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Comme mentionné précédemment, les analyses qualitatives et quantitatives des programmations annuelles de l’OSQ et de l’OSM de la saison 2000-2001 à la saison 2017-2018 inclusivement nous ont permis d’établir que la pratique du crossover n’est pas un phénomène nouveau chez ces deux institutions. En effet, on retrouve la présence de concerts

crossover tout au long de la période analysée. Toutefois, si les concerts crossover font partie

des programmations annuelles depuis la saison 2000-2001, la pratique n’est certes pas la même du côté de l’OSQ que du côté de l’OSM, du moins jusqu’à une certaine période puisqu’il semble y avoir une convergence de la pratique à partir de la saison 2011-2012. Ainsi, afin d’atteindre notre objectif général de comprendre en quoi la pratique du crossover peut-elle être un vecteur de démocratisation des institutions symphoniques au Québec, plus précisément de l’OSQ et de l’OSM, nous devons d’abord identifier en quoi la pratique respective du crossover de ces deux orchestres diverge et où celle-ci se rejoint. Cette comparaison de la pratique de l’OSQ et de l’OSM nous permettra d’identifier les facteurs d’influence pouvant expliquer les différences observées dans la pratique, ainsi qu’expliquer les raisons communes aux deux orchestres quant au choix d’intégrer cette pratique à leurs programmations annuelles.

2.1.1. Divergence dans la pratique

2.1.1.1. Constance à l’Orchestre symphonique de Québec

Depuis la saison 2000-2001, l’OSQ présente avec constance des concerts crossover au sein de ses programmations annuelles. Si nous excluons les concerts jeunesse et les concerts

crossover présentés en collaboration avec une autre discipline artistique, nous remarquons

plus, l’OSQ accorde une réelle importance à ces concerts crossover depuis les débuts de cette pratique en consacrant des séries de concerts qui puisse leur offrir un espace au sein des programmations : la série Week-ends électrisants Hydro-Québec, existante de la saison 2000-2001 jusqu’à la saison 2007-2008, présentait la majorité des concerts crossover proposés par l’orchestre, suivie de la série Coups de foudre Hydro-Québec qui a repris ce rôle à partir de la saison 2008-2009.

Toutefois, bien que la pratique d’intégrer des concerts crossover au sein des programmations annuelles soit en elle-même constante chez l’OSQ, les types de concerts

crossover proposés ont quant à eux évolués au fil des saisons. En effet, comme mentionné à

la section 1.2.2.2 du chapitre 1, il semble y avoir eu un changement de cap dans le choix des genres musicaux autre que la musique classique présentés à l’orchestre (Figure 1). Par exemple, en ce qui concerne les concerts jazz, blues et swing, ceux-ci ont eu une présence sporadique dans les programmations : de la saison 2005-2006 à la saison 2009-2010 ils ont été complètement absents de l’offre de concerts et depuis la saison 2015-2016 ils ont été à nouveau écartés. De plus, les concerts de musique du monde ont été présents dans une majorité des programmations de la saison 2000-2001 jusqu’à la saison 2012-2013, mais depuis ils ont eux aussi disparus de l’offre de concerts. Par ailleurs, ce changement coïncide avec une présence marquée de concerts « Hommage » depuis la saison 2013-2014 et l’apparition d’une nouvelle tradition à l’OSQ : les concerts « Hollywood ». Ainsi, il semblerait que l’OSQ ait pris une nouvelle tangente et ait modifié son offre de concerts

crossover depuis la saison 2013-2014. Somme toute, la particularité de la pratique du crossover chez l’OSQ réside dans sa constance et sa présence soutenue tout au long de la

période analysée.

