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La pratique du crossover au sein de l'Orchestre symphonique de Québec et de l'Orchestre symphonique de Montréal : entre stratégie marketing et démocratisation culturelle

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Academic year: 2021

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(1)

La pratique du

crossover

au sein de l'Orchestre

symphonique de Québec et de l'Orchestre symphonique

de Montréal : entre stratégie marketing et

démocratisation culturelle

Mémoire

Laura Trottier

Maîtrise en musique - musicologie - avec mémoire

Maître en musique (M. Mus.)

(2)

La pratique du crossover au sein de l’Orchestre

symphonique de Québec et de l’Orchestre

symphonique de Montréal :

Entre stratégie marketing et démocratisation culturelle

Mémoire

Laura Trottier

Sous la direction de :

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Résumé

En tenant compte que la démocratisation culturelle a été établie comme l’un des piliers de la première politique culturelle du Québec, Notre culture, notre avenir (Ministère des Affaires culturelles 1992), ce mémoire aborde le phénomène des concerts crossover symphoniques – concerts hybrides intégrant un élément d’un autre genre musical aux concerts symphoniques (Brackett 1994) – chez les institutions symphoniques au Québec, à partir des exemples de l’Orchestre symphonique de Québec (OSQ) et de l’Orchestre symphonique de Montréal (OSM). L’objectif de ce mémoire est de comprendre la portée socioculturelle de cette pratique, au-delà de sa fonction de stratégie marketing utilisée pour attirer les publics à court terme afin de pallier les difficultés financières accentuées par une baisse de fréquentation des institutions symphoniques. Dans un premier temps, ce mémoire présente un portrait global de la présence de concerts crossover au sein des programmations annuelles de l’OSQ et de l’OSM depuis ce qu’il nous apparaît comme le début de cette pratique, soit la saison 2000-2001, jusqu’à la saison 2017-2018 inclusivement et, dans un deuxième temps, propose des facteurs contribuant aux variantes et aux constantes identifiées, de même qu’au point de convergence de la pratique observée tant à l’OSQ qu’à l’OSM. Finalement, ce mémoire propose une réflexion sur la pratique observée et de son évolution, à la lumière de notre compréhension de la notion de démocratisation culturelle (Bellavance 2002) dans un contexte où les habitudes et pratiques culturelles des publics sont davantage marquées par des caractéristiques d’omnivorité culturelle (Peterson 1992). Au final, cette réflexion permettra de comprendre en quoi le crossover, tel que pratiqué par l’OSQ et l’OSM depuis la saison 2000-2001, peut être un vecteur de démocratisation culturelle pour les institutions symphoniques au Québec.

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Abstract

Taking into account that cultural democratization was established as one of the pillars of Quebec's first cultural policy, Notre culture, notre avenir (Ministère des Affaires culturelles 1992), this thesis addresses the phenomenon of crossover symphony concerts - hybrid concerts integrating an element of another musical genre within a symphony concert (Brackett 1994) – among Quebec symphony institutions, based on the examples of the Orchestre symphonique de Québec (OSQ) and the Orchestre symphonique de Montréal (OSM). The aim of this thesis is to understand the socio-cultural scope of this practice, beyond its marketing strategy function used to attract short-term audiences in order to overcome the financial difficulties accentuated by a decrease in attendance of symphony institutions. Firstly, this thesis presents an overall picture of crossover concerts within the OSQ and OSM annual programming since when it appears to be the beginning of this practice, that is, the 2000-2001 season up to and including the 2017-2018 season and, secondly, suggests factors contributing to the variables and constants identified, as well to the convergence point of the practice observed both at the OSQ and OSM.Finally, this thesis proposes a reflection on this practice and its evolution, in light of our understanding of the notion of cultural democratization (Bellavance 2002) in a context where the habits and cultural practices of the public are more marked by characteristics of cultural omnivority (Peterson 1992). The aim of this reflection is to understand how crossover as practiced by the OSQ and OSM since the 2000-2001 season can be a vehicle of cultural democratization for Quebec’s symphony institutions.

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Table des matières

Résumé ... ii

Abstract ... iii

Table des matières ... iv

Liste des figures ... vii

Liste des tableaux ... viii

Liste des sigles ... ix

Remerciements ... x Introduction ... 1 Problématique ... 3 État de la question ... 3 Crossover ... 4 Sociologie du goût ... 8 Problème ... 13 Objectifs ... 15 Cadre théorique ... 16 Omnivorité ... 16

Action et démocratisation culturelles ... 17

Action culturelle ... 17

Démocratisation culturelle ... 17

Méthode ... 19

Chapitre 1 ... 20

Analyses qualitatives et quantitatives des programmations de concerts officielles : les cas de l’OSQ et de l’OSM ... 20

1.1. Orchestre symphonique de Québec : 18 saisons analysées ... 22

1.1.1. Analyse qualitative des programmations de concerts de la saison 2000-2001 à la saison 2017-2018 ... 22

1.1.2. Analyse quantitative des programmations : portrait de la situation ... 24

1.1.2.1. Présence des concerts crossover dans les programmations ... 24

1.1.2.2. Analyses détaillées ... 26

1.1.2.2.1. Catégories de concerts crossover ... 26

1.1.2.2.2. Concerts crossover exclusivement musicaux... 27

1.1.2.2.3. Concerts crossover avec des artistes québécois·e·s ... 31

(6)

