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En terminant, il serait judicieux de préciser les virtualités démocratiques que véhicule la communauté de recherche. De cette manière, il sera possible d’opérer la troisième étape de cette étude en ayant clairement délimité la nature de la notion de démocratie inscrite tant dans la démarche de Philosophie pour enfants que dans la réflexion communicationnelle du premier chapitre.

Trois éléments peuvent aider à identifier le rôle que peut jouer la communauté de recherche dans une démarche d’éducation, oserait-on dire,

démocratique à la démocratie : l’idée de recherche, celle d’esprit critique et l’idée de

communauté. Toutes trois participent en effet d’une dynamique inscrite au cœur de la démarche pédagogique de Philosophie pour enfants, dont on est en mesure d’apprécier la valeur en des termes plus socio-politiques.

Comme son nom l’indique, la communauté de recherche implique que ses participants sont rassemblés pour effectuer une recherche. Ainsi que nous l’avons vu dans ce chapitre, notamment par l’analyse du dialogue et celle du processus à l’œuvre dans la communauté de recherche, un des objectifs de cette pédagogie tient à montrer la pertinence de la recherche argumentée. En conduisant les enfants à mettre en pratique leurs habiletés cognitives et métacognitives, la recherche collective leur permet d’appréhender l’intérêt que possède la discussion argumentée. Elle leur donne en effet l’occasion d’affermir et d’enrichir, par le dialogue et la problématisation rationnelle, leurs opinions et conceptions relatives aux différents domaines de leurs expériences. Elle leur offre également la possibilité de comprendre en quoi la mécanique ,argumentative de leur recherche est précisément un des facteurs qui peut engendrer la validité de leurs représentations.

L’objectif que constitue la recherche et l’exigence qu’elle réponde à des critères d’argumentation rationnelle entraînent ainsi une première conséquence de nature démocratique. Elle induit en effet que la validité d’une position - voire la légitimité, pour reprendre un terme propre à la théorie communicationnelle - est directement liée à la discussion argumentée dont peut émerger tant sa pertinence que sa compréhension. Par conséquent, la pratique rigoureuse de ce « doute méthodologique » au sein de la communauté de recherche peut aisément représenter une première vertu démocratique dans la mesure où elle est garante d’une exigence de légitimité vis-à-vis des fondements de la démocratie.

Dans le prolongement de cette notion de doute méthodologique issu de la recherche en communauté, la finalité d’esprit critique se révèle comme un deuxième paramètre qui autorise à voir dans la communauté de recherche un espace d’où peut émerger un comportement démocratique. En effet, l’étude de l’idée de

pensée complexe, qui articule une pensée critique et une pensée créatrice, nous a

conduits à préciser comment cette finalité critique constitue une caractéristique d’essence foncièrement sociale et politique. En effet, en s’appuyant sur la curiosité stimulée par la recherche, la communauté encourage ses participants à utiliser des outils conceptuels qui les aident à évaluer la validité des contenus de leurs opinions. Ils leur permettent également d’appréhender la valeur de ce processus critique dans lequel ils s’engagent, et qui apparaît rapidement comme un processus auto-critique.

La conséquence en est, selon les termes de Lipman, « que les membres sont attentifs aux méthodes et aux procédés les uns des autres et se mettent à se corriger mutuellement »115. La manière dont la communauté de recherche, en quelque sorte,

institutionnalise cet esprit critique et auto-critique dans sa méthodologie, engendre

manifestement une seconde conséquence en terme de démocratie. Car, d’une part, la rigueur et l’excellence (au sens àe. pensée d'excellence) qu’elle stimule ne peut que renforcer la cohésion et l’exigence mutuelle d’un respect par chacun des normes de la communauté. D’autre part, elle s’inscrit dans un apprentissage, pour l’enfant,

d’habiletés cognitives, morales et sociales qui font de cet esprit critique un instrument précieux dans la mise en place d’un comportement démocratique associant rigueur, vigilance et créativité théorique et pratique.

Enfin, comme son nom l’indique également, la communauté de recherche est de nature communautaire. L’environnement de recherche collective qu’elle propose permet, nous l’avons vu, la mise en pratique de comportements solidaires chez ses participants. Le fondement intersubjectif des acquis de la démarche se révèle alors, non seulement, par !’intermédiaire de la pensée critique qui stimule chez les participants l’exigence mutuelle de rigueur et de cohérence mais également, grâce à sa dimension argumentative, qui consacre l’importance du débat collectif dans la recherche de la validité des résultats de la discussion. Ce fondement se révèle enfin aussi dans le phénomène même de la discussion. En effet, nous avons vu que le dialogue et le développement identitaire de l’enfant qui y sont à l’œuvre sont redevables du noyau intersubjectif de la méthodologie de la communauté. Le troisième acquis démocratique provient alors précisément de cet apprentissage fait d’une solidarité et d’une collaboration mutuelle dont chacun, à travers les habiletés cognitives, peut apprécier la valeur et l’importance.

Communauté de recherche et finalité d’esprit critique. Cette formulation en

trois temps semble condenser l’essence démocratique de la démarche de Philosophie pour enfants. Il reste à présent, dans le troisième chapitre, à observer jusqu’où peut être opérée une comparaison entre ces vertus démocratiques qui animent la communauté de recherche et les paramètres démocratiques de la théorie communicationnelle, tels que nous les avons identifiés à l’issue du premier chapitre.

Chapitre 3 :