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CONSIDERATIONS GENERALES SUR LES STRUCTURES METRIQUES ET PRINCIPES METHODOLOGIQUES

III. LA METRIQUE DES ODES

III. 1 CONSIDERATIONS GENERALES SUR LES STRUCTURES METRIQUES ET PRINCIPES METHODOLOGIQUES

III. LA METRIQUE DES ODES

Avant de commencer une étude stylistique des Odes d’Horace, il est nécessaire de dire quelques mots sur la métrique qui y est utilisée, et surtout sur la manière dont nous la comprenons. Le problème de l’interprétation de la métrique horatienne est vaste, la bibliographie la concernant également. L’objet de cette introduction va être de poser le problème de la versification horatienne, de comprendre la nature des structures métriques utilisées dans les Odes. Dans ce sujet très large, nous nous contenterons d’une présentation synthétique de nos vues.

Nous commencerons par évoquer les problèmes communs à toutes les structures métriques horatiennes ; après quoi, nous examinerons les natures particulières à chaque type strophique.

III. 1 CONSIDERATIONS GENERALES SUR LES STRUCTURES

METRIQUES ET PRINCIPES METHODOLOGIQUES

En introduisant à Rome la métrique lyrique éolienne, Horace fait œuvre de versificateur érudit. Comme le note J. Luque Moreno, les Odes occupent une place essentielle dans l’histoire à la fois de la pratique versificatrice latine et des théories métriques antiques93. Comme versificateur, il poursuit le mouvement d’appropriation par les Latins des formes métriques grecques et il achève le processus de fixation de ces formes94. Horace, par ailleurs, tient une place essentielle pour qui s’intéresse aux théories métriques antiques, au moins pour

93

J. Luque Moreno, 1996, p. 188-189. 94

Sur ce processus, depuis les poètes éoliens archaïques en passant par la métrique alexandrine, cf. le travail essentiel de R. Heinze, « Die lyrischen Verse des Horaz », Berichte über die Verhandlungen des Sächs. Akad. der Wis. zu Leipzig, phil.-hist. Kl. 70,4, Leipzig, 1918 = R. Heinze, 1960, p. 227-294

trois raisons, d’abord parce que lui-même en a une certaine connaissance, ensuite parce que cette connaissance peut s’exprimer dans sa pratique versificatrice, enfin parce que cette pratique a influencé les théories métriques ultérieures95.

Il y a bien, dans l’écriture des Odes d’Horace, un projet métrique qui tient dans la constitution de formes qui font sens, de structures métriques qui ont, par elles-mêmes, une identité suffisamment nette pour que l’on puisse reconnaître à chacune un éthos précis96.

Il nous paraît donc important dans cette introduction de rappeler les structures métriques utilisées par Horace et de caractériser leur éthos.

i. Nature des structures métriques horatiennes

 Rappel des types de structures métriques de la poésie lyrique d’Horace :

Rappelons-le, notre travail porte sur les deux recueils d’odes d’Horace, le recueil formé par les livres I-III et le recueil du livre IV, ainsi que sur le Chant Séculaire.

Dans cet ensemble constitué de 104 odes, on dénombre :

- 79 odes écrites en structures métriques quatrains97 : c’est la structure typique du lyrisme horatien : dans toutes ces odes, les vers utilisés appartiennent à la tradition éolienne : ce sont les strophes saphiques, alcaïques, asclépiades a et b.

- 18 odes écrites en structures métriques distiques (distrofos). Parmi ceux-ci :

o 13 odes sont écrites en vers de tradition éolienne.

o 1, l’ode 2.18, utilise des vers qui, d’après J. Luque Moreno, pourraient être de tradition éolienne mais qui sont traités selon la technique ionienne98.

o 4 odes sont écrites en vers de tradition ionienne, vraisemblablement archiloquienne.

- 6 odes écrites en structures métriques monostiques (monocolos) avec des vers de tradition éolienne.

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J. Luque Moreno, 1996, p. 189-190 : ces trois aspects sont nettement distincts. Les théories de la dérivation métrique que défendait W. Christ, 1879, tendaient justement à confondre la pratique versificatrice d’Horace et les théories de métriciens.

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Selon J. Dangel, « Sénèque, poeta fabricator » in J. Dangel, 2001 (éd), p. 226 : « Horace se plaît moins encore à travailler [ses formes métriques] qu’à les typer », en leur apportant ainsi des « capacités expressives spécifiques ». Nous craignons cependant que cette affirmation soit un peu trop univoque et donne une importance trop grande, pour chaque ode, à l’ethos du vers, alors que notre travail va consister à montrer que les capacités expressives des odes sont rendues possibles par des actes de style résultant du contrepoint entre l’ethos de la structure métrique et le déploiement de la rhétorique utilisée.

