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Analyse-diagnostic de l’attractivité des régions

Aucune stratégie de marketing ne peut réussir en se coupant de la réalité, et

donc ici de ce qui fonde l’identité d’un territoire.62 Il faut souligner que la marque, qui

se traduit à la fois par la stratégie de marketing et la signalétique, est un résultat d’une analyse poussée concernant notamment la définition de l’identité régionale ainsi qu‘une analyse de ses forces et ses faiblesses. Dans le cas de ces trois régions, cette « phase préparatoire » a duré presqu’une année et a impliqué beaucoup d’acteurs du secteur public ainsi que du secteur privé.

Un cabinet de conseil, un acteur clé, a joué le rôle essentiel dans cette phase. Toutes les trois régions ont engagé CoManaging, un cabinet de conseil spécialisé dans le marketing stratégique des territoires en particulier dans le tourisme, la

marque et l'identité des collectivités locales. Son champ d'action est le conseil aux

dirigeants, l'accompagnement du changement, le pilotage et les études. La mise en œuvre de la stratégie repose ensuite sur les acteurs concernés. Ce cabinet a réalisé à ce jour plus de 37 diagnostics et analyses identitaires non seulement en France, mais aussi en Suisse et en Belgique (dont 12 régions, 16 départements/cantons et 9

villes).63 Il a développé une méthodologie visant à l’élaboration d’un « portrait

identitaire », comme un socle pour les projets de marketing des territoires, et les « codes de marques partagées ». Cette méthodologie s’est bien affirmée dans le projet de la marque Valais qui représentait ainsi une bonne référence pour le cabinet. De l’autre côté, la méthodologie utilisée, comme nous le verrons, était similaire pour toutes les trois régions. La phase préparatoire, c’est à dire la période avant le lancement et la mise en œuvre de la marque s’est déroulée en trois temps : (1) l’étude pour dresser le portrait identitaire de la région ; (2) l’analyse de l’attractivité du territoire y compris l’analyse des forces et des faiblesses et (3) la définition de la stratégie de marque y compris élaboration de sa signalétique et de son code.

Le schéma présenté ci-dessous montre la complexité de l’élaboration de la stratégie de marque.

62 MEYRONIN, B., op. cit., p. 87

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Schéma n° 1 : Elaboration de la stratégie de marque

Source : CoManaging et www.marque-bretagne.fr/historique-et-demarche

2.1 Portrait identitaire de la région en tant qu’une base pour la création de la marque

«Portrait identitaire » est un outil qui a été développé par le cabinet CoManaging. Il s’agit d’une étude qui analyse, synthétise et présente l’identité d’un

territoire.64 Il part notamment de signes qui sont caractéristiques pour un territoire et

de traits saillants qui le distinguent d’autres territoires. Cabinet CoManaging s’appuie sur une méthodologie rigoureuse qui consiste notamment en (1) la collection des donnés et des sources pertinentes concernant toutes les dimensions d’un territoire ; (2) des interviews et enquêtes ciblés sur des experts et personnalités référents, habitants et visiteurs ; (3) l’utilisation des différents outils de communication (web, réseaux sociaux etc.) susceptible d’impliquer aussi les acteurs locaux notamment les internautes et enfin (4) le traitement de toutes les informations et donnés, dont la synthèse serait susceptible de faire du portrait identitaire un outil opérationnel.

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« Stratégie de marque et de l’attractivité de l’Alsace : Rapport rédigé pour le compte du Conseil régional d’Alsace », CoManaging, le 20 juin 2011, p. 7

Dans le cas de nos trois régions, l’élaboration de leur portrait identitaire, qui a été fait par le cabinet en coopération avec tous les acteurs concernés, s’est articulé autour de quatre axes :

(1) Des visites du territoire qui permettaient non seulement voir la réalité de

la région concernée mais également collecter touts les sources et donnés, par exemple photographiques, être en contact avec les acteurs locaux et les questionner.

