• Aucun résultat trouvé

IV. DISCUSSION :

2. Concernant la pratique en autonomie :

a) Rôle et attentes quant au remplacement :

i. Rôle pédagogique du remplacement :

On constate qu’en dehors de la motivation financière (citée par tous les répondants comme motivation pour remplacer, mais par un seul comme critère de sélection de ses remplacements), les motivations pour effectuer les premiers remplacements sont assez proches des motivations à demander la réalisation d’un SASPAS : la découverte et la pratique de la médecine générale libérale, la formation et l’acquisition d’expérience. Il est intéressant de remarquer que les motivations sont semblables parmi tous les remplaçants, qu’ils aient effectué un SASPAS ou non. Les remplaçants qui ont effectué un SASPAS considèrent donc qu’ils ont encore besoin de se former et d’acquérir de l’expérience, et comptent sur les remplacements pour y parvenir.

ii. Rôle pédagogique du médecin remplacé :

Il n’est pas rare qu’à l’issue d’un remplacement, le médecin remplacé et son remplaçant prennent le temps d’effectuer un « débriefing ». Cette pratique est très appréciée par les remplaçants, en vertu de son rôle pédagogique, certains pensent même que cette pratique devrait être systématique. Ceux qui n’en n’ont pas bénéficié auraient d’ailleurs aimé que ce

134

soit le cas. Ces propos montrent bien que tout médecin, qu’il soit maître de stage ou non, a un rôle pédagogique à jouer. Cette notion est d’ailleurs déjà abordée dans le Serment d’Hippocrate, que prête tout médecin : « Je ferai part de mes préceptes, des leçons orales et du reste de l'enseignement à mes fils, à ceux de mon maître et aux disciples liés par engagement et un serment suivant la loi médicale. »

En revanche, même si certains médecins remplacés restent joignables pendant la durée du remplacement, la plupart des remplaçants s’imposent de ne pas les appeler, considérant qu’il est responsabilisant et formateur d’assumer seul ses décisions.

b) Rôle et attente quant au SASPAS :

i. Des attentes pédagogiques importantes :

Les jeunes médecins de notre étude qui ont réalisé un SASPAS ou qui souhaitent le faire lui accordent un rôle pédagogique important : la réponse « se former » est quasi unanime lorsqu’on les interroge sur leurs motivations. Plus précisément, leurs attentes portaient sur l’acquisition d’expérience, l’acquisition d’autonomie, le renforcement de la confiance en soi. Le caractère rassurant de la supervision est également mis en avant. Les autres motivations sont la découverte de l’exercice libéral, la volonté de prolonger la durée de formation libérale au cours de l’internat et le désir de quitter le monde hospitalier. Ces réponses concordent avec la littérature : J. Troester (28) relève également parmi les motivations d’autres internes lorrains l’acquisition d’expérience et de confiance en soi, ainsi que la volonté de prolonger la durée de formation spécifique de la médecine générale et le désir de quitter le monde hospitalier. D.Fraizy (16) cite comme motivations le fait d’approfondir ses connaissances de médecine générale (62%), le gain d’autonomie et la gestion du temps (43%). T. Rodin (29) note que plus de la moitié des étudiants ont choisi un SASPAS dans le but de se rassurer.

Une autre motivation, non mentionnée explicitement dans notre étude, est citée dans la littérature par J. Troester (28) et D.Fraizy (16) : l’apprentissage sur le plan administratif et de la gestion du cabinet.

On remarque donc que si les motivations sont assez proches de celles des premiers remplacements, les modalités en sont différentes et notamment plus rassurantes, par le côté progressif et par la sécurité apportée par la supervision. On ne peut, par ailleurs, s’empêcher de remarquer que lors d’un SASPAS, l’acquisition de « connaissances » est validée scientifiquement par un enseignant, permettant un contrôle de ce que l’interne apprend « sur le terrain », ce que ne peut garantir un remplacement.

135

ii. Supervision directe versus supervision indirecte :

Comme nous l’avons aperçu, la supervision est perçue comme un des intérêts majeurs du SASPAS. Les autres travaux le relèvent aussi : dans l’étude de D.Fraizy (16), la supervision, le débriefing et « l’échange et le compagnonnage avec le maître de stage » sont en bonne place parmi les « points forts » du SASPAS. Dans l’étude de T.Rodin (29), la supervision occupe la troisième place des « points les plus positifs » du SASPAS.

Dans notre étude comme dans la littérature cependant les jeunes médecins interrogés insistent sur le fait que la supervision n’est pas toujours réalisée correctement. Dans l’étude de D.Fraizy (16), 18.68% des internes considèrent que les maîtres de stage n’étaient pas assez disponibles, et 12% que la supervision n’était pas réalisée systématiquement, ou de mauvaise qualité. Pour T.Rodin, la supervision est insuffisante ou absente dans 15,22% des cas.

Un autre point nous a semblé fort intéressant : il s’agit de la différence de perception entre la supervision directe et indirecte. En effet, la supervision indirecte est présentée par tous les participants comme particulièrement importante, pour certains elle constitue même « l’atout majeur » du SASPAS sans lequel le SASPAS ne serait rien d’autre qu’un remplacement comme un autre. En revanche, lorsqu’ils sont interrogés sur leur utilisation de la supervision directe, la plupart disent ne pas y avoir eu recours, ou de façon très rare, et lorsque c’est le cas, ils minimisent le rôle qu’elle a joué, comme s’il était honteux d’en avoir eu besoin. Ceci rejoint tout à fait la volonté des remplaçants n’ayant pas réalisé de SASPAS de ne pas contacter le médecin remplacé en cas de problème. Ainsi, ces jeunes médecins souhaitent assumer leurs décisions sur le moment, mais acceptent volontiers la critique et la discussion a posteriori pour se former.

iii. Importance d’être seul face au patient :

Lorsqu’ils ont été interrogés quant à l’aptitude à remplacer après avoir validé les trois semestres réglementaires, une différence apparait entre les internes n’ayant jamais remplacé, qui n’émettent pas de réserve quant à cette aptitude, et les remplaçants, qui se montrent plus prudents. En effet ceux-ci ont pu constater les limites de leur statut sur le terrain en étant seul face en patient, là où l’interne en stage praticien de premier niveau n’a été que spectateur ou acteur sous surveillance étroite.

Par ailleurs, se retrouver seul face au patient pousse le jeune médecin à assumer ses décisions, et donc peut-être à les réfléchir plus mûrement. Ceci rejoint la volonté des étudiants en SASPAS de ne pas utiliser la supervision directe.

136

Enfin, être seul face au patient permet d’assoir sa légitimité et sa crédibilité. En passant du statut d’observateur plus ou moins impliqué à celui de praticien, l’interne se libère de la « relation triangulaire » du stage de niveau 1 (27) qui peut nuire à son autonomisation. Or, comme le soulignent A. Oude Engberink, M. Amouyal, M. David et G. Bourrel (30), l’expérience en contexte authentique et le ressenti d’une légitimité constituent les déterminants du sentiment « d’être prêt à exercer ».