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Connai ssan ces grammati cal es expl ici tes

1.3 Quelques définitions et taxonomies résultantes

2.1.1 Connai ssan ces grammati cal es expl ici tes

Les deux principales questions qui guident notre réflexion dans cette section sont les suivantes : (i) faut-il être conscient ou capable d’expliciter les règles linguistiques d’une langue pour pouvoir la manier à bon escient (?) et (ii) s’agit-il d’une dynamique d’apprentissage et d’emploi identique

22 Métalinguistique est entendue ici en tant que connaissances grammaticales explicites ou le fait de pouvoir utiliser la terminologie linguistique pour parler de la langue : que ce soit à un niveau basique ou approfondi. Notons toutefois que le terme métalinguistique a plusieurs acceptations selon le courant et la discipline. Voir Huot, D. & Schmidt, R. (1996).

43 entre les connaissances linguistiques en langue maternelle et en langue étrangère ? Si la réponse est généralement admise comme étant négative pour la première question, il n’y a pas de consensus général pour la deuxième. En effet, nombreux sont les linguistes et didacticiens (cf. Dabène 1992 ; Gombert 1996 ; Ellis 2006) qui étudient cette problématique dont l’objectif principal est de décrire le rapport entretenu entre connaissances linguistiques explicites et apprentissage d’une langue.

Pour ceux qui s’intéressent à ces questions, la notion d’erreur ou de maladresse – indépendamment du niveau de son occurrence (micro ou macrostructure) – n’est pas posée en tant que telle. L’intérêt central réside alors dans l’étude de toute corrélation possible entre connaissance théorique et pratique réelle ou entre compétence et performance selon la dichotomie chomskyenne. Toutefois la question ne manque pas de susciter un intérêt controversé chez certains (cf. Myhill et al. 2013 ; Thwaite 2015) qui s’intéressent aux connaissances métalinguistiques chez les enseignants et l’incidence directe sur leur pratique pédagogique d’une part, et ceux (cf. Alderson et al. 1997 ; Ellis 2006) qui cherchent d’autre part à établir une corrélation chez les apprenants et leur niveau de production en langue étrangère – ou du moins à en étudier son impact.

Notons que ces nombreuses différences de paradigmes ne présupposent pas une complémentarité entre les différentes approches et donc entre les différents résultats obtenus. C’est effectivement loin d’être le cas. Force est que constater que certaines études, comme par exemple Alderson et al.

(1997), mettent en avant le manque de lien entres les connaissances linguistiques explicites et la compétence en termes de production réelle dont la corrélation est dite « faible », tandis qu’elle est dite « modérée à forte » par Roehr (2006). Il convient néanmoins de signaler une contre tendance observée à travers une littérature existante très controversée. En effet, comme nous le montrent Hudson (2001) et Lancaster & Olinger (2014), qui dressent un état des lieux critique des études défavorables à tout métalangage dans l’enseignement des langues, cette tendance dans laquelle l’explicitation des connaissances linguistiques est jugée contre nature et contreproductive s’avère très problématique dans la mesure où les observations varient énormément selon le positionnement théorique, voire idéologique de celui qui se trouve face à cette question épineuse.

Cela dit, nous rejoignons particulièrement Lancaster & Olinger quand ils affirment que la question reste posée et qu’il y a une certaine résistance qui persiste chez les enseignants de langue eux-mêmes qui « sense that their students do benefit from instruction that heightens their awareness of the ways the details of language works in texts » (2014 : 1). Cela étant dit, nous avons voulu montrer, par le biais de cet exposé succinct, à quel point une question a priori anodine peut s’avérer riche en réflexion. Toutefois, nous soulignons notre attachement tout d’abord en tant qu’enseignant

44 à une pédagogie dans laquelle les connaissances linguistiques ont toute leur place – et ce, qu’il s’agisse des cours de LANSAD23 ou de langue de spécialité24, notamment face à un public qui d’ordinaire en fait la demande. Et dans un deuxième temps nous soulignons en tant que linguiste, la nature subjective entre les différentes méthodes utilisées pour mesurer l’impact de l’ensemble des connaissances théoriques acquises et l’utilisation réelle qu’un apprenant en fait. Notons également que nous sommes conscient qu’il est possible d’apprendre une langue autre que sa langue maternelle sans métalangage aucun et qu’il est tout aussi possible que le métalangage fournisse à d’autres un moyen d’ « accéder » à l’utilisation d’une langue étrangère. Face à ces observations, l’incidence directe des connaissances métalinguistiques sur l’objet texte reste à définir.

