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Une conjoncture défavorable à l’exercice par les peuples de leurs fonctions constituantes

Dans le document The DART-Europe E-theses Portal (Page 108-115)

C HAPITRE PREMIER : L’ INTERNATIONALISATION DE LA DEVOLUTION DU POUVOIR CONSTITUANT

B. Une conjoncture défavorable à l’exercice par les peuples de leurs fonctions constituantes

Si dans l’ensemble des cas que nous avons étudiés dans les développements précédents, il est clairement apparu que l’intrusion internationale dans la procédure de désignation de l’organe constituant n’avait pas abouti à l’exclusion des peuples de cette désignation, dans les cas où cette intrusion s’analyse comme une véritable substitution constituante, on assiste en fait à une dépossession des peuples de cette compétence. Cette différence repose sur la nature de la crise qui frappe l’Etat ou le territoire, mais surtout sur les objectifs visés par l’internationalisation elle-même. En effet, il faut dire que les cas déjà évoqués, s’ils révèlent une absence d’autorités étatiques capables d’assurer les missions régaliennes219 et notamment celle de conduire l’ensemble du processus constituant, ne remettent pas en cause l’existence d’un corps politique national capable d’exercer les pouvoirs qui sont ceux du souverain. C’est donc moins l’impossibilité pour le peuple de se prononcer sur son propre avenir politique qui est à l’origine de l’internationalisation, mais plutôt l’effondrement institutionnel220, combiné parfois avec un objectif politique de

219Dans la plupart des cas, la crise de l’Etat n’est marquée que par un effondrement institutionnel et non un effondrement total de l’Etat au point que celui serait devenu véritablement un Etat défaillant marqué par une dislocation du corps politique qu’est la nation.

220C’est notamment le cas de l’Irak, de l’Afghanistan et du Cambodge où la guerre interne ou importée a provoquer l’effondrement de régimes dictatoriaux alors même que le peuple demeure parfaitement capable d’exerccer enfin son droit à l’autodétermination interne.

changement de régime221 qui oblige à un encadrement de la compétence des peuples à désigner leurs organes constituants.

En revanche, dans d’autres cas, en plus de l’inexistence certaine de structures étatiques propres capables de conduire toutes les phases relatives à la procédure constituante, on se trouve en fait dans l’impossibilité de déterminer un véritable corps politique de la nation, assumant clairement la volonté de vivre ensemble et pouvant s’exprimer sur le choix des institutions devant régir la vie en société. Bien plus, on est en présence d’antagonismes entre groupes de la population qui d’ailleurs exacerbent la crise sur le territoire. Le problème que la communauté internationale y résout dépasse largement celui de l’octroi d’institutions ou de nouvelles institutions à un Etat existant ou devant naître. Il concerne directement la fondation même de l’Etat. En effet, que ce soit en Allemagne, au Japon, en Irak en Afghanistan, au Cambodge, voire au Timor oriental, la question au moment de l’intervention internationale dans le processus constituant n’est pas celle de l’existence même de l’Etat, mais celle de la nature de son régime politique. Ce qui a contrario n’est pas le cas à Chypre, en Bosnie- Herzégovine ou encore au Kosovo.

Dans ces derniers cas, l’altération du principe de la souveraineté constituante du peuple est due à des circonstances particulières qui empêchent non pas, comme l’affirment certains222, l’Etat de faire primer le principe de l’autonomie constitutionnelle, mais simplement l’exercice par le peuple de cette fonction de souverain. En réalité, l’exercice international du pouvoir constituant ne repose pas spécialement sur la volonté de déposséder le peuple de sa compétence en ce domaine, mais se trouve être le moyen en vue de résoudre la difficulté à concilier des points de vue entre des peuples qui manifestement n’arrivent pas à tomber d’accord sur l’idée même de création de l’Etat. On illustrera ce point de vue simplement en évoquant tour à tour et de manière sommaire la situation de ces trois Etats au moment de la mise en œuvre de la substitution internationale dans le cadre de l’exercice de la fonction constituante.

221Les exemples de l’Irak et de l’Afghanistan attestent clairement de cette ambition de changement de régime commandé de l’extérieur et principalement par les Etats- Unis. Comme l’a fait remarquer un auteur au sujet de l’Irak, « The introduction of democracy in Iraq following the establishment of the military occupation was neither contested nor apparently controversial : a remarkable fact given that regime change was the stated political objective of Operation Iraqi Freedom, reflecting the determination of the Bush Administration both target ‘rogue’ states and to spread democracy, with a particular focus on the Middle East and the wider muslim world ». WHEATLEY (S.), « The Security Council, Democratic Legitimacy and Regime Change in Iraq », E.J.I.L., vol. 17, n°3, 2006, pp. 531-551, préc. p. 532.

