagers (incluant les ordures ménagères, les encombrants et les déchets collectés en déchèterie) par habitant à l’échelle française est passée entre 1800 et 2017, de 4 à 38 millions de tonnes (ADEME, 2016a ; Béguin, 2013). Pour les déchets ménagers (graphique de gauche sur la figure 1-15), la France a recours à des solutions pour masquer ce problème avec l’incinération (31 %) et l’enfouissement (26 %). Malgré une tendance à la baisse, les Installations De Stockage De Déchets Non Dangereux (ISDND) restent la solution de gestion drainant le plus de tonnages. En 2014, 228 installations ISDND ont reçu 18 millions de tonnes de déchets, dont 36 % d’ordures ménagères résiduelles. Dans le même temps, le taux de valorisation matière a peu progressé. Petit à petit, les capacités d’enfouissement s’amenuisent, dès lors le système n’est plus viable à long terme (ADEME, 2016a ; ADEME, 2017).

Pour les déchets industriels non dangereux de type Déchets Industriels Banals (DIB) la répartition des voies de traitement de ces déchets est présentée sur le graphique de droite de la figure 1-15. La valorisation matière est majoritaire pour ce flux de déchets (67 %), et seulement 9 % des déchets DIB sont enfouis sans valorisation. L’obligation de traitement différencié et la séparation amont de ces déchets permet de maximiser le taux de valorisation (ADEME, 2014).

Les flux de déchets sont extrêmement hétérogènes, par exemple le flux d’ordures ménagères regroupe une grande variabilité de produits. Or la composition matières est très différente d’un produit à l’autre comme indiqué dans le tableau 1-3. Il s’agit d’une hétérogénéité inter-produits. Même si l’ensemble de ces matériaux sont valorisables pris séparément, l’une des difficultés du traitement repose sur la collecte en mélange du flux d’ordures ménagères. La collecte sélective dissociée vise à homogénéiser le flux de déchets pour permettre des traitements spécifiques. Cette problématique est commune à de nombreux flux de déchets qu’il est nécessaire de séparer en amont des étapes de traitement.

Tableau 1-3 Composition des ordures ménagères collectées (ADEME, 2010a) Flux Déchets putrescibles Papiers cartons Plastiques composites

Textiles Verre Métaux Autres

Composition 25,1 % 21,3 % 12,7 % 10,4 % 11,0 % 2,9 % 16,6 %

Dans ce contexte la société se tourne vers les produits en fin de vie comme une source alternative de matière première, pour remplacer l’extraction minière. Au regard des gisements de ressources métalliques dans les flux de déchets électroniques, les concentrations en minerais restent faibles dans les mines. Cette nouvelle source de matériaux secondaires aussi appelée mine urbaine semble pouvoir réduire l’empreinte en énergie grise des matériaux

(Geldron, 2016). Le tableau 1-4 compare les concentrations en métaux stratégiques dans les mines géologiques naturelles et dans la mine urbaine en fonction des flux de déchets. En 2007 selon le Programme des Nations Unies pour l’Environnement (UNEP), le recyclage a représenté 3 % de l’approvisionnent en or et argent, 13 % en palladium et 15 % pour le cobalt, ces taux sont particulièrement faibles en comparaison des métaux de base* (Schluep et al., 2009).

Tableau 1-4 Teneurs en minéraux des gisements géologiques et de la mine urbaine (Anwesha Sengupta, 2018 ; Geldron, 2016 ; Schluep et al., 2009)

Minerais Teneurs moyennes dans les mines géologiques

Teneurs moyennes dans la mine urbaine

Déchets concernés

Or De 1 à 10 g/t De 1 à 350 g/t Cartes électroniques Argent De 0,1 g/t à 5 g/t 3 500 g/t Téléphones portables Cuivre De 0,6 à 1 % De 10 à 15 % Téléphones portables

De 30 à 50 % Câbles électriques Platinoïdes* De 1 à 8 g/t 260 g/t Pots catalytiques

De 100 g/t à 150 g/t Cartes électroniques Terres

rares

De 1 à 15 % (en oxydes) 35 % Aimants permanents 5 000 g/t Lampes fluocompactes

Indium De 1 à 100 g/t 175 g/t Écrans LCD

Cobalt 0,3 % De 10 à 15 % Batteries Li-ion

Tantale 250 g/t de Ta2O3 3 000 g/t Téléphones portables

Lithium 0,04 % pour les salars et 1 % pour les mines

1,5 % Batteries Li-ion

*La famille des platinoïdes regroupe six ou sept éléments chimiques appartenant à la famille des métaux de transition et apparentés dans le tableau périodique : ruthénium (Ru), rhodium (Rh), palladium (Pd), osmium (Os), iridium (Ir), platine (Pt), et, selon les sources, rhénium (Re).

