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Conclusion

Dans le document MEUNIER-SCHOEN Pierrette (Page 56-59)

En conclusion de cette première partie, nous retiendrons de ces différents niveaux de conception, de mise en œuvre, de réalisation, que « l’universitarisation » est un processus long et complexe mettant en jeu l’intérêt de nombreux acteurs.

L’Europe, en imposant l’harmonisation des formations de l’Enseignement Supérieur, la circulation des diplômes et l’ouverture sur le marché du travail européen, a bousculé l’ensemble du système de formation français. Il a contraint l’Etat à une remise aux normes de tout l’Enseignement Supérieur qu’il soit d’ordre public ou privé, obligeant à un certain décloisonnement entre les Ministères en ce qui concerne les professions paramédicales. Cependant chacun des Ministères garde ses prérogatives, puisque l’universitarisation pour ces professions paramédicales se situe à deux niveaux: universitaire au grade Licence et professionnel au titre du Diplôme d’Etat Santé.

Le niveau national, lieu décisionnel et principal lieu de négociations pour les organisations professionnelles et étudiantes, révèle à la fois, la division du travail et la construction historique de ces professions paramédicales. On perçoit dans le déroulement des négociations, combien ces professions demeurent sous tutelle de la médecine dans leur construction historique, rappelant ce que Chapoulie89 décrivait en

1973 : « A partir de 1945, de très nombreux groupes professionnels ont prétendu à un statut analogue à celui des professions établies et pour justifier cette prétention, constituèrent des institutions semblables à celle du corps médical. Ainsi infirmiers, kinésithérapeutes, psychologues, travailleurs sociaux etc.. se regroupèrent en associations professionnelles et tentèrent d’institutionnaliser l’entrée dans le métier, en mettant en place des filières de formation professionnelle, rédigèrent des codes de

88 Idem.

89 Chapoulie, J.M, (1973), Sur l’analyse sociologique des groupes professionnels, cité In [Lallement, M., (2008), Sociologie des relations professionnelles, Paris, La Découverte, coll. Repères].

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déontologie et essayèrent d’obtenir une reconnaissance de ces institutions ». Nous pouvons donc mieux comprendre les tensions existantes entre les groupes professionnels et le Ministère lors des négociations, qui ne sont pas sans évoquer, ce que soulignent C .Dubar et P.Tripier90, à propos du triple enjeu des professions,

notamment dans les enjeux politiques et économiques : « Les professions représentent des formes historiques d’organisation sociale, de catégorisation des activités de travail qui constituent des enjeux politiques, inséparables de la question des rapports entre l’état et les individus, question désignée traditionnellement depuis Durkheim, en sociologie, comme celle « des groupes intermédiaires » ; et en corrélation sur son versant plus économique : les professions sont, enfin, des formes historiques de coalitions d’acteurs qui défendent leurs intérêts en essayant d’assurer et de maintenir une fermeture de leur marché du travail, un monopole pour leurs activités (.. .) Le niveau national devient le « théâtre » de « lobbying » des professions en quête de reconnaissance statutaire.

L’universitarisation est aussi l’opportunité pour les professions paramédicales, d’ouvrir « le chantier » de l’ingénierie de ses formations. La perspective universitaire d’harmonisation des formations nécessite la création des passerelles entre les différents métiers avec la déclinaison des compétences dites « transversales ». Les organisations professionnelles ont dû pour cela, s’entourer d’universitaires pour décliner selon une certaine méthodologie, leurs activités professionnelles, en les formalisant en compétences, réinventant à cette occasion, « leur métier » pour mieux l’adapter aux réalités de leurs exercices et puiser une reconnaissance identitaire. Cette notion de métier reformulé en compétences que F.Osty nomme « métiers en organisation » connait, à l’heure actuelle. « Un regain d’intérêt comme forme productive plastique à la diversité des situations de travail. L’existence de situations fortuites sollicite le professionnel pour recombiner différemment connaissances et savoirs pratiques dans l’activité de travail ». 91 C’est là une gageure pour l’emploi des futurs professionnels paramédicaux qui s’inscrit dans une politique plus générale des réformes de santé en Europe et dans le monde, comme nous l’indique un expert, O.M.S92 , l’objectif étant l’accès équitable aux soins et l’élaboration d’un code de

recrutement international des personnels de santé.

