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Etant donné l’hypothèse de rendements constants et de concurrence pure et parfaite dans le secteur agricole, nous concentrerons ici notre analyse sur le comportement d’un producteur représentatif opérant dans le secteur manufacturé.

Au sein du secteur moderne, les différentes variétés de bien sont produites à partir d’une technologie de production présentant des rendements croissants. Ces rendements d’échelle croissants sont essentiels dans la théorie spatiale car, comme nous l’avons vu dans le chapitre 2, ils expliquent pourquoi les firmes cherchent à se spécialiser dans la production d’une seule variété. En outre, elles veulent se localiser à proximité du plus vaste marché possible afin d’offrir à leur production le maximum de débouchés.

Nous supposons ici que les rendements d’échelle sont internes à l’entreprise. Etant donné l’existence de coûts fixes, à mesure que l’échelle de production s’accroît, la firme réalise des économies d’échelle dues à la baisse des coûts fixes moyens et à une meilleure organisation de la production. Le producteur engage donc la fabrication d’un bien diffé- rencié afin de répondre à la demande des consommateurs dont les goûts sont caractérisés par la préférence pour la variété. En raison des rendements croissants et de la préférence pour la variété des consommateurs, aucune firme ne produit un bien déjà présent sur le marché. De ce fait, chaque firme produit une variété différente et nous pouvons assimiler le nombre de variétés disponibles dans une localité au nombre de firmes implantées sur cette localité (n). Enfin, nous supposons qu’il n’existe aucunes barrières à l’entrée ou à la sortie du marché donc le prix de vente des biens différenciés est celui qui permet juste de couvrir les coûts. Par conséquent, nous pouvons dire que les firmes évoluent dans un contexte de concurrence monopolistique de type Dixit-Stiglitz (1977).

L’existence de rendements d’échelle amène les firmes à concentrer leur production sur un nombre limité de sites. La décision de localisation de la production va s’opérer en fonction des coûts de transport. En effet, le site préféré sera celui qui permet d’économiser

les coûts de transport donc celui qui présente la plus forte demande. Le producteur décide donc de s’implanter dans la région où la demande est la plus élevée c’est-à-dire la localité la plus importante en nombre de consommateurs. Par ce mécanisme, les firmes alimentent la force centripète car elles sont incitées à s’installer toutes dans la localité qui offre la plus vaste demande donc dans la localité où se trouvent le plus grand nombre de consommateurs qui seront eux-mêmes attirés par la diversité des biens de consommation proposés à moindre coût et par l’existence d’un plus vaste marché du travail. C’est l’effet cumulatif menant à la concentration des activités autour d’une localité centrale.

Les biens du secteur moderne sont produits dans un contexte de concurrence mono- polistique où l’on suppose que la technologie de production peut être différente d’une région à l’autre mais est identique pour toutes les entreprises localisées dans la même ré- gion. Etant donné que tous les biens produits dans chaque région sont symétriques (même technologie de production et même demande) et que toutes les variétés ont le même poids dans la fonction d’utilité du consommateur, nous pouvons raisonner en terme de firmes représentatives.

En outre, nous supposons qu’il existe un continuum de firmes produisant un conti- nuum de variétés, ainsi nous excluons tout comportement stratégique de la part des entreprises car chacune d’elle prend le niveau de l’indice des prix dans la localité comme constant lorsqu’elle résout son programme de maximisation et décide des prix et des quantités produites. En effet, son poids étant négligeable par rapport au marché, chaque firme se comporte comme un monopoleur sur la demande résiduelle pour la variété qu’elle produit. Ceci enlève à l’entreprise tout comportement stratégique lorsqu’elle décide du prix ou de la quantité produite. Si nous relâchions cette hypothèse, les firmes seraient conscientes de leur pouvoir de marché et de leur impact sur l’indice des prix. Cela aurait pour conséquence de rendre l’analyse beaucoup plus complexe car, dans ce cas, il est probable que les entreprises seraient tentées de réduire leur production et d’accroître leur prix.

Nous supposons que la firme utilise deux facteurs de production : le capital et le

travail. Ainsi, chaque entreprise de la région 1 utilise une quantité fixe α1 de capital et

une quantité variable ax1 de facteur travail. La fonction de coût présente donc des coûts

fixes en capital et des coûts variables ax1 en travail que l’on suppose identiques entre les

régions et correspondant à la quantité de travail nécessaire pour produire une unité de bien. Par souci de simplification, nous faisons l’hypothèse qu’une unité de travail suffit à la production d’une unité de bien différenciée : a = 1.

Chaque firme minimise ses coûts de production sous contrainte de technologie. La fonction de coût total d’une entreprise produisant la variété i dans la région 1 s’écrit

CT1(i) = α1r1+ aw1x1(i) (3.28)

Avec r1 la rémunération du capital, w1le taux de salaire rémunérant le travail dans la

région 1 et x1(i)le nombre d’unités de la variété i produites par la firme représentative.

