cette vulnérabilité. Les réponses sociales en direction des familles dites vulnérables sont, entre autres, réglementées par les dispositifs d’intervention de la protection de la jeunesse et de l’aide à la famille. Dans l’adaptation aux difficultés rencontrées, la résilience familiale est une notion mettant l’accent sur les forces et les trajectoires positives. Elle offre un cadre de réflexion aux réponses élaborées face aux circonstances adverses. L’argumentation de cette thèse est élaborée dans l’objectif de tenir compte des particularités liées au contexte luxembourgeois. Les objectifs de ce projet de doctorat sont résumés par les quatre questions de recherche suivantes (voir aussi chapitre 4) : ‐ Comment caractériser l’interaction entre les différents acteurs en protection de la jeunesse? ‐ Quels sont les facteurs identifiés dans la littérature théorique et qui sont liés au parent dans un processus de résilience familiale? ‐ Qu’est‐ce qui caractérise les familles concernées par l’enquête sociale? ‐ Quels sont les facteurs de vulnérabilité et de résilience des familles en difficulté?
La première question de recherche englobe le contexte social de la protection de la jeunesse au Luxembourg, identifie ses acteurs et permet de positionner la parentalité. S’intéresser à la protection de la jeunesse amène à s’intéresser au concept de la vulnérabilité. Balisée dans le projet de recherche, la question se tourne également vers la trajectoire de la protection de la jeunesse et son ouverture éventuelle à une approche plus positive en termes de résilience (voir chapitre 5).
La deuxième question de recherche vise à l’identification des facteurs liés au parent dans le processus de résilience familiale faisant suite à la confrontation à une situation vulnérable (voir chapitre 6).
Enfin, les deux dernières questions de recherche portent sur les familles concrètement confrontées à la vulnérabilité et qui sont encadrées en conséquence par la protection de la jeunesse. Notre intention est de retracer la parentalité en situation vulnérable et de considérer les facteurs exerçant une influence sur la trajectoire familiale en termes de perspectives de résilience (voir chapitre 7).
2 Aperçu du travail
Le présent travail se compose de quatre parties. Il s’agit des fondements théoriques (chapitres 1, 2 et 3), de la problématique et des questions de recherche (chapitre 4), des études empiriques menées (chapitres 5, 6 et 7) et du bilan (chapitres 8 et 9).
Introduction 20
Au niveau théorique, le projet de doctorat repose sur quatre notions clés, à savoir : la parentalité, la vulnérabilité, la résilience et la trajectoire. Les trois premières notions clés seront abordées dans la partie sur les fondements théoriques. La notion de trajectoire, utilisée pour lier les notions entre elles, sera précisée plus tard.
Le chapitre 1 définit la parentalité. A travers différents modèles de parentalité issus de la littérature, nous dégageons les différents éléments déterminant l’éducation parentale. Cette revue des modèles permet de positionner la parentalité en relation avec le développement de l’enfant et le contexte social. Pour conclusion, nous abordons l’intérêt d’une approche socio‐éducative de la famille et les actions en direction des parents.
Le chapitre 2 se centre sur la vulnérabilité. Après l’avoir définie, la notion sera délimitée des concepts apparentés, à savoir ceux de la fragilité, de la précarité, de l’exclusion et du danger. Ensuite, nous précisons les caractéristiques des familles dites vulnérables.
Le chapitre 3 aborde la résilience. La notion sera définie en tenant compte de ses origines et des concepts qui lui sont associés pour ensuite se centrer sur l’intérêt et les approches de la résilience pour la famille. Différents modèles de résilience familiale sont précisés afin de retenir quelques réflexions sur la pratique d’intervention favorisant le développement d’une résilience familiale.
Le chapitre 4 met en avant la problématique et les questions de recherche. La problématique concerne la relation entre les notions de vulnérabilité, de résilience et de parentalité grâce à l’introduction de la notion complémentaire de trajectoire. Les quatre questions de recherche qui en découles seront spécifiées et analysées dans trois études empiriques.
La partie empirique prend place dans les trois chapitres suivants contenant chacun une étude menée dans le but de donner une réponse aux questions de recherche. Les études empiriques prennent appui sur différentes méthodologies de recherche. En cohérence avec les différentes questions de recherche, chacune des trois études contient ses propres intentions et conclusions.
La première étude (voir chapitre 5) propose une représentation du contexte luxembourgeois par une analyse de discours sur la protection de la jeunesse en examinant le rôle des différents acteurs impliqués dans les interventions. Elle permet d’expliciter l’évolution du domaine de la protection de la jeunesse afin de définir les interactions entre les acteurs impliqués et de repérer les évolutions au niveau des attitudes d’intervention.
La deuxième étude (voir chapitre 6) se focalise sur une revue de la littérature exhaustive concernant la résilience familiale. Pour plus d’exhaustivité, elle comprend les publications réalisées dans une des trois langues suivantes : l’anglais, le français et l’allemand. Cette seconde étude conduit à une métasynthèse qualitative qui aboutit à la conception de la résilience familiale et qui détermine les facteurs liés aux parents dans ce processus de résilience familiale. En outre, l’étude souligne les
Introduction 21
finalités théoriques, empiriques et pratiques des publications examinées. La discussion de l’étude reflète la fonction parentale dans l’intervention professionnelle et dans le processus de résilience familiale.
