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Comparaison   des   deux   dernières   classes

Dans le document Volume 2 : Partie empirique (Page 140-143)

L’enseignement   secondaire   inférieur

8) Comparaison   des   deux   dernières   classes

Professeur 7 – classe 8 Professeur 8 – classe 9 Conceptions du professeur Bon raisonnement en

mathématiques Justifications Esprit critique Esprit d’analyse Démarches Ouverture d’esprit Culture générale Travaille au « pourquoi » Représentations des élèves

d’un cours de mathématiques Vie courante : 30% Métier : 40% Autres théories : / Outil calculs : 70% Réfléchir : 35% Vie courante : 29% Métier : 86% Autres théories : 24% Outil calculs : 81% Réfléchir : < 25% La leçon Part de la réalité sensible

Première démonstration

Part de dessins géométriques Mesures ponctuelles

(procédures), ne rentre pas vraiment dans un texte. Représentations des élèves

Après la leçon

Se repérer sur une carte : 9 élèves Constructions : 2 élèves

Contenu mathématique : 5 élèves Thèse et données : 2 élèves

Constructions : 11 élèves Un élève « pour connaître les règles géométriques »

Un intérêt général

Le professeur 7 insiste notamment sur la qualité du raisonnement en mathématiques, sur l’esprit d’analyse, le professeur 8 parle de manière plus large, de démarches et d’ouverture d’esprit, de culture générale. On constate que chez ce dernier professeur, les réponses des élèves traduisent très souvent une attente de sens. Ils parlent du métier ou d’autres théories, tout ce qu’ils ne connaissent pas encore. Par contre, ils sont moins nombreux à s’attacher à la réflexion.

Leurs remarques à propos de la leçon concernent surtout les constructions, ou encore, ils parlent d’un intérêt assez général (c’est toujours intéressant d’apprendre…). Chez le professeur 7, les élèves expliquent qu’ils ont appris à se repérer sur une carte. L’aspect instrumental des mathématiques intervient.

La compétence idiomatique est un peu travaillée chez le professeur 7 (mais pas beaucoup), et pas chez le professeur 8.

Les conceptions de ces professeurs se reflètent dans la leçon et les conduisent à produire des séquences différentes : le premier s’attache plus aux mathématiques, dans le sens où il souligne un aspect instrumental qu’elles peuvent apporter et en même temps, il rentre dans des mathématiques qui utilisent raisonnement et lexique (avec une démonstration). Pour le second professeur, les mathématiques concernent plutôt des constructions, et sa leçon présente plutôt des procédures (les élèves doivent mesurer, et il indique ce qu’il faut mesurer).

Les réactions des élèves sont telles qu’ils se trouvent surtout en attente de sens chez le second professeur, tandis que chez le premier, certains parlent d’apprendre à réfléchir pour pouvoir résoudre des problèmes.

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Ce qu’on remarque ici, c’est que la construction textuelle de la leçon est directement influencée par les conceptions. La didactique observée en classe est forgée par ce que pense le professeur. À un même lexique (quelques termes) correspondent, via le texte produit, une construction des leçons différentes, et celles-ci produisent des résultats différents sur le plan des représentations des élèves. Ce n’est pas un contenu qui existerait préalablement et qui serait adapté en classe, mais c’est un texte, une pratique personnelle de l’enseignant, qui sert de point de départ.

376 11. Conclusions  sur les classes  de  deuxième  année  de  l’enseignement 

secondaire  1)Les compétences  

Les rires que suscitent la question du chercheur sur ce que représentent les compétences, conduisent à penser que les professeurs en ont certainement entendu parler. Mais dans l’échantillon que nous avons, rares sont ceux qui paraissent s’y intéresser. Ceci est d’ailleurs conforme aux résultats de l’enquête dont il a été question dans l’introduction de ce travail. On a l’impression première que les professeurs mettent dans les compétences ce qu’ils souhaitent y voir, et qui leur semblerait conforme à leurs conceptions des mathématiques à enseigner. Un professeur en parle cependant volontiers et c’est pour souligner sa difficulté à les évaluer, mais c’est le seul (professeur 2). Un autre les attaque avec virulence. Tous les autres n’en parlent pas sauf demande expresse du chercheur, et au cours de l’entretien, ils ne s’attardent pas sur le sujet. Or, nous avons vu que l’influence de la société sur l’école est importante. Et lorsqu’on sait que, selon plusieurs auteurs, la notion de compétence serait issue du monde du travail (Rey, 2009, p. 107), et qu’on remarque que certains programmes de première année du secondaire ont ôté une heure de mathématiques par semaine au profit d’ « activités mathématiques » (où figurent des modules, notamment « exploiter des informations provenant des domaines économique et social », ou encore « utiliser des mathématiques dans des contextes à caractère économique »), on est tenté d’accorder un certain crédit aux réactions de ces professeurs. Alors, leurs réticences ne seraient-elles pas plutôt une cécité d’ordre psychologique ? Ne traduirait-elle pas la volonté délibérée de les ôter coûte que coûte parce qu’elles gênent ?