1.1.4. Les concerts jeunesse ... 36

1.1.5. Conclusion partielle ... 36

1.2. Orchestre symphonique de Montréal : 18 saisons analysées ... 37

1.2.1. Analyse qualitative des programmations de concerts de la saison 2000-2001 à la saison 2017-2018 ... 38

1.2.2. Analyse quantitative des programmations : portrait de la situation ... 39

1.2.2.1. Présence des concerts crossover dans les programmations ... 40

1.2.2.2. Analyses détaillées ... 42

1.2.2.2.1. Catégories de concerts crossover ... 42

1.2.2.2.2. Concerts crossover exclusivement musicaux... 43

1.2.2.2.3. Concerts crossover avec des artistes québécois·e·s ... 47

1.2.3. Les séries de concerts ... 48

1.2.4. Les concerts jeunesse ... 52

1.2.5. Conclusion partielle ... 53

Chapitre 2 ... 54

Analyse de la pratique : Comparaison, facteurs d’influence et objectifs ... 54

2.1. Comparaison des deux cas à l’étude : l’OSQ et l’OSM ... 55

2.1.1. Divergence dans la pratique... 55

2.1.1.1. Constance à l’Orchestre symphonique de Québec ... 55

2.1.1.2. Nouvelle tangente pour l’Orchestre symphonique de Montréal ... 56

2.1.2. Similitudes dans la pratique ... 57

2.2. Facteurs d’influence sur le développement de cette pratique ... 58

2.2.1. Facteurs incitant à la pratique ... 58

2.2.1.1. Difficultés financières ... 58

2.2.1.2. Baisse des publics ... 61

2.2.1.3. Conclusion partielle ... 63

2.2.2. Facteurs explicatifs : Différence observée entre la pratique de l’OSQ et de l’OSM ... 65

2.2.2.1. Situation financière des orchestres ... 65

2.2.2.1.1. Budgets des orchestres symphoniques... 66

2.2.2.1.2. Subventions gouvernementales ... 67

2.2.2.1.3. Partenaires ... 67

2.2.2.2. Directions artistiques ... 71

(7)

2.2.2.4. Importance des programmations ... 73

2.2.2.5. Offre et « surproduction » culturelles ... 74

2.3. Au-delà de la stratégie marketing : que cherchent ces orchestres symphoniques ?75 2.3.1. Attirer et renouveler le public ... 76

2.3.1.1. Varier l’offre de concerts ... 78

2.3.1.2. Se rapprocher du public ... 81

2.3.1.3. Présenter une nouvelle image ... 82

2.3.2. Action menant à la démocratisation culturelle ... 83

2.4. Conclusion partielle ... 85

Chapitre 3 ... 87

Démocratisation culturelle dans un contexte d’omnivorité des publics ... 87

3.1. Démocratisation des institutions ... 88

3.1.1. La démocratisation culturelle comme axe de la politique culturelle de 1992 ... 89

3.1.2. Financement étatique ... 91

3.1.2.1. Justifier les subventions des sociétés d’État ... 92

3.2. Crossover comme outils de démocratisation ... 93

3.2.1. Publics omnivores ... 95

3.3. Limites de la démocratisation... 100

3.4. Conclusion partielle ... 102

Conclusion ... 103

Bibliographie ... 108

Annexe 1 – Statistiques des programmations de concerts annuelles de l’OSQ et de l’OSM, de la saison 2000-2001 à la saison 2017-2018... 119

Annexe 2 – Concerts jeunesses ... 121

Annexe 3 – Statistiques de concerts crossover selon les trois critères d’identification ... 122

Annexe 4 – Statistiques de concerts crossover, en fonction du type de concerts, présentés par l’OSQ de la saison 2000-2001 à la saison 2017-2018 ... 124

Annexe 5 – Concerts crossover présentés à l’OSQ et l’OSM de la saison 2000-2001 à la saison 2017-2018 selon six catégories générales ... 128

Annexe 6 - Évolution des principales catégories de concerts crossover exclusivement musicaux présentés à l’OSQ de la saison 2000-2001 à la saison 2017-2018 ... 133

(8)

Liste des figures

Figure 1. Histogramme présentant l’ensemble des concerts crossover exclusivement musicaux selon les six catégories générales, présentés par l’OSQ de la saison 2000-2001 jusqu’à la saison 2017-2018. ... 30 Figure 2. Séries de concerts présentant la majorité des concerts crossover à l’OSQ de

la saison 2000-2001 à la saison 2017-2018. ... 33 Figure 3. Histogramme présentant l’ensemble des concerts crossover exclusivement

musicaux selon les six catégories générales, présentés par l’OSM de la saison 2000-2001 jusqu’à la saison 2017-2018. ... 46 Figure 4. Séries de concerts présentant la majorité des concerts crossover à l’OSM de

la saison 2000-2001 à la saison 2017-2018. ... 50 Figure 5. Affiche pour la série de concerts OSM Pop lors de la saison 2017-2018

(OSM). ... 52 Figure 6. Évolution de l’offre de concerts de musique populaire à l’OSQ de la saison

2000-2001 à la saison 2017-2018. ... 133 Figure 7. Évolution de l’offre de concerts « Hommage » à l’OSQ de la saison

2000-2001 à la saison 2017-2018. ... 133 Figure 8. Évolution de l’offre de concerts de musique de film à l’OSQ de la saison

2000-2001 à la saison 2017-2018. ... 134 Figure 9. Évolution de l’offre de concerts de musique jazz/blues/swing à l’OSQ de la

saison 2000-2001 à la saison 2017 2018. ... 134 Figure 10. Évolution de l’offre de concerts de musique du monde à l’OSQ de la saison

2000-2001 à la saison 2017-2018. ... 134 Figure 11. Évolution de l’offre de concerts de musique de Noël à l’OSQ de la saison

2000-2001 à la saison 2017-2018. ... 134 Figure 12. Évolution de l’offre de concerts de musique populaire à l’OSM de la saison

2000-2001 à la saison 2017-2018. ... 134 Figure 13. Évolution de l’offre de concerts « Hommage » à l’OSM de la saison

