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Concept applicable à la pharmacie d’officine

I. Qu’est-ce que l’ubérisation ?

5. Concept applicable à la pharmacie d’officine

En France actuellement, une pharmacie ferme ses portes tous les 2 jours environ. L’ubérisation peut-elle toucher le secteur de la santé ? C’est une question que se pose Xavier Pavie, professeur d’innovation à l’ESSEC (40). Pour lui l’ubérisation de la pharmacie est en marche, mais celle- ci a du mal à s’imposer par le fait qu’elle ne touche pratiquement que des métiers à faible valeur ajoutée et facilement reproductible. Par exemple, Uber a réussi a remplacé les chauffeurs de taxis car la seule valeur ajoutée de ces taxis était la mobilité. C’est un métier facile à reproduire, qui ne demande pas de compétence particulière mis à part savoir conduire un véhicule. Un autre exemple est Airbnb qui demande comme critère de proposer des logements ayant confort et propreté. Pour le métier de pharmacien d’officine, l’ubérisation totale de la profession sera difficile. La profession est constituée d’un maillage solide avec une réglementation stricte qu’il faut respecter, le numérus clausus, les règles sur l’installation de la profession dans les villes et surtout les compétences requises.

Xavier Pavie, définit néanmoins que l’activité principale de la profession est « de distribuer des boites » et il cite que ce secteur est totalement ubérisable et que certaines plateformes comme Amazon, grandes surfaces (Cdiscount Leclerc, Carrefour) arriveraient à digitaliser la délivrance du médicament et il pense qu’ils auraient de meilleures compétences que certains pharmaciens car ce sont des spécialistes de la distribution. Il imagine un concept de distribution de médicaments par Amazon où celui-ci recevrait la prescription du médecin dans un service sécurisé, et la plateforme traiterait la demande et effectuerait la livraison en une heure au domicile du patient. Le livreur serait un pharmacien permettant de pouvoir jeter un coup d’œil dans la trousse à pharmacie du patient, de lui donner des conseils sur son ordonnance, d’envoyer un SMS pour rassurer sa famille et ses proches et d’inspecter son domicile pour le risque de chute des personnes âgées. Pour ne pas finir totalement ubérisée, il faut que offrir des services supplémentaires à forte valeur ajoutée (41). Pour cela, il ne faut pas avoir peur de la concurrence et déployer tous les moyens permettant de crédibiliser notre profession. Notre avantage est que les patients ont une réelle confiance envers le pharmacien et c’est à nous de cultiver, d’entretenir cette avantage pour pouvoir nous développer.

D’une part, les services que l’on peut apporter serait de réaliser de véritables entretiens thérapeutiques avec les patients atteints de maladie chronique mais aussi, pour des cas particuliers comme le sevrage tabagique, d’effectuer un véritable suivi de ces patients en les appelant régulièrement, de donner des conseils associés lors de la délivrance des médicaments et de ne pas se contenter de dispenser uniquement des boîtes. D’autre part, on peut digitaliser la pharmacie par la mise à disposition de tablette tactile comportant des fiches conseils, par la réalisation d’une application mobile servant de catalogues pour l’ensemble des produits parapharmaceutiques et médicaments conseils présent dans l’officine, par la mise en ligne de nombreuses fiches conseils sur les pathologies les plus communes et par la création d’un espace réservé aux envois d’ordonnance par photographie avec le smartphone permettant à l’officine de préparer la commande à l’avance.

De nombreuses applications santé et objets connectés se développent également et peuvent devenir une nouvelle source de rémunération pour le pharmacien. La disparition progressive des médecins dans les zones rurales peut également faire évoluer la profession par la mise en place de télémédecine à distance. Nous ne pouvons plus faire semblant de croire que la technologie ne se répercutera pas sur la délivrance de soins.

