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1.1.2 aux retombées novatrices en neuropsychologie

1.4. Les substrats cérébraux de la cognition sociale

1.4.2. Cognition sociale et substance blanche : un liant essentiel

En insistant particulièrement sur les fonctionnalités de la matière grise dans la cognition, les neurosciences se sont historiquement montrées assez indifférentes à l’égard du rôle que pouvait y jouer la substance blanche. Bien qu’on en recense beaucoup moins, le nombre d’études dédiées à la substance blanche ne cesse de croître (Figure 3) depuis que les techniques en imagerie par tenseur de diffusion (DTI) ont été propulsées sur le devant de la scène. Chez l’homme, elles apportent des arguments additionnels quant à l’organisation structurelle des systèmes cérébraux et des fonctions qu’elle sous-tend (Wandell, 2016), mais aussi sur la façon dont communiquent les aires corticales (Fields, 2008).

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Figure 3. Dynamique des publications relatives à l’étude de la substance grise et la substance

blanche en neurosciences depuis les années 2000 référencées dans PubMed.

Ces techniques consistent à mesurer les mouvements aléatoires ou la diffusion des molécules au sein du tissu de la microstructure. Quand la microstructure est bien organisée, comme dans le cas de la substance blanche, la diffusion des molécules est dite anisotropique, c’est-à-dire qu’elle s’exécute préférentiellement selon un axe parallèle plutôt que perpendiculaire. En mesurant l’orientation dont la diffusion de l’eau dépend, la DTI « déchiffre » la microstructure et les propriétés de la substance blanche environnante (Jbabdi, Sotiropoulos, Haber, Van Essen, & Behrens, 2015).

Ce qui semble être la seule méta-analyse d’une littérature désormais bien fournie suggère l’implication d’au moins trois réseaux clés aux dénominations transparentes (Figure 4) dans les interactions sociales et les processus qui les sous-tendent : le « face perception network », le « mirroring network » et le « mentalizing network » (Wang et al., 2017). Les connexions au

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sein de ces réseaux déjà décrits du point de vue de la substance grise, sont le fruit des projections des fibres de la substance blanche qui viennent se calquer et ainsi connecter les différentes régions qui les composent.

Sous l’angle de la substance blanche, le réseau de la perception des visages est composé du faisceau longitudinal inférieur (ILF) et du faisceau fronto-occipital inférieur (IFOF). Ces deux principaux faisceaux se projettent respectivement des régions occipito-temporales (OFA et FFA) vers les structures temporales comprenant l’ATL et l’amygdale, et les structures frontales telles que le cortex préfrontal médian (mPFC), orbitofrontal (OFC) et l’IFG (Catani, Jones, Donato, & Ffytche, 2003; Valdés-Sosa et al., 2011). Le face perception network permet l’analyse visuelle des indices faciaux au travers de la détection des invariants (comme le genre, l’identité) et des caractéristiques changeantes telles que les aspects émotionnels, les connaissances sémantiques associées à un visage (comme les noms ou les informations biographiques) ou encore la direction du regard (Chan & Downing, 2011; Haxby, Hoffman, & Gobbini, 2000; Mende-Siedlecki, Said, & Todorov, 2013). De façon moins spécifique, le faisceau longitudinal supérieur (SLF) jouerait également un rôle dans ce réseau en connectant notamment le STS à l’IFG et l’OFC (Ethofer et al., 2012).

Le réseau miroir ou dit de cognition incarnée nous permet de partager le sens des actions et des émotions grâce à des mécanismes de simulation (Gallese, 2007). Il est indispensable à la compréhension des actions (Rizzolatti & Fogassi, 2014), à la reconnaissance des émotions (Wood, Rychlowska, Korb, & Niedenthal, 2016) ou encore à l’empathie (Shamay-Tsoory, 2011). Le SLF incarne le principal élément constitutif de ce réseau frontopariétal (Hamzei et al., 2016; Parlatini et al., 2017).

