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Ces travaux ont permis de démontrer, sur le plan théorique, l'existence d'un second dividende de politiques climatiques :

• d'une ampleur modeste, soit dans les simulations présentées un gain en emplois

culminant autour de deux centaines de mille, et un gain agrégé en consommation des ménages ne dépassant pas le demi-point de pourcentage. Ces chiffres ne sont bien évidemment pas à prendre au pied de la lettre mais comme des ordres de grandeur des potentiels en jeu;

• robuste à un jeu d'hypothèses paramétriques contrastées sur ses déterminants

clés, soit l'efficacité des signaux-prix en matière de changement technique, et l'impact de la contrainte de rareté du capital;

• pour une majorité de structures économiques, selon les résultats du chapitre

VIII, dont les zones géographiques fournissent une palette de conditions macro- économiques variées en termes d'intensité énergétique, d'importance relative de la production d'énergie dans la production distribuée, de la consommation d'énergie dans le budget des ménages.

Une condition restrictive majeure de ce résultat est déterminée par le chapitre VII : la politique climatique envisagée doit permettre une levée de fonds publics et ces fonds doivent être recyclés dans une baisse de prélèvements distorsifs préexistants.

En outre, le chapitre VII étudie les effets redistributifs d'une politique climatique sur 35 branches d'activité, en s'intéressant à la variation des coûts de production que ces branches subissent. Il apparaît que les effets de premier ordre, très inflationnistes pour les branches les plus intensives en énergie, sont très diminués voire inversés au second ordre, dès lors que le recyclage dans une baisse sur la fiscalité du travail est pris en compte. En outre, les branches restant affectées par la politique mise en place sont susceptibles d'en être exemptées pour un coût d'efficacité faible à performance environnementale maintenue.

L'ensemble de ces résultats sont en ligne avec les résultats analytiques et numériques les plus récents.

Sur le plan méthodologique, on a présenté les modalités et les conséquences du couplage entre le modèle d'équilibre général calculable IMACLIM et le modèle technico-économique des marchés de l'énergie POLES. Les chapitre V et VIII présentent des conclusions qui dépassent les caractéristiques propres de chacun des

deux modèles. L'entreprise de couplage entre modélisations bottom-up et top-down est pleinement justifiée dans la mesure où :

les estimations tirées des modèles bottom-up s'en trouvent profondément

changées : il est démontré que les effets d'équilibre général, et notamment les modalités de recyclage d'éventuelles ressources fiscales des politiques climatiques, ne sont pas de second ordre mais modifient considérablement les conclusions obtenues en équilibre partiel;

les estimations produites par les modèles top-down sont elles-aussi susceptibles

d'être modifiées : dans une moindre mesure, si les spécifications retenues pour la modélisation des choix du producteur et du consommateur demeurent dans le champ des formes les plus usitées (CES, LES)—mais la qualité du calibrage des élasticités de substitution utilisées conserve une influence non négligeable; bien plus profondément dès lors que le modélisateur s'affranchit des spécifications conventionnelles et se concentre sur la reproduction des réactions mises en lumière par les modèles technico-économiques. Les divergences sont alors d'autant plus saisissantes que les abaques synthétisant les résultats bottom-up présentent des courbures marquées.

On insistera beaucoup sur le recours dans la modélisation top-down à des formes fonctionnelles ad hoc, sans révélation des fonctions d'optimisation sous-jacentes. Un tel choix est nécessaire dans la mesure où les processus économiques de production et de consommation ne sont la source d'externalités environnementales qu'au travers de réalités techniques; l'objectif premier des modèles technico-économiques est la représentation fidèle de ces réalités, et seul un calibrage des modèles top-down « au plus près » est à même de garantir une prise en compte optimale de cette représentation dans un cadre d'équilibre général. S'interrogeant sur la portée de ce choix, on doit garder à l'esprit que les spécifications usuelles ne sont que des approximations du réel retenues avant tout pour leur souplesse d'utilisation analytique; dans un exercice de modélisation calculable leur justification première perd de sa pertinence, et l'on peut sans regret abandonner leur utilisation pour se tourner vers des spécifications plus libres, qui ne conservent que le strict minimum des contraintes de production.

Pour clore ces travaux, soulignons combien les recherches synthétisées dans ce document demeurent en chantier : des progrès sont encore à faire dans chacun des deux domaines délimités ci-dessus, et en particulier dans le développement des

interactions entre les différents types de modèles utilisés pour l'évaluation macroéconomique des politiques climatiques.

Notamment, un développement de l'architecture de modélisation est souhaitable dans la direction de modèles comportementaux plus complexes, à même de représenter certains des comportements soulignés en parties II et III, mais qui n'apparaissent pas dans l'outil IMACLIM :

• raffinement de la description des comportements d'embauche par prise en

compte des natures contrastées de la fiscalité sur le travail, facteur de production caractérisé par une grand rigidité, et l'énergie, facteur de production particulièrement adaptatif;

• sophistication de la représentation du rôle de l'incertitude dans les

comportements de consommation d'énergie, au niveau du consommateur final en particulier : plus elle est élevée, plus la taxation du carbone lisse les incertitudes dues aux fluctuations des marchés et peut ainsi aider à la formation des anticipations.

Dans une autre direction, le développement du niveau de désagrégation de la production et de la demande finale est nécessaire si l'on veut pouvoir :

• affiner les raisonnements présentés au chapitre VII, et notamment envisager un

raisonnement sur les impacts non en termes de coûts mais de valeur des firmes, dans la lignée de ceux de Bovenberg et Goulder (2000)93

• reprendre les résultats de Fortin (1999) concernant une désagrégation du

ménage représentatif en trois niveaux de revenu, et le croiser avec la désagrégation sectorielle dans une mesure permettant au moins de distinguer une influence des transports différenciée par niveaux de revenu.

Enfin, le passage à des modèles mondiaux, dont on pourrait penser qu'il ne suppose que la mise en parallèle de versions d'IMACLIM calibrées sur différentes économies, dans l'esprit des résultats présentés au chapitre VIII, soulève la question des fuites de carbone (le leakage) liée à celle très délicate des flux de capitaux, qui ne sont pas représentés dans le modèle en l'état. L'éventail des spécifications les plus couramment utilisées en la matière pose le problème assez général d'une surréactivité des flux

93 Qui concluent sur cet indicateur dans un sens identique à nos conclusions du chapitre VII : les pertes de valeur des secteurs les plus touchés sont compensées sur la base d'un grandfathering partiel n'entamant que marginalement le second dividende obtenu.