• Aucun résultat trouvé

1.5 Plan d´ etaill´ e

2.1.1 Les concepts de crise et de gestion de crise

2.1.1.1 D´efinitions

Avant d’aborder plus en d´etail les ´el´ements de contexte, les concepts ´el´emen- taires de la gestion de crise doivent ˆetre d´efinis.

L’´etymologie du mot crise renvoie directement au concept de d´ecision, il d´erive du grec ancien κρισις qui peut se traduire par juger, ou exercer une s´eparation1. Il fait ´egalement r´ef´erence au moment d´ecisif, dans l’´evolution d’un processus incer- tain, qui permet le diagnostic [Morin, 1976]. Ce terme ´etait notamment employ´e dans ce sens par le corps m´edical pour d´esigner la phase grave d’une maladie. Sa d´efinition a beaucoup ´evolu´e au cours des si`ecles, en glissant progressivement de la notion de d´ecision et de r´esolution vers celui de l’atteinte `a une structure ou `a une organisation, et ceci dans toutes les sph`eres de la vie : sociale, ´economique,

politique ou ´ecologique pour ne citer qu’elles. Comme le souligne Edgar Morin, au- jourd’hui le terme de crise renvoie `a l’ind´ecision, « au moment o`u, en mˆeme temps qu’une perturbation, surgissent les incertitudes » [Morin, 1976]. Le concept g´en´eral de crise englobe aujourd’hui des objets tr`es h´et´erog`enes qui partagent tous une id´ee d’incertitude li´ee `a la pr´esence d’un moment cl´e n´ecessitant la prise de d´ecisions importantes. En effet, pour citer quelques exemples, on retrouve ces ´el´ements dans les crises d’identit´e, d’ordre psychologique et `a l’´echelle de l’individu, dans les crises de civilisation, tout comme les crises li´ees `a des ph´enom`enes naturels tels que les inondations ou les attentats, ou encore dans les crises ´economiques et les crises de g´en´erations (ou les crises de rire).

D’un point de vue historique, il est possible de dater l’approche scientifique des crises au d´ebut du XX`eme si`ecle avec les travaux de William James sur le tremblement de terre de San Francisco en 1906 [James, 1911]. William James a su observer, au-del`a des actions individuelles de sauvegarde, des ph´enom`enes internes et cons´equents `a la crise. Aujourd’hui une pluralit´e de disciplines s’int´eressent au domaine, regroup´ees notamment au sein des cindyniques (ou « sciences du danger ») [Cousteau et al., 1991], qui ´etudient `a la fois l’´ev´enement en lui-mˆeme, ce que r´ev`elent les crises, ce qu’elles g´en`erent comme repr´esentations et la fa¸con dont elles sont g´er´ees.

2.1.1.2 Diff´erentes fa¸cons de penser la crise et de la g´erer

Depuis longtemps, les fondements des crises suscitent des controverses et po- l´emiques, pour beaucoup toujours d’actualit´e [Reghezza-Zitt, 2012, Dedieu, 2015]. Une des illustres controverses sur le sujet remonte `a l’opposition entre Voltaire et Rousseau `a propos du tremblement de terre de 1755 qui a d´etruit la plus grande partie de Lisbonne et fait plusieurs dizaines de milliers de victimes. Pour expliquer cet ´ev´enement, alors que Voltaire ´evoquait le hasard et la fatalit´e, Rousseau dans sa Lettre sur la providence [Rousseau, 1756] ´evoquait d´ej`a l’irresponsabilit´e des comportements humains : « convenez, par exemple, que si la nature n’avait point rassembl´e l`a vingt mille maisons de six `a sept ´etages, et que si les habitants de cette grande ville eussent ´et´e dispers´es plus ´egalement, et plus l´eg`erement log´es, le d´egˆat eˆut ´et´e beaucoup moindre, et peut-ˆetre nul ». Pour Rousseau ce n’est pas Dieu, ni le hasard ou la fatalit´e qui sont `a l’origine des catastrophes mais l’intervention de l’homme `a travers ses installations. Aujourd’hui, ce type de pol´emique suscite toujours des d´ebats et discussions `a travers les critiques r´ecurrentes sur la vuln´era- bilit´e des territoires et la recherche de responsables `a qui faire payer la survenue et les cons´equences des catastrophes. Fran¸cois Dedieu d´etaille dans un ouvrage paru en 2015 [Dedieu, 2015] les critiques relay´ees massivement par les m´edias fran¸cais sur la gestion de la canicule de 2003 en France, mettant en cause le fonctionnement des dispositifs officiels de pr´evention. Il ´evoque ´egalement les reproches faits `a la

suite de l’ouragan Katrina, qui a atteint les cˆotes des ´Etats-Unis en 2005, sur le rˆole des autorit´es f´ed´erales et les lenteurs administratives `a g´erer la crise. Ces exemples mettent par ailleurs en relief l’importance aujourd’hui consid´erable du pouvoir de la communication dans la fa¸con de penser la crise, et la fa¸con dont les populations peuvent la vivre.

La fa¸con dont est pens´ee une crise affecte la mani`ere dont elle est pr´epar´ee et g´er´ee. Il est ´evident que si une crise est pens´ee de mani`ere fataliste, les plans d’actions seront moins pr´ecis et les secours moins pr´epar´es que si elle avait ´et´e pens´ee de mani`ere d´eterministe. De mani`ere plus subtile, c’est un r´eel enjeu pour l’ensemble des acteurs de la gestion de crise que d’adopter une vision commune sur la crise et l’ensemble des moyens qu’elle n´ecessite. Pour faire r´ef´erence `a cet enjeu, nous avons choisi, parmi de nombreuses d´efinitions, de retenir celle formul´ee par Patrick Lagadec qui insiste sur la mise en œuvre d’outils formalis´es, souligne l’importance de la pr´eparation aux crises et les impacts qu’elles peuvent avoir :

« La gestion de crise regroupe l’ensemble des techniques, des modes d’organisation et des moyens `a mettre en œuvre pour permettre aux services de l‘´Etat de se pr´eparer et de faire face `a un ´ev´enement impac- tant la s´ecurit´e des personnes et des biens » [Lagadec, 1995].

La gestion de crise doit permettre de faire face `a un ou plusieurs types de risques donn´es et de s’adapter `a une situation unique.