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Comportement mécanique Elastoplasticité

On admet que les matériaux métalliques utilisés dans cette étude ont un comportement élasto-plastique avec des propriétés d’écrouissage différentes. On montre donc dans cette sous-partie les résultats obtenus avec un modèle de référence sur des cas expérimentaux adaptés à l’évaluation des propriétés mécaniques des matériaux. Contrairement à ce qui a été précédemment évoqué pour la validation de la modélisation hydrodynamique, la mise en évidence des propriétés mécaniques sous choc implique des cibles assez épaisses avec des durées d’impulsion et des intensités laser assez faibles. L’objectif est de permettre, par exemple, le détachement du précurseur élastique du pic principal, l’atténuation du pic principal par les détentes élastiques et la mise en évidence de la composante élastique après écrouissage sur les pics de vitesse secondaires. L’amélioration du rapport signal/bruit pour la définition du précurseur élastique sur la mesure VISAR implique également l’utilisation de facteur de franges assez bas et donc d’intensité laser faibles. Il faut également que la vitesse maximale soit supérieure à la vitesse correspondant au précurseur élastique pour pouvoir bien l’identifier.

2.2.1 Modèle de Steinberg-Cochran-Guinan

Le modèle utilisé ici pour décrire le comportement mécanique des métaux est le modèle Steinberg- Cochran-Guinan (SCG) [143]. Ce modèle simple permet de décrire l’élasto-plasticité dans les matériaux soumis à des chocs forts. Il définit la limite élastique (Y ) comme étant indépendante de la vitesse de défor- mation (˙), contrairement à d’autres modèles comme Johnson-Cook [144], plus adapté à des sollicitations impliquant des vitesses de déformations plus faibles, qui intègre une évolution de la limite élastique avec la vitesse de déformation. Cependant, le modèle SCG prend en compte l’évolution du module élastique (G) et de Y avec les variations de la température (T ) liées au passage de l’onde de choc de pression P via les équations4.1et4.2. G0 et Y0 sont respectivement le module élastique et la limite élastique dans l’état

de référence (P = 0, T = 300 K). G0 P et Y

0

P sont des coefficients permettant de définir l’évolution de G et

de Y avec P . G0

T est un coefficient qui décrit l’évolution de G avec T et c’est en utilisant ce coefficient que

la variation de Y avec T est définie. η est le taux de compression du matériau. β et n sont les paramètres d’écrouissage pilotant l’évolution de Y en fonction du taux de déformation induit par le choc () et du taux de déformation initiale i.

G = G0[1 +  G0P G0  P η1/3 +  G0T G0  (T − 300)] (4.1) Y = Y0[1 + β( + i)]n[1 +  YP0 Y0  P η1/3 +  G0T G0  (T − 300)] (4.2)

L’évolution de la limite élastique correspondant à l’écrouissage du matériau, défini par l’équation 4.2, est limitée par Ymax la limite élastique maximale (Equation4.3).

Y0[1 + β( + i)]n≤ Ymax (4.3)

Dans nos cas, on considère i= 0. On intègre ainsi directement dans Y0 les éventuelles augmentations

de limite élastique liées à un écrouissage lors de l’usinage des cibles. De la même façon, on considère le paramètre n comme un paramètre fixe, défini par les données bibliographiques pour chaque matériau. Pour tous les matériaux métalliques étudiés ici, on choisit donc plutôt de piloter l’écrouissage du matériau en

doit donc permettre de reproduire le comportement élasto-plastique des matériaux soumis aux chocs laser dans notre gamme d’étude.

2.2.2 Aluminium pur

Un jeu de paramètres pour l’aluminium 1100-O a été identifié dans une précédente étude [145]. L’alu- minium 1100 est considéré comme "pur" dans la mesure où il contient moins de 1 % d’éléments d’alliages. Nous avons donc intégré ce jeu de paramètres au modèle matériau de l’aluminium pur afin de juger de sa capacité à reproduire les résultats expérimentaux réalisés sur les deux plateformes laser utilisées pendant cette étude. Contrairement aux essais qui peuvent être menés sur des générateurs de choc permettant des chargements d’amplitude bien plus élevée, on a pu constater sur ce matériau l’importance de l’élastoplas- ticité dans nos régimes de chocs. Par exemple, la modification de la limite élastique initiale est nécessaire pour bien représenter le niveau du précurseur élastique. On voit notamment sur la Figure4.9que le passage de Y0de 40 MP a à 120 MP a permet de mieux reproduire le signal expérimental. Afin de bien représenter

la forme du précurseur, on a également modifié la valeur de β de 400 à 4000, permettant d’accroitre la vitesse d’écrouissage avec la déformation et ainsi d’augmenter la pente du domaine élasto-plastique (Figure

4.9).