2000-2001 à la saison 2017-2018. ... 134 Figure 14. Évolution de l’offre de concerts de musique de film à l’OSM de la saison

2000-2001 à la saison 2017-2018. ... 134 Figure 15. Évolution de l’offre de concerts de musique de jazz/soul/R&B à l’OSM de

la saison 2000-2001 à la saison 2017-2018. ... 134 Figure 16. Évolution de l’offre de concerts de musique du monde à l’OSM de la saison

2000-2001 à la saison 2017-2018. ... 134 Figure 17. Évolution de l’offre de concerts de musique de Noël à l’OSM de la saison

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Liste des tableaux

Tableau 1. Tableau présentant le nombre total de concerts et de représentations présentés dans les programmations officielles à l’OSQ depuis la saison 2000-2001 jusqu’à la saison 2017-2018. ... 119 Tableau 2. Tableau présentant le nombre total de concerts et de représentations

présentés dans les programmations officielles à l’OSM depuis la saison 2000-2001 jusqu’à la saison 2017-2018. ... 120 Tableau 3. Tableau présentant le nombre total de concerts jeunesse présentés à l’OSQ

et l’OSM depuis la saison 2000-2001 jusqu’à la saison 2017-2018. ... 121 Tableau 4. Tableau présentant les concerts crossover présentés par l’OSQ, de la saison

2000-2001 à la saison 2017-2018, selon les catégories définies des critères d’identification. ... 122 Tableau 5. Tableau présentant les concerts crossover présentés par l’OSM, de la saison

2000-2001 à la saison 2017-2018, selon les catégories définies des critères d’identification. ... 123 Tableau 6. Tableau présentant les différents types de concerts crossover présentés par

l’OSQ, de la saison 2000-2001 à la saison 2017-2018. ... 124 Tableau 7. Tableau présentant les différents types de concerts crossover présentés par

l’OSM, de la saison 2000-2001 à la saison 2017-2018. ... 126 Tableau 8. Concerts crossover présentés par l’OSQ de la saison 2000-2001 jusqu’à la

saison 2017-2018 regroupés par catégories générales. ... 128 Tableau 9. Concerts crossover présentés par l’Orchestre symphoniques de Montréal de

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Liste des sigles

CALQ Conseil des arts et des lettres du Québec

DPMQ Développement des publics en musique au Québec

MAC Ministère des Affaires culturelles

MCC Ministère de la Culture et des Communications

OCCQ Observatoire de la culture et des communications du Québec

OBNL Organisme à but non lucratif

OSM Orchestre symphonique de Montréal

OSQ Orchestre symphonique de Québec

(11)

Remerciements

J’aimerais d’abord offrir mes remerciements les plus sincères à ma directrice de recherche, la professeure Sophie Stévance, qui a su m’épauler tout au long de mon parcours et qui m’a aidée à accomplir cet objectif par ses conseils et ses questionnements.

Je souhaite de plus remercier Cécile Testud, coordonnatrice marketing de l’Orchestre symphonique de Québec, ainsi qu’Anne-Marie Lozier, archiviste et coordonnatrice des chœurs de l’Orchestre symphonique de Montréal, pour leur précieuse collaboration.

Je tiens également à remercier le Conseil de recherches en sciences humaines du Canada (CRSH) pour la bourse d’études m’ayant été octroyée ; ce soutien a été plus que bénéfique pour la réalisation de ce mémoire. De même, je souhaite remercier l’Observatoire interdisciplinaire de création et de recherche en musique – Université Laval (OICRM-ULaval) ainsi que la Faculté de musique de l’Université Laval pour leur soutien financier important dans le cadre de déplacements à différents colloques qui m’ont permis de partager les fruits de cette recherche. Dans le même ordre d’idée, j’aimerais remercier la Fondation SOCAN/MusCan, ainsi que la Société québécoise de recherche en musique (SQRM) pour leur reconnaissance envers mon travail de recherche et les généreuses bourses qui m’ont été offertes.

De plus, j’aimerais remercier tout spécialement ma famille pour leur présence, leur confiance et leur soutien indéfectible tout au long de mon cheminement et pour chacun de mes choix. Enfin, je remercie du fond du cœur Victor, pour sa compréhension, sa patience et son calme précieux durant le processus de rédaction.

(12)

Introduction

Le milieu de la musique classique semble faire face, depuis plusieurs années, à une baisse généralisée de fréquentation des publics, un manque d’assiduité de la part des publics, en plus de difficultés quant au renouvellement de ceux-ci, entre autres en raison du vieillissement du public de la musique classique et de la baisse de popularité de la culture classique auprès de la jeunesse (Weber 1975 ; Flanagan 2012). C’est aussi ce que laisse suggérer la situation de faillite qu’ont rencontrée de nombreuses institutions symphoniques aux États-Unis et au Canada (Adams 2002 ; Crimmins 2011 ; Wakin 2011). Au Québec, bien que le taux d’assistance des sorties au concert classique ait généralement oscillé autour de 13% de 1979 à 1999 (Garon 2004 : 13 ; Garon & Santerre 2004 : 176), il n’en demeure pas moins que la culture classique demeure l’apanage de la population plus âgée, contribuant ainsi au vieillissement du public et aux problèmes de renouvellement des publics. De plus, il y a 15 ans déjà, Garon & Santerre identifiaient que le « vieillissement de la population et la décroissance démographique » (2004 : 180) allaient amplifier le phénomène et mener à un problème criant de fréquentation des publics. Par ailleurs, selon les statistiques de fréquentation des arts de la scène de 2017 de l’Observatoire de la culture et des communications du Québec (OCCQ), seulement 58 % des billets des concerts classiques et d’opéra avaient été vendus et 8,6 % de l’assistance avait obtenu un billet de faveur (OCCQ 2018 : 8). En 2016, le taux d’occupation moyen aux concerts de musique classique et d’opéra n’était que de 66,7 % (OCCQ 2017 : 7) et, d’ailleurs, le taux d’occupation aux concerts de musique classique et d’opéra n’a jamais dépassé la barre des 66,8 % depuis l’automne 2003 (OCCQ 2005a).