222KONAN (L.), Le transfert du pouvoir constituant à une autorité internationale, op. cit., p. 111.

98 1. Le cas de Chypre.

A Chypre, territoire grec devenu possession ottomane en 1571 puis cédé à la Grande- Bretagne en 1878, le problème fondamental qui se posait était, et continue d’ailleurs de l’être, en fait celui des intérêts des trois puissances, à savoir la Grèce, la Turquie et la Grande- Bretagne223. Mais surtout, celui de l’impossibilité pour les deux peuples qui composent l’Île, les turcs et les grecs, de s’entendre sur la mise en place d’un Etat au sortir de la seconde guerre mondiale. Pour les premiers, une autodétermination ne pouvait se faire que par le rattachement de leur communauté à la Turquie, alors que les seconds, représentant 80%

de la population, n’envisageaient celle-ci que dans le cadre de l’Enosis224, c'est-à-dire du rattachement à la Grèce. Face à cette divergence de points de vue qui provoqua de vives tensions politiques dès 1955225, tensions par ailleurs alimentées par les deux Etats turc et grec, la solution semblait donc être la partition de l’Île en deux Etats, ce que ne pouvait envisager la Grande- Bretagne226.

Dès lors, s’engagea un long processus de négociations qui malheureusement buta sur l’irréductibilité des positions des acteurs, les deux communautés ayant délibérément choisi de confier la défense de leurs intérêts aux Etats auxquels elles souhaitaient se rattacher227. C’est donc pour surmonter les difficultés posées par deux communautés aux aspirations politiques divergentes, que la Grèce, la Turquie et la Grande- Bretagne se sont accordés sur l’exercice d’un pouvoir constituant sans peuple, ni représentants élus. L’objectif de la substitution internationale est donc ici moins la dépossession du peuple de sa compétence, que

223Un état de la situation de Chypre peut être fait à partir de l’ouvrage de Pierre BLANC, La déchirure chypriote, géopolitique d’une Île divisée, l’Harmattan, Paris, 2000, 476 pages.

224Ce rêve d’Enosis fût notamment clairement affirmé lors du référendum organisé à l’initiative de l’Eglise orthodoxe et qui révèla que 96% des chypriotes grecs souhaitaient l’union avec la Grèce. De leur côté et en réponse à l’irrédentisme de la partie grecque de la population, les chypriotes turques vont développer un sentiment d’appartenance à la Turquie de plus en marqué. Ibid. pp. 18- 20 notamment.

225V. TSOUTSOS (A.), « La question internationale de Chypre », R.G.D.I.P., 1955, pp. 423- 455 ; ROUSSEAU (C.), « Chroniques des faits internationaux » dans R.G.D.I.P.,1959, pp. 522- 534, 1960, pp. 792- 795, 1967, pp.

397- 398 et 1969, pp. 522- 534 ; LAVROFF (D.G.), « Le statut de Chypre », R.G.D.I.P., 1961, pp. 527- 545.

226Voir notamment TENEKIDES (G.), « La condition internationale de la République de Chypre », A.F.D.I., 1960, pp. 133- 168.

227Ibid. pp. 140- 141. D’ailleurs, depuis le processus de Londres- Zurich, la question de Chypre est désormais souvent présentée comme un problème greco- turque, car depuis les événements de 1974 avec la tentative de réunification avortée de l’île orchestrée par la Grèce et la création de la République turque de Chypre du Nord et sa reconnaissance par la Turquie, ces deux Etats campent sur leur position, la première, comme l’ensemble de la communauté internationale, soutenant le maitien d’un Etat fédérale, la seconde oeuvrant pour l’indépendance de la partie nord. (Sur ce point voir notamment KLEBES- PELISSIER (A.), La déclaration d’indépendance de Chypre du Nord et les perspectives de règlement du conflit chypriote, thèse de doctorat, Strasbourg 1992.). Par ailleurs, Chypre ayant adhéré à l’Union européenne le 1er mai 2004, la question de Chypre rejaillit très fortement sur le processus d’adhésion de la Turquie à celle-ci. V. TALMON (S.), « Chypre : écueil pour la Turquie sur la voie de l’Europe », A.F.D.I., 2005, pp. 85- 119.

la résolution d’une crise par une sorte de création d’une obligation pour les peuples de vivre ensemble. C’est également ce besoin de résoudre un conflit né de positions irréductibles entre les différentes communautés composant la population du territoire de Bosnie-Herzégovine qui va obliger le groupe de contact à envisager une solution globale dont l’inclusion de l’exercice du pouvoir constituant n’est ici envisagée que comme une méthode de résolution du conflit.