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Les métriciens anciens disent « tetrastrofos » (Serv., GLK IV, p. 468) ou « tetracolos » (Ter. Maur., GLK VI, v. 2707-9 : « hanc docti tetracolon vocitant strophen: nam post quattuor hos altera vertitur ad legem similem consimilis strophe ») : le suffixe –colos est utilisé par Servius pour désigner le nombre de vers différents utilisés dans la strophe : par exemple, la strophe saphique est « dicolos tetrastrofos » et la strophe alcaïque « tricolos tetrastrofos ».

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- L’ode 3.12 est écrite en une série continue de quarante ioniques mineurs purs, selon une tradition éolienne. Il s’agit là d’une composition exceptionnelle dans l’œuvre d’Horace qu’il nous a paru difficile d’intégrer à notre étude. Aussi sera-t-elle exclue de notre travail.

Dans les odes horatiennes prédominent, comme on le voit, les structures métriques quatrains de tradition éolienne : selon cette tradition, la métrique est pour ainsi dire syllabique, puisque le monnayage d’une longue en deux brèves est impossible. Cette tradition de régularité va être accentuée par Horace, comme nous le rappellerons plus loin.

Mais il convient de faire sa place, ici, au problème posé par les odes en distiques et monostiques. On sait qu’il s’agit là d’un problème majeur de la critique horatienne : la question est de savoir si ces odes n’auraient pas également, en réalité, une structure quatrain. C’est la loi de Meineke, qui constate qu’à l’exception de l’ode 4.8, où des problèmes de manuscrits sont envisageables, toutes les odes d’Horace sont écrites en un nombre de vers divisible par quatre99. Faut-il donc considérer que toutes les odes d’Horace sont des quatrains ?

Ce n’est pas dans cette introduction que nous trancherons le problème. Dans toute la première partie de notre travail, nous étudierons séparément les strophes en « quatrains avérés », c'est-à-dire les quatre strophes alcaïques, saphiques, asclépiades a et b, et, dans un chapitre à part, les strophes en distiques et monostiques. Cette première partie permettra, par l’étude de ces odes, d’apporter nos éléments de réponse au problème, éléments que nous prendrons en compte dans les parties suivantes.

Pour cette introduction, il convient donc d’en rester aux structures métriques dominantes, les quatrains avérés de tradition éolienne : quelles sont les particularités de ces structures métriques ?

 Éthos des structures métriques quatrains d’Horace :

Nous examinerons, par la suite, l’éthos particulier de chaque strophe horatienne. En revanche, il est important, au début de ce travail, de rappeler un point essentiel qui concerne les Odes dans leur ensemble. Les structures métriques horatiennes participent, naturellement, d’une esthétique de la tenuitas. Aussi élevés que soient les sujets que le poète arrive parfois à traiter, par leur forme, les Odes sont ancrées dans la tradition d’une poésie plutôt légère100 : c’est le lyrisme éolien (ou accessoirement ionien, dans les cas des Odes utilisant des structures métriques épodiques) que pratique Horace, et, en aucune façon, le lyrisme dorien d’un

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La loi de Meineke, tout en étant une question essentielle pour la compréhension du lyrisme horatien, n’est pas directement l’objet de notre étude. Aussi pouvons-nous nous abstenir d’un point bibliographique de la question : pour cela, on se reportera à K. Bohnenkamp, 1972, p. 4-21.

100

Comme le note Denys d’Halicarnasse dans sa théorie des trois styles (De Comp. 24.5), le lyrisme éolien ne relève pas du style austère. Sapho est classée dans le style élégant et fleuri (¹ glafur¦ kaˆ ¢nqhr¦ sÚnqesij) et Alcée dans le style intermédiaire (¹ mesÒthj).

Pindare que notre poète dit être hors de portée pour lui. En cela, le lyrisme horatien, par sa forme, relève d’une poésie plutôt humble, de la Musa tenuis, comme les iambes, les épigrammes, les élégies101.

En effet, pour la plupart, les vers d’Horace sont des vers courts : les strophes saphiques et alcaïques débutent sur des hendécasyllabes, l’asclépiade mineur fait douze syllabes. C’est nettement moins que l’hexamètre dactylique dont la longueur est comprise entre 13 et 17 syllabes. La brièveté implique un déploiement de la phrase moins ample, tant il est vrai que le rythme du vers influe sur le rythme de la phrase102 ; par conséquent, ces vers courts impliquent, symboliquement, une inspiration relativement faible, un sujet peu élevé103.

