• Aucun résultat trouvé

Approuver le répertoire d’actions de l’association et se sentir apte à y participer

2.3. La construction de l’intérêt pour la cause animale et pour l’association

2.3.4. Les conditions de possibilité du choix de s’engager dans le groupe lyonnais de L

2.3.4.3. Approuver le répertoire d’actions de l’association et se sentir apte à y participer

Une condition importante qui détermine le fait qu’une personne cherchera ou non à militer dans l’association est son approbation du répertoire d’actions et sa confiance en ses aptitudes à participer aux actions en question. Plusieurs aspirantes bénévoles ont été réticentes pour cette raison-là : Sandrine, adhérente depuis moins d’un an avant l’entretien enregistré que j’ai avec elle, n’est par exemple pas à l’aise avec ce qu’elle a vu du militantisme de rue bien qu’elle soit d’accord avec la dénonciation des mauvais traitements filmés en caméra cachée. Elle développe : « je suis allée à quelques actions [qui étaient annoncées dans la lettre d’informations]. Maintenant, y a quelques actions qui ne correspondent pas à ma façon d’être. J’ai envie de les soutenir, d’être là, mais je vais pas forcément être celle qui va porter la bannière. […] Ça donne envie de s’engager, de faire quelque chose, mais après comment exactement… pour moi c’est encore la question. Y a une forme d’extraversion dans le militantisme qui m’est assez étrangère en fait. […] Je suis pas quelqu’un qui manifeste. Je ferais pas le pas d’aller dans la rue scander… non c’est pas du tout mon truc quoi. […] j’avais vu des interventions dans la ville, par la lettre d’info, notamment une action sur la viande

ensanglantée en cellophane… et j’avais du mal à m’identifier à ça. »173. Elle préfère « faire

passer des messages » autour d’elle, notamment à son collègue professeur de philosophie : « il fait des cours sur ce qu’est le propre de l’Homme, autrui, la conscience… et toutes ces notions-là il faut les revoir aujourd’hui »174.

De même, la radicalité de certaines actions fait hésiter Pauline : « Les actions parfois agressives me perturbent, moi qui suis profondément non violente. Les images violentes projetées face à des personnes qui ne s'y attendent pas, par exemple, me semblent des méthodes contestables que je ne suis pas certaine de pouvoir soutenir. »175. Comme pour Sandrine, Pauline n’est pas à l’aise à l’idée de militer dans la rue, et elle se rendait à la réunion pour voir les formes d’engagement proposées par l’association : « Non [je n’irais pas distribuer des tracts]… moi je suis plutôt intellectuelle entre guillemets, euh… ben c’est pour ça que j’allais me renseigner pour savoir si je pourrais apporter quelque chose ou pas. Autant rédiger des textes ce genre de choses c’était un peu plus mon boulot, après le contact avec des gens qui peuvent être hostiles moi j’y arrive pas. Moi j’y allais pour me renseigner, pour savoir ce que je pouvais apporter. »176. Découvrant qu’aucun travail d’élaboration théorique

n’était proposé aux bénévoles, elle n’a pas poursuivi sa tentative d’engagement. C’est le même obstacle qui a rebuté Françoise : bien qu’elle soutienne le discours de l’association, elle ne se voit pas militer en distribuant des tracts, et son expérience associative passée l’en dissuade. Elle préfère ainsi s’en tenir à faire un don mensuel de 10 € à L214. Le don apparaît en effet comme une alternative plus simple et accessible, pour qui dispose de revenus ou d’un patrimoine suffisant pour se le permettre, lorsque les modes d’action paraissent trop inaccessibles. Catherine fait le même choix : elle soutient financièrement l’association à hauteur de 50 €/mois pour l’utilité de ses vidéos d’abattoirs – elle pense que cela peut aider à faire que les animaux soient mieux abattus. Au printemps 2016, elle a vu un stand de l’association, est venue y discuter et on l’a invitée à une réunion de préparation d’une prochaine Vegan Place. Le jour venu, elle s’y est rendue, mais n’a pas su quoi faire et ne s’est pas engagée par la suite. C’est par moi-même qu’elle découvre, au cours de l’entretien enregistré, que l’association fonctionne désormais par recrutement quadrimestriel et que les actions ne sont plus annoncées dans l’agenda public puisqu’elles sont réservées aux militantes qui sont passées par le processus de recrutement. Quand je lui apprends que l’association

173 Ibid.

174 Ibid.

175 Entretien enregistré du 31 mars 2017 avec Pauline. 176 Ibid.

propose aussi des ateliers administratifs, elle se montre intéressée – on ne l’y verra néanmoins jamais par la suite. Il semble que dans son cas, l’absence d’engagement comme bénévole s’explique par un sentiment d’incompétence, la perception d’un décalage entre son âge et l’âge moyen des bénévoles, et par une faible perception de l’intérêt du militantisme de rue. En matière de dispositions à la contestation et à l’action collective, Catherine est peu dotée. Elle n’a jamais été à une manifestation, et ne pense pas ses actions dans une logique globale – elle a par exemple décidé d’acheter trois lapins dans une animalerie en Espagne pour les « sauver »177 de leurs conditions de détention qui l’indignaient (ils étaient exposés en plein soleil). L’idée que cet acte contribuerait à la santé économique de l’animalerie et encouragerait la poursuite de l’enfermement d’autres lapins dans des conditions similaires (ce dont elle avait conscience : « bon c’est pas malin de faire un truc comme ça ») n’a pas pris le dessus sur le sentiment que sauver immédiatement les lapins qu’elle avait sous les yeux serait une bonne chose (« j’étais tellement contente de les tirer de là »). L’utilité immédiate lui a semblé prioritaire sur l’utilité à long terme. En outre, sur les modalités du militantisme, elle aimerait que son bénévolat consiste en une aide directe aux animaux, à leur contact : elle aurait souhaité être bénévole à la SPA de Lyon, mais a dû y renoncer car celle-ci n’accueille pas de bénévoles. Du bénévolat consistant à distribuer des tracts ou à tenir des pancartes lui paraît peut-être moins directement utile à court terme – d’autant plus qu’en l’espèce, il s’agirait de tracts promouvant le véganisme, alors même qu’elle doute de sa viabilité.

Enfin, pour donner un exemple de cas où les conditions de possibilité de l’engagement sont réunies, on peut citer le cas de Laura, qui a connu l’existence de l’association dès ses débuts. Une fois qu’elle a commencé à devenir végane, elle a décidé d’adhérer à L214, ce qu’elle a fait sur un stand où elle venait expressément dans cet objectif, en mars 2013. Puis en juin 2014, à l’approche d’une Vegan Place pour laquelle il faudra cuisiner, elle se propose pour préparer des mets. L’expérience lui plaît, et elle est par la suite très assidue aux Vegan Places de 2014 et 2015. Fin 2015, une vague de recrutements débute à L214, et elle saisit l’occasion pour postuler à un poste administratif. Le fait d’avoir apprécié le mode d’engagement qui lui était proposé dans l’association l’a motivée à poursuivre et lui a même donné envie d’y travailler.

2.3.4.4. Avoir assez de motivation pour franchir toutes les étapes du

Outline

Documents relatifs