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(Chapitre III) L’apport de la linguistique systémique fonctionnelle

3.4 L’apport de la LSF à notre étude

Aucune théorie n’est autosuffisante et chacune peut rencontrer de ce fait des limites. Il s’ensuit donc que toute étude entreprise dans une approche unique risque de se heurter à un moment ou un autre à ces mêmes limites théoriques : ceci est valable tant pour le cadre de la linguistique systémique fonctionnelle que pour les approches individuelles présentées dans les deux chapitres précédents. C’est en tout cas le constat que nous faisons à travers les différents cadres méthodologiques employés dans l’analyse des erreurs depuis 40 ans. En effet, les erreurs – qu’elles soient à propos des unités lexicales, phrastiques ou appartenant à des catégories supérieures – sont souvent envisagées à travers deux approches singulières ; d’une part, elles sont analysées à travers le prisme de la grammaire traditionnelle (cf. chapitre I) ; et d’autre part, dans une moindre mesure à

102 travers quelques avancées du cercle linguistique de Prague notamment pour ce qui est de la progression thématique et la structure informationnelle.

Toutefois, ce qui relève proprement du discours dans ces contextes précis ne bénéficie ni d’un cadrage ni de bases théoriques convenablement stables et solides. Cela étant, au vu du nombre croissant de langues étrangères enseignées en milieu universitaire et plus particulièrement dans notre cas de l’anglais de spécialité, il nous semble qu’une approche performante en analyse des erreurs pourrait permettre de relancer les études de ce type – qui à nos yeux n’ont ni suffisamment évolué ni su tirer profit des avancées en recherche linguistique. En effet, malgré le nombre significatif d’études réalisées sur la production en langue étrangère, deux constats s’imposent : les études sur l’analyse des erreurs s’inscrivent en grande partie dans une approche de grammaire traditionnelle d’une part et d’autre part uniquement certains types d’apprenants sont visés par ces études. En effet, certains semblent éviter d’étudier les textes d’apprenants qui n’auraient pas un niveau égal ou supérieur à C1 voire C2 ; c’est-à-dire une quasi-maîtrise en langue étrangère. Or dans notre expérience pédagogique, peu sont ceux qui y parviennent adéquatement. Cela est d’autant plus intriguant dans le contexte de la France où très peu d’études existent sur des corpus d’apprenants, indépendamment des différents niveaux de maîtrise. Et c’est justement tout l’intérêt de notre travail : à savoir répondre à la fois à un manque d’étude sur ce type de corpus et à un besoin d’incorporer un nouveau cadre linguistique, qui, a priori, serait susceptible d’apporter une perspective avant tout originale et prégnante.

De la syntaxe à la sémantique

Etant donné que l’ensemble des erreurs ne peuvent se résumer à des erreurs de grammaire en termes de règles de combinaisons morphosyntaxiques, il nous semble primordial de pouvoir identifier les différents niveaux d’analyse selon le niveau du système mise en cause, ou plus précisément selon ce qui n’aurait pas été maîtrisé. A priori une première distinction s’impose entre la syntaxe et la sémantique qui peuvent provoquer des erreurs de types différents. Cette distinction peut s’avérer significative dès lors que l’on souhaite avoir un regard holistique, tant sur les ressources lexico-grammaticales que sur le contenu sémantique qui a été visé. Dans cette perspective l’apprenant n’est plus un simple générateur de phrases, mais devient un créateur potentiel de sens. Il s’ensuite de ce fait que l’on doit examiner le sens qu’il a voulu créer et expliquer pourquoi il n’a pas réussi à l’actualiser de manière convenable.

