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Chapitre 2 : Utilisation du diphénylsilane en tant qu’agent de couplage pour la formation de

2.3 Application de la méthodologie à la synthèse peptidique

2.3.4 Épimérisation

Un des critères les plus importants lors de la synthèse de peptides est le taux d’épimérisation obtenu, celui-ci devant être le plus proche de zéro possible. La perte de l’information chirale d’un centre en α d’une fonction acide carboxylique peut survenir selon deux mécanismes liés à l’activation de cette fonction : une énolisation directe (Schéma 28, voie a) ou bien la formation d’un intermédiaire de type oxazolone (Schéma 28, voie b).19 Schéma 28. Mécanismes d’épimérisation lors de la synthèse de peptides

Il a été montré que le dipeptide Boc-(L)Ala-(L)Ala-OMe a pu être obtenu sous la forme d’un seul diastéréoisomère n’impliquant donc pas d’épimérisation. L’alanine n’est cependant pas le résidu idéal pour l’étude de l’épimérisation. Le résidu phénylglycine (Boc-(L)Phg-OH),

prompt à l’épimérisation, permet d’évaluer l’énantiospécificité d’une réaction de couplage peptidique. Dans les conditions développées, un taux critique de 78% d’épimérisation a malheureusement été obtenu (Tableau 11, entrée 1). Comme indiqué précédemment, la pyridine peut être utilisée sans différence de rendement à la place de la DMAP. De plus, elle permet de diminuer le taux d’épimérisation de 20% (78% vs. 56%), bien que celui-ci demeure trop important (Tableau 11, entrée 2).

Tableau 11. Influence de l’additif sur le taux d’épimérisation

Entrée Additif Taux d’épimérisation Rdt (%)a

1 DMAP 78% 52

2 pyridine 56% 52

3 2-picoline 56% 49

4 2,6-lutidine 56% 47

a Rendements isolés.

Dans le cas d’une activation classique de l’acide carboxylique, l’additif peut former un intermédiaire de type acylpyridinium afin d’accélérer la réaction. Au vu des mécanismes d’épimérisation présentés ci-dessus, l’utilisation d’un additif présentant un encombrement stérique en position ortho devrait permettre de limiter l’attaque intramoléculaire. Dans cette optique, la 2-picoline et la 2,6-lutidine ont été essayées en tant qu’additifs dans la réaction. Les taux d’épimérisation obtenus sont malheureusement identiques à celui observé avec la pyridine (Tableau 11, entrées 3 et 4). Le rendement n’est pas affecté par cette modification.

Un dernier test a été effectué afin de savoir si l’épimérisation observée avait lieu lors de la formation du peptide désiré ou par perte de l’information chirale de ce dernier dans les conditions réactionnelles. Pour cela, le dipeptide Boc-(L)Phg-Gly-OMe employé pour notre

étude a été synthétisé en utilisant un agent de couplage classique, à savoir le HBTU. Un taux d’épimérisation de 2% a été observé pour le produit obtenu. Ce dernier a ensuite été placé dans les conditions réactionnelles développées : chauffage à 80 °C pendant 42 h en présence de 0,5 équivalent de DMAP, 1 équivalent de DIPEA et 1 équivalent de diphénylsilane. L’analyse SFC a révélé un taux d’épimérisation de 62%, soit une érosion de la chiralité de 60%, indiquant que le processus de racémisation a lieu une fois le peptide formé et non lors de sa formation. Le chauffage et le long temps de réaction sont probablement en cause.

2.4 Conclusion

Ce chapitre a été consacré au développement d’une méthodologie de formation de liaisons amides en utilisant le diphénylsilane en tant qu’agent de couplage. Ces travaux surviennent suite à l’étude de l’application de dichlorosilanes de type 9-fluorenyle à la synthèse peptidique publiée préalablement dans notre groupe de recherche. Les objectifs principaux étaient de développer une méthodologie alternative plus verte et plus simple d’application en utilisant un agent de couplage silylé stable, disponible commercialement et peu onéreux. Le diphénylsilane, remplissant tous ces critères, a été utilisé avec succès afin de synthétiser une série d’amides secondaires et tertiaires. La réaction dans laquelle l’acide acétique est employé en tant que partenaire de couplage a pu être réalisée sans solvant, ce qui permet une diminution importante des déchets. Dans le cas des acides carboxyliques solides, l’acétonitrile a été choisi comme solvant ; les réactions ont pu être réalisées dans des conditions de forte concentration (2,5 M). La réaction développée ne forme que du dihydrogène gazeux et un siloxane qui précipite dans les conditions réactionnelles comme produits secondaires. De plus, cette transformation ne nécessite l’ajout d’aucun catalyseur métallique, base ou additif et tous les réactifs sont utilisés en quantité stœchiométrique. Tous ces facteurs contribuent à rendre la réaction plus économe en atomes.

La méthodologie a pu être étendue à la synthèse de di- et tripeptides suite à l’ajout d’une base, la DIPEA, et d’un additif, la DMAP. De plus, l’augmentation du temps de réaction à 42 h a été nécessaire. De très bons rendements ont été obtenus en présence d’un acide carboxylique peu encombré. Dans le cas de partenaires acides avec un plus fort encombrement stérique, la réaction a donné les produits désirés avec des rendements moyens. La méthodologie a également

pu être appliquée à une série de lactames, obtenus avec de très bons rendements. Il a été montré que les conditions réactionnelles provoquaient la perte de l’information chirale portée par le carbone en α de l’acide carboxylique. L’application du diphénylsilane à la synthèse peptidique ne représente donc pas une méthodologie compétitive par rapport à celles existantes et relève plus d’une preuve de concept.

L’étude de l’influence de la nature du silane utilisé (mono-, di- ou trihydrosilane), ainsi que de l’ordre d’addition des réactifs a permis d’obtenir des pistes quant au mécanisme de cette transformation. Les études suggèrent que la réaction procède majoritairement via un mécanisme d’activation classique de l’acide carboxylique, mécanisme également favorisé lors des études DFT menées par le groupe du Pr. Bi.172 Néanmoins, un mécanisme de type ligation chimique,

dans lequel les deux partenaires se lient au silane pour ensuite réagir de manière intramoléculaire, peut également être envisagé. Ce même mécanisme a également été proposé par les groupes des Prs. Charette171 et Denton.198

Les travaux de ce chapitre ont fait l’objet d’une publication dans le journal Green Chemistry en septembre 2017.201 Par la suite, cette méthodologie a été valorisée à deux reprises

dans une revue de la littérature rédigée par des chercheurs de différentes entreprises pharmaceutiques et chimiques dans le journal Organic Process Research & Developpement, dont un numéro dédié à la chimie verte. Ceci démontre l’intérêt que ce procédé peut présenter à échelle industrielle.202,203

Pour finir, il est important de mentionner que l’utilisation d’espèces organosilylées pour la synthèse d’amides est un domaine de recherche prometteur qui continue à être étudié. En effet, peu après notre étude, le groupe du Pr. Braddock a montré que l’orthosilicate de tétraméthyle (Si(OCH3)4) pouvait également servir d’agent de couplage pour cette

Chapitre 3 : Introduction aux concepts de la photochimie