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IV. DISCUSSION :

1. Concernant la formation :

a) Avis concernant l’enseignement théorique : i. Une confiance dans la formation :

La majorité des médecins interrogés considère que la formation théorique leur transmet un ensemble de connaissances suffisant pour exercer sans mettre en danger le patient. Cette confiance dans leur formation est d’ailleurs régulièrement mise en avant pour justifier leur aptitude à exercer la médecine, et a également été utilisée par plusieurs d’entre eux pour se rassurer au moment de commencer leurs premiers remplacements. Cette formation théorique garde donc une place importante dans le cursus, tant pour la transmission de connaissances scientifiques que pour l’acquisition de confiance en soi.

Ces résultats contrastent avec ceux de l’enquête de l’Intersyndicale Nationale des Internes des Hôpitaux (ISNIH) réalisée en mars 2014, qui dénombre deux tiers d’internes de médecine générale non satisfaits de leur formation théorique (15). La thèse de D. Fraizy (16) mentionne 93% d’internes qui estiment être insuffisamment préparés à leur exercice professionnel par leur formation universitaire. Cette différence peut peut-être s’expliquer par une certaine disparité entre les facultés françaises dans l’organisation des enseignements de troisième cycle de médecine générale. Dans un de nos entretiens, un médecin nancéen déclare d’ailleurs que les cours dispensés à la faculté de médecine de Nancy lui semblent de bonne qualité, il souligne au passage que dans certaines facultés ces enseignements sont quasiment inexistants.

La thèse de C. Vartanian (17), bien que plus ancienne, donne des valeurs plus encourageantes, même si l’auteur ne distingue pas dans son travail la part théorique de la part pratique de la formation : 67.9% des médecins interrogés considèrent que le troisième cycle des études médicales les prépare bien ou assez bien à la médecine générale.

Cependant, malgré cette satisfaction globale, les répondants ont relevé un certain nombre de carences dans l’enseignement qu’ils n’hésitent pas à souligner.

130 ii. Carences dans l’enseignement :

Le premier point relève en réalité d’un problème organisationnel : il s’agit de la difficulté d’accès au cours : ainsi, plusieurs répondants confient qu’ils ne se rendent pas aux cours auxquels ils veulent, mais à ceux auxquels ils ont la possibilité matérielle de se rendre. Ce constat est en accord avec les données nationales recueillies par l’ISNIH (15). Selon cette enquête, les internes rencontrent de réelles difficultés à poser leurs demi-journées de formation pour se rendre en cours. En moyenne, seules 17 journées sont réellement utilisées sur les 54 consacrées légalement à l’enseignement, par semestre. On constate donc qu’il existe des enseignements, jugés de bonne qualité, auxquels les internes ne peuvent se rendre faute d’une organisation adéquate des terrains de stage.

Par ailleurs, les enseignements sont jugés, par certains, trop théoriques, trop éloignés de la médecine générale et des pathologies que l’on y rencontre le plus souvent. Ici encore, les différents travaux, font état de remarques similaires. La thèse de P. Bouché (9) relève les propos de jeunes médecins considérant l’enseignement « trop fondé sur les pathologies rares », « trop théorique », et déplorant la « méconnaissance de certains gestes techniques ». Plus récemment, la thèse de J. Deschaume (10) cite dans la liste des enseignements faisant défaut, la « prise en charge du patient en cabinet de ville », ou encore les « pathologies courantes rencontrées en cabinet ». En 2012, le travail de D. Fraizy (16) mentionne des « lacunes dans l’enseignement des pathologies couramment rencontrées dans un cabinet de médecine générale », tandis que C. Manjarres (18) fait état de la volonté des internes de bénéficier de cours « plus pratiques » ou « moins théoriques », d’y voir aborder des sujets « plus spécifiques de médecine générale ». Ces sujets sont peut être perçus comme « évidents » par des enseignants pratiquant depuis de nombreuses années en médecine générale, mais peuvent initialement représenter de réelles difficultés pour de jeunes médecins issus d’une formation majoritairement hospitalière.

En outre, les aspects administratifs et logistiques de l’exercice en médecine générale sont également perçus comme insuffisamment enseignés. Les travaux cités ci-dessus font état des mêmes remarques : les lacunes dans le « domaine administratif » sont citées par 45 répondants de la thèse de D.Fraizy (16), la comptabilité et la gestion sont également citées dans le travail de J.Deschaumes. L’enquête de l’ISNIH (15) dénombre 76.9% d’internes désirant davantage de formation théorique sur la gestion et le management d’un cabinet, tandis que le travail de C.Manjarres (18) avance des chiffres plus modestes : 16 % estiment qu’il manque des formations concernant la « gestion, comptabilité, fiscalité ».

Pour terminer, nous citerons le mot de « tabou » qui a été retrouvée dans la bouche d’un remplaçant de notre étude ainsi que de plusieurs maîtres de stage interrogés par C.Manjarres, à propos de l’aspect financier de la médecine générale : peu osent aborder le sujet de l’argent, sans doute par crainte d’être accusé de vénalité. Ce sujet aurait pourtant tout intérêt à être abordé afin de mieux y préparer les jeunes médecins.