(2) Les études documentaires. Par exemple dans l’élaboration du portrait

identitaire de la Bretagne, le cabinet s’est appuyé sur une bibliographie de plus de

150 ouvrages et études.65 Les études documentaires ce sont concentrées sur une

réalité factuelle (en utilisant notamment les statistiques, donnés officielles fournies par les acteurs publiques ainsi que privés, essais ou les films documentaires) ;

l’imaginaire (en partant notamment de patrimoine des contes et des légendes, œuvres artistiques inspirés par le territoire concerné ou produits par des artistes qui

en sont originaires etc.) et la représentation d’un territoire dans le médias

(classements des territoires, reportages concernant le territoire, articles dans la presse locale ainsi que nationale, communication des institutions publiques ainsi que des acteurs du secteur privé). Certes, il fallait que les études documentaires couvrent toutes les dimensions de l’identité du territoire, c’est à dire son histoire et le patrimoine, sa culture, sa gastronomie, son économie y compris l’industrie et l’agriculture, le climat et la géomorphologie et les couleurs caractéristiques pour le territoire.

(3) Pour analyser la réalité ressentie, le cabinet s’est appuyé sur les

interviews et les enquêtes avec tous les acteurs pertinents regroupés dans trois groupes majeures : experts, habitants et visiteurs. En ce qui concerne les « experts », il s’agissait d’une part des experts travaillant dans les domaines particuliers (sociologues, géographes, historiens, conservateurs etc.) et de l’autre part des personnes qui ont une liaison particulière au territoire (élus, entrepreneurs, personnages tu territoire etc.). Quant aux visiteurs, les enquêtes se sont concentrées sur ceux qui ont séjourné dans les régions concernés deux fois et plus et qui étaient donc capable d’exprimer leur perception du territoire. Pour avoir une idée précise, 1063 habitants, 398 visiteurs, 450 différents acteurs régionaux ont participé

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l’enquêtes visant à créer le portrait identitaire de l’Auvergne. Plus de 174 spécialistes

ont donné leurs expertisesdans leurs domaines respectifs.66

(4) Pendant l’élaboration d’un portrait identitaire, la Bretagne et l’Alsace ont

recours également à l’utilisation des outils modernes de communication

représentés par des réseaux sociaux. Un blog intitulé « Bretagne qui es-tu ?»67, s’inscrit dans le cadre de l’élaboration du portrait identitaire, a été mis en place de l’initiative du Conseil régional, de l’Agence économique de Bretagne et du Comité régional du tourisme.

Illustration n° 6 : Saisie de l’ecran du blog « Bretagne qui es-tu ? »

Source : http://prod-crjbretagne.integra.fr/blog/

La vocation du blog, lié aux réseaux sociaux comme Facebook ou Twitter, était d’offrir aux internautes la possibilité de présenter leurs opinions au sujet de l’identité de la Bretagne. Le blog avait un animateur, mandaté par le cabinet CoManaging, qui a publié les billets concernant une des vingt différentes catégories de l’identité régionale (par ex. art de vivre, climat, couleurs, économie, langues,

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Le code de marque partagé Auvergne Nouveau Monde, p. 8

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personnalités, savoir-faire...). Chaque billet comportait des questions et les internautes pouvaient exprimer leurs opinions, écrire les commentaires etc. Le contenu du blog s’est bien affirmé parce qu’il a enregistré presque 48000 visites

pendant 3 mois et plus de 1500 contributions !68

L’Alsace a eu recours à la même démarche ayant créé un blog « Portrait

d’Alsace »69 dont la structure et la gestion étaient presque identiques au blog utilisé en Bretagne. Ce blog a enregistré environ 700 contributions.

L’importance du blog en tant qu’outil de communication utilisé dans le cadre de l’élaboration d’un portrait identitaire de la Bretagne et de l’Alsace était multiple : le blog a permis non seulement d’informer de la démarche mais aussi d’impliquer les internautes dans l’élaboration d’un portrait identitaire et donc de les mobiliser autour du projet.

