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La constitution de l’événement

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PREMIÈRE PARTIE :

3. Le point de vue des sciences sociales

3.4 La constitution de l’événement

L’École des hautes études en sciences sociales (EHESS), lieu de réflexion multi- et interdisciplinaire s’il en est (fondé par Fernand Braudel et Lucien Febvre en 1945), publie en 1991 le dossier « L’événement en perspective » (Petit (éd.) 1991), dans la revue Raisons pratiques (n° 2). La publication propose de croiser l’ethnométhodologie, l’histoire des discours et la sémantique, pour éclairer le rapport entre langage et événement. Trois partis pris se dégagent de ces choix disciplinaires ; considérer l’événement comme le fruit d’interactions sociales, rétablir la place de l’événement banni des sciences humaines par l’historiographie braudélienne, et enfin incorporer aux recherches sur l’événement les développements sémantiques issus de la théorie de l’action, le but étant de proposer une théorie de la constitution de l’événement.

Ce programme ne peut s’accomplir qu’en tenant compte du langage naturel et de ses conditions de vérité, c’est-à-dire de ce qui constitue le récit historique, pour montrer la nature abstraite des événements, considérés comme des faits institutionnels (concept qui anticipe la théorie de la construction de la réalité sociale de Searle, cf. I § 4.3). C’est ainsi que le philosophe J.-L. Petit en vient à se demander s’il est possible d’appliquer une sémantique de l’événement à des phénomènes sociaux, en analysant par exemple ce qui est contenu dans un nom d’événement. Toute la question est de définir la façon dont les événements sociaux (quelle que soit leur définition) sont intersubjectivement partagés, sans tomber ni dans le physicalisme (seule l’ontologie compte) ni dans

l’idéalisme (le monde en soi n’existe pas). Le philosophe énoncé dans cette introduction les questions principales sur une théorie de la construction sociale des événements, mais ne va pas plus loin dans leur développement. Par ailleurs, ses travaux postérieurs se focalisent sur le concept d’action en philosophie, laissant de côté la dimension sociale abordée dans cette publication.

Pour sa part, de Fomel s’interroge sur ce qui fonde l’unicité de l’événement, étant donné la multiplicité des points de vue des témoins : « dans quelle mesure la détermination d’un événement dépend-elle de l’activité située d’un agent et, par conséquent, est-elle relative à la perspective de celui-ci ? » (de Fomel 1991 : 98). L’auteur pointe, pour une théorie de l’événement, la nécessité de définir un critère d’individuation, et discute les deux principales positions dans ce débat. La logique dynamique, défendue par le philosophe du langage D. Davidson, développe l’argument qu’un seul événement peut être rendu par plusieurs descriptions, tandis que pour la logique statique d’Alvin Goldman, différentes descriptions ne peuvent renvoyer au même événement. Pour le premier, deux événements sont identiques s’ils ont les mêmes causes et les mêmes conséquences ; pour le deuxième, deux descriptions renvoient au même événement si elles contiennent des temps, des propriétés et des objets identiques. L’auteur l’exemplifie à l’aide de l’affaire de la rue Mogador, également appelé l’affaire Burgos,

dont les faits ont principalement été établis par des témoins oculaires. Dans cette affaire, un jeune est tué par un policier. Les médias rapportent les faits de façon différente : un jeune homme a été tué, un jeune homme a été exécuté, et enfin, une bavure policière a eu lieu. Cependant, « dans les pratiques sociales ordinaires, les agents ne semblent pas avoir de problèmes pour déterminer l’identité entre deux événements » {ibidem : 105), comme le signale l’auteiu*. Ce constat représente im pas important dans l’application de la sémantique de l’événement à une théorie de la constitution des événements sociaux. Par exemple, les journaux ont parlé à propos de cette affaire de « drame de la rue Mogador », même si les faits établissent que l’épisode a eu lieu rue de la Victoire... En appliquant une série de critères pratiques servant à ajuster les récits et le réel (critère de proximité, critère métonymique), note de Fomel, personne ne croit à deux événements différents. Deux aspects nous intéressent dans cette démonstration : d’ime part, la différence entre le nom de l’événement {affaire/drame de la rue Mogador) et ses

l’événement soit, comme le démontre l’auteur, une convention, au sens où, même s’il a des ambitions référentielles, il ne correspond pas à des critères vériconditionnels (l’affaire n’a pas eu lieu rue Mogador).

