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1.4 Renforcement des élastomères par le noir de carbone

1.4.3 Comportement mécanique dŠélastomères chargés

LŠincorporation de charges de noir de carbone entraîne globalement une rigidité plus impor- tante, caractérisée principalement par une mesure de module (ratio contrainte/déformation). A noter que pour lŠindustrie caoutchoutique, il est dŠusage dŠutiliser le terme de "module" aĄn de se référer à la contrainte pour une déformation donnée.

Les courbes contrainte-déformation présentées dans la Ągure 1.44 pour du SBR pur et renforcés par plusieurs grades de noir de carbone, permettent de mettre en évidence les augmentations de module, de la contrainte à la rupture et pour certains cas de lŠallongement à la rupture en présence du noir de carbone.

Figure 1.44 Ű Courbes contrainte-déformation pour du SBR renforcé par plusieurs

grades de noir de carbone (1x et 0,67x indiquent le taux de soufre introduit lors de la vulcanisation) en comparaison avec du SBR pur. La déformation dans cet exemple, assimilée à un taux dŠextension, sŠexprime en %, dŠaprès Halary et al. [Halary+2008]

Le module dŠun élastomère chargé peut sŠobtenir théoriquement à partir des diférents modèles proposés dans la littérature pour expliquer son comportement. Parmi lŠensemble de ces modèles (qui ne sont pas présentés dans ces travaux), lŠutilisation dŠune approche semi- empirique proposé par Medalia [Medalia1972] à partir de travaux plus anciens [Guth+1938] semble être la mieux adaptée à la structure spéciĄque des agrégats de noir de carbone et repose sur lŠéquation (1.4.1) :

= �

�(1 + 2, 5ã�� �+ 14, 1ã2�� �) (1.4.1)

Avec GŠle module de lŠélastomère chargé, GŠle module de la matrice élastomère dans les

mêmes conditions et ã�� � la fraction volumique efective de la charge (élastomère occlus

compris).

Propriétés viscoélastiques aux petites déformations

LŠefet Payne

Le comportement dŠun élastomère chargé présente une non-linéarité relativement marquée dans le domaine des faibles déformations et est typiquement étudié au moyen dŠun dispositif de mesure de la viscoélasticité dynamique (aussi appeléDMA pour Dynamic Mechanical

Analysis). Le fait de soumettre un matériau à une sollicitation périodique entraîne sa

déformation. Cette sollicitation se présente sous la forme dŠune contrainteà�, et la déformation

(ou allongement relatif) se déĄnit parÒ�, pour une fréquenceæet une températureTdonnées.

Le comportement dynamique contrainte-déformation dŠun élastomère peut être déĄni par le module de cisaillement dynamique*, le module élastique (ou de conservation)et le

module de perteG"selon lŠéquation (1.4.2) :

*= à0

Ò0

= �+ ��” (1.4.2)

Avec à0 et Ò0 les valeurs dŠamplitude maximale, respectivement de la contrainteà� et de la

La Ągure1.45montre le comportement du module de cisaillement dynamique en fonction de lŠamplitude de la déformation oscillatoire. Ce comportement singulier dŠun élastomère chargé est une combinaison de plusieurs contributions :

Ů celle de la matrice élastomère, qui dépend de sa nature et de sa réticulation, Ů celle de lŠefet hydrodynamique lié à la présence de charges,

Ů celle des interactions entre charges et matrice, et notamment les efets liés aux phéno- mènes dŠélastomère lié et occlus,

Ů celle du réseau de charges, lié aux interactions charge-charge.

Avec lŠaugmentation progressive de la déformationæ, le module de conservationGŠpasse dŠun état initial constant (GŠ0), décroit avec la déformation et enĄn tend à se stabiliser

(GŠ∞). CŠest cette évolution, représentée par la Ągure1.46qui est déĄnie comme lŠefet Payne

[Payne1962].