Ces statistiques relèvent chez les institutions de musique classique la diminution de la fréquentation des publics dont la principale conséquence est de générer des difficultés financières importantes. Certains organismes culturels à vocation musicale tentent donc de développer différentes stratégies pour approcher, attirer et renouveler leur public. Parmi les stratégies observées, nous retrouvons le crossover, pratique selon laquelle un élément musical voyage d’un genre musical à un autre (Brackett 1994). Cette pratique a pour avantage d’avoir la capacité de plaire à un plus vaste public puisque les concerts crossover présentent des caractéristiques musicales des deux genres musicaux fusionnés. Dans le présent mémoire

(13)

de maîtrise, c’est le phénomène du crossover en tant que rencontre de la musique populaire et de la musique classique qui suscite notre intérêt. Ce mémoire porte donc sur le phénomène du crossover tel que pratiqué par les institutions de musique classique, comme les orchestres symphoniques de Québec et de Montréal.

La pratique du crossover en musique classique est un phénomène à la popularité grandissante depuis les années 1980 dans le monde de la musique classique (Jackaway 1999 ; Dimond 2012 ; Newell & Newell 2014 ; Fryer 2014). Au Québec, les Orchestres symphoniques de Québec et de Montréal ont aussi emboîté le pas dans cette pratique en proposant désormais, au sein de leurs programmations annuelles respectives, chacun des concerts de nature crossover. Donnons en exemple les collaborations de l’Orchestre symphonique de Québec (OSQ) avec les chanteurs Patrick Watson (2013) et Louis-Jean Cormier (2014 ; 2016) et de l’Orchestre symphonique de Montréal (OSM) avec Fred Pellerin (2011 ; 2013 ; 2015) et DJ Champion (2012). Il en va de même pour l’Opéra de Montréal qui s’est prêté au jeu en mars 2017 en présentant l’opéra Another Brick in the Wall, inspiré de l’univers musical de Roger Waters, du groupe Pink Floyd. Dans le même ordre d’idée, l’Orchestre de Jeux vidéo (OJV), fondé à Montréal en 2008, présente spécifiquement un répertoire issu des trames sonores de jeux vidéo. Cette pratique du crossover semble être une stratégie marketing intéressante pour plusieurs organismes proposant et diffusant de la musique classique afin d’atteindre un public plus large que le public habituel ou amateur de musique classique. Toutefois, bien que le crossover soit principalement présenté comme une stratégie marketing ou un phénomène d’hybridation musicale menant à la création d’un nouveau genre, sa pratique au Québec semble être le reflet d’un phénomène allant au-delà des préoccupations économiques, car il cherche à donner au public un accès plus important à la musique classique. En effet, la présence de concerts de nature crossover dans les programmations annuelles de l’OSQ et de l’OSM, deux des principaux orchestres symphoniques au Québec, suggère que le phénomène s’inscrit, peu à peu, dans les traditions de concerts au Québec. À ce propos, dans le cadre de ce mémoire nous avons considéré ces deux institutions comme étant d’un plus grand intérêt étant donné qu’il s’agit des deux plus anciennes institutions symphoniques au Québec – l’Orchestre symphonique de Québec ayant été fondé en 1902 et l’Orchestre symphonique de Montréal étant actif depuis 1934 – et

(14)

qu’elles proposent un nombre élevé d’activités1. Cette pratique pourrait, selon nous, être le reflet d’un phénomène socioculturel selon lequel le public québécois renoue avec les institutions de musique classique par le biais de ces concerts crossover. L’objectif de ce projet de recherche est, par conséquent, de comprendre la pratique du crossover chez les institutions symphoniques au Québec et d’observer si sa pratique, en tant que stratégie marketing, aurait mené à un phénomène de rapprochement entre le public et les institutions de musique classique que sont l’OSQ et l’OSM, donc à une démocratisation culturelle de ces orchestres symphoniques, dans la mesure où cette dernière se veut accroître l’accessibilité de la culture au plus grand nombre possible et où le crossover crée des ponts entre des sphères culturelles dichotomisées, soit la culture classique et populaire dans le cas présent.

Problématique

État de la question

La littérature concernant le phénomène du crossover se fait de plus en plus abondante. En effet, de nombreuses recherches se consacrant à la rencontre des genres musicaux, tous genres confondus, dans un contexte d’émergence de nouveaux genres et de glissement des habitudes de « consommation » culturelles des publics en cohésion avec les changements sociaux et sociétaux concomitants à certaines périodes précises (p. ex. : l’émergence du rock’n’roll à la fin des années 1940 aux États-Unis (Garofalo 2002)) ont été réalisées et publiées. De plus, l’évolution des genres musicaux, tout comme le développement des goûts musicaux des publics, étant intrinsèquement reliée aux groupes sociaux et à leurs habitudes et pratiques culturelles propres2, la sociologie de la culture occupe une place importante dans la littérature portant sur les genres musicaux, dont l’hybridation des genres qu’est le

crossover. Ainsi, afin de bien saisir l’essence du contexte d’émergence du phénomène du crossover au sein des programmations de concerts des orchestres symphoniques au Québec,

plus précisément à l’OSQ et à l’OSM, il nous a été essentiel de dépouiller, en premier lieu,

1 De plus, en raison de la période d’activité prolongée de ces deux orchestres, il est possible de proposer des

facteurs ayant contribué à l’évolution de l’offre de concerts de ces institutions au fil du temps.

