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Construction des variables dépendantes : analyse factorielle

Chapitre 3 : Méthodologie : Aborder la violence conjugale à partir d’une perspective

3.2 Méthodologie quantitative

3.2.2 Mesures

3.2.2.2 Mesures de la violence

3.2.2.2.1 Construction des variables dépendantes : analyse factorielle

Le questionnaire s’adressant aux femmes mariées ou en union de conjoint de fait contient 30 questions visant à mesurer quatre formes de violence conjugale contre les femmes : violence physique, violence émotionnelle, violence sexuelle et violence économique. Nous avons réalisé une analyse factorielle pour vérifier si ces questions mesuraient effectivement ces 4 formes, ou dimensions de la violence conjugale (physique, sexuelle, émotionnelle et économique). De ce fait, l’analyse factorielle cherche «à réduire un nombre important d’informations (prenant la forme de valeurs sur des variables) à quelques grandes dimensions» (Tabachnick et Fidell, 2012, p.615). Cette analyse cherche à expliquer la plus forte proportion de la covariance par un nombre

restreint de variables. On s’attend donc à ce que les indicateurs relatifs à la violence se regroupent autour des quatre dimensions mesurées (violence physique, émotionnelle, sexuelle et économique) et fassent éventuellement émerger des sous-catégories (d’autres dimensions) suivant le degré de corrélation de ces premières. Il sera par la suite possible de créer des échelles ou des indices selon les résultats de l’analyse factorielle.

Ainsi, une analyse factorielle exploratoire a été réalisée avec une méthode d’extraction des moindres carrés non pondérés10 avec rotation oblique et avec une saturation supérieure à 0,2511. Le modèle avec rotation orthogonale (varimax) a été rejeté, car la matrice de corrélation factorielle a montré que les facteurs sont corrélés entre eux. Le questionnaire initialement constitué de 30 questions relatives à la violence a été réduit à 27 questions étant donné que la variance de trois indicateurs «se faire attacher», «se faire interdire de travailler ou étudier» et «se faire tirer dessus avec une arme», n’atteignait pas de valeur suffisamment élevée pour être considérée avec l’ensemble des autres questions. Ces questions ne contribuent donc pas à la mesure commune du concept. Plus précisément, la corrélation entre ces trois questions et les autres questions de l’échelle est inférieure à 0,20 (statistique de qualité de la représentation). De plus, après l’extraction, l’analyse montre que ces variables ne sont corrélées à aucun facteur. En retirant ces trois variables, le modèle retenu indique que la solution factorielle est statistiquement acceptable, l’indice de Kaiser-Meyer-Olkin (KMO)12 étant égal à 0,942. Le modèle retenu comporte six facteurs qui expliquent 56% de la variance. Après rotation le premier facteur explique presque 31% de la variance, le deuxième 7,2%, le troisième 5,3%, le quatrième 4,6%, le cinquième 4,1% et le sixième 3,7% de la variance. Le test du coude de Cattell utilisant le graphique des valeurs propres montre une cassure lors du sixième facteur. L’analyse factorielle a confirmé qu’il existe divers types de violence perpétrée par le partenaire intime (violence émotionnelle, violence physique, violence économique et violence sexuelle) groupant certains comportements. Qui plus est, elle a permis de distinguer des sous-catégories de comportements violents selon le niveau de sévérité de violence (sévère et moins sévère), notamment pour la violence émotionnelle et physique.

10 Méthode privilégiée lorsque les échelles de mesure sont ordinales ou que la distribution des variables n’est pas normale (Tabachnick et Fidell, 2012).

11 Car les facteurs sont corrélés entre eux.

12 Le KMO «Est un indice d’adéquation de la solution factorielle. Il indique jusqu’à quel point l’ensemble de

variables retenu est un ensemble cohérent et permet de constituer une mesure adéquate du concept» (Tabachnick et

En effet, après l’extraction, le premier facteur qui émerge de l’analyse regroupe huit indicateurs qui représentent ce que l’on pourrait qualifier de « formes sévères de violence émotionnelle » : « se faire espionner », « se faire dire par le conjoint que vous le trompez », « se faire menacer de mort », « se faire enfermer ou empêcher de sortir »; « se faire menacer de se faire quitter», « se faire dire de quitter la maison ou se faire menacer de s’en prendre aux enfants »; « avoir les enfants ou d’autres membres de la famille montés contre vous »; « se faire détruire, jeter ou cacher des objets/biens personnels »; « ressentir de la peur ». Le deuxième facteur clairement défini regroupe deux indicateurs qui représentent ce que l’on pourrait qualifier des formes sévères de violence physique : « se faire agresser avec une arme » et « se faire agresser avec un couteau » (tableau 3.3).