La troisième étude (voir chapitre 7) analyse les trajectoires familiales dans la documentation des enquêtes sociales menées par le Service Central d’Assistance Sociale (SCAS). L’étude est menée à l’aide d’une méthodologie de recherche quantitative. Cette méthode permet de repérer les caractéristiques des familles et les éléments du travail social de l’enquête sociale dans la documentation du SCAS de trois années, à savoir 2006, 2009 et 2012. Le choix des années s’est réalisé sur la base des changements qui ont eu lieu dans le domaine de la protection de la jeunesse, notamment la réforme en faveur de l’aide à l’enfance et à la famille en 2008 et son exécution en 2011. L’étude descriptive et exploratoire vise à caractériser les familles concernées par le signalement et la réalisation d’une enquête sociale. En outre, l’analyse des données recueillies permet de révéler certains facteurs de vulnérabilité et de résilience de ces familles et de refléter les évolutions de l’enquête sociale.
La dernière partie comprend la synthèse des résultats obtenus, la discussion et la conclusion.
Dans cette synthèse des résultats obtenus (voir chapitre 8), nous reprenons les questions de recherche afin d’y apporter des réponses. Autour des quatre questions de recherche, cette partie permet de dresser un bilan sur le travail de recherche entrepris. L’argumentation y est développée dans l’objectif de mettre en relation les différentes idées présentées et élaborées autour de la parentalité en situation vulnérable et de la trajectoire de résilience familiale.
Le chapitre dernier, discussion et conclusion (voir chapitre 9), cible trois niveaux différents de réflexion pour discuter les résultats obtenus. D’abord, il s’agit d’une réflexion liée à la méthode concernant les méthodologies d’analyse secondaire. Ensuite, il s’agit d’une réflexion de contexte en lien avec les spécificités du Grand‐Duché de Luxembourg. Le chapitre contient le bilan des connaissances acquises suite à la réalisation de ce projet de recherche. A partir de là, plusieurs perspectives sont formulées en termes de recommandations visant les domaines de la recherche scientifique mais aussi la formation et l’intervention socio‐éducative.
Parentalité 22 Chapitre 1
La parentalité
Suite à la diversification des structures familiales, la notion de parentalité est présentée pour tenir compte de la complexité des fonctions parentales (Prévôt, 2010) et s’identifie à deux origines. D’une part, elle a été introduite dans la psychanalyse américaine fin des années 1950, utilisant le terme « parenthood » pour désigner une phase de développement. De ce fait, la notion insiste sur la dynamique de la relation parent‐enfant qui s’instaure dans la parentalisation, c’est‐à‐dire le travail mental du parent qui relie son passé à son identité parentale future. Dans ce champ, la parentalité se réfère d’abord aux processus psychiques des mères, plus tard également aux transformations psychiques des pères (Besse, 2011). D’autre part, la notion de la parentalité est employée dans la sociologie féministe au début des années 1980 pour légitimer et déstigmatiser les familles dites monoparentales dans les catégorisations sociodémographiques et administratives. Par la suite, toute une série de néologismes de la parentalité apparaît, comme la monoparentalité, l’homoparentalité, la coparentalité ou la pluriparentalité (Besse, 2011 ; Chauffaut & Dauphin, 2012). La modification d’un terme et l’apparition d’une notion attestent finalement la réponse à une nouvelle situation sociale. Dans le domaine éducatif, les termes « parentalité » et « parenting » renvoient aux soins et à l’éducation d’un enfant (Prévôt, 2010). Toutefois, la socialisation et l’éducation de l’enfant sont les obligations de la parentalité (Segalen, 2010).Trois logiques définissent la notion de la parentalité, à savoir la logique biologique qui détermine le parent en tant que géniteur, la logique sociojuridique qui assure la continuité généalogique de la famille et la logique relationnelle ou interactive qui s’ancre dans l’affiliation entre l’enfant et ses parents. La parentalité n’est donc pas une simple affaire biologique, ni exclusivement un devoir juridique à assumer. Elle n’est pas non plus nécessairement une charge familiale, vu qu’elle peut être exercée par une ou plusieurs personnes (Besse, 2011). L’affiliation et les dimensions affectives apparaissent primordiales dans la relation éducative et dans le fait d’être parent (Durning, 2006). Elles reflètent le processus à ses deux origines qui se réalise à la fois psychiquement, c’est‐à‐dire dans le développement des pratiques et compétences parentales, et socialement, c’est‐à‐dire dans la reconnaissance sociale d’être parent (Barreyre & Bouquet, 2006). Aussi bien dans l’approche psychologique que dans l’approche sociologique, la notion de la parentalité désigne un processus ordinaire, mais aussi un discours de risque ciblé sur des populations spécifiques (Sellenet, 2007, p. 14). Certains comportements parentaux socialement attendus et construits par des normes
Parentalité 23
correspondent au terme de parentalité, souvent en référence à la représentation bourgeoise de la famille et du parent (Meyer, 2004).