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4 Dynamique des décharges NRP micro plasmas dans l’air à pression

4.3 Les premières nanosecondes : l’émission homogène

4.3.2 Les conditions nécessaires pour la formation d’une décharge homogène

L’utilisation d’une décharge haute pression initiée de manière homogène par des avalanches de Townsend a été décrite comme une méthode intéressante pour créer un milieu d’excitation d’un laser gaz [157]. S’en est suivi, la mise au point de modèles permettant de définir les conditions et le domaine d’existence de tels régimes [13,14].

La méthode de Levatter [14] a été appliquée de façon satisfaisante par Pai et al. [21] sur une décharge NRP étincelle. Nous allons appliquer ce modèle afin de comprendre si ce claquage homogène est possible dans notre cas, et au travers de cette analyse, nous trouverons une estimation des grandeurs nous informant sur l’état du gaz entre les électrodes juste avant une impulsion. Le modèle est construit sur une description très concrète du mécanisme d’avalanche électronique dont le schéma est montré sur la figure 52. Dans cette partie, nous allons réfléchir uniquement sur la décharge = .

A B

Figure 52: Principe du modèle du claquage homogène : A) forme du champ pour une seul avalanche et B) pour plusieurs avalanches.

Le modèle considère une avalanche démarrée par un seul électron dont la tête est composée d’un nuage d’électrons possédant un profil de densité gaussien. Le rayon de cette avalanche peut être exprimé en fonction de la longueur de l’avalanche , le ratio entre le coefficient de diffusion et de mobilité des électrons / et le champ électrique externe par l’équation (42).

= √( ) ( ) (42) Le profil du champ de charge d’espace le long de la direction radiale peut être exprimé en fonction du nombre d’électrons contenue dans la tête de l’avalanche et d’une fonction de / ) et de la permittivité du vide (voir équation (43)).

= (43)

Cette fonction / ) atteint un maximum = , à = , × et peut tout simplement être calculé par la relation (44) via une simplification disponible dans [21] avec et le coefficient de ionization maximum � :

= ��� � (44)

Les conditions sont résumées, à partir des équations (42) à (44), par l’équation (45) :

= ��� � = ( ) = ��� (45)

Pour qu’une décharge évolue homogènement, il faut empêcher le développement d’un

streamer en diminuant le maximum du champ de charge d’espace positionné à = , × . Le critère pour la formation du streamer est atteint lorsque − = .

− peut diminuer lorsque plusieurs avalanches sont superposées comme indiqué sur la

figure 52B. Pour cela il faut qu’un nombre plus important d’électrons germes provoque un nombre plus important d’avalanches électroniques. Un claquage homogène sans streamer pourrait donc être obtenu si < grâce à la superposition des avalanches.

Pour des champs électriques bien plus importants que le champ de claquage, Montijn et Ebert [10] ont montré que ce critère est atteint lorsqu’il y a ≈ ��� électrons dans la tête de l’avalanche. Nous allons donc commencer par faire une hypothèse sur le champ électrique réduit / = qui représente le maximum du champ Laplacien, comme vu sur la figure 51A soit = / à = . Cela nous amène à estimer � / = − [7] donc . Nous pouvons estimer / par

extrapolation avec les articles de revue [7] et [158].

Nous pouvons en déduire que la longueur critique de l’avalanche est = , et = = , . La première condition pour obtenir un claquage homogène consiste en une condition de pré-ionisation et il faut une densité d’électrons germes critique >

Un dernier critère concernant la pré-ionisation doit être validé à propos de la taille de la zone cathodique. Cette zone sera déficitaire en électrons lorsque le champ électrique commencera à augmenter. Ce point fera l’objet de la prochaine section.

4.3.2.1 Critère de formation d’un streamer en zone cathodique

Premièrement, nous allons considérer que les charges rémanentes dans le gap sont des électrons. La deuxième condition de claquage homogène concerne la zone cathodique, au moment de l’application de l’impulsion, à cause du champ électrique, les électrons vont être balayés de la zone proche de la cathode. Nous notons l’épaisseur de cette zone cathodique . Une avalanche dans cette zone peut provoquer la génération d’un streamer si, par balayage, retombe en dessous de . Il faut alors < au moment du claquage pour empêcher ce processus.

Si l’on considère une montée de tension linéaire, il est possible d’estimer en fonction de la mobilité réduite , du champ de claquage / et du moment où / = / avec l’équation (46).

= ( ) (46)

Pour estimer , nous avons utilisé BOLSIG+ et cette méthode entre en accord avec les expériences de Lisovskiy et al. [8]. Avec / = , = , × − − − . Avec ≈ et ⁄ ≈ (figure 51B), nous obtenons = , ≈ ×

. Si les charges rémanentes sont des électrons, elles pourraient déclencher la génération d’un streamer. Néanmoins, dans l’air à température ambiante, nous attendons que la plupart des charges rémanentes, pour une durée inter-impulsions de l’ordre de , soient des ions négatifs (voir par exemple Tholin [19] (p 50)).