5.1. L’ubérisation perçue par la coopérative Welcoop

La coopérative Welcoop (42) est une coopérative détenue uniquement par des pharmaciens. Leurs missions sont d’accompagner les pharmaciens dans leur quotidien, les aider à défendre leur profession en intégrant le pharmacien au système de santé, et enfin de leur faire bénéficier de quelques stratégies financières permettant aux pharmaciens d’optimiser au mieux la gestion de son officine.

Lors d’une conférence réalisé par Welcoop à laquelle j’ai pu assister lors de mon stage officinal de 6ème année, cette coopérative a présenté une vidéo d’un concept d’ubérisation de l’officine (5).

Cette vidéo montre un médecin en fin de consultation proposant à son patient de se faire livrer les médicaments qu’il lui a prescrit. Il lui explique que la livraison est effectuée par un centre spécifique. Il lui fait choisir l’heure de livraison des médicaments, et, après accord du patient, le médecin saisit directement son ordonnance sur l’application mobile du centre spécifique avec l’heure de livraison ainsi que les coordonnées du patient. Une étudiante en pharmacie reçoit la notification de la livraison via l’application mobile et va livrer le patient après ses heures de cours.

Quand l’étudiante arrive chez le patient pour lui délivrer ses médicaments, elle lui donne tous les conseils associés à l’interprétation de son ordonnance car elle a les connaissances médicales pour pouvoir dispenser ces conseils. Elle lui propose également des audits (Expertise professionnelle) pour vérifier son domicile afin de voir si le patient arrive à être suffisamment autonome et mobile.

A la fin de la vidéo, Xavier Pavie, président de l’Essec, évoque la crainte qu’AmazonFresh puisse réaliser ce concept de livraison de médicaments. Il dit que l’activité principale du pharmacien est la délivrance des médicaments et la seule valeur ajoutée pour le pharmacien est le service. Il cite que « personne ne rentre dans une pharmacie pour venir chercher une boite de médicament. On y rentre pour venir chercher la santé ». D’où la réalisation de cette vidéo et l’imagination de ce concept de livraison. Il pense qu’il faut réussir à faire évoluer notre profession de pharmacien d’officine en bien tant que l’on est encore protégé par la législation. Cette évolution passe par la dématérialisation du conseil, par la création de logiciels d’officine ayant comme options le suivi d’observance et le suivi des patients, la mise en place d’application mobile permettant de transmettre son ordonnance au pharmacien, de rappeler les posologies et de mettre des alertes de non-oubli de traitement, la vente de pilulier électronique.

5.2. L’avenir de la pharmacie

Lors du salon national des pharmaciens et autres professionnels de santé, une étude a été réalisé par Satispharme, une société spécialisée dans l’expérience patient et Opinion Way, une autre société spécialisée dans les sondages politiques et études marketing (43). Elle a été réalisée entre le 20 janvier et le 17 février en questionnant près de 4043 patients, 521 pharmaciens et 197 équipes officinales et parle de l’avenir de la pharmacie en 2017. Une nouvelle édition 2018 est en train d’être réalisé. Cette étude informe sur ce que les patients attendent de notre profession dans le futur. C’est une étude qui permet d’aborder certains sujets comme la livraison des médicaments, les prix des médicaments, le développement de la profession, ainsi que les spécialités qui s’offrent au métier de pharmacien d’officine. Ces résultats indiquent que les patients pensent que le pharmacien à un rôle fondamental dans le secteur de la santé et 96% pensent qu’il est primordial pour eux d’avoir une pharmacie dans leur quartier. Néanmoins,

43% de la nouvelle génération des 18-24 ans sont pour acheter leurs médicaments sur le web sans ordonnance auprès des sites internet ayant l’agrémentation des pharmacies françaises. Voici les principaux résultats de cette étude concernant l’avenir de la pharmacie (4) :

5.2.1. Perçu par les pharmaciens

Ce que les pharmaciens pensent de l’avenir de la pharmacie en 2017 :

- Soixante-dix % des pharmaciens sont heureux dans leur profession, en particulier les plus jeunes pharmaciens qui ont aux alentours de 25-34 ans. Ils pensent que la société actuelle est instable pour leur profession mais ils sont quand même plutôt pessimistes concernant l’avenir de la pharmacie : 42% pensent que le meilleur de la profession nous attend dans le futur contre 58% qui sont négatifs.