D’ailleurs, et c’est un autre point sur lequel il faut insister, ces vers courts, utilisés en strophe, relèvent, comme le rappelle J. Perret, de la tradition de la poésie populaire : « Alcée, Sappho, avec tout leur génie, avaient été des auteurs de chansons ». , remarque le grand philologue français, « l’existence des chansons à boire a pu marquer le lyrisme strophique d’une manière un peu fâcheuse et contribuer à lui fixer sa place aux confins extérieurs de la littérature de qualité » 104. C’est donc naturellement dans la tradition de la chanson que s’ancrent les structures métriques horatiennes.

La ressemblance des structures métriques des Odes avec des chansons légères tient fondamentalement à la simplicité de leur rythme, à la répétition fréquente des mêmes unités métriques : les strophes horatiennes quatrains sont formées d’abord d’un même vers répété deux ou trois fois puis d’un ou deux vers qui reprennent des éléments rythmiques présents dans les vers précédents ; ces strophes ainsi organisées sont répétées ad libitum dans le

101

J. Luque Moreno, 1996, p. 191. Pour la théorie des « caraktÁrej » (tenuis, medius, grauis) dans la poésie augustéenne, cf. l’important article d’A. Fontán, 1964. Comme le note J.P. Elder (« Tibullus, tersus atque elegans », in J.P. Sullivan, 1962, p. 65), cette tenuitas que pratique Horace forme un registre qui s’adresse plus aux hommes cultivés, aux « happy few » qu’à la foule. Les Anciens étaient naturellement plus sensibles que nous à ces éthos métriques qui fondent les traditions génériques. En effet, il n’est qu’à voir les termes qui qualifient la poésie horatienne pour constater qu’elle est rattachée à la Musa tenuis dans une parenté assez forte, d’ailleurs, avec la poésie élégiaque : Ovide (Tristes 4.10. 50) parlent des carmina culta d’Horace, Quintilien (I.O. 10.1. 96) dit d’Horace qu’il est plenus iucunditatis et gratiae. Plus généralement, Tacite (Dial., 10.4) range la lyricorum iucunditas dans le genre léger, aux côtés de l’elegorum lasciuias, de l’iamborum amaritudo et de l’epigrammatum lusus. Enfin, à plusieurs reprises, parlant de poètes lyriques imitant Horace, Pline loue la mira dulcedo, mira suauitas, mira hilaritas (Ep. 3.1. 7), la magna uarietas, magna mobilitas (Ep. 9.22. 2). Tous ces termes qualifiant le lyrisme d’Horace se retrouvent employés également pour qualifier la poésie élégiaque (J.P. Boucher, 1965). Mais bien-sûr, si les Latins sont sensibles à cet éthos léger de la poésie lyrique, ils savent également qu’elle est capable d’autre chose : cf. notamment, là-dessus, la comparaison entre lyrisme et élégie qui s’établit dans la 15e Héroïde d’Ovide (cf. l’analyse menée par J. Dangel, 2008). Quintilien (I.O. 10.1. 86) dit également de la poésie lyrique horatienne : « insurgit aliquando ».

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De la même manière, en poésie française, l’alexandrin est le vers noble quand l’octosyllabe « à partir du milieu du XVIe siècle, est plutôt dévolu aux genres dits « mineurs » » (M. Aquien, 1993, ad octosyllabe). 103

F. Villeneuve 1929, p. XXVIII, remarquant qu’Horace n’a pas pratiqué les vers lyriques alexandrins, note qu’ « il a préféré demander directement aux vieux lyriques le secret d’une forme moins maniérée, plus virile ». Ces qualificatifs sont relatifs : assurément, les vers éoliens, particulièrement sous la forme que leur donne Horace, sont plus sobres que les vers pratiqués par les Alexandrins (cf. p. 51) ; reste que, malgré cela, il s’agit d’une forme lyrique légère.

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poème. Cette simplicité du schéma de répétition rythmique, ainsi que la brièveté des vers horatiens, font ressembler ces structures métriques à des refrains de chanson. Dans son analyse du système de responsion dans le lyrisme monodique, comparé au lyrisme choral, M. Nasta ne peut que souligner la simplicité de ce système du lyrisme individuel : « la poésie monodique du lyrisme optait pour des limites renforcées : la figures constante des séquences homogènes ou hétérométriques se reproduit par ensembles stichiques isosyllabes. La clôture de l’égalité syllabique domine ici l’équilibre des vers et l’architecture de la strophe, réitérée de façon monotone »105.