103 Du local au textuel

Le passage d’une analyse « locale » à une analyse textuelle pourrait également permettre d’éclaircir davantage un phénomène qui n’est pas étranger aux enseignants de langue mais qui n’a pas encore fait l’objet d’études de manière substantielle et approfondie à grande échelle : à savoir la différenciation entre « erreurs locales » et « erreurs globales ou textuelles ». Ce phénomène constitue en effet une question épineuse que Carter-Thomas nous rapporte de la manière suivante :

En tant qu'enseignant de langue je suis fréquemment amenée à juger de la qualité des travaux écrits de mes étudiants. Je parle ici d'une évaluation sur la réussite globale de ces écrits et de leur clarté. Or j'ai remarqué que, une fois corrigées dans un devoir écrit les erreurs syntaxiques, lexicales et orthographiques, l'ensemble reste souvent peu clair et décousu. (1999d)

D’après les principes d’instanciation et de la stratification (cf. figures 6 et 7) les trois types d’erreurs citées par Carter-Thomas relèveraient des instances lexico-grammaticales. Mais comme elle le souligne clairement, cela ne suffit pas pour garantir l’acceptabilité d’un ensemble textuel.

Nous soutenons ainsi ici que l’on gagnerait à remonter l’axe de l’instanciation vers une catégorisation supérieure puisque les constituants de l’aspect lexico-grammatical ne sont pas les seuls éléments qui posent problème. Etant donné qu’on est dans la strate dit du contenu (cf. figure 5), une approche systémique voudrait que l’analyse se poursuive dans la strate sémantique. A ce titre, nous pouvons convenir que même si l’instanciation n’apporte pas de réponse en elle-même - la notion d’erreurs globales et locales pourrait être assimilée au rapport d’instanciation entre les constituants individuels d’un texte et son appréciation en tant qu’ensemble complet et cohérent.

Autrement dit, l’erreur locale se situerait en fin de l’axe de l’instanciation vers l’instance tandis que l’erreur globale se rapprocherait plutôt du potentiel du système.

De plus, malgré l’apparente abstraction de ce concept, le principe d’instanciation peut s’avérer révélateur dans notre étude, dans la mesure où nous pouvons émettre des hypothèses sur les typologies et emplacements des erreurs, uniquement à partir du schéma de représentation issu de l’instanciation. En effet, en admettant que les erreurs identifiées dans notre corpus soient localisées sur une strate donnée, nous pourrons poursuivre en essayant de les expliquer vis-à-vis de l’axe d’instanciation. En adoptant une vision systémique, c’est-à-dire en examinant l’erreur tout d’abord

« par le haut », l’acceptabilité de l’occurrence par rapport au contexte situationnel (en termes d’attentes textuelles ou de genre) pourrait être davantage explicitée. Ou encore en adoptant un regard « par le bas », il serait en principe possible de procéder à une étude sur les constituants en

104 termes de lexico-grammaire (c’est-à-dire l’exploitation et la manipulation correctes de l’ensemble des items fournis par le système global).

Enfin, si nous souhaitons dépasser les unités minimales, nous pouvons nous intéresser aux erreurs à des niveaux supérieurs à ceux traditionnellement étudiés de manière individuelle ou lexicale. Il serait désormais possible donc d’examiner l’ordre textuel et phraséologique, par exemple, par le biais d’un même cadre théorique. Il serait en principe également possible de s’éloigner des descriptions de surface qui constituaient une avancée majeure en 1967 ; c’est-à-dire les quatre premières distinctions de Corder – à savoir l’erreur dite (i) d’addition, (ii) d’omission, (iii) de sélection et (iv) d’ordre.

Cela étant dit, la possibilité d’interroger les erreurs qui seront annotées et présentées dans les chapitres V et VI selon qu’elles se trouvent dans le thème ou le rhème, dans le Mode, le Résidu ou à l’extérieur de ces deux derniers, nous intéresse tout particulièrement : sans oublier bien entendu les spécificités des erreurs portant sur la localisation, la position, la structure, la fonction non-maîtrisées, mais visées par les apprenants. Hormis donc l’étude approfondie des erreurs relevées dans notre corpus, notre objectif sous-jacent dans le présent travail est d’étudier dans quelle mesure le cadre LSF peut apporter des précisions sur les différents phénomènes cités ci-dessus et ceux qui seront mis au jour après l’annotation de notre corpus.

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