(a) (b)

Figure 4.9 – Profils de vitesse de surface libre expérimentaux et numériques avec variations de paramètres mécaniques sur aluminium pur - GCLT - Epaisseur=500 µm - φ3, 2 mm - Créneau - 10 ns - 7, 43 J - Imax = 9 GW/cm2 (a) Profils numériques avec Y0 = 40 M P aet Y0 = 120 M P aavec β = 4000 (b) Profils

numériques avec β = 400 et β = 4000 avec Y0 = 120

Enfin, on a remarqué sur l’ensemble des essais une différence en terme de synchronisation temporelle entre les résultats numériques et expérimentaux. En effet, l’arrivée des débouchés de choc sur la surface libre apparaissent plus tôt sur le signal numérique que sur le signal expérimental. Or, comme cela a été mentionné dans le chapitre précédent, la limite d’élasticité finale Ymaxest suceptible d’avoir une incidence

sur la vitesse de propagation des ondes de choc et ainsi de modifier la fréquence d’apparition des pics de vitesse de surface libre. Afin de diminuer la vitesse globale de l’onde de choc, on choisit donc de diminuer la part de la composante élastique de l’onde de choc en abaissant Ymax de 480 MP a à 160 MP a. Le cas

illustré sur la Figure 4.10 permet de montrer la pertinence de cette nouvelle limite élastique maximale sur un cas favorable à l’étude des paramètres mécaniques impliquant une cible relativement épaisse et des paramètres laser permettant l’application, d’un chargement d’amplitude modérée, permettant tout de même un écrouissage total de la cible.

Figure 4.10 – Résultats expérimentaux et numériques sur aluminium pur - GCLT - Epaisseur=500 µm - φ3, 2 mm - Créneau - 10 ns - 7, 43 J - Imax= 9 GW/cm2 - Augmentation de F de 20 % en lien avec F

(a) Diagramme numérique temps-position en contrainte issu d’ESTHER (x=0 correspond à la position de la face avant à t=0) avec le modèle mécanique présenté dans la Table4.4(b) Profils de vitesse de surface libre expérimentaux et numériques avec ESTHER (1D) avec Ymax = 160 M P a et Ymax = 480 M P a

On voit en effet que la synchronisation temporelle des pics de vitesse de surface libre du signal numé- rique et du signal expérimental est bien meilleure avec Ymax = 160 M P a. On remarque également que le

niveau de vitesse maximale correspond mieux à la courbe expérimentale. L’utilisation du nouveau jeu de paramètres a pu etre validé sur l’ensemble des essais réalisés sur aluminium pur sur les deux plateformes laser.

Le jeu de paramètres SCG que nous avons identifié comme le plus pertinent pour notre étude pour ce matériau est donné dans la Table 4.4.

Y0 (MPa) β n i G0 (GPa) G0P G0T (GPa/K) Ymax (MPa)

120 4000 0, 27 0 27, 1 1, 76690 −1, 66936.10−2 160

Table 4.4 – Paramètres SCG optimaux définis pour l’aluminium pur

2.2.3 Alliages d’aluminium

Dans ses travaux, B. Jodar a optimisé les constantes SCG pour l’aluminium 6061 par une série d’essais de choc laser réalisés sur Hephaïstos [146]. Ce jeu de paramètres a ensuite été ré-ajusté par D. Hébert (CEA/DAM/CESTA) suite à d’autres types d’essais sur ce matériau. Dans cette étude, nous avons repris ces constantes dans notre modèle matériau pour l’aluminium 6061. On a pu ainsi constater une excellente corrélation des profils de vitesse de surface libre numériques avec leurs homologues expérimentaux, et no- tamment sur des cas adaptés à l’évaluation des propriétés mécaniques, comme le cas exposé sur la Figure

4.11.

(a) (b)

Figure 4.11 – Profils de vitesse de surface libre expérimentaux et numériques sur deux alliages d’alu- miniums - Hephaïstos - φ4 mm - Gaussienne - 7 ns FWHM - avec prise en compte de l’incertitude F = +/ − 30 %(a) aluminium 6061 - Epaisseur=250 µm - 1, 13 J - Imax= 1, 1 GW/cm2 (b) aluminium

2219 - Epaisseur=500 µm - 0, 95 J - Imax = 1, 0 GW/cm2 - Les profils en tirets rouges représentent la

prise en compte de F dans les simulations.

