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Introduction : propos d'étape

III. Structure de production et effet prix : analyse d'un modèle simple

III.3. Éléments d'analyse à technologie variable

Les raisonnements ci-dessus font l'hypothèse constante qu'hormis pQ, pE, σ et t l'ensemble des paramètres de l'économie simplifiée sont donnés. Notamment, les coefficients αQQ, αEQ, αQE, αEE, lQ et π, implicitement dérivés de la minimisation des coûts d'une fonction de production non révélée via le lemme de Shephard, sont fixés, et on peut donc dire que l'on raisonne à technologie constante. Dans le même ordre d'idée, ef et qf, liés par l'identité de Roy à un arbitrage implicite des ménages, sont fixés. L'un comme l'autre de ces théorèmes économiques centraux indiquent cependant bien que les coefficients techniques comme les demandes marshalliennes sont fonctions des niveaux de prix. Il s'agit donc d'estimer dans quelle mesure la prise en compte de ces réactivités modifie les conclusions analytiques ci-dessus.

III.3.1. À prélèvements fixes

Nous procédons d'abord à l'étude du cas où le total des transferts par unité de bien composite est maintenu constant selon l'équation (II.7). Nous avons montré plus haut qu'à coefficients constants, une économie réaliste compatible avec ce modèle permettait toujours un recyclage favorable, avec un effet déflationniste systématique de la taxe. Nous rappelons au préalable, avec les mêmes conventions que précédemment, que :

pQ = 1

n*

(

( e* – e ) t + wQ lQ + n

)

(II.28) Commençons par étudier le cas où le coefficient de demande finale d'énergie ef n'est pas constant, mais réagit à la variation de la taxe. Nous conservons les autres coefficients constants. La variation de ef se traduit directement par une variation de e, puisque e = 1 – ααEQ EE – ef, d'où ∂e ∂t = αEQ ∂ef ∂t . La dérivation de pQ défini en (II.28) donne :

∂pQ ∂t = 1 n*



( e*– e ) – t



∂e ∂t (II.29)

On reconnaît ici un premier terme égal à la dérivée de pQ telle qu'elle a été calculée plus haut, et un second terme dû à l'introduction d'une réaction de ef à la taxe. Ce second terme vient contrebalancer l'effet déflationniste de la taxe sur le système de prix, puisque la contraction de l'assiette fiscale de l'énergie consommée par les ménages limite le montant de prélèvements disponibles pour le recyclage. Rien n'interdit d'envisager un effet total net inflationniste, si le signe de la parenthèse est positif.

C'est le cas lorsque – e t ∂e∂t > 1 – αe EQ

1 + 1 – ααEE

EE – π , autrement dit si l'élasticité- prix directe de l'intensité énergétique de l'économie est plus élevée que le terme de droite. Ce terme est inférieur à 1, éventuellement négatif, et l'élasticité prix directe de l'intensité énergétique de l'économie est aussi susceptible d'être comprise entre -1 et 0 : il n'est donc pas exclu que cette inégalité soit satisfaite, et que la taxe puisse être inflationniste.

Étudions maintenant le cas où seul αEE est réactif à la variation de taxe; nous obtenons : ∂pQ ∂t = n* 1



( e*– e – t

)



∂e ∂t + (n*)² αEQ

n* (1 – α(1–π) t

EE – π)² + αQE (1 – αEE – π)²

(

(e

)

*– e) t + w Q lQ + n ∂αEE ∂t (II.30) Nous reconnaissons les deux premiers termes déjà identifiés, bien que ∂e∂t ait ici une signification différente mais un comportement identique (puisque c'est αEE qui est réactif à la taxe, nous avons cette fois ∂e∂t = α

EQ ∂αEE

∂t ).

Nous disposons ensuite d'un troisième terme dont le signe est celui de ∂α∂t , autrement EE dit toujours négatif (l'étude du signe de la parenthèse est triviale puisque n > t e ). Ce terme correspond à l'effet déflationniste de la baisse de consommation intermédiaire d'énergie à cause de la taxe, via l'équilibre général des prix.