Il existe un consensus parmi un certain nombre de chercheurs en sciences de l’éducation pour attribuer à la compétence, l’aptitude à effectuer des tâches, généralement nouvelles pour les élèves. En cela, ces compétences affichent la finalité de leur exercice. Dans les réponses obtenues auprès des enseignants, cette particularité n’est guère soulevée, ou alors pour dire que les compétences en mathématiques seront utiles dans d’autres matières, la physique par exemple, ce qui signifie autre chose. Le but d’une tâche en mathématiques ne serait pas de la résoudre mais d’utiliser son résultat ailleurs. Pour la majorité des professeurs dont nous avons observé les leçons, les compétences présentent un caractère de transversalité qui se traduit dans la manière d’affronter les problèmes et de les résoudre- les mots « rigueur, réfléchir, précision » interviennent souvent. Celle-ci serait commune aux différentes branches des mathématiques enseignées. Et certains professeurs estiment que les mathématiques qu’ils enseignent revêtent les mêmes caractéristiques que les autres disciplines (et plusieurs enseignants citent le latin) sur le plan de la formation des élèves.

On pourrait émettre l’hypothèse qu’une raison de cette absence affichée de tâche à effectuer, serait que cette dernière n’existe pas vraiment, ou du moins, faire des mathématiques serait quelque chose qui n’aurait pas de réelle finalité. Une explication à cette conception particulière des compétences pourrait être le fait que les exercices de mathématiques restent immatériels, les applications concernent des objets qui sont des idéalités. Nous verrons dans les conceptions des enseignants ce qu’il en est.

La question du cadrage d’un problème à résoudre n’est guère relevée par les professeurs. Nous avons vu que cadrer une situation, c’est rechercher tous les éléments qui permettent d’effectuer la tâche. Il s’agit de choisir des énoncés, d’observer judicieusement, etc. Cette

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recherche doit permettre de résoudre la tâche, mais on ne sait pas comment cela se produit. Cette activité importante a lieu dans « la boîte noire ». Quand on dit de quelqu’un qu’il est compétent, on estime cette aptitude à partir du résultat obtenu ; et il est difficile de signaler les traits spécifiques de l’individu qui lui ont permis de se montrer compétent. Les travaux de Tomasello indiquent qu’un individu est capable de se rendre compte que l’autre est un être intentionnel, tout comme lui, et qu’il est possible de réaliser dans une certaine mesure, les intentions de l’autre. Lorsque le chercheur a suggéré que montrer en classe que l’enseignant ne trouve pas toujours immédiatement la solution d’un problème ou d’une démonstration n’est pas à faire devant les élèves, les professeurs n’ont pas, ou rarement et de manière très indirecte, évoqué l’idée qu’il serait peut-être intéressant de montrer comment le professeur recherchait une solution à la question qui se pose. Peut-être n’est-ce pas primordial à leurs yeux. Ils ont parfois approuvé cette suggestion, mais en y apportant un autre regard : ils ont le sentiment que c’est l’occasion de mettre l’élève en valeur s’il a trouvé une solution à laquelle le professeur n’avait pas pensé lui-même. À l’opposé, certains professeurs n’apprécient pas de montrer qu’il existe une solution, ou une méthode, à laquelle ils n’avaient pas songé, ce qui les positionnerait, selon eux, dans un état d’infériorité par rapport à leurs élèves. Comment fonctionne cette boîte noire en chacun de nous ? Ryle estime qu’on ne peut saisir que ce qui est effectué concrètement, et dans le cas de la classe, ce qui est exprimé par la parole ou l’écrit. Tout au plus, on peut émettre une interprétation via ces données, de ce que l’élève a pensé (ou comment il a pensé) en établissant une corrélation avec ce qui se passe chez nous-même : les données qu’on fournit ont été pensées par nous, d’une certaine manière, et on peut estimer qu’il en a été de même chez l’élève. Mais on peut se poser la question de la fiabilité de cette interprétation. Elle semblerait plus crédible si une structure existait dans les énoncés du cadre de référence du problème posé, parce que dans ce cas, la réflexion serait dirigée par les liens logiques entre les énoncés. Et il n’est pas certain que cette structure existe dans la tête de l’élève ni même nécessairement dans celle du professeur. Ceci pousserait l’enseignant à s’attacher plutôt à la réponse qu’à la méthode de recherche, ce qui entre en contradiction avec leurs réponses favorables à une certaine transversalité des compétences. Le malaise est sans doute bien réel.

Chez beaucoup de ces professeurs observés, les compétences seraient plutôt rattachées à des compétences transversales. Or, nous avons vu qu’une certaine conception des compétences les rattache à un contenu ; et que ces dernières ne seraient pas transversales. Ou si elles le sont, alors, elles ne concerneraient pas un contenu particulier, et seraient plutôt à caractère épistémologique : apprendre à construire un texte, à raisonner à partir de cela, etc. Dans nos observations, les professeurs s’attachent peu au contenu. Ce qui les intéresse, c’est, selon eux, faire réfléchir les élèves, leur apprendre la rigueur, la précision. Et cela s’oppose à leurs réactions à la suggestion du chercheur proposée ci-dessus de ne pas montrer qu’on ignore la solution d’un problème. La didactique générale passerait, dans leurs conceptions personnelles, avant le contenu dans l’élaboration du cours (ils parlent très peu du contenu dans les entretiens) mais sur le terrain, il en serait autrement. À nouveau, un malaise se fait sentir.

Dans le document Volume 2 : Partie empirique (Page 140-143)