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La conduction thermique est le second phénomène de transfert d’énergie intégré au code ESTHER. La conductivité thermique des matériaux dans l’état solide et liquide est définie à partir des données de Y.S. Touloukian [133]. En régime plasma, les conductivités sont définies par les données des tables de l’équation d’état choisie. Le transfert d’énergie d’une maille à l’autre est défini aux interfaces des mailles par la détermination d’une moyenne harmonique à partir des valeurs de conductivités thermiques des mailles adjacentes (i et i + 1), comme le présente l’équation3.36. Ce type d’expression tend à favoriser un faible transfert thermique à une interface impliquant une maille avec une conductivité très faible.

Kther,i+1

2 =

2Kther,iKther,i+1

Kther,i+ Kther,i+1 (3.36)

En interaction laser-matière en régime direct, il n’y a pas de conduction de la chaleur déposée à la surface de la cible vers le laser puisque le vide a une conductivité thermique nulle. Le rôle de la conduction est donc de faire progresser la chaleur de l’épaisseur de peau vers l’intérieur de la cible.

Pour quantifier et comprendre les effets de la conductivité thermique selon le régime d’intensité consi- déré (Figure 3.18), on effectue l’étude numérique suivante :

— Matériau : aluminium pur — Epaisseur : 50 µm

— Forme d’impulsion : Créneau — Longueur d’onde : 1064 nm

— Durée d’impulsion : 10 ns FWHM — Durée de la montée en intensité : 1 ns — Durée de la descente en intensité : 1 ns

Figure 3.18 – Profil temporel d’impulsion laser On fait varier les paramètres suivants :

— Conduction thermique (CT) : Avec (CT) et sans (Sans CT) — Intensité maximale : 0, 5 GW/cm2, 10 GW/cm2

Les résultats de l’étude sont synthétisés sur la Figure 3.19.

L’activation de la conduction thermique dans le code permet de modéliser la diffusion de l’énergie dé- posée en surface vers l’intérieur de la cible. L’énergie déposée par le laser est donc répartie sur un volume de matière plus important, ce qui tend à ralentir l’augmentation de température en surface. La vaporisation de la matière et la création de plasma nécessitent donc plus d’énergie, ce qui implique des pressions d’abla- tion plus faibles (Figure 3.19). Ce phénomène est vraiment significatif dans le cas des faibles intensités (0, 5 GW/cm2). On a vu précédemment que dans ce régime d’intensité, le transfert radiatif n’est pas actif

et la conduction thermique est donc l’unique phénomène de transfert d’énergie dans ce régime. Or, pour ces intensités, le chauffage de la matière de l’état solide à plasma requiert une part importante de l’énergie déposée par l’impulsion. Si cette énergie n’est pas suffisante, la température en surface ne permet pas la vaporisation et l’ablation de matière, ce qui implique donc une pression d’ablation nulle. Le seuil d’initia- tion du plasma dépend ainsi de la prise en compte de la conduction thermique (Figure3.20). Par exemple, dans les conditions de cette étude, on remarque que la prise en compte de la conduction thermique permet de définir un seuil d’initiation du plasma à 0, 2 GW/cm2, contre 0, 05 GW/cm2 sans ce phénomène. De

façon générale, on peut donc dire que pour les faibles intensités, le phénomène de conduction thermique va à l’encontre du processus d’ablation et du chargement résultant.

A plus haute intensité (10 GW/cm2), le processus de conduction thermique participe au chauffage

de la matière avec le transfert radiatif. Sur la Figure 3.19, on remarque que l’impact de la conduction thermique sur les profils de pression semble limité dans ces conditions. Cela signifie que la pression ap- pliquée par l’ablation de la matière dépend très peu de ce processus, ce qui justifie des chargements de même amplitude, avec et sans la prise en compte de ce phénomène. On constate pourtant qu’il y a une légère influence sur la forme du profil de pression appliqué. En effet, la prise en compte de la conduction

0.5 GW/cm2 10 GW/cm2

Figure 3.19 – Influence de la conduction thermique sur la pression d’ablation et la vitesse en face arrière de la cible

(a) (b)

Figure 3.20 – Comparaison des résultats numériques obtenus avec et sans conduction thermique pour une impulsion laser en interaction directe - aluminium pur - Impulsion Créneau - 10 ns - λ = 1064 nm avec Imax = 100 GW/cm2(a) Evolution du rapport Ne/Nc avec la position dans l’empilement (x=0 correspond

à la position de la face avant à t=0) à t = 5 ns (b) Evolution de la pression d’ablation maximale avec l’intensité maximale

de mieux modéliser l’interaction laser-matière et le processus d’ablation.

Il faut noter également que l’état de la matière est très différent dans les deux régimes d’intensité évoqués, ce qui implique des variations importantes des conductivités thermiques utilisées par le modèle numérique et donc des effets variés.

Contrairement à ce qu’on peut attendre, on remarque que la conduction thermique joue un rôle sur l’ensemble de la gamme d’intensités considérées. En effet, à basse intensité, elle permet de prendre en compte les pertes thermiques limitant l’ablation et de bien définir le seuil d’initiation du plasma. A haute intensité, la prise en compte de ce phénomène permet de lisser des modulations non-physiques et ainsi de mieux représenter les phénomènes impliqués. La prise en compte des transferts d’énergie par conduction thermique est donc primordiale, notamment pour traiter les cas à plusieurs centaines de GW/cm2. En

régime confiné, la conduction thermique est d’autant plus importante qu’elle implique également le milieu de confinement dont la conductivité thermique est non-nulle. Les pertes d’énergie par conduction sont donc encore plus importantes qu’en régime direct et doivent être intégrées au modèle pour bien décrire le processus d’interaction laser-matière.