2.1.1.2. Nouvelle tangente pour l’Orchestre symphonique de Montréal

Du côté de l’OSM, la pratique du crossover nous est apparue beaucoup moins constante. Le nombre de concerts crossover présentés chaque année varie grandement d’une saison à l’autre et en ce qui concerne les concerts exclusivement musicaux, les saisons 2005-2006 et 2010-2011 n’en ont présenté aucun (Figure 3). L’importance accordée aux concerts

crossover est donc, de façon globale et pour l’ensemble de la période observée, certainement

moindre du côté de l’OSM. De plus, les concerts de musique populaire, qui sont pourtant présents dans la grande majorité des programmations du côté de l’OSQ, n’apparaissent que dans 12 des 18 saisons analysées. En revanche, un type de concerts crossover davantage présents dans les programmations annuelles de l’OSM sont les concerts de Noël. En effet, il s’agit d’une tradition bien ancrée chez cet orchestre. De plus, de cette tradition en est née une nouvelle à la saison 2011-2012 : les concerts avec conte de Noël. Lors de la saison 2011-2012, une première collaboration a été faite avec le chanteur et conteur Fred Pellerin, qui s’est réitérée en décembre 2013 et en décembre 2015. Cette tradition a par la suite été poursuivie avec l’humoriste et conteur Boucar Diouf en décembre 2016 et l’acteur Antoine Bertrand en décembre 2017.

Autrement, nous constatons qu’avant l’arrivée de la série OSM Pop à la saison 2011-2012, l’OSM présentait considérablement moins de concerts crossover de musique populaire. L’orchestre a visiblement pris une nouvelle tangente pour mettre plus de cordes à son arc dans les dernières années.

2.1.2. Similitudes dans la pratique

Les diverges identifiées dans la section précédente mettent en évidence un point de convergence dans la pratique du crossover de l’OSQ et de l’OSM. En effet, dès la saison 2013-2014, du côté de l’OSQ, nous avons remarqué un changement de direction selon lequel l’orchestre semble avoir bonifié son offre de concerts de musique populaire. Les concerts « Hommage » deviennent récurrents, de même que les concerts de musique de film (les concerts « Hollywood ») sont renouvelés chaque saison depuis la saison 2015-2016. De plus, l’orchestre présente une proportion de concerts crossover exclusivement musicaux considérablement plus élevée lors de la saison 2011-2012. Le constat est le même du côté de l’OSM : la musique populaire occupe désormais une place qui lui est réservée dans le cadre de la série OSM Pop depuis la saison 2011-2012.

Depuis les dernières années, il semble donc qu’il y ait eu une intensification de la pratique tant du côté de l’OSQ que le l’OSM, comme nous l’indique les nouvelles tangentes que les deux orchestres ont adoptées. De plus, nous constatons que depuis les dernières saisons – depuis la saison 2013-2014 du côté de l’OSQ et depuis la saison 2011-2012 du côté de l’OSM – il y a une forte présence d’artistes particulièrement populaires auprès d’un jeune public. Par exemple, l’OSQ a présenté des concerts en collaboration avec Patrick Watson (2013-2014), Louis-Jean Cormier (2014-2015) et Alex Nevsky (2017-2018), en plus des

concerts « Hollywood » (2015-2016 ;2016-2017 ; 2017-2018). L’OSM a quant à lui présenté

des concerts avec entre autres Rufus Wainwright (2011-2012), DJ Champion (2012-2013), Adam Cohen et Cœur de Pirate (2013-2014), Les Trois Accords et Mika (2014-2015), Ariane Moffat (2016-2017), et Koriass et Half Moon Run (2017-2018). Avec ces concerts, il semble évident que l’OSQ et l’OSM ciblent directement les jeunes pour les attirer dans les salles de concert. Ces concerts permettent entre autres de créer un premier contact, une première initiation aux concerts symphoniques dans l’objectif de non seulement les voir comme spectateur·rice·s pour ces soirs de concerts, mais aussi afin de les inciter à revenir par la suite pour un ou plusieurs autres concerts symphoniques. Nous reviendrons dans les sections suivantes sur les motifs des orchestres d’intégrer des concerts crossover à leur programmation, mais mentionnons que l’intégration des concerts de musique populaire précédemment mentionnés correspond à cette volonté d’attirer le public, dans le cas présent un jeune public, afin de renouveler celui-ci à long terme. Par conséquent, si au début de la période analysée les raisons qui poussent l’OSQ et l’OSM à intégrer des concerts crossover à leur programmation pouvaient être différentes, il est fort à parier qu’elles se rejoignent à partir du point de convergence observé à la saison 2011-2012.

2.2. Facteurs d’influence sur le développement de cette pratique