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4.2 Les nouvelles hypothèses du modèle

4.2.1 Le comportement du gouvernement

Dans cette section sont introduites les hypothèses relatives au comportement du gou- vernement. Dans une optique de concurrence fiscale, nous intégrons la fiscalité à la mo- délisation proposée au chapitre 3. Il est alors primordial d’expliquer pourquoi le gouver- nement cherche à attirer les capitaux mobiles et à accroître sa base fiscale. Il s’agit donc de compléter l’analyse spatiale grâce à des concepts d’économie politique qui serviront de base à la définition des fonctions objectif des deux gouvernements.

Dans la perspective du jeu fiscal, les gouvernements des deux régions, prélèvent une

taxe (t1et t2 respectivement) sur les revenus du travail et du capital afin de fournir

un bien public local. En outre, le fonctionnement des démocraties européennes nous amène à considérer l’impact des élections sur les décisions de politiques économiques des gouvernements. Aussi, nous supposons que les gouvernements locaux sont électoralistes et dans l’optique de leur réélection, se préoccupent uniquement du bien-être de l’électeur médian décisif. Ils offrent donc un bien public influencé par les préférences de cet électeur médian.

Bien public local et électeur médian

Comme nous l’avons vu au chapitre 1, la théorie de l’électeur médian1 désigne une

situation où le choix (social ou d’un individu) traduit la position médiane de l’ensemble

des participants à la décision. A.Downs montre que le choix de la politique résulte de la volonté des politiciens de maximiser la probabilité de leur réélection. Les décideurs politiques ont donc tendance à axer la redistribution vers l’électeur médian. Les pouvoirs publics déterminent donc la quantité et la qualité des biens collectifs qu’ils vont produire de manière à satisfaire l’électeur médian. La satisfaction de cet électeur est, en effet, un gage de réélection dans le futur. Ainsi, le modèle de l’électeur médian implique que le groupe majoritaire utilise la compétition électorale pour forcer le gouvernement à adopter des décisions de politique économique conformes à ses préférences.

Nous envisageons ici deux cas de figure possibles. Dans la localité où se concentre le capital, il existe deux groupes d’individus : les travailleurs et les capitalistes. Nous faisons alors l’hypothèse que les propriétaires de capitaux représentent la majorité et donc que la fonction objectif du gouvernement reflètera les préférences de l’électeur médian capita- liste. A l’inverse, dans la région périphérique, il n’existe aucune unité de capital et qu’un seul groupe d’individus. Le gouvernement ne se préoccupera donc que des préférences des travailleurs.

Formellement, d’après l’hypothèse selon laquelle les travailleurs et les capitalistes détiennent chacun respectivement une unité de travail et une unité de capital, nous pouvons assimiler la quantité de travail et de capital au nombre de travailleurs et de capitalistes présents dans la localité.

Ainsi, pour que les capitalistes représentent le groupe majoritaire, nous devons faire l’hypothèse que le nombre de travailleurs dans la région centre est inférieur au nombre de capitalistes. Nous supposons ici et pour le reste de l’analyse que la localité 1 est la région centre. Implicitement, nous avons donc une concentration du capital dans cette

région, soit K1 = λK = K donc λ = 1.

répartie de façon symétrique entre les régions, on obtient : L1 = L 2 = 1 2(1− µ σ) < λ (4.1a) 1 2(1− µ σ) < 1 (4.1b) soit σ + µ 2σ > 0 (4.1c)

Comme σ et µ sont des constantes positives, cette inégalités est vérifiée et les ca- pitalistes représentent le groupe majoritaire dans la région centre, ils seront toujours davantage entendus politiquement que les travailleurs.

Proposition 4 Lorsque σ+µ > 0, la voix des propriétaires de capitaux domine toujours

celle des travailleurs dans les choix politiques du gouvernement de la région centre. Les décisions de politique économique sont alors conformes aux préférences de l’électeur mé- dian capitaliste.

Le fait que l’électeur médian appartienne à un groupe différent dans chacune des deux régions pourrait ne pas avoir de conséquences si l’on suppose que les deux groupes ont les mêmes préférences en terme de bien public local. Or, il est assez intuitif de penser que ces préférences divergent. Nous reviendrons plus en détail sur ce point dans la sous-section suivante. Afin de compléter les hypothèses relatives au comportement des gouvernements, il convient, à présent, de s’intéresser plus précisément aux fonctions objectif des gouvernements.

La fonction objectif du gouvernement.

Nous supposons que les recettes fiscales du gouvernement peuvent servir à financer deux types de dépenses publiques. Celles-ci sont, en effet, affectées soit au financement d’un bien public de consommation à destination des travailleurs, soit au financement d’investissements en infrastructures publiques bénéficiant aux firmes. Cette dernière ca- tégorie représente, par exemple, les infrastructures routières, les installations de transport,

la qualité du système judiciaire ou le réseau de communication. Nous faisons ici une hy- pothèse forte qui sera levée au chapitre suivant : les dépenses publiques de consommation qui représentent, par exemple, la fourniture des biens publics comme la police, l’éclairage public ou encore la couverture santé, ne bénéficient qu’aux travailleurs. Cette hypothèse restrictive permet, dans un premier temps, une résolution plus simple du modèle et des résultats clairs. Au chapitre 5, nous lèverons cette hypothèse afin de se rapprocher des réalités économiques où les dépenses publiques de consommation bénéficient à l’ensemble des résidents.

