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Composantes et spécificités du marketing territorial

Nous avons déjà mentionné, que c’était l’identité du territoire qui permet de

traiter le territoire dans toute sa complexité. Autrement dit, l’identité du territoire peut servir de dénominateur commun pour toutes les dimensions du territoire. Alors quels sont les éléments de l’identité du territoire ? Les dimensions différentes du territoire, qui ont été déjà évoquées, peuvent nous servir comme un moyen pour leur classification. Ainsi le climat, la géomorphologie, la localisation, l’environnement sont les éléments géographiques ; la structure et la densité de la population, la présence des minorités, la vie associative, la présence des établissements

d’éducation représentent les éléments sociaux ; la richesse naturelle, les

infrastructures, la présence des entreprises et pôles de compétitivité, l’emploi sont les éléments économiques ; les institutions publiques, parapubliques ainsi que

privés et leurs attributions constituent les éléments institutionnels et enfin les

éléments historiques et culturels sont représentés notamment par l’histoire, les traditions, l’héritage et la langue.

Les raisons expliquant pourquoi le marketing territorial met l’accent sur l’identité du territoire sont évidentes. Premièrement, l’identité se compose des différents éléments qui tous reflètent la réalité du territoire concerné. Tous les moyens d’action du marketing territorial doivent s’appuyer sur cette réalité.

Autrement dit, il n’est pas possible de s’appuyer sur quelque chose qui n’existe pas sur le territoire concerné. Deuxièmement, les éléments qui composent l’identité du territoire représentent un « mixte » que le territoire a à sa disposition. On peut dire que ces éléments sont comparables aux cartes dans lun jeu de carte. C’est à dire que chaque territoire a des cartes à disposition et le marketing territorial représente une strategie visant à les utiliser au mieux.

A la différence de l’identité, l’image du territoire représente la perception

d’un territoire par les individus. Quand on parle de l’image il faut prendre en compte certains aspects. Alors que l’identité du territoire, qui part de sa réalité, est un phénomène objectif, l’image est toujours subjective. C’est à dire que chaque personne perçoit le territoire différemment. Cette perception est fondée notamment sur les expériences propres, sur les connaissances et le niveau d’instruction mais également sur le milieu d’où la personne vient. Par exemple Marseille est associé par les uns avec la Méditerrané, avec le soleil et le climat de Provence, par les autres avec l’Olympique de Marseille, son équipe mondialement connue. Il y aura certes les personnes qui évoquent le taux de criminalité qui est élevé dans cette ville par rapport à d’autres métropoles françaises.

L’image n’est pas constante mais au contraire elle évolue. Prenons la Chine comme un exemple concret. Il n’y a pas longtemps, la Chine avait l’image d’un pays totalitaire, économiquement dépassé et impénétrable. Les « expériences » comme « le grand bond en avant » ou « la grande révolution culturelle prolétarienne » ont totalement ravagé ce pays et laissé des millions de victimes. L’ouverture politique dans les années 70 a donné au pays une nouvelle impulsion. L’engagement de la Chine sur la scène internationale et les évènements onéreux comme l’Exposition Universelle ou les Jeux olympiques ont profondément changé l’image du pays. Aujourd’hui, la Chine est considérée comme une nouvelle puissance mondiale et un pays dynamique. Elle représente un exemple de pays dont l’image a évolué dans une période relativement courte.

Finalement l’image est multiple. Cette multiplicité de l’image provient, dans une large mesure, des dimensions multiples du territoire. Une région peut avoir l’image de la région rurale ou industrielle sur le plan économique ou maritime ou de montagne sur le plan géographique.

Alors, quelle est l’importance de l’identité du territoire et de l’image pour le marketing territorial ? On peut conclure que l’identité, partant de la réalité, représente un socle de travail pour le marketing territorial parce qu’elle lui permet de traiter le territoire dans toute sa complexité. Ensuite le rôle du marketing territorial est de choisir d’utiliser les éléments de l’identité sur lesquels on peut construire une image positive du territoire concerné.

2.2 Les acteurs du marketing territorial

La multiplicité des acteurs est un des traits du marketing territorial. D’un côté il y a des promoteurs du marketing territorial représentés notamment par les collectivités locales et leurs services, par les élus et par les structures spécialisées de l’Etat. De l’autre côté il y a ses destinataires représentés notamment par les résidents du territoire, touristes, entrepreneurs, investisseurs ou étudiants, autrement dit par les personnes qui peuvent être traités comme les « clients » du territoire.

