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2.3. La construction de l’intérêt pour la cause animale et pour l’association

2.3.4. Les conditions de possibilité du choix de s’engager dans le groupe lyonnais de L

2.3.4.1. Connaître et approuver les positions de l’association

Le cas d’Isabelle est un bon contre-exemple de ce critère : elle ne s’est pas engagée à L214, au motif que le discours tenu lors de la réunion de présentation lui a déplu. Elle semble s’être sentie critiquée pour sa consommation occasionnelle de viande et poisson et pour sa consommation régulière de lait et d’œufs. À l’inverse, lorsqu’une aspirante bénévole connaît et approuve les positions de l’association, il est plus aisé pour elle de se mettre à envisager d’y militer. Cela apparaît dans le parcours de Thomas : il découvre le nom de l’association par une vidéo qu’il est allé consulter sur YouTube, lors d’une séance de recherches qu’il faisait pour se renseigner sur la question de l’abattage des animaux (à la suite de la découverte de vidéos choquantes dans les médias). Il croise ensuite des bénévoles de l’association sur un stand du salon Veggie World à Lyon en janvier 2017 (où j’étais d’ailleurs présent et me souviens qu’il avait discuté une dizaine de minutes avant de partir, intéressé, tracts en main). En tant que principale association abolitionniste (conforme à son approche de la question animale, donc) présente ce jour-là, L214 s’est imposée à lui comme l’association dans laquelle il pourrait prioritairement s’engager. Ce résultat est en partie dû à la stratégie de recrutement de l’association, qui organise des stands dans des salons précisément dans l’intention d’attirer des aspirantes bénévoles. Mais si l’on souhaite s’intéresser à ce que l’engagement de Thomas doit à son implication active (ses « choix »), on peut dire qu’il a davantage fait le choix de s’engager pour les animaux dans une perspective abolitionniste (laquelle s’est construite à l’issue d’un long processus de documentation) que le « choix de s’engager à L214 ». Si Thomas avait rencontré ce jour-là dans ce salon, ou dans la rue, une autre association abolitionniste active à Lyon, il se serait probablement engagé de la même manière. On peut aussi mentionner le cas d’Aurélie : connaissant déjà les positions de l’association par les médias, il est tout simplement une évidence pour elle qu’elle pourrait s’y engager – ce qu’elle fait en janvier 2017, avant d’en devenir une salariée en novembre. Son

engagement résulte de démarches actives de sa part : elle voulait s’engager, et avait d’ailleurs déjà agi pour la cause animale auparavant, en se constituant famille d’accueil pour une association de sauvetage de chats et en faisant du bénévolat pour White Rabbit (une association de réhabilitation de lapins de laboratoire).

Ce critère soulève toutefois un problème : qu’en est-il de l’engagement des toutes premières bénévoles, lorsque les positions de l’association étaient encore en train d’être définies et que celle-ci ne jouissait d’aucune notoriété médiatique ? Le cas de Christophe est ici éclairant. Il connaît L214 depuis ses débuts, et a participé à distribuer les premiers tracts de l’association à sa création en 2007 (au départ, pour mémoire, en tant que Stop Gavage). Sa découverte de l’association s’est faite par le biais des pique-niques de l’Association Végétarienne de France, dont il était un membre actif. Quelques années plus tard, alors qu’il avait quitté l’AVF et qu’il connaissait toujours des militantes actives de L214 (avec qui il discutait occasionnellement par téléphone), il a commencé à venir aux Vegan Places de L214 – à partir de mars 2015. En juin 2017, Émilie profite d’un passage chez lui pour lui expliquer le nouveau fonctionnement du groupe lyonnais avec le système des réunions de présentation et de recrutement quadrimestrielles. Il vient assister à la réunion de présentation de septembre et s’inscrit à l’entretien individuel, mais Émilie lui spécifie que comme il est déjà militant, l’entretien ne sera pas nécessaire. C’est ainsi qu’il se retrouve dans le groupe militant.

On peut aussi évoquer le cas d’Émilie : comment a-t-elle été amenée à vouloir s’engager à L214 puis à en être référente pour le groupe de Lyon ? L’entretien enregistré qu’elle m’a donné permet de retracer le parcours : après avoir changé d’alimentation, Émilie a suivi la section « végé » des forums de discussion en ligne « Aufeminin », ce qui lui a permis d’entrer en relation avec des végétariennes lyonnaises. Elle s’implique avec certaines d’entre elles dans Avély (Association des végétariens lyonnais, lancée en septembre 2004), qui organise des rencontres et des actions militantes, notamment une action « sang des bêtes » consistant à verser du faux sang devant une boucherie. Puis en 2012, elle rencontre un infirmier végane, qui vient s’installer à Lyon en février 2013. Il l’emmène aux repas de l’AVF et encourage Émilie à se joindre aux actions de rue. Celui-ci est par la suite l’une des dix premières personnes à devenir salariées de L214. En tant que conjointe d’un salarié, Émilie se retrouve à suivre l’activité de l’association au quotidien. Sa contribution consiste surtout à aider sur le plan logistique : fabriquer une barquette à taille humaine pour une action « viande d’humain » dans la rue, concevoir des costumes de poules amochées, faire des photocopies, cuisiner pour des Vegan Places. Elle et il se séparent par la suite, mais Émilie demeure

engagée à L214. En mars 2016, le référent du groupe local abandonne cette fonction pour se consacrer pleinement à un poste salarié dans l’association, et il propose alors à Émilie de le remplacer, ce qu’elle met un mois à accepter. Elle se retrouve ainsi référente, sans l’avoir spontanément désiré, essentiellement parce qu’elle était une bénévole de longue date.

Enfin, le parcours de Stéphanie nous montre ce qui se produit lorsqu’une personne connaît mal le discours de l’association : lorsqu’elle est arrivée à la réunion de présentation de l’automne 2016, elle n’était pas végane et ne maîtrisait pas du tout l’argumentation pour encourager les passant·e·s à remplacer tous les produits animaux par des alternatives végétales. Quand Brian et Émilie l’ont compris, au cours de son entretien de recrutement, il et elle lui ont donné un dépliant sur les poissons et l’ont orientée vers les ateliers administratifs à défaut de l’accepter dans le groupe de terrain. Elle a commencé à s’y rendre chaque jeudi à partir de fin novembre 2016. C’est là que, d’après ses souvenirs approximatifs, des bénévoles lui ont parlé à nouveau du sort des animaux d’élevage et qu’elle a progressivement découvert de nouveaux arguments. La connaissance du discours de l’association est ainsi un critère non pour intégrer l’association, mais pour rentrer dans le groupe de terrain.

2.3.4.2. Accepter voire désirer une organisation hiérarchisée et qui se

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