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2.4 Tons et accents

2.4.6 Syntagme tonal composé

2.4.6.1 Composés déterminatifs

Les composés déterminatifs (tatpuruṣa) en brag-bar, comme ceux dans d’autres langues du groupe (Lai 2017 : 164-166 ; Jacques Manuscriptb), suivent l’ordre de modifieur-tête, comme dans χɐjtsɐ-sprák « un boisseau de piments », dans lequel le modifieur χɐjtsó « piment » précède la tête tə-sprák« bouquet ».

Le schéma tono-accentuel des composés déterminatifs en brag-bar dé- pend du ton lexical du deuxième composant, comme ce qui s’observe en cogtse (Lin 2012 : 648).

En cas de deuxième élément avec ton tombant, le composé retient le ton tombant (σ-...-σ-σ̂), quel que soit le nombre de syllabe de ce composé, par exemple :

(55) Composant2 σ̂ → σ-...-σ-σ̂

- ɕê « arbre » + ta-jgiâk « branche » → ɕɐ-jgiâk« branche » - ta-mé « pied » + ta-tɕɐ̂s« trace » → ta-mɐ-tɕɐ̂s« empreinte » - ta-ɟí « eau » + baliɛ̂« bœuf » → ta-ɟə-baliɛ̂« buffle »

Lorsque le deuxième composant est au ton haut, deux situations sont possibles. Le ton haut du Composant2 peut apporter au composé détermi- natif un ton haut ((σ-)σ-σ́), lorsque le nombre de syllabes de ce composé ne dépasse pas trois, comme l’exemplifie (56).

(56) Composant2 σ́ → (σ-)σ-σ́ a. Dissyllabe

- ɕê « arbre » + tə-rtshə́m « souche » → ɕɐ-rtshə́m « souche d’arbre »

b. Trisyllabe

- ta-krót« charbon » + ta-ntiɛ́r« déchet, résidu » → ta-krɐt- ntiɛ́r « déchet de charbon »

Le ton haut du Composant2peut également apporter l’accent pénultième au composé (σ-...-σ́-σ), quand le composé contient trois syllabes ou plus, comme en (57). Les composés quadrisyllabiques ne peuvent pas avoir le ton haut.

(57) Composant2 σ́ → σ-...-σ́ -σ a. Trisyllabe

- ta-rmók « dragon » + khí« bol » → ta-rmɐ́k-khi «龙碗 » b. Quadrisyllabe

- ta-ják « main » + *pa-liɛ́« milieu du fond » → ta-jak-páliɛ « paume »

- tə-skiɛ́r « farine d’orge » + khalák « boule d’orge » → tə- skar-khálak « boule d’orge »

2.4.6.1.1 Suffixes lexicaux

Dans de nombreux composés déterminatifs, le deuxième composant est un suffixe lexical dont la valeur sémantique est vague et sert souvent à dési- gner la catégorie à laquelle appartient le modifieur. L’ajout de suffixes lexi- caux entraîne une série de modifications tono-accentuelles, qui sont parfois imprévisibles.

Il existe certains suffixes lexicaux en brag-bar qui apportent un ton pré- visible aux composés. C’est le cas du suffixe -vát« farine » (< ta-viɛ́t« fa- rine »), -ɕé« arbre » (< ɕê« arbre »), -khá« forêt » (< khiɛ̂« maison »), qui apportent le ton haut au composé.

(58) a. -vát« farine » < ta-viɛ́t« farine »

- ɕɐk-vát « farine de sarrasin » < ɕɐ́k « sarrasin » - jiman-vát« farine de maïs » < jimán « maïs » b. -ɕé« arbre » < ɕê « arbre »

- ɕkrɐs-ɕé « chêne » < ɕkrɐ́s« chêne » - mɐj-ɕé « peuplier » < mɐ́j« peuplier » c. -khá« forêt » < ɕɐ-khiɛ̂« forêt »

- ɕkrɐs-khá « forêt de chênes » < ɕkrɐ́s« chêne » - mthɐlɐ-khá « forêt de pins » < mthɐló« pin »

Au contraire, les suffixes lexicaux -jmɐk« champignon » (ta-jmók« cham- pignon ») et -kəlu « ver » (< kəlú « ver ») apportent toujours l’accent pénultième, quel que soit le nombre de syllabes du composé.

(59) a. -jmɐk« champignon » < ta-jmók« champignon » - sɐ́j-jmɐk « russule » < sɐ́j« bouleau »

- kəpá-jmɐk « matsutake » < kəpiɛ́« chinois »

- ɕɐj-rná-mɐk « champignon noir » < ɕɐ-rniɛ̂ « champignon noir »27

b. -kəlu« ver » < kəlú« ver »

- ɕa-kə́lu« larve » < ɕâ « viande »

- tɕhoŋra-kə́lu « larve » < tɕhoŋriɛ́« toilette » - ŋɐɕtɕɐn-kə́lu « ver à soie » < ŋɐɕtɕɐ̂n« soie »

Cependant, pour beaucoup d’autres suffixes lexicaux, nous rencontrons un phénomène similaire en zbu (Gong 2018: 90-91) : les tons déclenchés par les suffixes lexicaux sont largement imprévisibles. De plus, les différents tons apportés par un suffixe lexical particulier se corrèlent aussi avec la structure syllabique (cf. §2.4.2.3).