2. Le cas de la Bosnie-Herzégovine.

A l’origine de la prise en charge internationale de la fonction constituante en Bosnie-Herzégovine se trouve en fait un conflit complexe né au moment de la dislocation de la République socialiste fédérative de Yougoslavie. Elle trouve notamment son point de départ dans l’adoption par le parlement de Bosnie-Herzégovine de deux résolutions sur la souveraineté de cette république et son éventuel retrait de la fédération et atteindra son point d’orgue avec le vote à 99,7% de l’électorat bosnien en faveur d’une Bosnie-Herzégovine souveraine à la suite du référendum du 29 février 1992228. Cette proclamation provoqua un conflit entre les trois communautés musulmane, croate et serbe orthodoxe dont les revendications étaient contradictoires229.

C’est donc avant tout pour mettre un terme au conflit qui oppose les différentes communautés sur le territoire et qui repose sur la nature même de l’Etat à créer (ou créé) que

« la communauté internationale » intervient sur le territoire de la Bosnie- Herzégovine.

L’élaboration de la constitution au niveau international dans ce cas également vise non pas à déposséder le peuple, mais à pallier l’inexistence d’une homogénéité de vue entre différents membres, ou simplement l’absence d’une nation pouvant exprimer une volonté de vivre ensemble dans le cadre d’un Etat. Et certains ont raison d’affirmer que le but de l’intervention internationale est de construire un Etat de compromis entre la séparation, réclamée par les serbes, et l’unité prônée par les bosniaques230.

228Ce référendum a notamment été organisé suite à la recommandation de la Commission d’arbitrage de la Conférence pour la paix en Yougoslavie constituée par la Communauté européenne. Voir notamment Communauté européenne, Conférence pour la paix en Yougoslavie, Commission d’arbitrage, avis n° 4, Reconnaissance internationale de la République Socialiste de Bosnie- Herzégovine par la Communauté européenne et ses Etats membres, 11 janvier 1992.

229Pour une étude complète de la situation de la Bosnie-Herzégovine et du conflit à l’origine de la crise, voir notamment les ouvrages de BOUGAREL (X.), Bosnie anatomie d’un conflit, La découverte, Paris, 1996, 175 pages et de DUCAS- ROGIER (M.), A la recherche de la Bosnie- Herzégovine : la mise en œuvre de l’accord de paix de Dayton, Paris, PUF, 2003, 534 pages. Pour une approche historique de la Bosnie- Herzégovine, voir MUDRY (T.), Histoire de la Bosnie- Herzégovine : faits et controverses , Paris, Ellipses, 1999, 431 pages.

230KONAN (L.), op. cit., p. 128- 129.

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Les raisons de cette substitution sont bien mises en perspective par Monsieur Maziau qui écrit que « faute d’accord possible entre les parties, la communauté internationale se substitue au(x) peuple(s) souverains pour rédiger une nouvelle constitution. Le pouvoir constituant originaire de l’Etat est dès lors élevé au niveau du droit international qui constitue sa source immédiate »231. On peut tirer de cet extrait deux éléments importants dont le premier met en lumière l’ensemble des développements qui irriguent cette étude et le second traduit principalement l’idée de remise en cause de la souveraineté constituante du peuple. En effet, ce qui d’après monsieur Maziau justifie la substitution de la communauté internationale c’est d’abord la situation de crise qui prévaut sur le territoire et qui est révélée par l’impossibilité pour les parties concernées de trouver une solution. L’accord ainsi évoqué ne concerne pas seulement les termes d’élaboration d’une constitution, mais le conflit dévastateur opposant les différentes communautés vivant sur le territoire de la Bosnie-Herzégovine. C’est donc cette situation de crise qui oblige à une dépossession du peuple de sa souveraineté constituante, la constitution étant ici considérée comme un élément de rétablissement de la paix. En outre, il est évident qu’en mettant en œuvre internationalement le processus constituant, les autorités internationales n’ont pas entendu nier la souveraineté du peuple dans ce domaine. Elles la reconnaissent expressément, mais décident de la lui ôter pour l’exercer à sa place. La crise ayant eu pour conséquence de rendre impossible tout exercice personnel par le peuple de ses prérogatives constituantes, celles-ci sont donc préemptées par la communauté des Etats opérant ainsi ce que certains n’ont pas hésité à appeler, un peu abusivement au demeurant, un transfert du pouvoir constituant du peuple à une autorité internationale232.