Le troisième facteur regroupe les trois questions relatives à la violence sexuelle dans le questionnaire soit : « Exiger des rapports sexuels sans consentement », « se faire imposer des pratiques sexuelles non désirées » et « avoir subi de la force physique pour se faire imposer des rapports sexuels ». Le quatrième facteur regroupe quatre indicateurs de violence économique : « se faire menacer de ne plus recevoir d’argent », « faire face à un conjoint qui gaspille l’argent du ménage », « se faire refuser de l’argent malgré la disponibilité de ressources », « se faire prendre de l’argent ou des biens ». Le cinquième facteur regroupe cinq indicateurs relatifs à la violence physique que l’on pourrait qualifier de moins sévères comparée aux indicateurs du deuxième facteur : « se faire frapper avec les mains », « se faire pousser », « recevoir un coup de pied », « se faire lancer des objets », « subir une tentative d’étranglement. » Enfin cinq indicateurs de violence émotionnelle que l’on peut qualifier de « moins sévère » se regroupent dans le sixième facteur: « se faire ignorer et avoir un conjoint qui ne tient pas compte de son opinion », « qui arrête de vous parler », qui « se fâche parce que le ménage n’est pas fait », « qui vous méprise, dévalorise ou dénigre » ou « qui réclame des comptes sur la façon dont l’argent a été dépensé ». Ce dernier indicateur appartenait à la violence économique dans l’échelle originale du questionnaire (voir tableau 3.2), mais selon l’analyse factorielle, il a été classé plutôt comme correspondant à la violence émotionnelle moins sévère. Enfin, pour tous les indicateurs des violences, plus les valeurs des ces indicateurs s’éloignent de 0, plus la femme a été victime d’actes de violence.

L’analyse factorielle a ainsi permis d’établir un modèle final à 27 indicateurs (items) qui se regroupent autour de six sous-échelles de violence présentées dans le tableau 3.3

Tableau 3.3 : Modèle 3, analyse factorielle de violence sur 27 indicateurs avec rotation oblique Indicateurs Facteur 1 Violence émotionnelle sévère Facteur 2 Violence physique sévère Facteur 3 Violence sexuelle Facteur 4 Violence économique Facteur 5 Violence physique moins sévère Facteur 6 Violence émotionnelle moins sévère Se faire espionner ,565 ,012 ,043 ,027 ,035 -,005

Se faire dire par le conjoint que vous le

trompez ,453 -,044 ,036 ,024 -,063 ,200 Se faire menacer de mort ,384 ,246 ,060 ,056 -,052 -,078 Se faire enfermer ou empêcher de sortir ,380 ,018 ,080 ,018 -,072 ,086 Se faire menacer de se faire quitter, se faire dire de quitter la maison ou se faire menacer de s’en prendre aux enfants

,380 -,017 ,018 ,049 -,135 ,248

Avoir les enfants ou d’autres membres de la famille montés contre vous

,363 ,025 ,057 ,063 -,010 ,128

Se faire détruire, jeter ou cacher des

objets/biens personnels

,340 ,063 ,010 ,096 -,232 ,004

Ressentir de la peur ,332 -,005 -,045 ,010 -,274 ,213

Se faire agresser avec

un couteau -,102 ,775 ,006 -,001 -,046 ,054

Se faire agresser avec

une arme ,078 ,769 -,007 -,005 ,055 ,038

Exiger des rapports sexuels sans consentement

-,040 ,015 ,836 -,019 -,026 -,064

Se faire imposer des pratiques sexuelles non désirées

-,012 -,005 ,711 -,007 ,011 -,022

Avoir subi de la force

imposer des rapports sexuels

Menacer de ne plus

recevoir de l’argent -,009 -,011 -,003 ,818 -,015 -,016

Faire face à un

conjoint qui gaspille de l’argent du ménagé -,005 -,018 -,003 ,710 -,046 ,022 Se faire refuser de l’argent malgré la disponibilité de ressources -,073 ,019 ,038 ,566 ,041 ,261 Se faire prendre de