Il est évident que l’élaboration d’un portrait identitaire est un exercice très complexe qui nécessite une méthodologie rigoureuse, l’implication des acteurs différents et l’analyse poussée de tous les domaines et dimensions de la réalité du territoire. Malgré le rôle essentiel du cabinet du conseil, le rôle des acteurs publics concernés, notamment les conseils régionaux et leurs structures satellites, en tant que maîtres d’ouvrage était important. Dans les trois cas étudiés, la communication et la coopération entre le cabinet CoManaging et les maîtres d’ouvrage se sont traduites entre autres par l’intermédiaire de Comité de pilotage qui permettait les échanges et l’évaluation continue de l’élaboration d’un portrait identitaire.

2.2 Analyse de l’attractivité et la détermination des forces et des faiblesses

Dans une étude publiée en 2001 et élaborée par la Délégation interministérielle à l'aménagement et à la compétitivité des territoires (DIACT),

l'attractivité a été définie comme « la capacité à attirer et à retenir les activités, les

entreprises et les populations, à travers l’existence de facteurs divers qui font qu'un territoire, de par ses caractéristiques propres, exerce un effet d'attraction plus ou moins fort sur les entreprises et les ménages, et leur permet de participer, avec un

68 www.marque-bretagne.fr/historique-et-demarche

69

succès variable, à l’essor de ces derniers. ». 70 L’étude indique six groupes de

facteurs qui concourent à rendre des territoires attractifs : (1) l’environnement

économique, technique et financier (taille du marché, qualité de l’environnement industriel général, environnement de recherche et développement, soutien et

accompagnement des entreprises) ; (2) les ressources humaines (diversité et qualité

de l’offre de formations, volume de l’emploi, productivité et qualité de la

main-d’œuvre); (3) l’organisation et le jeu des acteurs (climat de confiance, capacité à

travailler ensemble, à s’organiser, se concerter, dialoguer, rapidité de mise en

œuvre des projets, capacités d’initiative et d’organisation des populations) ; (4) la

présence de réseaux d’accessibilité diversifiés et organisés ; (5) la qualité de vie

(l’environnement naturel et urbain, l’accès aux services collectifs et individuels, le volume de l’emploi et des services disponibles, l’équilibre du territoire, la sécurité des

biens et des personnes) et (6) l’image des régions (le regard porté sur leur

métropole, les excellences sectorielles, la notoriété des entreprises et des secteurs de développement, la perception de la qualité des espaces naturels et urbains, la valorisation de grands projets ou équipements d’intérêt régional).

La définition et notamment l’énoncé des facteurs de l’attractivité nous montre que c’est (d’ailleurs comme l’identité du territoire) une notion très complexe qui comporte plusieurs facteurs et des dimensions différentes. Comme l’élaboration d’un portrait identitaire, l’analyse de l’attractivité nécessite également de les prendre tous en compte. Cette analyse, elle s’est articulée autour de cinq axes :

(1) L’étude de l’offre du territoire qui complète le portrait identitaire. Si la

vocation du portrait identitaire était de déterminer l’identité d’une région et donc de

répondre à la question « qui sommes-nous? » la vocation de l’étude de l’offre était

notamment de déterminer qu’est-ce que la région concernée peut-elle offrir à sa clientèle et quels sont ses domaines d’excellence, ses atouts ou au contraire dans quels domaines, l’offre est faible ? Les classements et les statistiques ont montré que

la Bretagne, par exemple, est la 1èrerégion maritime de l'hexagone (42% du littoral

français métropolitain), la 1èrerégion à se doter d’une charte de gestion intégrée de la

zone côtière, région des plus grandes marées d’Europe, la 1èrerégion pour la création

70 Rapport des conseils économiques et sociaux régionaux de l’Atlantique (Basse-Normandie, Bretagne, Pays-de-la-Loire, Poitou-Charentes et Aquitaine) sur la prospective des facteurs d’attractivité des régions atlantiques, 2001

d’associations. Dans le domaine économique et social, elle est la 1èrerégion

légumière française, la 1èrerégion fromagère de France, la 1èreproductrice de lait en

Europe, la 1èrerégion en surface de production de légumes bio, une des 1èresrégions

françaises et européennes en matière de recherche-développement et d'innovation dans l'agroalimentaire, agro-industries, biotechnologies, transports (production automobile, navale et nautique), informatique, électronique et télécommunications et

la 4èmerégion pour les dépôts de brevets.71

(2) Étude de concurrence,un « benchmark » est une étude comparative, sur

le plan national ainsi qu’international, dont l’objectif est de comparer la région concernée avec ses concurrents nationaux et internationaux. Cette étude peut être élaborée dans les domaines différents. Dans le cas de la Bretagne, l’étude de concurrence s’est concentrée sur le domaine économique et touristique.