On voit par exemple sur ce cas que la limite élastique (Y0 = 400 M P a) est bien définie puisque le

début du précurseur élastique expérimental est fidèlement reproduit par le modèle numérique. De même, la forme du précurseur et la fréquence d’apparition des pics secondaires est très bien reproduite, ce qui

implique une bonne modélisation de l’écrouissage via les paramètres β et Ymax.

L’application du même jeu de paramètres pour l’aluminium 2219 semble donner des résultats assez proches de l’expérience comme on peut le voir sur la Figure4.11. On remarque notamment que le précur- seur élastique est bien défini par notre modélisation impliquant Y0= 400 M P a. Le léger décalage temporel

visible sur le second pic de vitesse peut être issu d’une modélisation de l’écrouissage trop approximative, suggérant des modifications de Ymax ou β pour améliorer la corrélation avec l’expérience.

Le jeu de paramètres SCG utilisé pour l’aluminium 6061 et l’aluminium 2219 est donné dans la Table

4.5.

Y0 (MPa) β n i G0 (GPa) G0P G 0

T (GPa/K) Ymax (MPa)

400 5500 0, 10 0 27, 6 1, 79952 −1, 70016.10−2 500

Table 4.5 – Paramètres SCG optimaux définis pour l’aluminium 6061 et l’aluminium 2219

On constate donc que la caractérisation mécanique sous choc d’un matériau peut être facilitée en adoptant un modèle existant adapté à ce régime de sollicitation pour un matériau dont les propriétés mécaniques statiques sont proches. Des aménagements spécifiques peuvent ensuite être réalisés sur la base d’essais expérimentaux pour accroitre la précision du modèle et le rendre plus prédictif. On montre donc ici simultanément à la fois l’importance de la caractérisation des matériaux pour chaque nuance ou alliage impliqué dans un assemblage à tester dans le cadre du LASAT mais également la possibilité de caractéri- ser un nouveau matériau à l’aide de données appropriées sur un matériau proche et d’un nombre d’essais restreints sur le matériau ciblé.

2.2.4 TA6V4

Un jeu de paramètres SCG nous a été fourni par G. Seisson (CEA/DAM/DIF) pour modéliser le comportement élasto-plastique du TA6V4 sous choc. Ces données ont été ajustées par comparaison à des expériences faisant appel à différents générateurs de chocs (˙ = 104 − 106 s−1). Cependant, il n’a ja-

mais été confronté à des chocs générés par laser induisants des vitesses de déformations plus importantes (˙ > 107s−1) pour certains cas de cette étude sur le TA6V4). Dans le cadre de notre étude, l’utilisation

de ces constantes dans notre modèle numérique permet globalement de bien reproduire les résultats ex- périmentaux de vitesse de surface libre. On s’est toutefois aperçu que l’élévation de la limite d’élasticité initiale de 1600 MP a à 1800 MP a est nécessaire pour bien reproduire le niveau du précurseur élastique expérimental (Figure 4.12).

La Figure4.12montre la pertinence de Y0 = 1800 M P asur un cas permettant la mise en évidence des

propriétés mécaniques. L’apport de cette nouvelle constante au modèle SCG a été vérifié sur des épais- seurs et des chargements d’amplitude différentes. On peut donc supposer que la modification du paramètre mécanique Y0 = 1800 M P a par rapport au modèle de référence avec Y0 = 1600 M P a est indépendante

de la vitesse de déformation (1.106 s−1 < ˙ < 3, 5.107 s−1 pour l’ensemble des essais sur TA6V4) et de

l’amplitude du choc, comme on aurait pu s’y attendre. Des coupes micrographiques ont été effectuées au CEA/DAM/DIF. Ces coupes montrent des grains allongés dans la direction de l’échantillon, suggé- rant un effet laminé résiduel. On estime donc plutôt que la microstructure des échantillons utilisés dans cette étude est suceptible d’induire une anisotropie au sein de la cible et ainsi d’impacter la composante élasto-plastique du choc lors de sa propagation dans l’épaisseur de cible. Le modèle homogène qui nous

(a) (b)

Figure 4.12 – Résultats expérimentaux et numériques sur TA6V4 (a) Profils de vitesse de surface libre expérimentaux et numériques avec Y0 = 1600 M P aet Y0 = 1800 M P a- Hephaïstos - Epaisseur=250 µm

- φ4 mm - Gaussienne - 7 ns FWHM - 6, 88 J - Imax = 6, 9 GW/cm2 - F = +/ − 30 % (b) Coupe

micrographique sur une cible de TA6V4 d’épaisseur 250 µm, effectuée avec grossissement x100 par J.Bontaz (CEA/DAM/DIF)

directions. L’adaptation de ce jeu de paramètres pour prendre indirectement en compte dans la direction de sollicitation cette anisotropie a toutefois permis de représenter assez fidèlement l’ensemble des essais réalisés sur nos cibles de TA6V4.