Puisque nous envisageons une fourniture du bien public local influencée par l’électeur médian, les recettes fiscales obtenue à partir de la taxe sur les revenus servent à satisfaire les préférences d’un seul des deux groupes. Dans la région périphérique, lorsque aucune entreprise n’est implantée dans la localité, la totalité des recettes fiscales est orientée vers

les dépenses publiques de consommation : G = Gc et Gi = 0

En revanche, dans la région centre, les recettes fiscales vont être orientées vers la

fourniture du bien public local bénéficiant aux propriétaires de capitaux : G = Giet

Gc= 0.

Formellement, les dépenses publiques (G) sont utilisées pour la provision d’un bien

public à destination des travailleurs (Gc)ou pour financer un bien collectif représentant

les investissements publics à destination des capitalistes (Gi).

G = Gc ou G = Gi (4.2)

En outre, par souci de simplification nous supposons que les deux types de bien pu- blic sont produits à partir du bien agricole et de biens différenciés. Les recettes fiscales sont réparties de la façon suivante entre les deux secteurs : une part (1-µ) est dépensée en bien agricole et µ représente la part dépensée en biens différenciés du secteur ma- nufacturé. Cette hypothèse permet de définir les conditions d’équilibre à court terme indépendamment des taxes.

L’équilibre budgétaire du gouvernement s’écrit : G = tY Hµ; Y = 1 2(1− µ σ) + rK (4.3)

Le gouvernement cherche à accroître sa base fiscale afin de fournir un bien public local. En ce sens, nous supposons un gouvernement électoraliste voulant maximiser le bien-être de son électeur médian. Sa fonction objectif sera donc le reflet des préférences de cet électeurs médian. Conformément à la littérature sur la concurrence fiscale, la fonction objectif du gouvernement est une fonction croissante du revenu fiscal et une fonction décroissante du taux de taxe. En ce sens, l’effet final de la taxe sur la fonction objectif est ambigu. Cela reflète le problème d’arbitrage du gouvernement qui cherche à la fois à accroître ses recettes fiscales et à réduire la pression subit par les bases imposables mobiles.

Afin de représenter cet arbitrage, nous supposons ici, comme Baldwin et Krugman (2004), une fonction objectif en forme de cloche où le bien-être social augmente avec le taux de taxe jusqu’à un certain point où il se met à décroître. Il existe alors un niveau optimal de taxation représenté par le haut de la cloche. Formellement,

W = W (G, t) (4.4a) ∂W ∂G > 0 et ∂W ∂t > 0 pour t ∈ [0, t ∗], ∂W ∂t < 0 pour t ∈ ]t ∗, 1] (4.4b)

La discontinuité des fonctions objectif des gouvernements est expliquée par la discon- tinuité même des mouvements de capitaux. En effet, la logique des modèles d’économie géographique veut qu’une faible variation d’une variable clé comme le niveau des coûts de transport ou le niveau de taxation dans la région 1 peut conduire au déplacement de toutes les entreprises vers la région 2. Il suffit qu’une firme quitte le territoire pour que toutes les autres suivent, c’est ce que l’on nomme habituellement l’agglomération catas- trophique. Ainsi, les mouvements de capitaux sont extrêmement discontinus et conduisent

à l’agglomération totale des activités dans l’une ou l’autre des régions. Cette concentra- tion extrême implique que les fonctions objectif des gouvernements le soient également pour représenter les deux cas extrêmes : une fonction objectif lorsque toutes les firmes sont concentrées sur le territoire et une fonction objectif lorsque aucune unité de capital n’est localisée dans la région.

Nous introduisons, à présent, une hypothèse importante relative à l’impact du revenu de la région sur la fonction objectif du gouvernement et donc sur la fourniture du bien public local. Nous souhaitons mettre en évidence une tendance selon laquelle les résidents des localités les plus riches demandent davantage de biens et services collectifs. Ainsi, souvent les régions où le capital est abondant, appliquent un niveau d’imposition élevé afin de satisfaire les préférences des électeurs plus aisés.

Comme Baldwin et Krugman (2004), nous supposons ici que la région centre a des préférences plus fortes en matière de bien public dans le sens où, en l’absence de concur- rence fiscale, elle choisirait un niveau de taxe supérieur à celui de la région périphérique. Ceci s’explique, au niveau individuel, par le fait que les résidents de la région centre bénéficient d’un indice des prix plus faible et ont donc d’un revenu réel supérieur aux habitants de la région périphérique. Nous faisons ici l’hypothèse que les préférences en termes de bien public augmentent avec le revenu. Au niveau agrégé, la région centre bé- néficie de recettes fiscales plus abondantes en raison d’une base fiscale plus étendue. De ce fait, elle offre davantage de biens publics et le niveau de bien-être dans cette région est supérieur au niveau de bien-être dans la région périphérique. Formellement, lorsque le capital est concentré dans la localité 1 (λ = 1).

G1 = Gi1 = t1 £1 2(1− µ σ) + r1 ¤ H1µ (4.5) G2 = Gc2 = t2 2(1− µ σ) H2µ (4.6)

pouvons représenter graphiquement les fonctions objectifs des deux gouvernement et les niveaux de bien-être associés (figure 4-1). La courbe la plus haute montre la fonction objectif du gouvernement de la région centre. On observe alors que le niveau d’utilité maximum est atteint pour un niveau de taxe plus élevé que dans la région périphérique.

1 t W t2 t1 W1 W2

Fig. 4-1 — Fonctions objectif

L’introduction de ces nouvelles hypothèses nous a permis de décrire le comporte- ment des gouvernements. Il convient, à présent, de nous intéresser aux modifications des hypothèses relatives au comportement du consommateur.