(3) Étude des attentes et des demandes des publics s’appuie notamment sur les interviews et les enquêtes avec tous les acteurs pertinents, c’est à dire les habitants, les touristes et les acteurs de la vie économique. Cette étude a permis d’analyser l’image et la notoriété d’un territoire. Elle s’est appuyée en Alsace sur le traitement de 1007 questionnaires remplis par les habitants, 2339 par les acteurs leaders d’Alsace, 5554 par les visiteurs, 916 par cibles potentiels extérieures (France, Allemagne, Suisse / visiteurs et non visiteurs) et 247 par les décideurs internationaux.

L’étude comprennait également les résultats des enquêtes pertinentes qui ont été élaborées au niveau régional ou national ces dernières années, par exemple l‘enquête élaborée par le Club des ambassadeurs d’Alsace en 2010 au sujet de l‘Image économique de l'Alsace; l’enquête concernant la notoriété et l’image globale de l’Alsace que le Comité Régional du Tourisme a confié au cabinet IPSOS en 2005 (ciblée sur la France at l’Allemagne de proximité/300km) et en 2007 (ciblée sur la

Royaume Uni et l’Italie).72

(4) Étude des marques déjà présentes sur le territoire et attentes des acteurs institutionnels et privés en ce qui concerne la création de la marque du territoire. Au sein de chacune des trois régions, il y a une grande diversité des marques faisant référence au territoire concerné. Dans la plupart des cas il s’agit des

71 « Diagnostic sur l'attractivité générale de la Bretagne – Conclusions » , CoManaging, janvier 2011

72

La stratégie de marque et d’attractivité de l’Alsace, présentation de Joël Gayet, fondateur du cabinet CoManaging, Strasbourg, octobre 2011

marques des entreprises, des produits ou des institutions qui sont originaires du territoire. Leur analyse a permis d’identifier la palette des symboles ayants le rapport au territoire, les couleurs prédominantes, les valeurs véhiculées. Cette analyse est donc très importante notamment pour l’élaboration future de la signalétique de la marque qui tout en étant originale et ne devrait pas concurrencer pour les marques existantes. Au contraire, l’objectif de la marque est de compléter ces dernières. L’objectif de l’étude était aussi de connaître la façon dont les marques régionales sont utilisées dans la communication des acteurs concernés et d’identifier des marques susceptibles de contribuer à la notoriété du territoire. Une partie de cette étude était aussi une analyse des attentes des acteurs publics ainsi que privés,

notamment ceux qui sont porteurs des marques régionales.

(5) Étude des projets et stratégies existants avait pour objectif d’évaluer

des points communs entre ces stratégies et la stratégie de la future marque régionale. Autrement dit, l’étude des projets et stratégies avait pour objectif d’assurer une synergie entre la marque et ces derniers. Par exemple dans le cas de l’Alsace les documents suivants, définissant les orientations stratégiques pour la région, ont été pris en compte : Contrat de projet Etat–Région 2007–2013 ; Schéma régional de Développement Economique (SRDE) ; les programmes des Fonds Européen de

Développement Régional 2007–2013 (FEDER) et Fonds européen agricole pour le développement rural 2007-2013 (FEADER); Stratégie Régionale de l’Innovation ; Stratégie régionale de développement du tourisme et Stratégie 2020 pour la Région Métropolitaine Tri nationale du Rhin Supérieur. L’étude a aussi pris en compte le projet de fusion des collectivités territoriales alsaciennes et la création du Conseil

d’Alsace dans le cadre de la réforme des collectivités territoriales.73