Le suffixe lexical -lo « signe du zodiaque » représente le cas le plus compliqué, car il peut associer au composé trois tons différents accompagnés de l’alternance vocalique : (i) le ton haut -ló; (ii) l’accent pénultième -lo; (iii) le ton tombant-lɐ̂. Ceci est illustré en (60).

La fluctuation entre le ton haut et l’accent pénultième reste inexplicable pour l’instant. Les composés au ton tombant dans chə-lɐ̂« année du chien » et phak-lɐ̂ « année du porc » s’expliquerait par le fait qu’ils sont empruntés au tibétainཁྱི་ལོkhyi.lo« année du chien » etཕག་ལོphag.lo« année du porc ». Les emprunts récents au tibétain sont marqués par le ton tombant, ce qui entraîne de plus l’alternance vocalique vers le grade central*phaklô > phaklɐ̂, *chəlô > chəlɐ̂.

(60) -lo « signe du zodiaque » < lô « année, âge » a. Accent pénultième

- kəɟɐ́k-lo« année du mouton » < kəɟók« mouton » - kalá-lo « année du lapin » < kaliɛ́« lapin » - kəzə́-lo « année du singe » < kəzû « singe »

- kəmbjám-lo« année du poulet » < kəmbjâm« oiseau » - ta-rmɐ́k-lo« année du dragon » < ta-rmók« dragon » - khaprɐ́j-lo « année du serpent » < khaprɐ́j « serpent » b. Ton haut

27. Dans cet exemple, la consonne préinitiale de -jmɐksubit une métathèse et se place aprèsɕɐ-, voir §2.2.4.

- bala-ló « année du buffle » < baliɛ̂« bœuf » - pəɟə-ló « année du souris » < pəɟû« souris » c. Ton tombant, accompagné d’alternance vocalique

- mbrɐ-lɐ̂ « année du cheval » < mbró« cheval » - phak-lɐ̂ « année du porc »

- chə-lɐ̂ « année du chien »

Le suffixe lexical -ɕi« fruit » en (61) apporte deux tons possibles, le ton haut, et l’accent pénultième, comme l’exemplifie (61) :

(61) -ɕi « fruit » < tə-ɕí « fruit » a. Accent pénultième

- tám-ɕi « fruit du Paeonia delavayi 川牡丹» - tarə́ŋ-ɕi« poirier de l’Himalaya sauvage川梨 »

- saŋgarɐ́-ɕi« fruit du Berchemia<乌泡儿>» < saŋgarê« Ber- chemia »

b. Ton haut

- thɐm-ɕí « mûre » < thém « mûrier »

- məmtɕhi-ɕí« fruit de l’argousier » < məmtɕhí« argousier » Le suffixe diminutif -pu « dim » apporte dans la majorité des cas le ton haut. L’accent pénultième apporté par ce suffixe est trouvé dans deux termes de parenté (62b), dont la suffixation diminutive est récente.

(62) -pu « dim » < ta-pú« enfant » a. Ton haut

- scɐk-pú « petite louche » < scɐ́k« louche » - kak-pú « petite houe » < kák« houe » - tɐrə-pú« chaton » < tɐrú « chat » - patɕə-pú « poussin » < patɕû« poulet » b. Accent pénultième

- tɐ-tsí-pu« cousin parallèle du côté maternel » < tɐ-tsí« tante » - ta-tsá-pu« cousin croisé du côté paternel » < *ta-ptsâ« en-

fant de la sœur, enfant de la tante du côté paternel »28

Le suffixe diminutif-tsaprésente aussi l’alternance entre deux allomorphes, soit-tsâavec le ton tombant et le grade central, soit -tsiɛ́avec le ton haut et

28. Le décalage sémantique entre ta-tsá-pu« cousin croisé du côté paternel » et *ta-ptsâ « enfant de la sœur, enfant de la tante du côté paternel » est dû à la suffixation innovatrice de-puen brag-bar, qui bloque la fusion terminologique entre l’enfant de la sœur et l’enfant de la sœur du père. Pour les détails sur l’évolution des termes de parenté en brag-bar, voir Zhang and Fan(2020).

le grade périphérique. L’étymologie de ce suffixe est tə-ziɛ̂« fils, garçon » <*tə-tsa. Ce nom en brag-bar a subi deux changements phonétiques *ts- > z- et*-â > -iɛ̂.

(63) a. Ton haut, grade périphérique -tiɛ́

- pok-tsiɛ́« cochonnet » < piák« cochon » - rgambə-tsiɛ́« boîte »

b. Ton tombant, grade central -tsâ

- təjla-tsâ « petit de yak hybride » < tə-jliɛ̂« yak hybride » - kəmbrə-tsâ « petit de yak » < kəmbrû« yak »

- bala-tsâ « petite de beouf » < baliɛ̂« bœuf »

- spə-tsâ « partie étendue du toit » < spú « terrasse en haut des maisons tibétaines »

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