Les promoteurs du marketing territorial font face à quelques difficultés. Tout d’abord leur maîtrise d’un territoire et de ses multiples attributs n’est pas complète et leur marge de manœuvre est donc limitée. Autrement dit, ils ne peuvent que partiellement influencer les attributs du territoire qui sont déterminants pour l’attractivité et l’image du territoire. Tandis que les attributions géographiques du territoire comme par exemple la localisation, le climat ou la géomorphologie sont données, les attributions économiques ou sociales sont susceptibles d’être influencées par les subventions, par les projets du développement etc. Deuxième difficulté est que la gamme des outils et des mesures qu’ils peuvent employer est limitée dans le cadre de leurs compétences.

Parmi les acteurs publics, les élus jouent le rôle primordial. Ils sont dotés du

pouvoir politique légitimé par le suffrage universel qui leur permet non seulement d’assurer l’exercice des politiques publiques en conformité avec les attributions accordées par la constitution et les lois mais aussi de prendre l’initiative en ce qui concerne le développement économique du territoire et l’amélioration de son attractivité et de l’image. Ce sont les élus qui offrent une vision, qui prennent l’initiative et qui doivent défendre les projets visant à construire ou améliorer l’image d’un territoire. Certes, les projets du marketing territorial peuvent être onéreux et ils sont souvent critiqués, parfois par principe, par l’opposition comme par exemple dans le cas de projet de la Marque Alsace. Le soutien politique et la vision des élus est

nécessaire. Dans le cas de la marque Alsace, c’est notamment Philippe Richert, Ministre chargé des Collectivités territoriales et Président du Conseil Régional d'Alsace, qui défend la vision de doter l’Alsace de sa propre marque. Les élus sont

assistés par l’administration d’une collectivité qui les aide à atteindre leurs objectifs

et visions. Le rôle de l’administration est aussi important parce qu’elle comporte des directions et services dotés des agents spécialisés dans des domaines concernés, notamment ceux de la communication et du marketing ou de développement économique.

Grâce à la décentralisation des années 1980, les collectivités territoriales ont reçu les nouvelles compétences qui leur permettaient non seulement de mieux influencer leur développement économique mais aussi de lancer les projets qui ont pour objectif de soutenir le développement économique et de promouvoir le territoire.

Pour ce faire, elles ont investi entre autres dans la création des structures satellites

rassemblant, sur un territoire donné, la région, le département ou la commune, les principaux acteurs qui concourent à son développement économique. Elles ont pour objectif notamment d’assurer la promotion du territoire au niveau national ainsi que international, inciter les entreprises ou les investisseurs à le choisir comme le site d’implantation et aider à préparer et lancer les projets de développement

économique d’un territoire. Alors par exemple en Alsace, c’est l’Alsace International,

l’agence de développement économique, créée en 2006 à l’initiative de la Région Alsace et des Départements du Bas-Rhin et du Haut-Rhin pour assurer le

développement et le rayonnement économique de la région dans le monde.21 Au

niveau de la commune c’est par exemple l’ADERLY (Agence pour le Développement

Economique de la Région Lyonnaise), une des premières agences de développement économique en France créée en 1974, qui accompagne et conseille

dans les projets d'implantation ou de développement à Lyon et en région lyonnaise.22

Selon le CNER - fédération des agences de développement et des comités

d'expansion économique, qui fédère l'ensemble des agences de développement et des comités d'expansion répartis sur tout le territoire, y compris les DOM-TOM ; il en existe aujourd'hui 97, soit 21 organismes régionaux et interrégionaux, 50

départementaux et 26 locaux.23 21 www.alsace-international.eu/fr/alsace-international/ 22 www.aderly.com/ 23 www.cner-france.com

LÉtat dispose également de ses structures satellites, placées sous la tutelle des ministères en question, qui assurent la promotion de la France au niveau

international. Elles interviennent dans les domaines différents comme l’AFII (Agence

française des investissements) dans le domaine des investissements internationaux,

EduFrance dans le domaine de la formation et la coopération scientifique

internationale ou UBIFRANCE (l’Agence française pour le développement

international des entreprises françaises) qui accompagne des entreprises françaises dans leur développement à l’international par l’intermédiaire de 66 missions économiques présentes dans 46 pays.

Le deuxième grand groupe d’acteurs du marketing territorial est représentée

par ses destinataires. Tout d’abord ce sont des habitants du territoire. Leur rôle est

essentiel parce que la population est une des composantes de base d’un territoire et les habitants aident à former son identité. Dans beaucoup de cas ils dérivent leur propre identité de celle du territoire. Par exemple, l’enquête faite dans le cadre de la préparation du projet Marque Alsace a montré que les habitants se définissaient avant tout par rapport à l’Alsace (40%) et non par rapport à la France (24%), à leur

commune (20%) ou leur département (10%).24 Les habitants représentent également

les « usagers » des services publics qui sont non seulement le sujet de leur évaluation mais aussi de la comparaison avec la qualité des services fournies par les autres collectivités voire par le secteur privé. Les habitants sont également le cible

des grands projets. Par exemple un des objectifs du grand projet urbain Reims 2020

est entre autres de réagir sur la perte des habitants (181 468 habitants en 2008 par

rapport à 187 181 en 1999) et de renverser cette tendance démographique alors ce

projet vise à attirer les nouveaux habitants.

