temps de l’urgence par la gestion de crise et l’après‐crise par la reconstruction. L’approche de la vulnérabilité vise à calculer les pertes ou les risques pour la population concernée (Coeckelbergh, 2013) et de mettre en œuvre des mesures de prévention (Bidou & Droy, 2013).
1 Concepts apparentés à la vulnérabilité
De nombreux concepts peuvent être liés à la vulnérabilité. Néanmoins, nous présentons les trois concepts apparentés qui nous paraissent les plus pertinents dans la différenciation et la délimitation de la vulnérabilité. Il s’agit respectivement de la fragilité, de la précarité et de l’exclusion. Pour finir, nous introduisons la notion de danger qui est liée au contexte de protection de la jeunesse et utilisée dans l’analyse des difficultés familiales ou parentales. 1.1 La fragilité
Longtemps utilisée comme le synonyme de la vulnérabilité (Thomas, 2008), la fragilité renvoie à l’inconsistance des choses, ce qui amène à une expérience douloureuse (Valadier, 2011). Elle apparaît sous forme d’une dépendance (Thomas, 2008) et fait appel à l’autonomie en mettant en relation les tensions entre le volontaire et l’involontaire, la capacité et l’incapacité, et l’activité et la passivité dans le développement de l’individu (Le Blanc, 2006). Néanmoins, la fragilité se manifeste dans un laps de temps susceptible de faire basculer l’individu qui pourtant possède clairement des ressources qu’il s’agit de dévoiler (Genard, 2009).
La fragilité révèle la vulnérabilité de la personne (Le Blanc, 2006). Les deux sont des formes de souffrance de l’individu qui affectent son autonomie d’agir (Genard, 2009). Le développement est fragilisé par la vulnérabilité, cependant il se manifeste par les différentes capacités mobilisées pour gérer la tâche difficile (Le Blanc, 2006). Pour distinguer ces deux concepts, la fragilité indique une expérience vécue, tandis que la vulnérabilité se trouve plus profondément liée au vécu et au développement de la personne (Valadier, 2011).
1.2 La précarité
Pour Cingolani (2011), le terme de précarité accorde les attributs d’incertitude et de fragilité, recouvre des circonstances de vie multidimensionnelles et contient une dimension temporelle dans laquelle la stabilité n’est pas assurée. Le rapport au temps est un facteur important dans le vécu des
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situations de précarité. Pour les personnes concernées, le rapport à l’avenir et la capacité à anticiper sont des dimensions plutôt mal investies vu leur rapport au passé fragilisé et leur absence de réflexion par rapport à leur situation sociale actuelle (Fieulaine, Apostolidis & Olivetto, 2006). La précarité renvoie à l’incertitude et l’instabilité du lendemain (Thomas, 2008). De même pour Zaouche Gaudron (2011), la précarité s’inscrit dans différents domaines d’existence et s’exprime plutôt par plusieurs incertitudes, ceci aussi bien au niveau objectif qu’au niveau subjectif de la personne. Bresson (2010) distingue quatre interprétations différentes de la précarité. Premièrement et dans un sens large, la précarité constitue une catégorie générale pour toutes les situations sociales problématiques. Deuxièmement, il s’agit d’une hiérarchie précarité‐pauvreté‐exclusion dans laquelle la précarité caractérise le premier niveau d’une population mal perçue. Troisièmement, la précarité représente le risque de dégradation de la situation socio‐économique vers une situation d’exclusion. Pour finir, la quatrième interprétation désigne la précarité dans l’incertitude et l’instabilité d’une situation sociale (Bresson, 2010). La précarité déstabilise par la fragilisation des statuts sociaux et renvoie donc à un ensemble de situations multifactorielles et dynamiques (Fieulaine et al., 2006).
