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4.4 Facteurs d’influences à l’implantation du programme Remodeler sa vie®

4.4.1.4 Complexité du programme

L’implantation du programme Remodeler sa vie® comportait plusieurs éléments de complexité dont un des plus fréquemment rapportés était sa durée et son intensité. Qu’elle soit de six ou de neuf mois, la durée du programme représentait un important défi d’implantation, et ce, tant pour les participantes du secteur public que privé. Puisqu’elle commandait un engagement important de la part des aînés et des ergothérapeutes, mais

maximale de six mois était préconisée. D’une part, cette durée était susceptible d’interférer avec le mode de vie actif de certains aînés, notamment de ceux qui voyagent. D’autre part, maintenir l’engagement et l’implication des aînés sur cette période pourrait aussi s’avérer difficile et résulter en des taux plus élevés d’absence ou d’attrition (ex. : décès, maladie). Pour les participantes, le niveau de gestion et d’organisation lié au programme semblait croître proportionnellement à sa durée, d’où l’importance de privilégier, pour une efficacité comparable, une intervention de six plutôt que neuf mois.

Tout comme pour la durée, le coût élevé du programme a été largement abordé dans l’ensemble des groupes et il constituait un élément central susceptible d’entraver la réussite de l’implantation. Modulé principalement par la durée et l’intensité ainsi que le salaire des ergothérapeutes, le coût du programme était associé à d’importantes conséquences. Par exemple, un coût trop élevé pourrait engendrer des oppositions chez des personnes (ex. : décideurs) pourtant favorables au programme. Ce coût pourrait aussi freiner la participation d’aînés et entretenir des iniquités de santé : « S’il y a des coûts pour participer au programme, c’est comme si la santé devenait un luxe à s’offrir et non pas quelque chose d’accessible à tout le monde. » (G1PuB). Le vocable utilisé par les participantes était d’ailleurs sans équivoque alors qu’elles qualifiaient le coût ‘d’énorme’, de ‘ barrière’ et de ‘problématique’. Pour les ergothérapeutes du secteur privé, le coût était une considération pragmatique de premier ordre. Ainsi, il semblait exister une tension entre la nécessité de charger le juste prix pour le programme et le souci de l’offrir à moindre coût, sans quoi les aînés risquaient de ne pas y participer. En fonction de l’agent payeur, la perception du coût pouvait par ailleurs varier. Le programme risquait, par exemple, d’être perçu comme étant dispendieux pour un aîné. Il pourrait cependant sembler peu coûteux pour des agents payeurs issus de l’entreprise privée (ex. : entreprises œuvrant dans le développement de complexes résidentiels privés pour aînés). Dans un souci d’équité, et afin de ne pas écarter d’emblée un segment plus défavorisé de la population qui, faute de moyens financiers ou d’assurances, ne pourrait se permettre de recourir aux services privés d’ergothérapie, les participantes s’entendaient pour dire que le programme se devait d’être offert dans le secteur public. Cette stratégie permettrait d’éviter d’accroître les inégalités sociales et de santé et d’offrir l’intervention gratuitement ou à moindre coût pour rejoindre les strates les plus vulnérables

de la population, qui souvent, ne demandent pas de services ou attendent en dernière instance pour le faire, tel qu’explicité par une des ergothérapeutes : « Je pense qu’on aurait avantage à l’offrir dans le réseau public parce qu’on rejoindrait plus de personnes dont plusieurs non assurés ou sans gros moyens financiers. » (G2M). Ultimement, un partenariat permettant de répartir les coûts apparaissait nécessaire pour soutenir l’implantation, et ce, tant dans le secteur public que privé.

Un autre élément de complexité était d’assurer un accès équitable et non discriminatoire au programme. Sans nécessairement avoir été rapportés comme des obstacles à l’implantation, les enjeux d’accessibilité étaient toutefois des considérations importantes en vue d’une éventuelle implantation. Abordés sous l’angle de la justice sociale et géographique ces enjeux impliquaient de rejoindre, tel que mentionné, les aînés socioéconomiquement vulnérables, mais aussi les hommes et les résidents des milieux ruraux. Par exemple, puisque les femmes seraient plus enclines à prendre part à des interventions préventives, intéresser les hommes au programme serait un défi. Dans les milieux ruraux, les enjeux d’accessibilité relevaient davantage des caractéristiques sociogéographiques des régions (ex. : faible densité populationnelle et isolement géographique). Parmi les moyens envisagés pour relever ces enjeux, une formule itinérante du programme et un service de transport par des bénévoles ont été proposés. L’accessibilité concernait également le fait d’offrir le programme à un endroit et au moment opportun. Il importe, par exemple, de cibler un lieu physiquement accessible et à proximité pour la clientèle présentant des difficultés de mobilité, ou encore, d’éviter de débuter le programme en hiver ou trop tôt ou tard dans la journée. Au-delà des aspects temporels, le moment opportun était également décrit comme celui où la personne serait ouverte à apporter des changements à ses activités afin qu’elles soient davantage saines et porteuses de sens.

La complexité du programme se traduisait également par des défis inhérents à une pratique compétente de la profession dont, premièrement, la tenue des dossiers professionnels, une préoccupation évoquée par la majorité des groupes. Afin d’assurer la conformité des dossiers aux exigences professionnelles, des ajustements apparaissaient nécessaires. En effet, puisqu’il utilise une modalité de groupe, moins commune en ergothérapie, et qu’il s’inscrit dans un changement de paradigme, soit le passage d’interventions curatives à préventives, le programme soulevait plusieurs questions. Ces

existants, l’évaluation et l’analyse des besoins et des défis occupationnels d’un groupe plutôt que d’individus ainsi que la nécessité d’une évaluation individuelle en contexte d’intervention de groupe. Selon les participantes, la réponse à ces questions nécessitait un éclairage de la part de l’OEQ. Un deuxième défi inhérent à une pratique professionnelle compétente était le respect des champs de pratique disciplinaires. Puisque le programme utilise une approche multifactorielle qui cible un ensemble de déterminants de santé, certaines participantes jugeaient que son contenu devait préalablement être approuvé par l’OEQ. D’ailleurs, le module ‘Repas et alimentation’ a suscité plusieurs tensions quant au rôle de l’ergothérapeute dans un contexte de recommandations nutritionnelles. Enfin, un dernier élément portait sur les nombreux choix et les étapes d’implantation, dont plusieurs apparaissaient complexes : « Ce qui est complexe, c’est le démarrage. Tout organiser, aller chercher tes ressources, le financement, c’est complexe ! » (G1Pr).