Du côté des destinataires, les touristes et les investisseurs sont également

les acteurs importants du marketing territorial. Beaucoup d’actions du marketing territorial sont ciblées juste sur les uns ou sur les autres. Les deux groupes sont très importants sur le plan de l’économie du territoire puisque le tourisme ainsi que nouvelles implantations des entreprises sont susceptible de créer les emplois. Les investisseurs peuvent de surcroît donner à un territoire une certaine dynamique, notamment quand il s’agit de ceux qui utilisent les innovations, la recherche ou les

24 Conférence de presse en matière de diagnostic général de la stratégie de marque et d’attractivité de l’Alsace, Région Alsace, le 27 mai 2011

nouvelles technologies, tandis que les touristes sont susceptibles de valoriser l’héritage et le patrimoine du territoire. Dans le contexte des délocalisations en ce qui concerne les entreprises et de l’émergence des nouvelles destinations touristiques quant aux touristes, il est possible, voire probable, que ces deux groupes soient désormais de plus en plus les cibles des différentes manifestations du marketing territorial.

Les étudiants sont également les destinataires du marketing territorial, peut-être un peu sous-estimés. Toutefois il faut les prendre en compte. Ces dernières années, on a commencé à parler de la mondialisation de l’enseignement supérieur. Selon les statistiques, le nombre des étudiants étrangers s’est élevé de 300 000 en

1963 à 1 900 000 en 2000 et 2 800 000 en 2007.25 Selon l’UNESCO le nombre des

étudiants étrangers est susceptible de dépasser 20 millions d’ici 2020.26 Ce

phénomène a suscité également la création des antennes des établissements scolaires notamment des universités prestigieuses dans les pays étrangers. La

création de l'Université Paris-Sorbonne-Abou Dhabi en 2006 a pour visée, d’un côté

d'accroître la réputation internationale de cet émirat avec le nom prestigieux de la Sorbonne, et de l’autre côté d’accroître la réputation et le rayonnement de l’université

Paris-Sorbonne au niveau international.Il faut ajouter que la stratégie des étudiants

et des universités est influencée par celle d’un troisième acteur, les territoires, notamment les États, comme le montre le cas de l’Australie qui, depuis les années 1980, applique une politique très attractive vis-à-vis des étudiants étrangers. Cette politique a poussé l’Australie à la quatrième place comme la destination choisie pour faire des études à l’étranger. Ces exemples ainsi que les statistiques concernées, nous montrent que les étudiants peuvent être désormais la cible du marketing des territoires.

2.3 Les moyens d’action du marketing territorial

A la différence du marketing « classique », il est beaucoup plus difficile de délimiter la gamme des moyens d’action du marketing territorial. Prenons la publicité comme un exemple du moyen d’action du marketing. Elle se traduit par toutes les formes possibles de communication dans les médias ou hors les médias mais son

25 VARGHESE, N. V., Globalization of higher education and cross-border student mobility, UNESCO, International Institute for Educational Planning, Paris, 2008

26

objectif primordial est toujours le même – la promotion d’un produit, d’une marque, d’une organisation, d’un évènement etc. Il existe des dizaines voire des centaines d’actions différentes, des projets ou des outils qui sont susceptibles d’améliorer l’image du territoire et son rayonnement, influencer sa perception par les acteurs différents ou attirer les « clients ». Le problème est que beaucoup de ces actions ne sont pas au sens strict les moyens d’action du marketing. Par exemple les grands projets urbains ou les événements sportifs, comme les jeux olympiques ou les championnats du monde du football, ont un grand potentiel du point de vue du marketing territorial mais en fait, il ne s’agit pas de ses moyens d’action à proprement parler. Toutefois, si on traite les moyens d’action du marketing territorial, alors on ne peut pas écarter ces derniers. Une solution possible est de définir deux groupes d’action : les moyens d’action du marketing territorial au sens strict et les actions à fort potentiel du point de vue du marketing territorial.

La publicité est sans doute le moyen d’action le plus classique du marketing.