En interprétant les Odes, il faut toujours garder à l’esprit cet éthos naturel de la structure métrique : même dans les poèmes officiels, dans les odes civiques, dans le Chant

Séculaire, cette simplicité un peu légère du cadre métrique est sensible et c’est en contrepoint

à celui-ci qu’un sujet grave peut se développer106. C’est ce contrepoint que nous étudierons dans notre travail.

Cet éthos des structures métriques des Odes invite nécessairement à se poser la question de leur exécution : les odes étaient-elles chantées ? déclamées ? selon quels principes de diction ?

 Diction des strophes horatiennes

L’oralité tient une place essentielle dans la poésie latine, comme dans toute la littérature antique. Il est un point qui ne souffre pas contestation : quel que soit leur mode d’exécution, les Odes sont écrites pour être lues à haute voix107. La conséquence est grande : entre l’écriture de l’ode et sa réception par l’auditeur108, il y a le média de l’oral. Étudier le rythme des odes d’Horace, ce qui est l’objet de notre travail ici, va consister à rechercher, dans le texte des poèmes, les indices stylistiques qui encouragent le récitant à opter pour telle ou telle diction, visant à produire tel ou tel effet sur l’auditeur109.

105

M. Nasta, « La figure des vers éoliens et le relief des homophonies : une préfiguration des réseaux de la rime » in J. Dangel – M. Murat, 2005, p. 27.

106

Il faut donc éviter de vouloir rattacher de façon trop univoque les Odes à un genus grande (cf. par exemple, F. Plessis – P. Lejay, 1911, p. XXI-XXIII,F. Villeneuve, 1929, p. XXXIII-XXXIV) : la rhétorique des Odes s’étend du ton badin au registre sublime (c’est ce que nous verrons par là suite) ; mais par sa forme, le lyrisme éolien relève d’une tradition légère. Notons d’ailleurs que cet éthos de la forme métrique est loin d’être en désaccord avec la pensée générale qui se dégage des Odes : cf. H.G. Mette, 1961 dont le titre de l’article est significatif : « Genus tenue und mensa tenuis bei Horaz ».

107

Sur la place fondamentale de l’oralité dans la lecture antique, cf. E. Valette-Cagnac, 1997, p. 111-169. 108

Cette dimension orale implique de préférer les termes de récitant, d’auditeur, voire de spectateur, plutôt que celui de lecteur.

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bien-sûr, le récitant peut être, à soi-même, son propre auditeur, dans le cas d’une lecture personnelle. Cicéron (Tusc. 5. 116) précise même que les gens devenus sourds entendent encore les résonances des mots en les lisant : sur la lecture personnelle, cf. E. Valette-Cagnac, 1997, p. 29-71.

Tout cela implique un principe de méthode. Ce qui va nous intéresser, c’est le rythme des Odes dans sa dimension orale. Indépendamment de la composition du recueil dans son ensemble110, c’est le rythme de chaque poème étudié isolément qui nous intéressera.

Sur la diction des Odes, il demeure cependant un point litigieux dans la critique horatienne111 : les odes faisaient-elles l’objet d’une diction chantée ? déclamée ? parlée ? Le problème est vaste, car, plus globalement, il met en cause la place de la musique dans toute la poésie antique.

Les travaux de G. Wille ont rappelé toutes les sources qui incitent à reconnaître l’importance de la musique dans les Odes112 : d’abord, on sait que le Chant Séculaire a été effectivement chanté ; ensuite, des manuscrits médiévaux des Odes contiennent des neumes, preuves que les textes, à un moment de leur histoire, ont été mis en musique ; enfin, plusieurs témoignages antiques soulignent l’importance de la musique dans la poésie lyrique113. On a pu néanmoins mettre en question ces sources : E. Pöhlmann a discuté l’interprétation donnée par G. Wille de témoignages antiques114. Déjà, quelques années avant, en collaboration avec son maître O. Seel, E. Pöhlmann avait entrepris une étude métrique de la strophe saphique, de laquelle il avait conclu qu’Horace avait fait de l’hendécasyllabe saphique grec un vers latin fait pour être parlé115.

R. Heinze est, quant à lui, d’un avis plus mitigé116. Considérant les témoignages antiques, il n’exclut pas que les odes aient été chantées, mais un argument lui en fait douter, argument qui nous paraît plus probant qu’une analyse métrique. Comme nous l’avons dit, R. Heinze conçoit les odes comme la fiction d’un discours tenu à un allocutaire considéré comme présent, discours qui s’empreint de rhétorique ; est-ce conciliable avec une diction chantée ?

