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Chapitre 2 : Utilisation du diphénylsilane en tant qu’agent de couplage pour la formation de

2.2 Développement d’une réaction d’amidation directe à l’aide du diphénylsilane

2.2.2 Considérations mécanistiques

Avant d’aller plus loin et de réaliser l’étude de l’étendue réactionnelle de la réaction, plusieurs réactions contrôles ont été faites afin d’essayer de mieux comprendre la transformation et d’en appréhender le mécanisme.

2.2.2.1 Mécanismes postulés

Comme énoncé dans les cas des dichlorosilanes, deux voies principales peuvent être envisagées : une activation classique de l’acide carboxylique ou une ligation chimique des deux partenaires de couplage au silane (Schéma 21).

Dans un premier temps, le carboxylate peut réagir par attaque nucléophile sur le silane afin de former un intermédiaire comportant un silicium pentavalent (A). Ceci a pour effet d’affaiblir la liaison Si-H et de lui donner un caractère de donneur d’hydrure. Cette affirmation peut être appuyée par l’étude de la réaction d’ortho-silylation d’indoles menée en collaboration par les groupes des Prs. Krenske, Houk et Zare.197 Dans celle-ci, le tert-butylate de potassium

est l’espèce nucléophile qui permet de former l’espèce de silicium pentavalent. Une fois l’ester silylé formé, l’amine peut attaquer soit le carbonyle (Schéma 21. a.), soit l’atome de silicium (Schéma 21. b.). Les études menées pour essayer de départager ces deux voies seront présentées dans les prochaines sections.

2.2.2.2 Utilisation de différents silanes

Pour débuter cette étude, l’influence de la nature du silane utilisé et en particulier du nombre de liaisons Si-H qu’il possède a été étudiée (Tableau 5).

Tableau 5. Influence de la nature du silane utilisé

Entrée Silane Rdt (%)a 1 Ph2SiH2 86 2 Et2SiH2 14 3 PhSiH3 81 4 Me2PhSiH 32 5 MePh2SiH 76 6 Ph3SiH 50

a Rendements mesurés par RMN 1H en utilisant le 1,3,5-triméthoxybenzène

Le remplacement du diphénylsilane par le phénylsilane, lequel possède trois hydrures plutôt que deux, n’a que très peu d’influence sur le rendement en composé 2b (Tableau 5, entrée 3). Le cas plus intéressant des monohydrosilanes a ensuite été abordé. Ces derniers, ne possédant qu’une seule liaison Si-H, ne sont pas capables de générer l’espèce intermédiaire B présentée dans la section précédente. Le produit désiré 2b a pourtant pu être obtenu avec le diméthylphénylsilane, le méthyldiphénylsilane et le triphénylsilane, bien qu’avec des rendements plus faibles (Tableau 5, entrées 4, 5 et 6). Ceci indique qu’une activation classique de l’acide carboxylique a bien lieu.

Une brève étude de l’influence des substituants a ensuite été réalisée. Une chute drastique de rendement a été observée lors du remplacement des groupements aromatiques par des groupements aliphatiques qui peut être expliquée par une moins bonne stabilisation de l’intermédiaire chargé A (Tableau 5, entrée 2). Le même effet a été noté en passant du diméthylphénylsilane au méthyldiphénylsilane (Tableau 5, entrées 4 et 5).

2.2.2.3 Ordre d’addition

Malgré les efforts déployés, l’intermédiaire hypothétique B n’a pas pu être observé. Cependant, les réactions contrôles effectuées montrent que le diphénylsilane réagit indépendamment avec les deux partenaires de couplage, ce qui est en faveur d’un intermédiaire formé par ligation chimique bien que cela ne constitue pas une preuve directe de son existence.

Lors de la réaction de l’amine seule en présence du silane, la formation immédiate de bulles a indiqué un dégagement de dihydrogène (éq 16). De plus, un nouveau pic a pu être détecté par RMN 1H indiquant la formation de l’amine silylée (proton en rouge). Au bout de

16 h, l’acide acétique a été ajouté dans le milieu réactionnel et la réaction a été poursuivie pendant 16 h. Le produit d’amidation a alors été obtenu avec 98% de rendement, rendement identique à celui de la réaction monotope.

Le même test a été effectué en faisant réagir l’acide carboxylique en premier en présence de DIPEA afin de pouvoir former le carboxylate nucléophile. Les mêmes observations ont été

faites et le produit a pu être obtenu avec 96% de rendement suite à l’addition de l’amine. Ces résultats sont en faveur d’un intermédiaire de type ligation chimique.

Il est intéressant de noter que ce type d’intermédiaire a déjà été postulé et observé dans une réaction d’amidation. En effet, dans une étude récente du mécanisme d’une réaction d’amidation entre un azoture et un acide carboxylique en présence d’une quantité catalytique de triphénylphosphine et de diphénylsilane, le groupe du Pr. Denton a été capable d’observer un intermédiaire similaire à l’intermédiaire B suite à des études RMN poussées.198 Cette

observation rend donc le mécanisme impliquant une ligation chimique plausible dans le cas de notre étude.

2.2.2.4 Conclusion

Bien que les expériences réalisées n’aient pas permis d’observer un intermédiaire réactionnel clé pour cette réaction, plusieurs conclusions ont pu en être tirées. En effet, l’étude de la nature du silane utilisé a montré que les monohydrosilanes étaient également efficaces pour cette réaction, permettant de conclure qu’une activation classique de l’acide carboxylique semble être le mécanisme prédominant. De plus, la méthode développée étant similaire au cas des dichlorosilanes, une analogie mécanistique entre ces deux réactions peut être faite. Comme mentionné dans le chapitre 1 de ce manuscrit, les études DFT réalisées par le groupe du Pr. Bi dans le cas de l’utilisation d’un dichlorosilane en tant qu’agent de couplage ont montré qu’une activation classique de l’acide carboxylique était plus favorable cinétiquement.172

Néanmoins, une perte de rendement lors de l’emploi du méthyldiphénysilane plutôt que du diphénylsilane (76% vs. 86%) indique que ce dernier n’est pas l’unique mécanisme mis en jeu. Les deux silanes utilisés possèdent le même nombre de groupements aromatiques ; la différence de rendement n’est donc pas due à une différence de stabilisation de l’intermédiaire chargé A. Une ligation chimique des deux partenaires de couplage pourrait permettre d’expliquer ce résultat. Les deux mécanismes proposés semblent donc synergiques et permettent l’obtention du même produit d’amidation désiré.