Quelle que soit la quantité produite, il faudra couvrir le coût fixe, c’est-à-dire α unités de capital. Ainsi, les conditions d’équilibre sur le marché du capital nous permettent de déterminer le nombre d’entreprises (et donc de variétés) dans chacune des deux régions

(n1et n2)comme le rapport entre le nombre d’unités de capital présentes dans la localité

(K1 ou K2)et le coût fixe en capital (α1ou α2) :

n1 = K1 α1 et n2 = K2 α2 (3.29)

Soit p11(i), le prix de vente de la variété i produite et vendue dans la région 1 et

p12(i),le prix de vente de la variété i produite dans la région 1 et vendue dans la région 2.

Le profit de l’entreprise localisée dans la région 1 s’écrit donc comme la différence entre la recette totale des ventes dans les deux localités et le coût total de production :

Avec T12x12(i) représentant la quantité totale de variété i produite par la région 1 à

destination de la région 2 et qui inclut la fraction T12 de bien qui est consommée durant

le transport.

Etant donné l’hypothèse qui définit le bien agricole comme numéraire, on a pA =

w = 1. Les conditions du premier ordre données par la maximisation du profit nous permettent de déterminer les prix d’équilibre :

p∗11(i) = σ σ− 1 et p ∗ 12(i) = σ σ− 1T12 (3.31) ou p∗11(i) = σ σ− 1 et p ∗ 12(i) = σ σ− 1φ 1 1−σ (3.32)

Le prix de la variété i à sa sortie du lieu de production est constant et fonction de l’élasticité de substitution entre les variétés. Le prix du bien industriel, décidé par l’entre- preneur, est donc le même qu’il soit vendu sur le marché domestique ou à l’exportation. Il va varier uniquement en fonction du lieu de vente du bien et donc des coûts de trans- port. Il existera alors une différence entre le prix payé par le consommateur et le montant réellement touché par le producteur. Cela signifie que, à l’équilibre, l’entreprise décide du niveau de sa production sans prendre en compte l’existence des coûts de transport.

Grâce au résultat ci-dessus et comme φ = T1−σ , nous pouvons réécrire l’indice des

prix de la région 1 sous sa forme simplifiée :

H1 =

σ

σ− 1[n1+ φn2] 1

1−σ (3.33)

Nous avons supposé un contexte de concurrence monopolistique où aucunes barrières à l’entrée ou la sortie ne peuvent gêner le processus concurrentiel, donc, à l’équilibre les profits tendent vers zéro. En d’autres termes, les firmes vont entrer sur le marché tant qu’il est possible de dégager un profit juste suffisant pour couvrir exactement le montant des coûts fixes en capital. Ainsi, le nombre optimal de firme sur le marché est tel qu’à l’équilibre aucune firme ne réalise de profits positifs et donc qu’aucune entreprise n’entre

ni ne sort du marché.

Comme le prix d’équilibre de la firme est constant, hormis le coût de transport, le profit gagné par l’entreprise par unité produite est lui aussi constant. En effet, il existe un seul niveau de production garantissant à l’entreprise des profits juste suffisants pour couvrir ses coûts fixes. Ceci implique que la firme décide du niveau de sa production uniquement de façon à couvrir ses coûts fixes et sans se préoccuper des coûts de transport. Ainsi, la fixation du prix de vente au dessus du coût marginal implique un profit marginal constant qui, multiplié à la valeur monétaire des ventes (p∗1(i)x∗1(i)), donne la valeur du

profit permettant à la firme de couvrir ses coûts. .

La condition du premier ordre nous indique que recette marginale et coût margi- nal sont égaux. En réarrangeant cette expression, nous faisons apparaître la condition suivante : p1(i)(1− 1 σ) = w1 =⇒ (p1(i)− w1) = 1 σp1(i) (3.34)

Le prix de vente d’une unité de variété i moins son coût de production, c’est-à-dire le

profit réalisé pour une unité de variété i, est égal au profit marginal (σ1) multiplié par

la valeur de la consommation (une unité de bien multipliée par le prix de vente). Plus généralement, avec un niveau de consommation quelconque x(i), le profit de la firme est égal au profit marginal constant que multiplie la recette de la firme.

(p1(i)− w1)x(i) =

1

σp1(i)x(i) (3.35)

En remplaçant le prix par l’expression du prix d’équilibre obtenue précédemment, on obtient :

(p1(i)− w1)x(i) =

1

σ− 1x(i) (3.36)

Comme l’entreprise décide du niveau de sa production de sorte à ce qu’elle puisse juste couvrir ses coûts fixes, à l’équilibre, les profits sont entièrement absorbés par le

coût du capital :

1

σ− 1x

(i) = α

1r1 (3.37)

On trouve alors la quantité d’équilibre offerte par l’entreprise produisant la variété i dans la région 1 :

x∗1(i) = α1r1(σ− 1) (3.38)

Avec x1(i) la production totale de la variété i produite par la firme représentative

de la région 1, c’est-à-dire les quantités produites à destination des deux régions x1(i) =

x11(i) + x12(i).

3.5

Définition des conditions d’équilibre