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Complexification de la structure bureaucratique :

CHAPITRE II LES ACTEURS ET LES SCÈNES MULTIPLES DE LA

SECTION 4 S AVOIR - ETRE , SAVOIR - FAIRE , SAVOIR … ET POUVOIR ?

2.1 La spécialisation des fonctions:

2.1.1. Complexification de la structure bureaucratique :

Initialement, la CRF, nommée la « Société Française de Secours aux Blessés », était petite structure associative, à faibles moyens, à la finalité réduite et ciblée aux activités sanitaires auprès des blessés de guerre et exclusivement animée par des bénévoles. Mais, sous l’effet d’une diversification des activités, de l’augmentation de ses ressources humaines et financières, son « fonctionnement organisationnel devenu parfois fort bureaucratique, […]

apparemment très éloigné de celui des entreprises, rencontre des problèmes analogues. »1

D’abord, la diversification des activités de la CRF est allée de paire avec une spécialisation des fonctions administratives assurant, pour chacune de ces activités, la coordination des personnels, la gestion comptable et le suivi opérationnel.

Loin d’être cantonnée aux soins des blessés de guerre, la CRF a aujourd’hui investi de nombreux terrains de l’action sociale et sanitaire et la présentation exhaustive de ces activités ressemblerait à une interminable litanie. Citons toutefois, à titre d’exemple, et à côté du secourisme, de l’aide aux personnes déplacées et des visites de prisons, missions traditionnelles issues des Conventions de Genève, ses terrains d’action plus récents. La CRF conduit ainsi un programme de « Formation » qui assure l’enseignement des techniques de base et de haut niveau des secouristes, un programme de « Lutte Contre la Précarité » visant l’accompagnement social, l’accès aux droits et aux soins, ou la lutte contre l’illettrisme, un programme d’actions ciblées sur les banlieues, un programme de « Promotion de la Santé » visant la prévention et l’éducation aux soins… De plus, on l’a dit, la CRF est un important entrepreneur de gestion d’établissements publics avec, à sa charge, 559 établissements de soin (hôpitaux, centres de santé), de prise en charge (maisons de retraite), et de formation (écoles d’infirmière, d’auxiliaire de vie sociale).

On remarque que ces actions se distinguent des premières par leur inscription dans le long terme plutôt que par leur caractère d’urgence ponctuelle. En effet, le champ d’action des

gérer l’exécution même d’un service public. » LAVILLE Jean-Louis, SAINSAULIEU Renaud, op. cit., p. 368.

1 Jean-Louis Laville, Renaud Sainsaulieu, Sociologie de l’association. Des organisations à l’épreuve du changement social, Paris, Desclée de Brouwer, 1997, p. 15.

missions de la CRF ne connaît pas de réelle limite et si l’on se réfère à son leitmotiv « ne tolère aucune souffrance », on peut même avancer que son champ d’action est coextensif à la souffrance.

La supervision de chacune de ces activités, prise en charge sur le terrain par les 50000 bénévoles dans 1200 Délégations et de nombreuses antennes, est centralisée au siège de la CRF et assurée par un service particulier. C’est ainsi que la « Délégation Nationale à l’Urgence et au Secourisme » (DNUS) et à l’intérieur de celle-ci les services de « soutien des Délégations », « Opérations » et « Formation » est le complexe qui coordonne les activités d’urgence et de secourisme. De la même façon, la « Délégation Nationale à l’Action Sociale » (DNAS) comprenant la « Lutte contre la précarité » et toute une série de « programmes spécifiques » est en charge des activités sanitaires et sociales suscitées. Rappelons que ces deux Délégations sont intégrées au service opérationnel le plus important de la CRF, la

« Direction des Opérations de Solidarité ». Enfin, la gestion des établissements publics est également sous la tutelle d’une direction fonctionnelle précise, la « Direction des Etablissements ».

Cette diversification des activités a entraîné une croissance des ressources financières et humaines à laquelle la CRF a dû faire face. Ainsi, poursuivant le processus spécialisation des fonctions, la CRF comprend, à côté de ces directions dites « opérationnelles », le cœur de la « gouvernance » constitué des directions de gestion et développement de ces ressources.