2.1. 2 Maturité s yntaxique

Contrairement à ceux qui s’intéressent à l’impact des connaissances linguistiques explicites sur la production écrite, d’autres cherchent un moyen objectif d’évaluer l’objet texte lui-même – et d’y identifier des observables concrets permettant d’évaluer le niveau réel des apprenants-scripteurs : autrement dit, certains utilisent le texte lui-même comme objet et mesure d’étude. C’est notamment le cas de Hudson (2009) et Arnaud (1984) qui étudient non seulement l’application des règles syntaxiques dans un texte donné mais tout particulièrement la densité voire la complexité à la fois lexicale et syntaxique des phrases employées. Le raisonnement derrière cet angle d’approche a été succinctement résumé par Péry-Woodley :

Si la maturité syntaxique va de pair avec l'apprentissage de l'écrit, et par conséquent avec le progrès et le bien écrire, ce n'est pas parce que les phrases complexes sont une marque de qualité, mais parce que les stratégies d'écriture de haut niveau nécessitent une syntaxe complexe. (1993 : 29)

Cela étant, un des tournants majeurs dans l’évaluation d’un texte comme unité à part entière se trouve dans une mesure mise en avant par Kellogg Hunt : une mesure qui fut progressivement adoptée dans de nombreux projets d’évaluation de textes d’apprenants. Ce dernier a identifié ce que l’on appelle désormais des « minimal terminable units » ou « T-unit » et il en a fourni la définition suivante « one main clause plus whatever subordinate clauses happen to be attached to or embedded within it » (Hunt, 1965 : 305). Cette définition a été davantage explicitée par Degand &

Hadermann (2009 : 21-22) qui soulignent que la « T-unit divise les phrases indépendantes coordonnées […] mais regroupe la principale de ses subordonnées.

23 Langues pour Spécialistes d'Autres Disciplines, entendu comme des cours de langues générales.

24 Entendu comme des cours propre à un domaine, par exemple un cours d’anglais juridique.

45 Ainsi pour Hunt (1965) la T-unit fournit une mesure fiable face à l’ancienne tradition de prise en compte à la fois du nombre et de la longueur des propositions et des phrases en guise d’indice de complexité voire de maturité d’un texte donné. Ces pratiques jugées trop arbitraires ont laissé place à un outil qui dorénavant selon Degand & Hadermann (2009) « permet de déterminer plus objectivement la complexité discursive en uniformisant la mesure de la longueur et de la complexité syntaxique ».

En effet, pour ce qui est de son application en langue étrangère, Polio (1997) repasse en revue des études dans lesquelles la T-unit a été adaptée aux analyses portant spécifiquement sur les erreurs d’apprenants en langue étrangère. Cette dernière souligne qu’en plus de la décomposition nécessaire en « minimal terminable unit », des chercheurs ont tenté d’intégrer le nombre de T-unit dépourvu d’erreurs dans leur calcul de la maturité syntaxique des apprenants – obtenant des résultats quantitatifs très probants. Toutefois elle souligne que les différents résultats obtenus sont tous à relativiser en raison (i) des différences d’appréciation dans la notion d’erreur et (ii) tout singulièrement, du manque ou de l’absence de tests d’accord inter-annotateurs (cf. section 4.1.2.3 pour une présentation détaillée). Ce qui a pour effet de ne pas savoir dans quelle mesure les résultats sont reproductibles ou généralisables sur une population d’étude similaire.

Nonobstant, notons qu’en dépit des nombreuses critiques sur la T-unit (cf. Lutkus 1987) la mesure de Hunt a permis de remettre en cause la tradition dominante – qui existait jusqu’alors – d’évaluation de la maturité syntaxique d’un texte aussi bien en langue maternelle qu’en langue étrangère. De plus, tout en reconnaissant certaines limites de la mesure, elle demeure toujours appréciée par ceux qui s’intéressent au développement syntaxique des apprenants et qui souhaitent obtenir des données avant tout quantitatives. De nos jours, la mesure est encore employée et se trouve souvent croisée avec d’autres méthodes, à l’exemple de la progression thématique, comme en témoigne l’étude de Hernandez et al. (2013).