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1.1.2 aux retombées novatrices en neuropsychologie

2. La cognition sociale dans les dégénérescences lobaires

2.2. La cognition sociale dans les dégénérescences lobaires frontotemporales

2.2.2. Connaissances sociales

Les comportements sociaux requièrent une bonne connaissance des savoirs sociaux. Au-delà des connaissances sémantiques sur le monde social, ces savoirs englobent notamment les scripts sociaux, c’est-à-dire le séquençage des actions sociales adéquates à réaliser dans un contexte social défini (Wood & Grafman, 2003) et de fait la connaissance des normes sociales. Elles sont donc étroitement liées à une dimension morale qui, au travers d’un code de valeurs et de coutumes, guide les conduites sociales et ont une implication primordiale dans la compréhension ou l’expression des émotions morales comme l’embarras, la culpabilité ou la fierté (Mendez, Anderson, & Shapira, 2005).

La transgression des normes sociales et la difficulté à moduler le comportement social sont deux éléments typiques contributifs de la symptomatologie comportementale des patients DFT. Une mauvaise connaissance des règles sociales pourrait être une explication à ces troubles mais

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n’a que peu été étudiée dans la DFT. Dans une tâche de jugements moraux, il a été montré que les patients DFT présentaient des difficultés pour juger du caractère acceptable ou déplacé de comportements évoqués au travers d’un questionnaire (Possin et al., 2013). Cette tendance a été confirmé avec une épreuve proposant plusieurs situations sociales dans lesquelles le comportement des personnages pouvait être conforme ou transgressif des règles sociales (Lough et al., 2006). Dans cette étude, les patients DFT percevaient significativement moins de transgressions que les sujets sains. D’une façon générale, les connaissances sociales dans la DFT ont majoritairement été appréhendées au regard de tests destinés à l’évaluation des valeurs morales. L’aptitude à juger, dans un questionnaire, du degré de gravité de certaines actions commises par des personnes (mentir un peu pour avoir une réduction/vendre une voiture défectueuse) ne semble pas affectée dans la DFT (Mendez et al., 2005). Le fait que les patients soient capables de discriminer ce qui relève du bien ou du mal témoignerait de la préservation relative des connaissances morales (Gleichgerrcht, Torralva, Roca, Pose, & Manes, 2011; Mendez et al., 2005). Il semble en revanche que le raisonnement moral chez ces patients soit, pour sa part, altéré. Lorsque les patients sont confrontés à un dilemme moral et qu’il leur incombe de choisir entre deux solutions impliquant une violation morale (le participant est sur un pont, il voit arriver un train qui va tuer cinq ouvriers et doit choisir entre ne rien faire ou pousser une personne du pont afin de sauver les cinq ouvriers), ils choisissent plus souvent que les sujets sains de pousser l’étranger en affirmant agir de manière rationnelle en sauvant plus de vies, mais sans évoquer un inconfort émotionnel (Gleichgerrcht et al., 2011; Mendez et al., 2005). Les corrélations mises en évidence avec le RME suggèrent que cette épreuve serait davantage guidée par des processus émotionnels, justement altérés, plutôt que par le raisonnement logique. Toutefois cette tâche laisse place à une grande variabilité interindividuelle dans la population. En utilisant une autre épreuve distinguant les transgressions morales (un enfant en frappe un autre) des transgressions conventionnelles (un

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enfant sort de la classe pendant un cours), les auteurs montrent que les patients ne font pas la différence entre les deux types de transgressions et sont même plus permissifs que les sujets contrôles face aux transgressions morales (Lough et al., 2006). Dans une tâche similaire mais basée sur un format vidéo (Baez & Ibanez, 2014), il a été proposé à des patients DFT de juger de la gravité d’actions commises soit de façon intentionnelle soit accidentellement. Les résultats montrent qu’ils attribuent un même degré de gravité aux deux types de situations, pointant ainsi leur difficulté à détecter des indices sociaux contextuels.

L’évaluation des connaissances sociales dans le cas particulier de la DS n’est pas chose aisée de par les troubles massifs du langage de ces patients. La première étude conduite dans ce domaine fut celle de Zahn et collaborateurs (Zahn, Moll, Iyengar, et al., 2009). Parmi des sujets DLFT comprenant des patients DS, les auteurs ont proposé une tâche nécessitant de discriminer des concepts sociaux et non sociaux. Ils rapportent que le déficit sélectif pour les concepts sociaux retrouvé chez certains de ces patients est lié à un hypométabolisme du lobe temporal antérieur droit, du cortex orbitofrontal droit et du cortex préfrontal médian. Celui-ci serait par ailleurs lié aux altérations comportementales dans la DS. Cette même équipe a récemment répliqué les liens entre la connaissance des concepts sociaux et l’hypométabolisme au niveau temporal antérieur droit chez un groupe plus important de patients DS (Zahn et al., 2017). Dans la DS, l’atteinte des connaissances sociales pourrait s’inscrire dans le cadre plus général d’une dégradation globale des connaissances sémantiques même si les concepts sociaux et non sociaux ne dépendent pas des mêmes substrats.

Dans des études dont les groupes comprenaient à la fois des patients DFT et DS, il a été montré que les sujets pouvaient être plus permissifs quant aux transgressions sociales (Eslinger et al., 2007). Zahn et collaborateurs (2017) évoquent une perte des connaissances sur ce qu’est un comportement social adapté, ce qui impacterait la réponse comportementale des patients, en particulier à court-terme, en générant une réponse qu’ils jugent impulsive. Par ailleurs, ils

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évoquent également et de façon indépendante les difficultés de ces patients concernant les connaissances à long terme de l’expression d’un comportement, en lien avec le cortex fronto- polaire. Ces résultats soulignent l’intérêt de distinguer deux types de connaissances, celles concernant les concepts sociaux et celles relatives aux comportements.