Par publicité, on désigne « tout message à but promotionnel qui est inséré à titre

onéreux dans l’un des six grand médias (presse, télévision, affichage, radio, internet et cinéma) qui lui délivrent en contrepartie leur audience et dont la présentation se démarque clairement du contenu rédactionnel du média ».27 Elle est bien entendu utilisée également par les territoires. Sa fonction est multiple. D’un côté elle est susceptible d’influencer le comportement de ses destinataires, par exemple d’attirer l’attention des investisseurs ou habitants potentiels d’un territoire, de l’autre côté elle sert comme un moyen de communication. L’avantage de la publicité en tant que moyen d’action du marketing territorial est que elle permet de toucher de très larges publics et offre une quantité inépuisable de possibilités et des idées sur comment promouvoir le territoire et attirer ses clients. La réussite de la publicité dépend dans une grande mesure de la créativité et de l’approche innovante. Par exemple la ville

de Dinan a associé dans la campagne d’affichage « Dinan, une cité à investir » son

image de la ville médiévale à Lara Croft, l'héroïne du jeu video Tomb Raider et du

film Lara Croft : Tomb Raider. Selon les organisateurs de cette campagne Lara Croft

incarne « un personnage évoluant dans un environnement médiéval et qui symbolise le futur, l'anticipation, la modernité et la séduction ». 28

Illustration n° 2 : Exemples des affiches visant à promouvoir les villes et attirer les nouveaux habitants ou les investisseurs

Source : www.jeveuxmetz.com et www.agencebretagnepresse.com/fetch.php?id=2105

Les évènements de grande ampleur visant à promouvoir un territoire

sont par principe moins fréquents voire rares. Leur impact est dans une grande mesure limitée aux participants et pour assurer leur notoriété, il faut les répéter après une certaine période ou assurer leur médiatisation au moins au niveau national. Leur promotion supplémentaire est également nécessaire pour attirer les participants. Toutefois il y a des évènements qui avaient pour objectif de promouvoir le territoire et qui sont devenus très connus même s’ils n’avaient été organisés qu’une fois. « Breizh Touch », une manifestation culturelle et économique, qui s’est déroulé du 20 au 23 septembre 2007 à Paris, avait pour objectif primordial de promouvoir la Bretagne et de la présenter comme une région qui est à la fois attachée à son

identité unique, ses traditions et en même temps porteuse de projets novateurs. Le

Breizh Parade qui s’est déroulée aux Champs Elysées et le Breizh en Seine ont

présenté les traditions de la Bretagne tandis que le Cyber Fest Noz au Zénith et le

Breizh numérique ont présenté la Bretagne comme une région dynamique et une région qui a un fort potentiel dans le domaine des innovations et de la recherche. La très bonne organisation, Paris, comme le lieu de la tenue et la diffusion sur TF1 a contribué à la notoriété de cet événement. Mais Le Breizh Touch a également suscité

28 Cette campagne s’est décliné en 267 panneaux visibles dans les principales villes de Bretagne et de Normandie Source : www.agencebretagnepresse.com/fetch.php?id=2105

les polémiques et les critiques notamment à cause des coûts qui se sont élevés à 4 M€. Toutefois malgré les coûts, cet évènement a été très bien apprécié. Le Breizh Touch est sans doute l’exemple concret de l’évènement de grande ampleur comme moyen d’action du marketing territorial.

Les réseaux et les alliances des territoires peuvent être considérés comme le moyen d’action particulier du marketing territorial. Ils réunissent les territoires, notamment des villes, qui ont un trait commun, par exemple dans le domaine du patrimoine, de la gastronomie ou de la culture. Le réseau ou l’alliance, qui vise à « labéliser » ses territoires membres, leur permet non seulement d’utiliser le réseau comme outil de promotion et rayonnement mais également de partager les expériences et la stratégie de communication commune et finalement de conduire les

projets collectifs. L’exemple de ce réseau est « LUCI » (Lighting Urban Community

International) 29 , le réseau international qui réunit les villes et les experts en éclairage urbain. L’objectif de ce réseau est notamment de promouvoir les villes qui utilisent les bonnes pratiques et les innovations dans le domaine de l’éclairage urbain et l’échange des expériences et les bonnes pratiques dans ce domaine par le biais de l’organisation des conférences et de différents évènements. Crée en 2002 à l’initiative de Lyon, le réseau aujourd’hui réunit plus de 100 membres. L’initiative de

Lyon comme la ville fondatrice n’est pas fortuite. Elle a été stimulée par la Fête des

Lumières, une célébration traditionnelle de la Vierge Marie. En 1999 Lyon a organisé pour la première fois le festival qui a associé cette tradition aux innovations technologiques liées à la lumière et à l’éclairage urbain. En 2010, 3 millions de personnes y ont participé. Certes du point de vue de la ville de Lyon, le réseau LUCI est susceptible non seulement de contribuer à la notoriété de la Fête des Lumières mais également de faire reconnaître l’excellence lyonnaise dans le domaine de la

lumière.30D’ailleurs, Lyon est très actif en ce qui concerne la création des réseaux

des villes. En 2007 c’étaient Lyon qui a initié la création du Réseau de villes

gourmandes du monde, baptisé « Délice ».31 La délibération du Conseil municipal,

qui a approuvé la création de ce réseau, explique les raisons « De nombreux