131 b) Avis concernant la maquette de l’internat :

i. Une maquette « variée », mais trop hospitalière :

La diversité des domaines abordés au cours de la maquette est, pour la plupart des médecins interrogés, adaptée à l’apprentissage de la médecine générale. Cependant nombreux sont ceux qui déplorent le déséquilibre entre les stages hospitaliers et les stages ambulatoires au cours de l’internat ; dans le groupe des médecins ayant effectué un SASPAS, ils sont d’ailleurs unanimes pour considérer qu’en l’absence d’un SASPAS, la maquette actuelle manque de pratique libérale. Cet avis est superposable aux résultats de la littérature : C.Manjarres (18) a noté que 28% des participants à son étude ont spontanément évoqué le besoin d’un meilleur équilibre dans la balance entre les deux milieux, pour plus de stages en ambulatoire. Ils appréciaient cependant les stages hospitaliers, avec une prédilection pour les Urgences, la Pédiatrie et la Médecine Interne, ceux-ci étant jugés plus représentatifs de la polyvalence de la médecine de ville. Les jeunes médecins interrogés par I. Casaux-Voroniuc (19) dans son étude par focus group reconnaissent quant à eux l’importance de l’expérience hospitalière, tout en déplorant sa durée trop importante et son manque d’adaptation à la médecine ambulatoire.

ii. Un manque d’encadrement des internes :

Un des internes de notre étude pointe le manque d’encadrement des internes lors des stages, obligés de se former par eux-mêmes. Une étude menée par L. Metairie (20) met en évidence une variabilité de l’implication des maîtres de stage hospitalier dans la formation des internes en médecine générale, lui faisant proposer une meilleure collaboration entre des référents hospitaliers, le Département de Médecine générale et l’interne lui-même. L’étude de V. Olariu (21) pointe elle aussi le manque d’encadrement et d’enseignement au cours des stages d’internes au CHU. Une étude de l’ISNIH concernant les gardes et astreintes (22) relève quant à elle que dans plus de 25% des cas, les médecins séniors de garde ou d’astreinte ne sont pas disposés à répondre promptement aux sollicitations des internes.

iii. Le choix gynécologie/pédiatrie :

Plusieurs participants à notre étude ont déploré la nécessité de choisir entre la gynécologie et la pédiatrie, ces deux disciplines étant jugées toutes deux indispensables à l’exercice de la médecine générale. Certains internes n’ont pas la possibilité de réaliser de stage de pédiatrie

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au cours de l’internat, ce qui peut paraître préoccupant au vu de l’importance de l’activité pédiatrique rencontrées en médecine de ville, notamment dans le cadre de la permanence des soins (23,24). O. Angot, dans sa thèse (25), montre que le « point noir » de la formation pratique du DES de médecine générale semble être pour la majorité des internes le semestre « pédiatrie et/ou gynécologie ». Dans son travail elle note par ailleurs que seuls 61% des internes ayant validé leur stage en « pédiatrie et/ou gynécologie » se sentaient suffisamment formés en pédiatrie. V.Olariu (21) relève également ce problème dans ses entretiens. Très peu de terrains de stage « couplés » existent par ailleurs. C. Laurent (26) s’est penchée dans sa thèse sur la création en région Midi Pyrénées de nouveaux terrains de stage ambulatoires dans ces deux domaines, les résultats de son étude semblent encourageants.

c) Rôle du stage chez le praticien :

i. Un rôle majeur :

Pour la majorité des participants à notre étude, ce stage revêt une grande importance. Il permet l’acquisition des compétences propres à la médecine générale et permet également de renforcer la confiance en soi en se confrontant à son futur mode d’exercice. G. Bloy (27) qualifie d’ailleurs ce stage de « temps relativement intense de vie professionnelle commune entre un médecin expérimenté et un débutant, dans cet endroit singulier qu’est le cabinet de médecine générale ». Il s’agit en outre pour certains du seul stage en médecine ambulatoire au cours de l’internat. Il est intéressant de noter que parmi les remplaçants ayant réalisé un SASPAS, ce stage est moins cité pour ses bénéfices pédagogiques, au bénéfice du SASPAS, probablement considéré comme d’un niveau pédagogique encore supérieur. Un seul interne s’est déclaré déçu de son stage chez le praticien, il faut cependant préciser que cette personne ne se destinait de toute façon pas à une activité libérale. L’étude de C.Vartanian (17) relève 77,8% de jeunes médecins satisfaits ou très satisfaits de leur semestre en médecine générale. Il faut ici préciser que cette étude a été réalisée au tout début de la mise en place de ce stage, ce qui peut laisser supposer que les difficultés inhérentes aux débuts ont pu faire diminuer le taux de satisfaction.

ii. Une exigence quant à la qualité de ce stage :

De par l’importance qu’il revêt aux yeux des internes, ceux-ci se montrent donc exigeants quant au bon déroulement de ce stage et notamment quant à la mise en autonomie. G. Bloy (27) pointe justement dans son article les grandes disparités dans la mise en autonomie des

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internes au cours de ce stage. Elle y développe également les différents obstacles à cette mise en situation d’autonomie par le maître de stage, que ceux-ci proviennent du maître de stage lui-même, mais également du stagiaire ou des patients.

d) Rôle de l’autoformation :

Si les internes ont des exigences quant à l’enseignement dispensé à la faculté, ils n’en n’attendent pas tout de façon passive : plusieurs de nos participants considèrent ainsi qu’il est de leur responsabilité de se former par eux-mêmes au moyen de formations annexes, universitaires (DU, DIU…) ou non (FMC, recherches personnelles…). Les internes interrogés par V.Olariu (21) ont également recours à d’autres formations que celles dispensées à la faculté : FMC, DU, congrès, groupes de pairs…