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Figure 4. Les réseaux de la cognition sociale au travers de la substance grise (A) et des

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L’atteinte droite de ce faisceau dans les lésions cérébrales ou les maladies psychiatriques a particulièrement été associée aux déficits de reconnaissance des émotions (Crespi et al., 2016; Philippi, Mehta, Grabowski, Adolphs, & Rudrauf, 2009). Trois autres faisceaux ont été associés de façon robuste à ce réseau : le faisceau unciné (UF), la radiation thalamique antérieure (ATR) et le fornix. L’UF est un faisceau dont la trajectoire en crochet permet de relier anatomiquement le lobe temporal antérieur et l’amygdale aux portions orbitaires médiale et latérale du cortex préfrontal (Catani & Thiebaut de Schotten, 2008). Son implication dans les processus socio- émotionnels ainsi que dans la mémoire sémantique et la mémoire épisodique a été démontrée à plusieurs reprises (Heide, Skipper, Klobusicky, & Olson, 2013). La radiation thalamique est un faisceau majeur de projection, qui part du thalamus, qui partage des connexions avec l’hypothalamus et les structures limbiques (amygdale et hippocampe) pour en établir les liens avec le cortex préfrontal et l’ACC. Cette position anatomique lui confère en premier lieu un rôle dans les traitements des aspects affectifs et la régulation émotionnelle (Downey et al., 2015). Enfin, le fornix est un faisceau limbique qui connecte directement l’hippocampe aux corps mamillaires et à l’hypothalamus ce qui lui vaut son implication préférentielle dans la mémoire épisodique (Catani & Thiebaut de Schotten, 2008). Ces faisceaux sont des cibles potentielles dans certaines affections neurodégénératives (Downey et al., 2015; Fujie et al., 2008). De par les traitements qu’ils permettent, L’ILF et l’IFOF paraissent aussi jouer un rôle important dans la reconnaissance des émotions et l’empathie comme l’ont montré les études lésionnelles (Baggio et al., 2012; Genova et al., 2015; Unger, Alm, Collins, O’Leary, & Olson, 2016; Zhang et al., 2016).

Le réseau de mentalisation associé à la TdE s’articule autour de plusieurs faisceaux. Le cingulum et une portion du SLF, le faisceau arqué, sont tout d’abord les deux pivots de ces aptitudes. Le cingulum est un faisceau d’association qui encercle le corps calleux (CC), partant du précuneus et du PCC pour aller rejoindre le mPFC et l’ACC d’une part, ainsi que les

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structures temporales médiales d’autre part. Il fait partie intégrante du système limbique et est largement sollicité dans les processus attentionnels, émotionnels et la mémoire (Catani & Thiebaut de Schotten, 2008). Le faisceau arqué est fortement associé aux processus langagiers puisqu’il connecte les aires de Wernicke et de Broca dans l’hémisphère gauche mais son rôle précis est encore obscur. Il a été proposé qu’il soit impliqué dans ce réseau car il connecte les cortex frontaux avec la TPJ droite. Les dommages de ces faisceaux de fibres conduisent à des troubles de la TdE (Kana, Libero, Hu, Deshpande, & Colburn, 2014; Levin et al., 2011; Yordanova, Duffau, & Herbet, 2017). Toutefois, les rôles supposés de l’amygdale dans la TdE (Adolphs & Spezio, 2006; Mar, 2011) placent également l’UF, l’ILF et l’IFOF comme des substrats importants pour une mentalisation efficiente (Grosse Wiesmann, Schreiber, Singer, Steinbeis, & Friederici, 2017; Jalbrzikowski et al., 2014). En permettant les connexions inter- hémisphériques, on peut également évoquer le rôle du CC dans la cognition sociale, largement retrouvé dans la littérature que ce soit dans la cognition incarnée (Baggio et al., 2012; Crespi et al., 2016; Takeuchi et al., 2013) ou la TdE (Cabinio et al., 2015).

En résumé, les substrats cérébraux de la cognition sociale sont organisés autour et appartiennent à plusieurs réseaux à l’architecture neuronale complexe. Au sein même de la cognition sociale, ils sous-tendent ainsi plusieurs fonctions. Par ailleurs, l’étendue des régions et des faisceaux de substance blanche impliqués dans la cognition sociale ne plaide pas en faveur d’un système neuronal spécifiquement alloué à ces fonctions. Nombre de ces substrats sont sollicités en parallèle dans le fonctionnement des domaines non-sociaux de la cognition.

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2. La cognition sociale dans les