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1.1.2 aux retombées novatrices en neuropsychologie

2. La cognition sociale dans les dégénérescences lobaires

2.1. Généralités sur les dégénérescences lobaires frontotemporales

2.1.1. Un bref historique

Evoquer ce que nous connaissions des DLFT il y a de cela 30 ans revient à essayer de se rappeler à quoi nous ressemblions autant de temps auparavant. Ce serait une sensation étrange, comme si les rares photos retrouvées au fond d’un tiroir ne permettaient de ne récupérer que des souvenirs morcelés, et peu en adéquation avec notre nouvelle réalité, tellement les choses sembleraient avoir changé. C’est en quelque sorte l’effet que pourrait provoquer la relecture des anciennes publications à ce sujet, voire plus encore des premières investigations.

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C’est à Arnold Pick, un neurologue tchèque, que l’on doit en 1892 la première description de la maladie, qui lui valut plus tard son nom. Il y rapporta le cas d’un homme de 71 ans, August H., présentant des troubles du comportement et du langage, dont l’autopsie mit en évidence une atrophie et des anomalies histologiques au sein des lobes frontal et temporal gauche. En démontrant la survenue des symptômes dans le cadre d’une dégénérescence focale, les travaux de Pick eurent pour effet de remettre en question la conception commune de l’époque qui voulait que les démences séniles soient nécessairement diffuses. S’en suivit une série d’investigations clinico-pathologiques qui confirmèrent que des lésions circonscrites pouvaient induire un syndrome démentiel et sous-tendre sa sémiologie. De façon encore plus intéressante, Alois Alzheimer rapporta en 1911, deux cas similaires à ceux décrits par Pick et montra la présence d’anomalies cellulaires spécifiques qui furent baptisés « corps de Pick » et devinrent plus tard les marqueurs de la maladie de Pick (Derouesné, 2014) dont l’appellation ne fut donnée qu’en 1922 par le psychiatre hollandais Gans. L’absence de plaques séniles et de dégénérescences neurofibrillaires, dont la découverte concomitante a été associée à la maladie d’Alzheimer, a permis de supposer l’existence de pathologies neurodégénératives spécifiques. C’est avec les travaux de Schneider en 1927 qu’un nouveau cap a été franchi en associant respectivement les altérations temporales et frontales aux troubles du langage et du comportement. Ce ne fut que bien plus tard, lorsque les chercheurs évoquèrent les cas de patients présentant des troubles démentiels associés à une atrophie frontotemporale qui, sur le plan histopathologique, ne correspondaient ni à une maladie de Pick, ni à la maladie d’Alzheimer, que l’on parla de démence frontale.

Chemin faisant, l’équipe de Lund et Manchester (1994) proposa les premiers critères cliniques et neuropathologiques de la démence frontotemporale, qui permirent de distinguer les DLFT de la maladie d’Alzheimer. Ces critères diagnostiques ont énormément évolué avec notamment l’apport des travaux de Mesulam (1982; 2001) sur les aphasies primaires progressives (APP).

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Plusieurs mises à jour de cette proposition ont vu le jour depuis (Gorno-Tempini et al., 2011; Neary et al., 1998; Rascovsky et al., 2011). En regroupant les deux classifications actuellement utilisées, on peut distinguer, sur la base des premières manifestations cliniques, quatre grands syndromes : la variante comportementale des DLFT (DFT) et les formes langagières (APP) que sont l’APP non fluente, l’APP sémantique (qui correspond à la démence sémantique) et plus récemment l’APP logopénique.

2.1.2. Epidémiologie

Les DLFT sont la première cause de démence chez les personnes d’âge intermédiaire d’environ 45/50 ans et la troisième cause après la maladie d’Alzheimer et la démence vasculaire chez les 55/65 ans (Vieira et al., 2013), ce qui font d’elles des pathologies largement sous-estimées. Selon les études, l’âge moyen de survenue de la maladie se situerait autour de 58 ans, bien qu’elle puisse se déclarer plus précocement - auquel cas elle est souvent confondue avec des maladies psychiatriques (Velakoulis, Walterfang, Mocellin, Pantelis, & McLean, 2009) - ou plus tardivement (Baborie et al., 2012), sur un intervalle allant de 30 à 80 ans (Hodges, Davies, Xuereb, Kril, & Halliday, 2003; Johnson et al., 2005). Jusqu’à un quart des cas de DLFT pourrait survenir après 65 ans. La prévalence estimée de la maladie pour les 45-64 ans oscille entre 1.5 et 31 cas pour 100000 habitants, avec une médiane à 6 (Onyike & Diehl-Schmid, 2013). Chez les personnes de moins de 70 ans, l’incidence de la maladie se situerait entre 2.7 et 4.1 cas pour 100000 habitants (Onyike & Diehl-Schmid, 2013). Bien que les résultats divergent, la prévalence et l’incidence semblent maximales pour la tranche d’âge des 60-69 ans (Knopman & Roberts, 2011).

La maladie semble se répartir de façon égale selon le genre (Hogan et al., 2016). La majorité des cas recensés concernent des formes sporadiques mais les études rapportent jusqu’à 30 à 50% de cas de formes familiales. La durée de survie varie selon le phénotype et peut aller de 3 à 14 ans (Onyike, 2011). Elle a été estimée entre 6 à 11 ans à partir de l’apparition des premiers

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symptômes et de 3 à 4 ans à l’annonce du diagnostic (Hodges et al., 2003; Roberson et al., 2005). Les patients atteints de DS sont ceux qui possèdent la médiane de survie la plus importante (12 ans) comparativement à la DFT et l’APP non fluente (9 ans) (Nunnemann, Kurz, Leucht, & Diehl-Schmid, 2012; Roberson et al., 2005). Le pronostic des formes de DFT avec une atteinte des motoneurones est le moins bon puisque le décès survient entre 2 à 3 ans après l’apparition des symptômes (Hodges et al., 2003). Les complications respiratoires, cardiovasculaires et cachectiques sont les principales causes du décès de ces patients (Onyike, 2011).

Il paraît toutefois important de prendre un certain recul à l’égard de ces chiffres. Une revue datant de 2016 (Hogan et al., 2016) ayant regroupé 26 études épidémiologiques souligne la grande variabilité de leurs résultats, pointant notamment l’utilisation de critères diagnostiques différents. Par ailleurs les mesures rapportées peuvent aussi différer en fonction des populations qu’elles concernent. L’utilisation de critères spécifiques et limitants comme le choix de biomarqueurs validés pourrait permettre l’obtention d’estimations plus précises quant à la prévalence et l’incidence des DLFT.