Enfin nous pouvons envisager les variations de coefficients dans la production de bien composite. En laissant libres αEQ et lQ, afin de pouvoir introduire les conditions de substitution travail-énergie, on obtient :

∂pQ ∂t = 1 n*



( e*– e – t

)



∂e ∂t + 1 (n*)²





n* (1–π) + αQE ((e*– e) t + wQ lQ + n

)

1 – αEE – π ∂αEQ ∂t + wn* Q∂l∂t (II.31) Q

On observe ici quatre termes : les trois premiers sont similaires à ceux rencontrés dans le cas de αEE, tandis que le dernier représente un effet inflationniste, dû au surcoût du travail dans la production de bien composite, après substitution de l'énergie vers le travail.

L'étude de ces deux derniers cas plus complexes soulève la question non-triviale de l'effet « net » de la taxe sur les prix : la somme algébrique des différents effets est un problème que l'analyse littérale ne suffit plus à résoudre. Le résultat va en effet dépendre des élasticités (élasticité-prix directe des coefficients, élasticité de substitution entre les facteurs) et des coefficients eux-même.

III.3.2. À prélèvements proportionnels

Nous pouvons effectuer des calculs analogues pour le cas des prélèvements proportionnels.

Commençons par étudier dans quelle mesure la prise en compte de la dérivée de ef par rapport à t modifie les conclusions sur l'évolution de pQ, via la variation de e. En différentiant (II.14) partiellement en fonction de t on obtient alors

∂pQ ∂t = e* – e n* – n – t n* – n ∂e ∂t (II.32) Dans cette expression, le second terme change de signe selon la valeur de n. On peut

ici distinguer deux cas :

• si ∂p∂t est positif, autrement dit si la variation du montant de prélèvement sur Q

l'énergie par unité de production de bien composite, t·e, a un effet net inflationniste, alors la contraction de e ( ∂e∂t < 0 ) lorsque t croît vient contrecarrer cet effet inflationniste;

• si ∂p∂t est négatif, autrement dit si la variation du montant de prélèvement sur Q

l'énergie par unité de production de bien composite, t e, a un effet net déflationniste, alors la contraction de e lorsque t croît vient limiter le volume de prélèvement pouvant être recyclé pour alléger les charges sur le travail et finalement faire baisser le prix pQ (cf. cas des prélèvements constants où cet effet existe aussi).

On peut donc conclure que les variations de ef jouent un rôle compensateur dans la variation de pQ, mais sans hypothèses supplémentaires il est impossible de dire dans quelle mesure l'effet contraire ainsi mis en évidence est suceptible de modifier le signe de ∂p∂t . Q

Procédons de la même façon pour le coefficient αEE, dont la dérivée par rapport à t peut comme celle de e être supposée négative. Nous obtenons une nouvelle expression de ∂p∂t : Q ∂pQ ∂t = e* – e n* – n – ∆1 (t) ∂e ∂t + ∆2 (t) ∂αEE ∂t (II.33) en introduisant deux notations,

∆1 (t) ≡ t n* – n (II.34) ∆2 (t) ≡ αEQ (n* – n)2 (1 – α EE – π)2

(

(1–π) (n* – n) t + αQE ( (e* – e) t + wQ lQ)

)

(II.35)

La dérivée à technologie fixe est donc cette fois modifiée par deux effets :

• un effet modérateur véhiculé par ∆1 (t), équivalent à celui observé dans le cas

de la prise en compte des variations de ef (atténuant la baisse ou la hausse de prix constatée au premier ordre par contraction de la nouvelle base fiscale);

• un second effet condensant en ∆2 (t) l'effet prix net de la variation de la

consommation intermédiaire αEE.

(II.31) indique que ∆2 (t) est positif (et donc le second effet déflationniste) pour les

valeurs de n inférieures à n* – α1–π QE

e – e* – wQt lQ

. La droite affine matérialisant cette inégalité coupe l'axe des ordonnées au-dessus de n* et passe par le point

e* + wQt , n* , à l'image de la contrainte de p lQ E (fig. III.4). On en déduit que ∆2 (t)

est toujours du signe opposé à celui de ∂p∂t , et que l'effet sur le prix est dans le même Q sens que la dérivée à technologie fixe, pour un effet net à nouveau équivoque.