2 Nous verrons toutefois, à la lumière de la littérature, que les caractéristiques culturelles des différentes groupes

sociaux tendent à dépasser les frontières de ceux-ci (Peterson 1992; Peterson & Simkus 1992; Peterson & Kern 1996; Lahire 2004; Reeves 2018).

(15)

la littérature sur le crossover, puis, en second lieu, la littérature portant sur la sociologie du goût dans le but de comprendre l’évolution des goûts culturels et des pratiques culturelles ayant contribué à l’émergence du crossover en musique, comme le crossover classique, rencontre de la musique classique et de la musique populaire.

Crossover

La littérature sur le crossover est vaste, puisque le terme « crossover » englobe l’ensemble des « hybridations » musicales allant de la musique jazz à la musique populaire, en passant par la musique traditionnelle et la musique classique, nonobstant l’origine sociale et culturelle de ces genres musicaux. David Brackett, professeur de musicologie à l’Université McGill à Montréal, a grandement contribué à la compréhension de cette pratique, sans égard à son contexte d’émergence et aux genres musicaux concernés. Ses recherches portant sur la relation entre les catégories musicales et sociales, Brackett a consacré un premier article en 1994 à la question du crossover, « The Politics and Practice of "Crossover" in American Popular Music, 1963 to 1965 », dans lequel il présente l’histoire et la définition du terme

crossover et de ses concepts. Bien que Brackett ne soit pas le premier auteur à se pencher

sur la question du crossover (p. ex. : « Crossing over with Ruben Blades », Randel 1991),il permet de mieux saisir l’étendue de cette pratique. De plus, dans son plus récent ouvrage,

Categorizing Sound : Genre and Twentieth-Century Popular Music (2016), Brackett revient

sur la notion de crossover et identifie clairement les implications et répercussions de cette pratique : la mobilité sociale, la formation de nouvelles audiences et les « alliances » sociales, de même que le changement de perception, au sein même du milieu de la musique, des genres musicaux (Brackett 2016 : 26). Brackett fait aussi état de la diffusion et de la popularisation du terme crossover dans plusieurs sphères médiatiques (p. ex. : la télévision), voire même quotidiennes (p. ex. : les voitures crossover comme les véhicules utilitaires sport) (Brackett 2016 : 280). Ainsi, Brackett offre une lecture complète du phénomène du crossover tel qu’intégré dans les différents aspects de notre société et reflété dans la musique par l’hybridation des genres musicaux (1994 ; 2016).

Dans la même lignée de mélange des genres, Reebee Garofalo, dans « Crossing Over : From Black Rhythm & Blues to White Rock and Roll » (2002), étudie le cas de la

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transformation musicale du rhythm & blues issu des communautés afro-américaines, jusqu’à en devenir le rock’n’roll américain. Pour ce faire, Garofalo cherche à comprendre comment les changements sociaux amorcés aux États-Unis dès les années 1940 ont eu des répercussions sur les mélanges culturels. En effet, à cette époque, la population afro-américaine affirme davantage son identité culturelle et fait un pied de nez à la population blanche américaine en développant sa propre musique ; cela entraîne l’adoption d’éléments culturels propres à l’autre communauté de part et d’autre. Ce faisant, le contexte social deviendra alors propice au développement du crossover dans le monde de la musique, puisque ce dernier permet l’apparition d’un nouveau genre musical où chacune des communautés y trouve « son compte ». Enfin, en étudiant davantage le développement de l’accessibilité à l’éducation pour l’ensemble de la population américaine à partir des années 1940, il serait sans doute possible de voir une connexion entre l’analyse de Garafalo (2002) et les observations sur les liens entre la tolérance politique, sociale et culturelle, et l’éducation de Bryson (1996), dont nous discuterons plus loin.

John F. Szwed s’est aussi penché sur le crossover aux États-Unis dans le contexte particulier du métissage culturel entre les communautés blanches et afro-américaines. Dans son ouvrage Crossovers: Essays On Race, Music, And American Culture (2005), il traite des liens entre l’expressivité culturelle et l’identité sociale en étudiant des contextes où un genre musical s’est implanté dans un milieu culturel étranger, comme l’apparition de la musique afro-américaine en Finlande au 19e siècle. En observant ces phénomènes, il recule jusqu’à l’origine même du phénomène du crossover. Szwed apporte une meilleure compréhension de la proximité et la perméabilité des frontières culturelles qui mènent à un mélange culturel, voire une certaine réappropriation culturelle. Toutefois, en se concentrant davantage sur les mélanges ethniques dans cet ouvrage, l’auteur n’éclaire pas le phénomène du crossover lorsque celui-ci touche deux genres musicaux qui sont associés à un même groupe ethnique, par exemple la musique classique et la musique populaire américaine, toutes deux appréciées par les communautés blanches américaines (et autres communautés et groupes ethniques).