4.3.2.2 Hypothèse de pré-ionisation : les charges rémanentes sont des ions

négatifs

Dans ce paragraphe, nous proposons que les conditions pour un claquage homogène sont satisfaites dans notre cas du micro-plasma NRP par des électrons libérés d’ions négatifs qui ont piégés ces électrons dans la phase de recombinaison. En 2005, Pancheshnyi met en cause le rôle des ions négatifs dans la formation des streamers en arborescence de plusieurs canaux dit « branching » [159]. Il indique que l’application d’un champ électrique modéré de l’ordre de peut provoquer le détachement rapide, dans l’échelle de la , de l’électron des ions − dans un mélange oxygène-azote. Le mécanisme consiste à donner de l’énergie cinétique à ces ions qui va se transformer en énergie vibrationnelle en cas d’impact avec une autre espèce lourde. La molécule est susceptible de relâcher son électron si l’énergie vibrationnelle excède l’énergie d’affinité entre la molécule et l’électron [160,161].

Plus tard, Popov remet en cause ce mécanisme dans les mélanges oxygène-azote mais aussi dans l’air ambiant [153]. Il indique que les ions négatifs sont susceptibles d’être en réalité des ions plus complexes avec une énergie d’affinité plus importante que − ( , ) comme par

exemple − , . De manière générale, plus la phase de recombinaison est longue, plus les ions négatifs avec les énergies d’affinité importantes vont survivre. Le temps caractéristique du transfert des électrons vers ce type d’ions, dont l’électron se détachera difficilement, sera défini par les taux de réactions du modèle de Popov [153].

Dans un modèle numérique, proche de nos conditions, Popov [24] nous montre que les ions négatifs − et −, qui devraient constituer temporellement les premiers ions négatifs dans la phase de recombinaison [153], seraient rapidement détruits par des espèces qui devraient avoir une forte densité dans nos conditions, et . Néanmoins, nous pouvons attendre d’autres ions négatifs. De plus, même si les simulations prédisent que les électrons sont presque tous recombinés après dans de l’air à ≈ , les ions négatifs peuvent rester nombreux ( > − dans le modèle de Tholin [19] (p 50)). La liste des ions négatifs avec leurs énergies d’affinité de l’électron est fournie sur le tableau 13.

Tableau 13 : Liste des ions négatifs avec leur énergie d’affinité et leur mobilité.

ion- − − − − Énergie d’affinité des électrons ( ) [162] , , , , Mobilité réduite17 . − , � , � , , � , � plage ⁄ (Td) − − − avec

Énergie d’affinité ajoutée par des clusters � [162]

� + , + , + ,

� + , + , + ,

� + , + , + ,

Dans l’air ambiant, les ions négatifs peuvent s’agréger avec des molécules dipolaires comme l’eau et le dioxyde de carbone. Cela rajoute une énergie d’affinité supplémentaire nécessaire à franchir pour se débarrasser du cluster avant de se séparer de l’électron. L’énergie translationnelle d’un ion peut être calculée par l’équation (47) extraite de la théorie de Wannier [163] avec la vitesse de déplacement des ions = , la masse de l’ion et la masse d’une molécule de gaz qui est la cible de la collision avec l’ion.

= ⁄ × × + ⁄ ( + ) (47)

Il est donc possible de mettre en relation en fonction du champ électrique et de l’énergie nécessaire pour libérer l’électron. La figure 53 indique le champ nécessaire afin d’obtenir

l’énergie suffisante pour séparer l’électron de l’ion en une seule collision à l’intersection des deux courbes. La plupart des ions que nous ciblons peuvent donc être détachés aux alentours de , dans l’hypothèse où toute l’énergie cinétique de la collision est transférée en énergie vibrationnelle de l’ion négatif. Dans notre cas, le champ électrique réduit moyen est plus élevé (figure 51B).

Figure 53: Énergie d’affinité des ions selon tableau 13 et calcul de l’énergie cinétique d’un ion en fonction du champ électrique réduit.

La fréquence de collision ion-neutre peut être estimée avec la masse réduite ′ = × × ( + )− par = × ′ − [2] (p 24) qui serait approximativement

− = − pour − . Cela signifie que les électrons peuvent être détachés de ces ions

dans la phase de montée de la tension pendant les cinq premières nanosecondes.

Dans l’hypothèse de 100 % de détachement, nous aurions donc une densité d’électrons libres qui serait = > − [19]. Avec = , × − , nous obtiendrions donc la condition pour le claquage homogène sur . Le critère sur la taille de zone cathodique est validé (équation (46)), puisqu’il faut maintenant prendre en compte la mobilité ionique qui est très inférieure à celle des électrons (facteur × ).