On le voit bien, il s’agit là aussi d’un territoire où il n’existe pas un corps politique homogène pouvant exprimer une volonté d’autodétermination claire et cohérente. Et c’est cette absence d’homogénéité qui justifie certainement la substitution constituante internationale. Le cas du nouvel Etat du Kosovo233 peut également être rapproché de ceux que

231MAZIAU (N.), « L’internationalisation des constitutions… », op. cit., , p. 567.

232C’est du moins la thèse développée par différents auteurs que nous avons déjà cité ici : Nicolas MAZIAU dans son article déjà cité. Mais aussi, Sylvie TORCOL et Charles LEKEUFACK et Line KONAN dans leurs thèses respectives également déjà citées.

233Cet Etat est devenu officiellement indépendant avec la déclaration d’indépendance du 17 février 2008. La déclaration d’indépendance est notamment consultable avec l’ensemble des documents relatifs au contentieux devant la C.I.J. sur sa régularité. (…) Il faut noter qu’alors qu’elle a suscité, sans grande surprise d’ailleurs, des réactions différentes de la part des Etats (V. notamment CHARPENTIER (J.), « La reconnaissance du Kosovo », in Chemins d’Europe, Mélanges en l’honneur de Jean Paul Jacqué, Dalloz, 2010, pp. 183- 193) et même au sein de la doctrine (voir par exemple le débat entre Olivier CORTEN ( « Déclarations unilatérales d’indépendance et reconnaissances prématurées : du Kosovo à l’Ossétie du sud et l’Abkhazie », R.G.D.I.P, 2008, pp. 721 et s.) et

nous venons d’analyser, avec cependant les réserves nécessaires à la fois quant à l’idée de substitution et à l’idée d’absence d’un corps politique homogène234.

3. Le cas du Kosovo.

C’est à la suite des tragiques événements provoqués par la répression conduite par le gouvernement de Belgrade en réponse à la proclamation par l’armée de libération du Kosovo en février 1998 de la lutte pour l’indépendance235, que la communauté internationale sous les auspices de l’O.T.A.N. décida d’intervenir sur ce territoire par la force armée afin de mettre fin à une crise dont les répercussions commençaient à constituer une véritable menace contre la paix et la sécurité internationales236. Pour mettre fin au drame et surtout pour consolider la paix et la sécurité sur le territoire, l’O.N.U. décida par le biais de la résolution 1244 du Conseil de sécurité, de déployer sous ses auspices une présence internationale civile et militaire et autorisa le Secrétaire Général à établir une administration intérimaire pour le

Philippe WECKEL (« Plaidoyer pour l’indépendance du Kosovo : réponse à Olivier Corten », R.G.D.I.P., 2009/2, pp. 257- 271) ou entre Barbara DELCOURT (« L’indépendance du Kosovo », in S.F.D.I., Droit international et relations internationales : divergences et convergences, journée d’études de Paris, Paris, Pedone, 2010, pp. 95- 105 ) et Pierre- Michel EISEMANN (« L’indépendance du Kosovo. Le point de vue du juriste », ibid., pp. 107- 119. )), sur le fait de savoir si cette proclamation d’indépendance était conforme au droit international, ce débat a été tranché par la C.I.J. dans son Avis sur la Conformité en droit international de la déclaration unilatérale d’indépendance relative au Kosovo du 22 juillet 2010. Ainsi elle a estimé que : « (…) l’adoption de la déclaration d’indépendance du 17 février 2008 n’a violé ni le droit international général, ni la résolution 1244 (1999) du Conseil de sécurité, ni le cadre constitutionnel. En conséquence, l’adoption de ladite déclaration n’a violé aucune règle applicable du droit international ».

234Il faut noter que si la Communauté internationale intervient au Kosovo elle n’a pas vocation, du moins de

235Voir sur ce point notamment LAGRANGE (E.), « La mission intérimaire des Nations Unies au Kosovo… », op. cit., p. 335.