A noter que l’artefact sur le signal expérimental à t = 0 ns est lié à l’éclairement du système VISAR par le plasma. L’expérience et, par extension, le reste du signal expérimental ne sont absolument pas impactés par ce phénomène.

Le jeu de paramètres SCG défini par cette étude, sur la base du paramétrage qui nous avait été trans- mis, est donné dans la Table 4.6.

Y0 (MPa) β n i G0 (GPa) G0P G0T (GPa/K) Ymax (MPa)

1800 12 0, 16 0 45, 9 4, 8185.10−1 −1.92780.10−2 4000 Table 4.6 – Paramètres SCG optimaux définis pour le TA6V4

2.2.5 Aciers

Afin de modéliser le comportement sous choc de nos deux nuances d’aciers, nous nous sommes basés sur les paramètres définis pour l’acier 304 par différentes études et rassemblés par D.J. Steinberg [143]. Les épaisseurs des cibles qui nous ont été fournies ont permis de mettre en oeuvre des configurations expéri- mentales assez adaptées à la mise en évidence des paramètres mécaniques de nos deux nuances d’acier. On a ainsi pu remarquer que la limite élastique initiale du jeu de paramètres de référence (Y0 = 340 M P a) ne

permettait pas de représenter correctement le niveau du précurseur. Pour les deux matériaux, on a donc augmenté Y0 afin d’améliorer la corrélation entre les résultats numériques et expérimentaux (Figure4.13).

En première approche, Y0 = 500 M P a permet de reproduire assez correctement le niveau du pré-

(a) (b)

Figure 4.13 – Profils de vitesse de surface libre expérimentaux et numériques sur deux nuances d’aciers - Hephaïstos - φ3, 7 mm - Gaussienne - 7 ns FWHM - 4, 37 J - Imax = 6, 5 GW/cm2 (a) Acier ES -

Epaisseur=570 µm (b) Acier DP 780 - Epaisseur=1200 µm - Les profils en tirets rouges représentent la prise en compte de F dans les simulations.

du pic principal. Les différentes ruptures de pentes associées à la transition élastique-élastoplastique et élastoplastique-plastique sont donc difficilement visibles dans ce cas. Des essais sur des épaisseurs plus im- portantes permettraient de les mettre en évidence plus facilement. En ce qui concerne la nuance DP 780, Y0 = 800 M P a permet de reproduire le niveau du précurseur élastique, ce qui correspond très bien à la

limite élastique nominale de cet alliage (Y = 780 MP a). Pour ces deux nuances d’acier, on note toutefois que la forme du précurseur expérimental est assez éloignée de celle représentée par la simulation. Cette divergence pourrait suggérer que l’écrouissage modélisé est assez différent de l’écrouissage à l’oeuvre dans l’expérience. On a vu cependant que la synchronisation temporelle sur les pics secondaires est relativement bonne. La divergence expérience-simulation visible sur la premier pic ne semble donc pas être un obstacle majeur à la modélisation de la propagation des chocs dans l’épaisseur de la cible. On remarque également sur le signal expérimental de l’acier DP que des détentes bi-dimensionnelles issues des bords de tache apparaissent vers 350 ns et tendent à décharger la surface libre, induisants une réduction de la vitesse associée [123]. L’instant d’apparition de ces effets (t) au centre de la tache, et donc au point de mesure de l’instrument de vélocimétrie, dépend du rayon de la tache focale (r) et de la vitesse de propagation des chocs (D), comme on peut le voir sur l’expression 4.4[146].

t = r

D (4.4)

En dépit de ces effets survenant ponctuellement, on remarque que l’allure globale du signal après leur apparition est bien représentée. On constate donc que la modélisation mono-dimensionnelle des chocs ne peut prendre en compte ce type de phénomènes mais, pour autant, ces derniers ne semblent pas perturber majoritairement le signal. Cette observation ouvre des perspectives à l’utilisation d’ESTHER pour modéliser la propagation des cibles dans des assemblages de matériaux isotropes, comme on le verra dans le prochain chapitre.

Le jeu de paramètres SCG défini par cette étude est donné dans la Table 4.7.