90 Dubar., Tripier, P., (2005), Sociologie des professions, 2ème édition, Armand Colin, coll. U, p.7. 91 Osty, F., Sociologie des professions et des métiers, In [Alter, N., (2006), Sociologie du travail, Paris, P.U.F]

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Sur le plan régional, là aussi planent de nombreuses interrogations vis-à-vis de la mise en œuvre, devant articuler deux systèmes. En devenant interface, médiateur entre les différentes instances présentes sur son territoire, il s’efforce de mettre en œuvre le processus en organisant des réunions tripartites, veillant aux intérêts des acteurs. Pour les instituts de formation paramédicale intégrés dans le public comme les I.F.S.I (Instituts de Formation en Soins Infirmiers), les « choses » peuvent paraitre relativement aisées, comment cela se passe t-il pour les instituts de formation privés, qui constituent une bonne part des instituts pour les professions telles que la kinésithérapie, l’ergothérapie, la pédicurie podologie ?93 .

Cette première partie nous a permis de cerner l’objet « universitarisation » dans les trois contextes qui l’entourent : le cadre européen déterminant le cadre politique général, le contexte national comme espace de négociations, le cadre régional comme « maitre d’œuvre » de son opérationnalité. Nous avons compris l’essentiel ce qu’implique ce processus dans le champ de la formation. Mais nous constatons des divergences d’intérêts entre auxiliaires médicaux pour qui, l’enjeu est une reconnaissance statutaire, s’organisant autour du métier. Interpelée par C.Dubar à propos de la perspective interactionniste, par Zarifian sur le concept de métier rebelle par nature aux coopérations interprofessionnelles, nous posons comme question principale :

Quel sera projet d’universitarisation pour les trois instituts (filières) de formation initiale paramédicale présents à l’I.F.P.E.K ?

C’est ce que nous proposons d’examiner dans cette deuxième partie, à travers l’exemple de l’entreprise l’I.F.P.E.K.

93 Nombre d’I.F.M.K : quarante dont quatre réservés aux malvoyants, sur les trente six restants, une vingtaine sont privés.

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2ème partie : Le projet d’universitarisation des trois Instituts (filières) de

Formation initiale à l’IFPEK

Cette deuxième partie présente un autre acteur concerné directement par l’universitarisation : l’I.F.P.E.K. notre employeur, qui doit préparer l’arrivée de cette réforme pour les trois instituts de formation initiale, qu’elle regroupe. Nous nous intéresserons aux projets qu’elle développe pour répondre à l’injonction de l’Etat de trouver des partenariats afin d’asseoir « l’universitarisation ».

Le premier chapitre descriptif s’appuie sur des documents internes dont certains sont publiques. Les éléments historiques ont été reconstitués à partir d’un témoignage avec une des plus anciens membres du Conseil d’Administration et des éléments d’une monographie que nous avons réalisée. Ce détour historique, sera présenté sous forme de tableau. Il nous parait important pour comprendre les successives mutations de l’association. Nous interrogerons ainsi, sa nouvelle organisation en nous référant à la sociologie des organisations, situant ainsi le cadre de l’émergence des projets. Le deuxième chapitre s’intéressera aux différences entre les instituts de formation initiale, dont la mission principale est d’assurer les apprentissages forgeant ainsi l’identité professionnelle et métier de leurs étudiants. La réforme universitarisation renforce t-elle les identités professionnelles ou les dilue t-elle ? Nous tenterons d’éclaircir cette question en examinant comment la formation initiale participe de la construction de l’identité professionnelle, avant de camper leur situation dans le processus.

Le dernier chapitre abordera alors les enjeux d’universitarisation pour les acteurs et nous poserons ce qui nous semble être la problématique institutionnelle face au projet d’universitarisation. Nous nous intéresserons à la logique des acteurs face au projet institutionnel par le biais de la commission universitarisation, suscitant questionnements et engagement de ma participation.

2.1 Présentation de l’association I.F.P.E.K (Institut de Formation Pédicurie-Podologie,

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