1.1.3.2

La collecte des produits en fin de vie

La génération de déchets est globalisée, le lieu de production correspond généralement au lieu de dernier usage ; de fait ils sont disséminés sur l’ensemble du territoire. Le problème de la FdV repose majoritairement sur cette dispersion des gisements. Résultat, les déchets sont

collectés en mélange pour limiter les coûts associés à une collecte différenciée. Par exemple, il est extrêmement complexe de collecter l’ensemble des cannettes en aluminium dont la masse unitaire est faible et la consommation disséminée.

La collecte des produits en FdV est cruciale, car il s’agit de la première étape de la filière. Pour augmenter la collecte en FdV, il est nécessaire d’insister sur la sensibilisation et l’éducation des producteurs de déchets (utilisateurs, industriels, etc.). Cette sensibilisation est indispensable pour maximiser la collecte et la bonne orientation du déchet pour garantir le traitement et la cohérence de la filière globale. Cette mission appartient au législateur et à l’agence de l’environnement, voire dans les cas de filières contraintes cette mission est déléguée à un éco-organisme* en charge du flux de déchets. Nous présentons plus en détail les filières contraintes et le dispositif des éco-organismes dans la section 1.2.2.4. Une autre solution repose sur la mise en place de système de consigne pour encourager la collecte des produits en FdV.

Cette organisation repose toujours sur une approche end of pipe (en bout de chaîne) qui fait intervenir des parties prenantes déconnectées de la production manufacturière (Erkman, 2004). L’écosystème indépendant, aussi appelé filière de traitement des déchets, a développé des solutions pour la gestion de la FdV des produits selon trois aspects :

▪ Équipements

▪ Infrastructures

▪ Services

Cet écosystème indépendant de traitement des déchets semble insuffisant pour adresser le problème de la dispersion des déchets. Aussi, la déconnexion des acteurs de la filière de FdV dans la chaîne de valeur d’un produit est un frein pour que ces acteurs apportent seuls les solutions pour la gestion des produits en FdV (Arnsperger et Bourg, 2016).

1.1.3.3

Difficultés de traitement des déchets

La complexification et la densification des utilisations de produits rendue possible par l’intégration d’éléments chimiques toujours plus nombreux dans les produits (figure 1-4). Cette hétérogénéité dans les flux de déchets est intra-produit et rend particulièrement ardu leur traitement en FdV (Habib et Wenzel, 2014 ; Lu et al., 2015). Par exemple de 11 éléments chimiques, dont 3 métalliques dans un téléphone en 1980, il y a désormais 60 éléments chimiques, dont 45 métalliques dans un smartphone (Gerritsen, 2017).

Même avec des flux de collecte différenciés, le traitement de l’hétérogénéité intra-produit demande de disposer d’équipements pour chaque étape de séparation des matériaux (Van Schaik et Reuter, 2014). Actuellement la filière de traitement des déchets n’est pas organisée pour offrir des solutions exhaustives pour le traitement de l’ensemble de matières précédentes dans ces produits en FdV (Tansel, 2017). Les différentes matières ne sont pas toujours proprement séparées et demeurent en mélange. Une partie des matériaux présents sont bel

et bien recyclés physiquement, mais pas fonctionnellement. Nous revenons plus en détail sur cette notion dans la section 2.2.1.3 du chapitre 2.

Outre des produits de plus en plus complexes (alliage, miniaturisation, etc.), les nouveaux usages sont de plus en plus dispersifs : utilisation comme des additifs (cosmétique, peinture, application technique, etc.) ou bien liée à l’usure des pièces (par exemple par abrasion). Pour ces utilisations dispersives, aucune solution de traitement n’est disponible, les matériaux sont alors perdus (Khanna et al., 2014).