Outre les observations du phénomène en tant qu’hybridation des genres, plusieurs recherches ont été effectuées sur les utilisations pratiques du crossover. Ainsi, dans son

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mémoire « Country Culture and Crossover: Narrative Representations of Gender and Genre Through Lyric, Music, Image, and Staging in Carrie Underwood's Blown Away Tour » (2016), Krisandra Ivings décrit comment la chanteuse Carrie Underwood utilise le

crossover pour construire le discours narratif de ses chansons. L’auteure y analyse comment

Underwood reprend des éléments musicaux spécifiques à différents genres musicaux afin de mieux soutenir ses propos sur la sexualité et les genres. Bien que sa musique corresponde davantage à une esthétique musicale country, en y intégrant des éléments issus de la musique pop et de la musique rock, Underwood parvient à renforcir la complexité narrative de son discours. Le travail de Ivings permet donc de mettre en lumière que le crossover s’inscrit aussi comme un outil à la création et à la construction musicale, sans nécessairement mener à la création d’un nouveau genre. Toutefois, celui-ci aborde principalement la question de la représentation de ces mélanges – pop, rock et country – dans la musique, les paroles et l’image, comment la notion de genres et la sexualité est représentée dans la musique d’Underwood et en quoi la musique d’Underwood pour contribuer à mieux comprendre et redéfinir la notion de genres. Ivings présente son travail selon un angle davantage axé sur la théorie des genres que sur la notion de public et des conséquences de cette pratique sur le type de publics qu’Underwood attire avec sa musique (Ivings 2016 : 11).

Autrement, Kimberly Dimond s’est aussi penchée sur les utilisations pratiques du

crossover. Pour sa part, elle a observé le phénomène lorsqu’utilisé en tant que stratégie

marketing. Dans son mémoire de maîtrise « From Mozart to Madonna: Mainstream Music Crossover in Classical Repertoire » (2012), elle ratisse les orchestres symphoniques aux États-Unis ayant intégré à leurs programmations des concerts de nature crossover à des fins de stratégies marketing. Elle analyse donc le cas d’orchestres, comme le Chicago Symphony Orchestra et le Philadelphia Orchestra, qui se sont associés à des artistes du milieu de la musique populaire ou qui ont intégré de la musique populaire à leur répertoire pour tenter de faire face à la baisse de fréquentation des publics qui entraîne une baisse de revenus significative. De plus, elle fait état des Pops Orchestras qui sont des orchestres classiques, comme le Boston Pops Orchestra actif depuis 1885, mais dont le répertoire est consacré à la production de concerts de musique populaire. Par son projet de recherche, elle démontre que le crossover est une stratégie efficace pour approcher un plus large public dans le milieu de

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la musique classique aux États-Unis. Cependant, elle n’explique pas les éléments de la réussite de cette pratique. L’auteure en conclue donc que le crossover est populaire et permet d’attirer le public, mais n’observe pas davantage le phénomène en tant que pont entre les institutions de musique classique américaines et leur public.

De son côté, Paul Fryer explore lui aussi le phénomène du crossover dans le milieu de la musique classique, plus particulièrement dans le monde de l’opéra. Son ouvrage Opera

in the Media Age: Essays on Art, Technology and Popular Culture (2014) couvre onze

aspects qui touchent l’adaptation nécessaire du milieu de l’opéra pour préserver sa place dans les cotes de popularités et ainsi intégrer la culture populaire. On y retrouve entre autres l’essai de Christophe Newell et George Newell, « Opera Singers as Pop Stars : Opera Within the Popular Music » (2014), dans lequel les auteurs étudient différents cas de chanteurs d’opéra, tels Luciano Pavarotti et Placido Domingo, ayant pratiqué le crossover pour diverses raisons au cours de leur carrière et ayant rencontré un succès important à la suite de cette pratique, au point de devenir de véritables « pop stars ». Ce qui différencie l’ouvrage de Fryer des ouvrages précédemment mentionnés, c’est qu’il apporte un point de vue particulier, observant le crossover entre autres comme une stratégie marketing qui permet à l’opéra de subsister parmi la culture de masse et l’industrie de la musique. De plus, comme Fryer étudie spécifiquement le cas de l’opéra, il permet une meilleure compréhension du phénomène du

crossover dans un contexte où un genre musical s’adapte à une époque et un courant plutôt

qu’à un groupe culturel spécifique.

Aux termes de ce qui précède, on constate que certains aspects de la pratique du

crossover n’ont pas encore été couverts. Par exemple, bien que Brackett ait grandement

contribué à la réflexion du crossover comme phénomène social, sa contribution ne s’étend pas au crossover classique, où les motivations et les implications sous-jacentes à cette pratique sont, à notre avis, différentes que dans un contexte de métissage ethnique et culturel. De plus, les exemples mentionnés dans la littérature portant sur le crossover sont, pour la majorité des cas, issus du milieu musical aux États-Unis ; à notre connaissance, la pratique du crossover au Québec, plus particulièrement le crossover symphonique dans le cas de ce mémoire, n’a pas encore fait l’objet d’une étude. Bien que les pratiques culturelles et les

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rapports entre les organismes à vocation musicale et le public soient à l’étude (p. ex. : Partenariat sur les publics de la musique3), aucune recherche n’a centré son intérêt sur le phénomène spécifique du crossover. Pourtant, il s’agit d’une pratique qui gagne en popularité et qui fait indéniablement déplacer le public jusqu’aux salles de concert.

Sociologie du goût

Parmi les auteurs en importance dans le domaine de la sociologie de la culture, Pierre Bourdieu, dans son ouvrage La Distinction. Critique sociale du jugement (1979), suggère que l’individu détient du « capital culturel », qui serait déterminé en fonction de la classe sociale à laquelle il appartient. À travers ce qu’il définit comme étant le « champ culturel », espace dans lequel l’auteur classe les domaines culturels allant du « moins légitime » au « plus légitime », Bourdieu fait la distinction entre les domaines culturels nobles et moins nobles, imposant ainsi à la culture une hiérarchie inhérente à celle des classes sociales. Il établit donc la sociologie du goût comme une sociologie de la domination. Cette dichotomisation des goûts, que l’auteur qualifie de « pur » ou « barbare », repose sur l’idée du capital culturel déterminé en fonction de l’« habitus ». Cet habitus est le contexte social dans lequel un individu évolue dès son enfance, déterminant sa classe sociale, donc ses goûts et son capital culturel. Ainsi, en insistant sur la distinction entre les classes sociales et le goût « pur » ou « barbare », Bourdieu suggère que le capital culturel est plus élevé pour un individu faisant acte de « snobisme culturel » ; le goût pour les domaines culturels légitimes, ou purs, dont fait partie la musique classique, est donc recherché et valorisé par le principe de capital culturel. Par le fait même, dans le domaine musical, la théorie de Bourdieu apporte une certaine explication à la distinction nette qui se fait entre la musique classique, ou savante, et la musique populaire. Un goût exclusif pour la musique classique, donc restrictif à l’égard du goût « illégitime », serait alors valorisé ; pour avoir un capital culturel élevé, il faut raffiner ses goûts et tendre vers les arts « purs ».