Figure 1.45 Ű Représentation schéma-

tique de la variation du module de ci- saillement en fonction de la déformation

Figure 1.46 Ű Courbes typiques

de lŠefet Payne pour un élastomère chargé [Majesté2017]

La diminution du module de conservation est associée à une augmentation du module de perte G", traduisant un phénomène de dissipation dŠénergie, et qui passe par une valeur maximaleÓ correspondant à lŠangle de phase entre la contrainte et la déformation et qui

sŠexprime sous la forme :

tan Ó = �”

′ (1.4.3)

Les diférentes interprétations de lŠefet Payne et en particulier de la diminution deGŠsont liées à la décohésion partielle du réseau de charges (caractérisé par une rupture du réseau percolant) et aux mécanismes dŠinteractions charge-matrice. Sans réél consensus clair sur lŠinterprétation de ce phénomène, plusieurs auteurs ont proposé dans la littérature des modèles sŠorientant préférentiellement vers la rupture du réseau de charges [Huber+1996;

Klüppel+1997;Kraus1977;Majesté+2012] ou vers lŠinterface charge-polymère [Maier+1996].

Cependant, aucun de ces modèles nŠest capable de décrire lŠensemble des résultats experimen- taux sur lŠévolution des modules avec des paramètres de mesures Ąxes (fraction volumique de charges, température, dispersion).

La valeur du module pour une déformation donnée serait en résumé, le résultat dŠun état dŠéquilibre entre le phénomène de rupture et de reformation du réseau de charges. Après la rupture du réseau de charges, le module aux grandes déformationsGŠ∞dépendrait principa-

lement des mécanismes mis en jeu à lŠinterface charge-matrice, de lŠefet hydrodynamique lié à la présence de charges, ainsi que de la réticulation de la matrice.

LŠévolution des modules de conservation et de perte dans la plage de déformation allant de 0,1 à 0,5 dŠamplitude est relativement importante car ce domaine est généralement associé aux sollicitations les plus fréquentes des élastomères chargés. CŠest notamment le cas des applications pour des bandes de roulement de pneumatiques.

Propriétés viscoélastiques aux moyennes et grandes déformations

LŠefet Mullins

Dans le domaine des grandes déformations (supérieures à 1), le comportement mécanique des élastomères, chargés ou non, est modiĄé après une première extension. La perte de rigidité engendrée par cette extension, connue sous le nom dŠefet Mullins, se caractérise par un "adoucissement" de la contrainte pour les déformations suivantes ainsi que par lŠapparition dŠune déformation rémanante. Ce phénomène est cependant recouvrable à des temps relativement longs, qui vont de quelques heures à des températures proches de celle de la vulcanisation à quelques jours à la température ambiante. De nombreuses interprétations ont été proposées pour expliquer le phénomène de lŠefet Mullins et son origine reste encore le sujet de travaux actuels. Diférentes propositions dŠinterprétations physiques, impliquant principalement des ruptures microstructurales, sont disponibles dans la litérature

[Diani+2009] (mais ne sont pas développées ici).

Le modèle de glissement moléculaire de Dannenberg, illustré schématiquement dans la Ągure

1.47, donne une bonne vision du mécanisme responsable des efet Payne et efet Mullins. Dannenberg [Dannenberg1966a] a suggéré un mécanisme impliquant le glissement de segments de chaînes adsorbés sur la surface de la charge, au niveau de points dŠaccrochage, au cours dŠune sollicitation. Grâce aux faibles énergies mises en jeu et au caractère réversible de lŠadsorption de chaînes en surface du noir de carbone, le phénomène de glissement permet au réseau dŠaccomoder la déformation appliquée (par une homogénéisation de la longueur des segments/ponts entre charges). Ce mécanisme permet de redistribuer localement la contrainte sur les chaînes voisines et de prévenir ainsi la rupture. Au-dessus dŠune certaine déformation, ces points dŠaccrochage sont rompus et un glissement de la chaîne élastomère à la surface de la charge, en dissipant une énergie de frottement (molecular slippage), est observé. DŠaprès ce constat, les interactions charge-matrice se doivent dŠêtre suisamment fortes pour prévenir le "démouillage" de la chaîne sur la surface de la charge mais en même temps ne doivent pas être trop fortes aĄn de garantir une certaine mobilité des chaînes adsorbées [Wolf+1993a].

Figure 1.47 Ű Représentation schématique du modèle de renforcement de Dannenberg

1.4.4 Comportement mécanique dŠélastomères chargés en