l’argent ou des biens ,156 ,039 ,057 ,305 -,032 -,098

Se faire frapper avec

les mains -,031 -,042 ,016 ,004 -,837 ,032

Se faire pousser ,009 -,066 -,010 ,002 -,748 ,092

Recevoir un coup de

pied -,023 ,102 ,056 ,025 -,635 -.060

Se faire lancer des

objets ,021 ,030 ,013 ,042 -,610 ,011

Subir une tentative

d’étranglement ,113 ,246 ,052 -,002 -,307 -,079

Se faire ignorer et avoir un conjoint qui ne tient pas compte de son opinion

,096 ,029 ,018 ,061 -,093 ,536

Un conjoint qui arrête

de vous parler ,049 ,028 ,009 ,028 -,032 ,488

Un conjoint qui se fâche parce que le ménage n’est pas fait

,026 ,037 ,064 ,018 -,016 ,464

Un conjoint qui vous méprise, dévalorise ou dénigre

,161 ,030 ,041 ,034 -,201 ,411

Un conjoint qui réclame des comptes sur la façon dont l’argent a été dépensé.

C’est la méthode de rotation oblique qui est utilisée, en raison des corrélations assez élevées comprises au tableau 3.4, indiquant qu’il existe des liens conceptuels entre les facteurs.

Tableau 3.4 : Matrice de corrélation factorielle

Facteur 1 2 3 4 5 6 1 1,00 ,381 ,525 ,496 -,586 ,480 2 ,381 1,000 ,326 ,232 -,441 ,063 3 ,525 ,326 1,000 ,472 -,469 ,350 4 ,496 ,232 ,472 1,000 -,413 ,518 5 -,586 -,441 -,469 -,413 1,000 -,410 6 ,480 ,063 ,350 ,518 -,410 1,000

Une fois l’analyse factorielle terminée, on a également effectué une analyse de fidélité13 de nos sous échelles (facteurs) en ayant recours au Coefficient Alpha de Cronbach. Ce test nous permet de savoir pour chacun de nos facteurs (sous-échelles): « jusqu'à quel point chacun des items constitue une mesure équivalente d’un même concept » (Durand, 2006).

Le premier, deuxième, troisième, cinquième et sixième facteur présentent une consistance interne satisfaisante (voir tableau 3.5). Pour ce qui est du quatrième facteur, le coefficient de Cronbach est inférieur à 0,74. En retirant un item, celui-ci peut être amélioré. En effet, la suppression d’un élément permet un alpha de Cronbach plus élevé (0,775) que celui de l’alpha standardisé. Pour cette raison, nous avons décidé de retirer l’item «se faire prendre de l’argent ou des biens» de la dimension (facteur) violence économique.

Tableau 3.5 : mise en évidence des 6 facteurs avec des coefficients alpha de Cronbach

Facteurs Dimensions Nombre

d’indicateurs

Alpha de Cronbach

1 Violence émotionnelle sévère 8 ,803

2 Violence physique sévère 2 ,736

3 Violence sexuelle 3 ,714

4 Violence économique 3 ,775

5 Violence physique moins sévère 5 ,797

6 Violence émotionnelle moins sévère 5 ,713

13 La fidélité est: «un indice de la qualité de la mesure en soi. Selon lequel l’indicateur est supposé de mesurer

Comme le montre le tableau 3.6, le type de violence domestique le plus répandu au Mexique est la violence émotionnelle, qu’elle soit «modérée ou sévère». En effet, la violence émotionnelle sévère, qui comprend les menaces, l’espionnage, l’isolation et l’intimidation touche treize pour cent (13%) des femmes habitant avec leur conjoint. De plus, 30% des femmes habitant avec leur conjoint ont déclaré avoir été victimes d’au moins un acte de violence émotionnelle moins sévère (mépris ainsi que des commentaires humiliants et dégradants). Après la violence émotionnelle, la violence économique est la deuxième forme de violence la plus fréquente et 11% des femmes ont déclaré avoir subi au moins un acte de violence économique de la part de leur conjoint au cours des 12 derniers mois. Si la violence physique sévère demeure rare (moins de 1% déclarent avoir subi une telle violence), presque 10% des femmes déclarent avoir été victimes de violence physique moins sévère dans leur relation de couple au cours des 12 derniers mois. Enfin, presque 6% des femmes ont déclaré avoir été victimes de violence sexuelle de la part de leur conjoint actuel au cours de l’année de l’enquête.

Tableau 3.6: Pourcentage de femmes ayant subi un type de violence au moins une fois de la part du partenaire intime lors des 12 derniers mois

Type de violence Fréquence Pourcentage

Violence émotionnelle sévère 1 fois et plus 13,3

Violence émotionnelle moins sévère 1 fois et plus 30,2

Violence physique sévère 1 fois et plus 0,8

Violence physique moins sévère 1 fois et plus 9,7

Violence sexuelle 1 fois et plus 5,6

Violence économique 1 fois et plus 11,3