- Quatre-vingt-huit % des pharmaciens sont pour la préparation de pilulier électronique auprès de leur patient au moins une fois par mois et ils seraient pour la réalisation d’entretien de 15 minutes pour effectuer un bilan des traitements de leurs patients et leur donner des conseils associés en contrepartie d’une rémunération.

- D’après les chiffres de l’étude, le pharmacien peut effectuer un service de livraison à domicile et 1 patient sur 2 serait pour que le service soit payant. Il peut également mettre à disposition un service d’envoi d’ordonnance par internet et il peut également mettre en place un service de gestion des papiers administratifs santé des patients.

- Les pharmaciens veulent avoir plus de responsabilité car 9 pharmaciens sur 10 sont pour l’autorisation de pouvoir prolonger les prescriptions et 2/3 veulent obtenir une autorisation de pouvoir prescrire.

5.2.2. Perçu par les patients

Ce que les patients pensent de l’avenir de la pharmacie en 2017 :

- Le nombre de patients observant diminue fortement. Ils sont un tiers à vouloir obtenir des services supplémentaires de la part du pharmacien pour pouvoir améliorer la prise quotidienne de leur traitement comme par exemple la préparation d’un pilulier chaque semaine par le pharmacien et, pour lequel un quart d’entre eux serait prêt à payer. - Quatre-vingt-dix-neuf % des patients atteints de maladies chroniques font confiance aux

pharmaciens afin de prendre correctement leur traitement. Parmi eux, 2 patients sur 3 veulent obtenir un entretien avec le pharmacien de 15 minutes et la majorité des patients veulent que cet entretien soit réalisé au moins une fois par trimestre en particulier lors des retours d’hospitalisation.

- Un patient sur 2 veut confier à sa pharmacie le droit d’effectuer les prises de rendez- vous avec les professionnels de santé qui les suivent.

- En ce qui concerne les services que le pharmacien peut effectuer, 1 patient sur 2 est réceptif par la réalisation de service de livraison à domicile, et 2/3 pour l’envoi d’ordonnance par internet ainsi que la récupération des médicaments sans faire la queue. Ils sont également pour la gestion des papiers administratifs de santé par le pharmacien car un tiers trouve que c’est assez complexe et ils sont prêts à payer ce service.

- Les patients sont moins d’un quart à vouloir acheter leurs médicaments sur internet ce qui est plutôt positif pour la conservation des pharmacies de proximité.

- Un tiers des patients veulent que le pharmacien réalise la vente d’assurance santé. - Enfin, 78% des patients sont pour la conservation de la pharmacie de quartier.

Une enquête qualitative a été effectuée par Hélène Charrondière (44) (directrice du pôle pharmacie-santé du journal Echos Etudes) auprès des pharmaciens d’officine titulaires sur leur

vision de la profession en 2017. Dans cette étude, elle énonce que le développement de nouveaux services associés aux médicaments comme la mise en place de services d’accompagnements des patients (observance, apprentissage, éducation thérapeutique, information), ainsi que la vente et le conseil de dispositifs digitaux (pilulier électronique, applications mobiles, objets connectés, réseaux sociaux) sont responsables de la croissance du marché officinal en 2017.

Enfin, la chaine pharmaceutique française (Well and Well (45)) a été questionnée sur l’avenir de la pharmacie, et pour elle, l’évolution du métier passe par la digitalisation de la pharmacie (46). Ils ont créé un site de vente en ligne et un blog de conseils. Ils sont très présents sur les réseaux sociaux, ils ont digitalisé le point de vente et ils envisagent de commercialiser des objets connectés. Grâce à cela ils ont multiplié par dix la fréquentation de leurs officines. Pour eux, l’avenir de la pharmacie passe l’offre de services à forte valeur ajoutée, par l’accompagnement des patients et par le développement des gammes de produits qui permet de les identifier.