Concernant la situation familiale précaire, Gérard (2010) caractérise cette situation par la possibilité d’une remise en cause instantanée de la stabilité de la situation. De plus, les liens familiaux sont souvent fragilisés et les relations sociales sont affectées (Zaouche Gaudron, 2011). De même, la précarité altère la parentalité. Le parent se sent désarmé, l’enfant est perturbé et la famille est fragilisée, stigmatisée et dévalorisée par la catégorisation « famille précaire » et par la remise en question des capacités parentales et du rôle du parent (Rafaï & Gayral‐Taminh, 2005). La précarité entraîne une dégradation de plusieurs domaines d’existence de la famille, comme l’état de santé, le logement ou le placement de l’enfant (Zaouche Gaudron, 2011). Dans la situation de précarité, la famille se trouve confrontée au risque de se mettre en retrait ou de s’isoler à cause de la honte face au réseau social. La précarité n’affecte donc pas seulement la vie matérielle, elle détermine également la représentation de soi des personnes concernées (Gérard, 2010).
1.3 L’exclusion
La notion d’exclusion touche aux questions de pauvreté, d’emploi, d’inégalité, d’intégration ou de citoyenneté et constitue ainsi une catégorie de la politique sociale et de l’action publique (Damon, 2014). Pour Ballet (2001), l’exclusion se caractérise par une rupture sociale entre la personne exclue et le reste de la collectivité. Cette rupture peut émaner de comportements individuels ou d’évolutions sociales. Racine (2007) traduit l’exclusion par des nouvelles formes de pauvreté et par l’élargissement des inégalités sociales. Néanmoins, l’exclusion est considérée comme un déséquilibre
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ou une privation des droits civils, économiques, sociaux ou politiques de la personne concernée (Ballet, 2001). Une conséquence importante de l’exclusion constitue l’impuissance d’agir (Racine, 2007).
À l’heure actuelle, la sociologie utilise plutôt le terme de vulnérabilité à la place du terme d’exclusion pour rendre compte des phénomènes de fragilisation des individus et pour comprendre les politiques et les formes d’intervention (Soulet, 2005). Selon Roy (2008), la notion d’exclusion sert plutôt pour cerner l’événement et pour donner un sens aux phénomènes sociaux de fragilisation, tandis que la vulnérabilité se présente comme un processus possible qui se fonde à partir de l’individualisme et qui permet la réflexion sur les conditions de dépassement. La notion de vulnérabilité se révèle donc plus dynamique que la notion d’exclusion (Roy, 2008). La vulnérabilité souligne le mode d’organisation individuel des rapports sociaux et leur représentation, ainsi que la représentation des déficits vécus. Cette distinction permet une lecture transversale des situations d’exclusion (Soulet, 2008).
Un élément commun constitue l’utilisation des concepts aussi bien pour définir la situation d’une personne que pour désigner la situation d’un groupe. De plus, pour chacun des concepts apparentés, la dimension temporelle joue un rôle dans la définition. La fragilité désigne un temps vulnérable plutôt déterminé et limité, alors que la précarité comprend une période temporelle plus importante que la fragilité. A son tour, l’exclusion marque le temps de rupture et peut être saisie comme un résultat défavorable d’un processus de vulnérabilité. En outre, la dimension temporelle permet de qualifier la vulnérabilité comme un état ou plutôt comme un processus (cf. Zarowsky et al., 2012).
1.4 Le danger
Le danger est un concept pour cerner le soupçon d’exposition à une situation de risque ou de vulnérabilité. En conséquence, l’évaluation du danger détermine la probabilité que la situation problématique se produise et permet de dégager des stratégies d’action (Scholz, Blumer & Brand, 2012).
La notion de danger attire notre attention dans les discours autour de l’enfance en danger. Les facteurs de danger sont à l’origine de signalements en protection de la jeunesse. Dans ce contexte, le danger et le risque associés au développement de l’enfant sont mis en relation avec l’éducation parentale (Manciaux, Gabel, Girodet, Mignot & Rouyer, 2002). A la base, cette intervention de l’Etat est avisée pour protéger l’enfant des violences et négligences au sein de sa famille (Gabel, 2006). La situation du signalement vise l’évaluation et la reconnaissance de la mise en danger de l’enfant et
Vulnérabilité 42 interroge le lien entre l’enfant et le parent, mais aussi la représentation des intervenants de la famille (Mugnier, 2006).