Le reste des articles examine la notion d’événement pour la sémantique de l’action. Natali (1991) et Ogien (1991), par exemple, discutent l’un des postulats de Davidson : la différence entre action et événement est que la première implique toujours un agent, et donc une intentionnalité, contrairement au deuxième, dont on peut dire simplement qu’il a lieu. Natali propose que la distinction entre les deux notions n’est pas aussi nette, étant donné qu’il est possible d’envisager des activités humaines qui nécessitent d’un agent comme une production, et donc comme un événement naturel {apprendre à jouer un instrument), et non comme des actions à proprement parler (comme dans le cas de

danser). Ogien, pour sa part, introduit la distinction, à l’intérieur d’une action, de l’agent et du patient. Cela permet de discriminer deux sortes de changements : celui du patient (lorsque quelqu’im mange une pomme, il introduit im nouvel état des choses) et celui de l’agent (lorsque quelqu’un regarde une pomme, il ne se produit aucun changement dans l’état du monde). Ces discussions témoignent d’un souci d’intégration de différents champs de recherche, mais montrent les limites de son application aux phénomènes sociaux. Cependant, la distinction action/événement peut contribuer à éclairer le concept d’événement comme « ce qui arrive », comme ce qui fait irruption au-delà de l’action d’un agent ; elle peut par ailleurs s’avérer utile pour aborder la différence entre l’événement socio-politique et le fait divers, entendu comme un certain type d’événement qui est toujours produit par une action humaine directe. Nous y reviendrons au chapitre 7.

Ce dossier de la revue Raisons pratiques est sans doute une des contributions les plus intéressantes à la bibliographie sur l’événement, car il intègre la sémantique de l’action davidsonienne à une réflexion plus large sur la construction sociale de l’événement. Ce modèle, issu de la philosophie, montrera toute sa productivité dans le cadre d’une science du discours, lorsqu’il sera reformulé par la linguistique, à travers la sémantique lexicale (cf. I § 5.1).

3.5 La construction de l’événement

S’inscrivant dans la ligne de réflexion du dossier publié par Communications (n° 18) en 1972, les sociologues Erik Neveu et Louis Quéré reviennent sur la question de l’événement en publiant, en 1996, un numéro de la revue en ligne Réseaux consacré à la question : « Le temps de l’événement » (Neveu &. Quéré 1996). Dès la présentation, les éditeurs s’approprient le postulat qui guidait le célèbre article de Nora sur l’événement monstre : la nouvelle événementialité engendrée par les médias, la théâtralisation et l’inflation événementielle propres aux sociétés démocratiques. Ils observent, par ailleurs, une évolution dans la discussion théorique, notamment l’abandon des binômes structure/événement et histoire événementielle/histoire fondamentale, et saluent l’arrivée de nouvelles disciplines dans le débat. Suite à ce renouvellement, des problématiques inexplorées voient le jour, notamment en ce qui concerne la construction de l’événement (déjà pointé par Nora), que ce soit au niveau linguistique, narratologique ou sémiotique.

L’approche constructiviste est le point de départ de ce numéro, qui tente de donner des réponses concrètes à la question, assez floue, de la construction de l’événement par les médias. Si l’événement est soumis par les médias « à un processus de mise en forme, de mise en scène et de mise en sens » (Neveu & Quéré 1996 : 10), il s’agit ici de cerner la nature précise de ee processus, grâce à l’analyse des dispositifs propres à chaque média, sans tomber dans le piège de la main invisible qui contrôlerait les flux d’information, mais en pointant quels sont les mécanismes de censure sociale qui naissent naturellement d’automatismes, de routines et de contraintes formelles et perceptives du fait médiatique.