D’abord, les sommes d’argent abondantes ainsi que le matériel bureautique important dont dispose la CRF a entraîné la mise en place d’une « Direction Financière » aux dimensions impressionnantes. Pour se donner un point de comparaison, on peut mentionner que ce service emploi, au siège, autant de personnels que la « Direction des Opération de Solidarités ». Cette direction est notamment en charge, par l’intermédiaire du « département comptabilité », de suivre les comptes de la collecte des fonds, des fournisseurs, des différents fonds dédiés à des opérations précises. Avec celui-ci, les « département trésorerie » et

« contrôle de gestion », assurent la transparence totale de cette entreprise à laquelle les donateurs comme les bailleurs de fonds demandent des comptes. La mise en place d’une telle

bureaucratie financière traduit l’intériorisation d’une « rationalité entrepreneuriale» 1 qui implique en l’occurrence, non pas une recherche de profit, mais une « rigueur gestionnaire» 2. Suivant cette fois des logiques et des procédures plus nettement associées aux entreprises, la CRF apporte aujourd’hui un soin particulier à l’augmentation de ses ressources et à la relation qu’elle entretient avec ceux qui les lui procurent. Cette fonction spécifique est assurée par la

« Direction de la Communication et du Développement des Ressources ». Dans sa dimension de communication, celle-ci est par exemple chargée de rendre visible la transparence grâce à la « cellule Internet » qui met en ligne le rapport financier annuel. De plus, troublant définitivement l’image d’Epinal de l’association désintéressée reposant sur la générosité du public, les « Pôle entreprises » et « Pôle donateurs », comprennent des chargés de mission

« Marketing ». Ces dernières mettent en œuvre de véritables stratégies commerciales pour atteindre leurs objectifs dont un exemple nous est fourni qui mettait à contribution le travail conjoint de ces deux « Pôles ».

Le « pôle entreprise » ayant obtenu un partenariat avec le groupe Carrefour, réfléchissait, avec le « pôle donateurs » à la meilleure stratégie pour toucher sa cible, en l’occurrence le client d’un magasin carrefour.

Les équipes se sont donc réunies et les responsables, les assistants et les stagiaires discutaient de savoir s’il était pertinent de placer des dépliants CRF appelant à la générosité du public à côté des caisses. Ils ont également débattues de la couleur et de l’agencement des informations inscrites sur ces dépliants afin de les rendre les plus attractifs possible.

Achevant la complexification de la structure bureaucratique, la recrudescence des salariés, sur la quelle nous reviendrons, a exigé la création d’une « Direction des Ressources Humaines » ce qui est significatif d’une reconnaissance de cette catégorie de personnel à côté des bénévoles et s’accompagne de modes de gestion managériale des ressources humaines.

Le simple fait qu’il y ait une DRH en charge des salariés à côté d’une « Direction de la Vie Associative » en charge du suivi et de la formation des « volontaires-bénévoles », indique déjà que ces deux catégories de personnel, si elles n’ont pas le même statut, requièrent des modes de gestion analogue et mobilisent le même nombre de personnels au niveau de la

« gouvernance ». En fait, le bénévolat, figure fondatrice de l’engagement associatif, ne va

1 DAUVIN P., SIMEANT J., Ibid, p.235.

2 DAUVIN P., SIMEANT J., Ibid, p.235.

plus de soi au sein de la CRF et nécessite un service particulier entièrement consacré à susciter, motiver et entretenir l’engagement humanitaire.

Par ailleurs, les salariés, structurellement liés à la forme entrepreneuriale car plus attachés à la perduration de la structure dont ils dépendent qu’à la réalisation du projet associatif, sont encadrés par des techniques de contrôle et de participation du personnel inspirées par des technologies organisationnelles managériales. En effet, les salariés disposent d’un ensemble d’espaces leur proposant des services divers. Par exemple, ils se retrouvent à la cantine-cafétéria pour déjeuner ou durant la journée pour une pause café. Un « Comité d’Entreprise » leur est réservé qui permet l’emprunt de livres, CD et qui propose des voyages à tarifs préférentiels. Aussi, chaque direction a mis en place des dispositifs participatifs semblables à ceux que l’on trouve dans de nombreuses entreprises.

Tous les quinze jours, une réunion de travail a lieu, réunissant, dans le bureau du directeur des opérations internationales, les chargés de projets des desks géographiques et thématiques ainsi que leurs assistants et stagiaires.

Lors de ces réunions, chacun prend successivement la parole lors d’un tour de table, un point est fait sur toutes les actions en cours, des suggestions sont amenées sur les projets à venir. Il s’agit de présenter les budgets de chaque mission, les besoins logistiques et humains.

C’est également l’occasion pour le directeur qui anime la discussion de rappeler à tout le monde que les budgets 2005 doivent être bientôt rendus. D’autres sujets plus informels sont abordés tels que le déménagement du siège place Henri Dunant dans le 8ème vers l’hôpital Brousset dans le 13ème. Ou encore d’échanger les impressions et attentes de l’équipe en ce qui concerne les recrutements à venir.

Outre ces techniques participatives, des techniques de contrôle sont prévus avec notamment la vérification des temps de présence et d’absence des salariés qui pointent une carte électronique à chaque aller et venu dans le siège.