236Notons néanmoins que l’intervention de l’OTAN a fait l’objet de nombreux débats et suscite encore au sein de la doctrine des divergences quant à sa conformité avec le droit international. Voir sur ce point notamment : VALTICOS (N.), « Les droits de l’homme, le droit international et l’intervention militaire en Yougoslavie », R.G.D.I.P., 2000- I, pp. 5- 18 et préc. p. 8 : « La justification « humanitaire » des bombardements de l’OTAN ne saurait donc, en elle-même, être acceptable dans l’état actuel du droit international, car il est incontestable qu’à notre époque la seule action armée reconnue par le droit international, à part le cas de légitime défense prévu par l’art. 51 de la Charte, elle celle fondée sur une décision du Conseil de sécurité des Nations Unies aux termes du chapitre VII de la Charte des Nations Unies » ; WECKEL (P.), « L’emploi de la force contre la Yougoslavie ou la Charte fissurée », R.G.D.I.P., 2000- I, pp. 19- 36 ; Contra. GHEBALI (V.-Y.), « Le Kosovo entre la guerre et la paix », Défense nationale, n° 8- 9, août-septembre 1999, pp. 62- 79. Voir également SUR (S.), « Aspects juridiques de l’intervention de pays membres de l’OTAN au Kosovo », Défense nationale, 1999, n° 12. De manière plus globale V. CHRISTAKIS (T.), L’ONU, le Chapitre VII et la crise yougoslave, Paris, Montchrestien, 1996, 231 pages ; BUZZI (A.), L’intervention de l’OTAN en République fédérale de Yougoslavie, Paris, Pedone, 2001, 277 pages.

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Kosovo qui garantira à la population de la province une autonomie substantielle au sein de la République fédérale de Yougoslavie237.

On remarquera ici aussi que l’intrusion internationale antérieure à l’existence juridique de l’Etat sur le plan international, est plus une forme de résolution de deux conflits internes, en l’occurrence celui qui opposait la R.F.Y. et sa province du Kosovo, mais aussi celui qui, lié au premier, oppose la majorité albanaise partisane d’un Etat kosovar en dehors de la R.F.Y. à la minorité serbe du territoire attachée à l’intégration de la province à la Serbie.

Face à l’intransigeance des différents protagonistes, l’O.N.U. opta alors pour une mise sous tutelle internationale de la province avec l’imposition d’un statut juridique visant à permettre la coexistence entre les différentes communautés238. On perçoit très bien là encore, l’objectif de résolution d’une crise d’identification d’une nation, d’un corps politique homogène pouvant exercer la fonction constituante. La substitution constituante, tout en consacrant la dépossession du peuple et de la nation de sa compétence d’établir librement ses propres institutions, n’est alors qu’un palliatif à leur inexistence réelle.

Cette inexistence doit donc être analysée comme une situation de nature particulière, une circonstance exceptionnelle justifiant a priori l’intrusion internationale dans la sphère constitutionnelle desdits Etats. Elle s’inscrit manifestement dans les faits et semble bien correspondre à l’idée même du pouvoir constituant originaire, lorsqu’il est analysé comme un pur fait. En effet, affirment certains, cette nature factuelle du pouvoir constituant originaire a pour conséquence de ne pas l’enfermer dans un schéma prédéfini. Mais si cela s’explique dans l’ordre juridique interne par l’existence de modalités diverses dans son exercice, cela permet-il au droit international de le préempter ? Il semble que les faits obligent à répondre par l’affirmative cependant que juridiquement la question demeure intacte et doit être étudiée plus avant239. Pour l’instant on doit constater qu’inscrite dans le fait, cette question de la substitution constituante l’est assurément puisqu’elle offre dans son exercice des modalités qui sont aussi diverses que les cas étudiés, avec néanmoins pour point commun finalement de se trouver au fondement d’une souveraineté à l’origine inexistante ou simplement « ensommeillée » qu’elle a le mérite soit de créer, soit de réactiver.

237S/RES/1244 (1999) du 10 juin 1999.

238LAGRANGE (E.), « La Mision intérimaire… », op. cit. et plus particulièrement sur cette question de la mise sous tutelle, MAZIAU (N.) et PECH (L.), « L’administration internationale de la Bosnie- Herzégovine : un

238LAGRANGE (E.), « La Mision intérimaire… », op. cit. et plus particulièrement sur cette question de la mise sous tutelle, MAZIAU (N.) et PECH (L.), « L’administration internationale de la Bosnie- Herzégovine : un

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