La définition du concept n’est cependant pas neuve : un événement est « une occurrence singulière, imprévue, non répétable », autrement dit, « un fait notable ». En ce sens toute nouvelle n’est pas nécessairement un événement, car ce qui le caractérise est sa pertinence pour l’espace public. Ensuite, l’événement est singulier et contingent ; il s’agit d’une occurrence temporelle avec un début, un milieu et une fin, ce qui ne rend pas son observabilité plus facile en raison de sa soudaineté. C’est pourquoi l’événement médiatique n’est souvent réductible qu’après coup, dans la même mesure que les événements historiques. Il est toujours en quelque sorte une entité clôturée, car « ce

n’est qu’après coup que nous pouvons réduire l’indétermination et la complexité de l’événement (/. e. sélectionner un possible dans un champ de possibles et le fixer sous une description) » {ibidem ; 13). Ils postulent une sorte de dissociation entre notre perception première de l’événement (stade de reconnaissance) et le fait de le figer sous une description (stade de nomination), un décalage entre l’occurrence événementielle et sa configuration discursive :

L’observabilité de l’événement en train de se produire combine donc un savoir et une ignorance : nous savons qu’il se passe quelque chose, mais nous ne savons pas exactement ce qui se passe, nous ne pouvons pas vraiment qualifier l’événement [...] C’est pourquoi nous parlons souvent ‘des événements’, avouant par là notre ignorance de la qualification effective de ce qui s’est passé et notre incapacité de choisir une description parmi toutes celles qui sont possibles, bref de réduire la complexité de l’événement. Ajoutons qu’un autre aspect de cette complexité est le fait que souvent un événement est une collection d’occurrences et de choses relativement hétérogènes et que sa qualification requiert une synthèse de ces éléments hétérogènes ‘sous une description’ (catégorisation, narration, etc.) qui en fait une totalité intelligible {ibidem : 13).

La critique que nous pouvons formuler à l’égard de cette affirmation est que les opérations d’individuation et d’intelligibilité de l’événement ne sont pas dissociées dans la pratique, étant donné que la presse nomme l’événement en même temps qu’elle l’identifie. En effet, la nomination est une étape fondamentale pour la visibilité publique et pour le « processus d’individuation de l’événement, de réduction de son indétermination » {ibidem ; 14). Les auteurs rendent compte de ce phénomène lorsqu’ils évoquent les « contraintes sémantiques » qui entrent en jeu dans la description/identification de l’événement {attentat politique, grève, émeute). Par ailleurs, ces opérations ne sont pas de l’ordre du savoir mais de l’ordre de la représentation (la presse appelle un attentat politique, une grève ou une émeute ce que la société considère comme tel).

Quéré et Neveu apportent une contribution fondamentale avec ce qu’ils appellent « la constitution symbolique de l’événement», à savoir les schèmes symboliques qui contribuent à sa construction à travers des structures concrètes (narratives, sémantiques, formelles), qui interviennent dans la réduction de son indétermination et l’attribution d’une valeur. Or, comme on l’a dit, l’articulation entre la dimension imaginaire et la

dimension discursive ne peut pas être abordée de façon stratifiée, comme s’il s’agissait de deux stades dans le processus final de réduction de l’événement.

Un autre apport important du dossier est la proposition de dépasser la logique disciplinaire et de recadrer la discussion autour de la sémiologie, la sociologie et les sciences du langage, notamment pour récupérer et expliquer la dimension socio­ cognitive (cadres interprétatifs, programmes de perceptions liées aux messages, modèles culturels). Sur ce point, les auteurs mettent en avant les méthodes de la sociologie, qui permettraient d’éviter ce « piège à herméneutes » qu’est la dimension symbolique des messages, et de montrer, par exemple, « combien des modèles culturels, des cadres cognitifs viennent contraindre l’horizon du pensable et du commentaire sur l’événement, mais aussi comment des événements ou des mobilisations peuvent contribuer à introduire de nouveaux cadres interprétatifs, à renouveler les grilles de perception » {ibidem : 16).