3 Le Partenariat sur les publics de la musique (P2M) est un projet regroupant des partenaires du milieu de la

recherche et des partenaires issu∙e∙s du milieu de la pratique artistique, dont l’objectif est de 1- « comprendre les dynamiques qui régissent le rapport entre les publics et les musiques » et 2- « élaborer de nouvelles

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Cependant, ce « capital culturel » élitiste ne cadre pas avec le phénomène de crossover qui s’est développé dans le milieu de la musique classique occidentale depuis le début des années 1980. En effet, la popularité de ce phénomène vient, en quelque sorte, infirmer la validité du « snobisme culturel » exclusif, puisque le crossover est davantage une pratique d’inclusion culturelle intégrant une plus vaste gamme de genres culturels, qui semblaient auparavant stratifiés selon une hiérarchie. Ainsi, la théorie avancée par Bourdieu ne semble plus être en cohésion avec la situation actuelle dans le monde de la culture et c’est pourquoi d’autres auteurs, tel le sociologue Richard A. Peterson, l’ont reprise pour construire, à partir du concept de « capital culturel », la théorie de l’« omnivorité » (Peterson 1992).

Les recherches de Peterson apportent un regard différent sur la compréhension des divisions sociales déterminées en fonction du goût, puisqu’elles permettent un prolongement de la sociologie de Bourdieu, sans toutefois déconstruire l’idée de capital culturel. L’article « Understanding audience segmentation: From elite and mass to omnivore and univore » (1992) de Peterson repose sur la distinction des classes telle que présentée par Bourdieu, mais démontre comment cette distinction s’est transformée avec la mutation des classes sociales. Tout en reprenant l’idée de « snobisme culturel », que l’auteur qualifie désormais d’« univorité », Peterson (1992 ; 2004) démontre que le capital culturel n’est plus exclusif, mais inclusif. En effet, ce n’est plus la sélectivité culturelle – le goût pour la culture classique ou populaire – qui détermine le capital culturel, mais la diversité des goûts culturels. Ainsi, un capital culturel élevé est redéfini comme étant l’« omnivorité », en opposition à l’univorité, qui est désormais représentative d’un faible capital culturel. C’est dans le cadre de cette omnivorité que le phénomène du crossover se situe. Effectivement, en fusionnant des genres musicaux de différentes origines, dans le cas présent la musique classique et la musique populaire, le crossover offre au public un résultat musical qui ne correspond pas à l’esthétique culturelle d’un genre ou de l’autre seulement, mais à une esthétique qui est le reflet de l’ensemble des genres utilisés par une pratique du crossover. Ainsi, le crossover correspond davantage à l’idée d’appréciation culturelle inclusive plutôt qu’exclusive. Ce phénomène musical, qui consiste en une fusion des genres, crée donc un pont entre les mondes de la musique classique et de la musique populaire et réussit à attirer le public qui fait partie de cette nouvelle génération de public omnivore, amateur d’un plus large éventail

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de formes culturelles. Le concept d’omnivorité est donc important dans la compréhension du développement du phénomène du crossover, qui semble être le résultat direct de ce glissement du snobisme intellectuel vers l’omnivorité et, surtout, du changement de la nature des classes sociales, principalement la classe élitiste qui s’accroît depuis les années 1950 (Parakilas 1984). Par conséquent, cette omnivorité demeure, comme le capital culturel, un marqueur de distinction sociale par le goût, selon lequel l’élite se distingue en fonction de son appréciation élargie des différentes formes culturelles.

Faisant suite à la proposition de Peterson (1992) de redéfinir le capital culturel comme étant ce qu’il qualifie d’omnivorité, plusieurs auteurs, tant dans le domaine de la sociologie que de la musicologie ou des arts en général, ont repris cette théorie et l’ont confirmée par le biais de leurs recherches. Peterson a lui-même publié de nombreux articles depuis 1992 se consacrant aux changements sociaux affectant le goût culturel, principalement les changements majeurs observables par l’apparition de nouvelles classes sociales aux États-Unis (Peterson et Simkus 1992). De plus, l’intérêt pour le sujet est tel que Peterson fait état, dans son article « Le passage à des goûts omnivores : notions, faits et perspectives » (2004), de pas moins d’une trentaine de chercheurs provenant de douze pays s’étant penchés sur les « nouveaux goûts » des individus au statut social élevé. Bien que le concept d’omnivorité ait été d’abord observé aux États-Unis, Peterson démontre ainsi qu’il s’agit d’un phénomène présent dans l’ensemble de la culture occidentale. Les recherches dont il fait état ont été réalisées en Allemagne, en Australie, en Autriche, en Belgique, au Canada, en Espagne, aux États-Unis, en France, en Israël, aux Pays-Bas, au Royaume-Uni et en Suède.