110

La plupart des monographies consacrées à Horace (ainsi J. Perret, 1959 (1), p. 103-108), tous les commentaires sur les Odes (par exemple, R.G.M. Nisbet – M. Hubbard, 1970, p. XXIII sq. ; H.P. Syndikus, 2001, p. 19) font des remarques sur l’architecture des recueils lyriques ; on citera par ailleurs deux ouvrages entièrement consacrés à la question, celui de H. Dettmer, 1983 et celui de M.S. Santirocco, 1986. Nous ne contestons évidemment pas la validité de tous ces travaux ; mais l’objet de notre travail est autre. En revanche, nous nous inscrivons en faux contre l’affirmation réductrice de G. Hutchinson, « Horace and archaic Greek poetry », in S.J. Harrison, 2007 (éd), p. 37, selon laquelle les œuvres d’Horace vaudraient davantage à être étudiées comme des livres de poèmes, avec une forme et une stratégie, que comme des poèmes individuels. Nous croyons plutôt que les deux approches sont complémentaires.

111

Cf. les renvois bibliographiques de K.E. Bohnenkamp, 1972, p. 327 note 1286. 112

G. Wille, 1961. 113

Cicéron, Or. 183 ; Quintilien, I.O 1.10. 29 ; Pline, Ep. 7.4. 9 ; Marius Victorinus, GLK 6. 183. 22. 114

E. Pöhlmann, 1965. 115

O. Seel – E. Pöhlmann, 1959. Notons que cette analyse s’appuie sur une conception discutable du rôle de l’accent de mot en poésie latine.

116

Nombre de commentateurs s’accordent cependant à reconnaître l’importance de la musique dans les Odes117 ; J. Perret finit d’ailleurs l’exposé de son point de vue par une remarque qui nous paraît très intéressante : « Il est tant de manières d’accompagner musicalement une déclamation ! »118. Cette brève remarque invite en effet à ne pas caricaturer le problème en opposant, de façon irréductible, le parlé et le chanté. Les travaux de J. Dangel sur le théâtre d’Accius ont nettement montré que la distinction entre vers parlés, déclamés et chantés n’est pas si étanche que cela et que les variations rythmiques d’un texte pouvaient très bien être accompagnées de variations dans le mode de diction119. On peut très bien concevoir qu’en fonction du rythme du poème, la diction du récitant se modifiait, évoluant selon une large gamme, depuis la diction rythmée d’un récitatif déclamée ou chantée jusqu’au chant pur. Vraisemblablement, dans les cas d’une rhétorique simple, parfaitement cadrée, comme on peut en trouver dans des hymnes, de simples « récitatifs parlés » pouvaient suffire120. En revanche, quand le rythme se fait complexe, alors la musique peut être sollicitée pour « accentuer, amplifier et étendre les timbres et registres » du rythme poétique : « la chorégraphie [de la voix] s’étoffe, ondulante et rythmée, avec ses effets de ralentis et d’accélérations, ses rythmes solennels ou émotionnels » 121.

C’est donc ce point de vue que nous suivrons dans notre travail : nous considérerons que la musique est une ressource supplémentaire donnée au poète lyrique pour soutenir le rythme qu’il veut déployer et nous ne lui donnerons pas une importance autre que celle-là.

Une autre question de nature différente se pose, quand on s’interroge sur la diction des strophes horatiennes : c’est celui de l’existence d’une diction liée. Tous les métriciens ne donnent pas la même importance à la notion d’oratio uincta qu’utilisent les anciens pour désigner les vers ; en ce qui nous concerne, nous adoptons la théorie d’une diction liée stricte, théorie fermement défendue par J. Soubiran122, selon laquelle les vers latins étaient lus sans pause de sens, en liant les mots dans le vers : suivant cette diction, qui a pour but de maintenir sensible l’alternance de syllabes longues et brèves qui fonde la métrique antique, une pause

117

G.B. Pighi, 1958 propose même des adaptations musicales des Odes (cf. de même N.A. Bonavia Hunt, 1969). Parmi les Français tenant d’une diction chantée des Odes, citons J. Perret, 1959 (1), p. 102-103, J. Hellegouarc’h, 1966, p. 74.

118

J. Perret, 1959 (1), p. 102. 119

Sur Accius, cf. particulièrement J. Dangel 1989 (1) et 1992. 120

C’est ce que propose J. Dangel, 2007, p. 384, pour l’hymne antique. 121

J. Dangel, 2001, p. 47-52. 122

Cf. la synthèse qu’il donne de son point de vue concernant l’hexamètre dactylique in J. Soubiran, 1968 :