3.5.1 Dispositifs de construction de l’événement

La contribution la plus importante de ce numéro de la revue Réseaux est de suggérer la double détermination de l’événement ; il est socialement organisé et, en même temps, il organise la perception des faits sociaux. G. Lochard, par exemple, met en avant la tendance de la presse fi-ançaise à s’écarter d’un mode configurant, globalisant, de la réalité, tendance accentuée par la multiplication des versions électroniques des journaux :

Cette transformation du discours de la presse écrite, qui touche depuis quelques armées les titres français, interroge quant à ses effets les modes d’appréhension de l’événement. À cette multiplication d’articles brefs correspondent des formes de « cadrage » de plus en plus « resserrées » du monde phénoménal, toujours plus décomposé en de multiples scènes autonomisées. Il apparaît donc qu’avec le développement dans la presse contemporaine de formes d’écriture minimaliste, le principe de « dépendance contextuelle » dans l’interprétation de l’événement se voit remis en question (Lochard 1996 : 93).

Ce phénomène rédactionnel est le résultat d’une logique de l’immédiateté au détriment de celle de la totalité, en privilégiant des types textuels à visée informationnelle ; l’actualité se verrait ainsi morcelée en nouvelles réduites à un « noyau informatiormel ».

L’auteur conclut à lui retour à une conception immanentiste de l’événement (qu’il qualifie de « pré-modeme »), selon laquelle celui-ci serait coupé du passé et du présent et se présenterait comme une pure occurrence, contrairement à la présentation qu’en fait la science historique, le réincorporant à une série interprétative cohérente.

Pour sa part, M. Palmer présente un panorama détaillé du mode de fonctionnement des agences de presse, qui produisent l’information pour leurs clients selon la logique de l’offre et la demande. La configuration rédactionnelle des dépêches étant soumise à beaucoup de contraintes, notamment d’espace, « tout se joue lors des premiers mots. Premiers mots du titre, premiers mots du paragraphe, et premiers mots de la phrase d’ouverture, l’accroche, le ‘lead’ » (Palmer 1996 : 93), qui doivent capter l’attention du lecteur et en même temps faire circuler l’information. Dans ce cadre, la question des titres et du « lead devient centrale. Le discours agencier, « discours fragmentaire pour abonnés reliés en temps réel, célèbre [...] cette écriture ramassée et réifiante -confirmée par ailleurs par la technique de la « pyramide inversée », selon laquelle l’essentiel de l’information doit paraître en début de texte. La synthèse de l’événement devient ainsi une caractéristique essentielle de l’énonciation journalistique contemporaine.

Même si, comme l’affirme Palmer, « les agences mondiales d’information ne sont pas les seuls médias transnationaux qui mettent le monde en discours et qui en façonnent les représentations [...], d’innombrables journalistes -qu’ils soient issus ou non d’une école de journalisme- ont été formés par l’écriture d’agence [et] bien d’autres pratiquent une écriture, une grammaire de l’événement qui -pourrait-on dire- porte l’estampille d’une ‘Académie Française de Presse’ » {ibidem : 107), en référence à l’Agence France- Presse.

Ph. Riutort éclaire d’autres routines journalistiques en faisant appel à la notion de

cadres de Goffman, selon laquelle la perception que le journaliste a de l’événement est formatée par des cadres sociaux, notamment des schémas typificatoires qu’il prélève d’un stock social de connaissances pour expliquer l’événement en question. Les

Le lead est le « paragraphe d’attaque d’un article ou d’une dépêche qui doit condenser en peu de place l’essentiel de l’information. Quand ce paragraphe s’étale sur toute la largueur des x colonnes de texte de l’article on parle de chapeau » (Neveu 2004 : 7).

typifications servent à interpréter des événements nouveaux à partir d’événements passés, en utilisant, par exemple, des métaphores évoquant la Deuxième guerre mondiale ou en comparant des figtires historiques actuelles avec des acteurs du passé^^. En analysant notamment les routines professionnelles des éditorialistes télévisuels fi'ançais, Riutort souligne également leur alignement siu’ les attentes de l’opinion publique, « qui tend à homogénéiser en grande partie le contenu et la forme des ‘papiers’ des éditorialistes, qui intériorisent dans leur pratique professionnelle diverses ‘contraintes’ d’énonciation» (Riutort 1996 : 75). En outre, ces contraintes peuvent ne pas être vécues comme telles, dans la mesure où elles résultent du contact quotidien entre les journalistes des différents médias et d’instruments de coordination implicites, ce qui homogénéiserait en quelque sorte les définitions possibles de l’événement.