Enfin, considérons de nouveau la possibilité d'une substitution entre énergie et travail dans la production du bien composite. La dérivée du prix du bien composite (équation II.14) par rapport à la taxe doit alors tenir compte des dérivées partielles des coefficients αEQ et lQ, ce qui donne :

∂pQ ∂t = e* – e n* – n – ∆1 (t) ∂e ∂t + ∆3 (t) ∂αEQ ∂t + ∆4 (t) ∂lQ ∂t (II.36) avec ∆1 (t) tel que défini en (II.30), et en posant

∆3 (t) ≡ 1 (n* – n)2 (1 – α EE – π)

(

αEE (n* – n) t + αQE ( (e* – e) t + wQ lQ)

)

(II.37) ∆4 (t) ≡ wQ n* – n (II.34)

On retrouve donc, agissant sur la variation de prix à technologie fixe, les deux effets contraires de contraction de la nouvelle assiette fiscale et de contraction de la consommation intermédiaire d'énergie, présents dans le cas d'une variation d'αEE, ainsi qu'un effet supplémentaire : l'effet de substitution de l'énergie vers le travail, qui vient d'une part augmenter la contribution du coût salarial dans le prix du bien composite, d'autre part augmenter l'assiette des prélèvements sur le travail45.

En définitive, il apparaît que, dans le cas général où l'on suppose tous les coefficients libres de réagir à la variation de la taxe, au moins deux catégories d'effets se superposent :

• des effets de propagation par le système des prix, qui relèvent de la

modélisation en équilibre général et du bouclage croisé des prix;

45 C'est bien la superposition de ces deux effets qui fait dépendre ∆

4 du signe de (n* – n), car l'effet d'élargissement de l'assiette renforce le gain du recyclage de la taxe et peut limiter une augmentation de prix lorsque l'on se trouve dans une économie où n > n*.

• des effets de variation d'assiette—de la taxe carbone ou des prélèvements sur le

travail—qui transitent par la loi de neutralité budgétaire retenue.

La résultante de ces deux effets n'est pas univoque, mais dépend des mesures relatives des élasticités des différents coefficients à la taxe.

On ne peut donc dans aucun des cas étudiés à technologie variable rejeter l'hypothèse que la dérivée du prix soit négative, et que les diminutions de bien-être mis en lumière dans le modèle analytique simple de Bovenberg soient contrés.

Conclusion

L'exercice analytique présenté ci-dessus dispense plusieurs enseignements. En premier lieu, il permet d'identifier les mécanismes d'équilibre général qui influent sur le comportement des prix face à la taxe sur l'énergie : effet de contraction de la demande, effet de substitution des facteurs, effet d'érosion de la base fiscale, effet d'inflation sur le niveau de prélèvements.

Dans un second temps, ses conclusions équivoques dans l'hypothèse de technologie variable (correspondant au cas retenu dans le modèle analytique de Bovenberg) ne permettent pas de rejeter l'hypothèse selon laquelle la diminution de bien-être mise en lumière hors représentation des prix de production soit contrée par leur prise en compte.

L'équivocité des résultats trouvés invite à dépasser le cadre analytique retenu pour procéder à des expériences numériques. Le modèle IMACLIM, dont la description fait l'objet du chapitre IV, est précisément conçu sur le format du modèle simple décrit ci- dessus au tableau II.1 et dans les équations (II.1), (II.2), (II.3), (II.4) et (II.9). Comme son image simplifiée, les évolutions du prix du bien composite qu'il calcule en équilibre général sont intimement liées aux hypothèses concernant les variations des coefficients de consommation d'énergie. Ces variations renvoient à la problématique de la modélisation des systèmes énergétiques, second champ de prospective à la source des divergences observées dans les résultats des modèles agrégés par SAP 12, qui fait l'objet du chapitre qui suit.

Chapitre III

Systèmes énergétiques