Les auteurs du dossier incorporent également la bibliographie anglo-saxonne autour de la news making, notamment les célèbres articles de Gaye Tuchman concernant la typification des événements, selon laquelle ceux-ci sont classés par les journalistes en fonction de catégories préconstruites. Bien que datant des années 1970, nous l’incluons ici car elle est reprise tardivement par la sociologie française. Tuchman (1973) propose une classification de l’événement selon la façon dont il est classé par les journalistes en vue d’organiser leur travail quotidien. Ce travail de typification conduit à ime homogénéisation de la matière événementielle et à une routinisation de sa mise en forme, ce qui permet, en dernière instance, de gérer l’hétérogénéité d’événements imprévisibles. Les cinq catégories proposées sont : hard news (1), soft news (2), spot news (3), developing news (4) et enfin continuing news (5). (1) concerne l’information que tout citoyen doit avoir pour être informé, tandis que (2) concerne plutôt des histoires de vie ; (3) touche à des événements liés à la nature, la technologie ou le code pénal (ce qui les rapproche du fait divers), de même que (4), sauf que ceux-ci nécessitent plus de temps pour constituer ime nouvelle. Enfin, (5) concerne une série de nouvelles (stories) autour du même sujet sur une période de temps (/. e. des procès, des guerres, des affaires diplomatiques, économiques ou politiques).

C’est le cas des nombreux emplois métaphoriques de désignants d’événements que l’on retrouve dans la presse, comme dans cet exemple: «L’attentat d’islambad : ‘le 11-Septembre’ du Pakistan» (lemonde.fr 21.09.08). Nous étudierons les emplois métaphoriques dans la deuxième partie (§ 5).

Le classement des events est croisé avec une deuxième variable, celle de leur caractère programmé ou pas. Tuchman propose les corrélations suivantes : les soft news sont non programmées (non-scheduled), c’est-à-dire que la date de « dissémination » de l’information est déterminée par le journaliste, tandis que les hard news sont pour la plupart programmées (prescheduled) ou bien imprévues (unscheduled). Les événements non programmés relèvent, pour la plupart, du journalisme d’investigation (par exemple, la publication par le média de documents classés par le gouvernement). Cette distinction est en rapport avec la rapidité avec laquelle l’information doit être traitée : les spot news, par exemple, doivent être traitées rapidement dans la mesure où elles surgissent brusquement.

L’intérêt des recherches de Tuchman réside dans le fait qu’il montre à quel point le support et les contraintes matérielles affectent la fabrication de l’événement, dans la mesure où les moyens déployés pour le couvrir sont en corrélation avec le temps et les dispositifs disponibles. En montrant comment les typifications des journalistes agencent le matériel événementiel selon des routines de travail, il conclut que « individuals, groups and organizations not only react to and characterize events by typifying what has happened, but also they may typify events by stressing the way ‘things’ happen » (Tuchman 1973 : 129).

En ce qui concerne la promotion d’événements dans l’espace public, Molotch & Lester ont une approche qui apporte quelques éléments intéressants mais qui reste relativement datée (l’article repris dans le dossier est de 1974), et qui souligne avec trop d’emphase la dimension technique au détriment de la dimension symbolique. Selon les auteurs, l’événement est un objet social qui a pour fonction de découper le temps et organiser l’expérience, servant de repère ultérieur à d’autres événements ou occurrences (c’est-à- dire des « faits connus »). Toute occurrence peut devenir un événement, mais ce passage s’opère uniquement en fonction des besoins sociaux, et « la longévité de l’événement ainsi construit est en permanence tributaire des objectifs du moment » (Molotch & Lester 1996 : 26).

C’est ainsi que la construction d’événements ponctue la temporalité sociale en créant un

temps public qui organise l’histoire, mais aussi la discussion des affaires publiques. En ce sens, le temps public n’est pas uniquement agencé par le discours des journalistes

mais aussi par celui des historiens, des sociologues, etc. Cette vision de l’événement

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