Toujours aux États-Unis, Bethany Bryson, dans « "Anything But Heavy Metal": Symbolic Exclusion and Musical Dislikes » (1996), utilise les données recueillies par le General Social Survey (1993) afin d’établir un lien entre les goûts, le racisme et le libéralisme démocratique. Ce faisant, Bryson contredit l’idée de Bourdieu (1979) selon laquelle l’exclusivité musicale et les goûts sont déterminés en fonction d’un habitus et, implicitement, par l’éducation. En analysant les données recueillies, Bryson constate un rapprochement entre la tolérance politique et sociale, et la tolérance culturelle. Selon ses observations, une

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meilleure éducation permet une plus grande tolérance à la fois politique, sociale et culturelle. Cette tolérance observée rejoint le concept d’omnivorité de Peterson (1992) puisqu’elle démontre d’une ouverture à une plus grande variété d’éléments culturels aux origines diverses - ouverture facilitant l’appréciation de cette gamme d’éléments culturels plus étendue - tout comme l’omnivorité se veut un capital culturel au spectre plus large. Bryson vient donc confirmer l’hypothèse de Peterson (1992) voulant que le goût pour une plus grande diversité culturelle soit davantage recherché que le « snobisme culturel » de Bourdieu (1979). Par sa recherche, Bryson permet une compréhension et une observation concrète du phénomène mis en lumière par Peterson (1992). Ainsi, une corrélation entre l’éducation, la tolérance politique et la tolérance culturelle est observable, et cette tolérance culturelle est représentative de la nouvelle « palette » de goûts des consommateurs et incite à de nouvelles propositions artistiques qui viennent englober l’ensemble des goûts culturels. Ces consommateurs aux goûts plus étendus font partie de cette nouvelle génération de « publics omnivores » dont l’apparition coïncide avec le développement du phénomène du crossover, qui se veut une fusion entre des genres musicaux distincts et associés à différents groupes ou statuts sociaux. Cette coïncidence suppose que le crossover puisse être une conséquence directe de l’émergence de ce nouveau public omnivore.

Toutefois, un facteur important dans le développement du crossover, en plus du changement des classes sociales, est la proximité de celles-ci et la perméabilité des frontières entre les groupes sociaux. Bryson suggère de plus que les goûts auparavant associés à l’élite font toujours partie d’un capital culturel élevé puisque ce serait l’élite et la bourgeoisie, ou la classe moyenne, qui aurait étendu ses goûts, tout en conservant les éléments culturels qui lui étaient associés (1996). La proximité de l’élite avec différents groupes culturels et sociaux et cette « nouvelle » tolérance culturelle seraient des facteurs favorisant le développement d’un capital culturel omnivore et la pratique du crossover. Peterson a, de son côté, précisé que bien qu’il s’agisse d’une généralité, l’omnivorité serait en fait attribuable à tout individu ayant des goûts diversifiés, sans que le goût pour un certain genre culturel en particulier ne soit un prérequis pour un capital culturel élevé (Peterson 2004). Ainsi, contrairement à ce qu’avance Bryson selon quoi la culture de l’élite ferait partie d’un capital culturel omnivore, l’omnivorité s’appliquerait sans discrimination quant à l’origine des éléments culturels

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considérés et faisant l’objet de l’omnivorité (Peterson 2004). En revanche, si le rapprochement entre des goûts omnivores et le crossover semble évident, il faut comprendre que le phénomène du crossover s’étend bien au-delà du croisement de la musique classique avec un autre genre musical. Le phénomène s’observe tout autant entre deux genres musicaux issus de la musique populaire qui fusionnent et génèrent un nouveau genre. D’ailleurs, une grande partie de la littérature sur le sujet traite du crossover musical aux États-Unis où le

crossover s’observe, entre autres, entre les genres musicaux afro-américains et la musique

populaire américaine des communautés blanches.

En complément à la théorie de l’omnivorité de Peterson (1992), Bernard Lahire émet quant à lui certaines réserves relativement aux « professionnels de la culture qui, aujourd’hui, conçoivent et réalisent leurs produits à partir d’une formule génératrice telle que le mélange

des genres » (2004 : 29) qui émane du « discours sur l’éclectisme » des goûts. En effet, dans

son ouvrage La culture des individus : Dissonances culturelles et distinction de soi (2004), Lahire aborde l’ouverture face à l’appréciation d’une plus vaste gamme de formes culturelles des individus davantage du point de vue des « variations intra-individuelles des comportements culturels » (2004 : 29). Cette nuance permet de comprendre les différents facteurs d’influence qui interagissent entre eux et qui tendent à modifier le goût des individus selon, par exemple, l’appartenance sociale, l’origine culturelle, l’éducation, les relations personnelles ou encore le milieu de travail d’un individu. Ainsi, bien que le goût d’un individu soit influencé par son habitus (Bourdieu 1979) de même que son groupe social (Peterson 1992), ce premier tend à se modifier au cours de la vie de l’individu.

Enfin, sans traiter de la notion de goût spécifiquement, James Parakilas s’est intéressé au concept de popularité d’un genre auprès du public, plus spécifiquement de la fluctuation de différentes formes de popularité de la musique classique au fil du temps. Dans son article « Classical music as popular music » (1984), il se penche sur le fait que la musique classique ait déjà été de la musique dite « populaire », mais qu’avec le temps les goûts musicaux de la « masse populaire » ont évolué. Ce sont donc différents facteurs qui donnent aujourd’hui une certaine popularité à la musique classique parmi la culture de masse. D’abord, selon l’auteur, nous pouvons constater la popularité de la musique classique par sa simple présence dans les

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médias et les nouvelles formes d’utilisation que l’on en fait. Nous pouvons donner en exemple la présence de musique classique comme musique de fond dans certains commerces qui choisissent délibérément cette musique pour créer un caractère plus « chic », plus « élégant » à leur établissement, la musique classique en guise de trame sonore pour des publicités de produits commerciaux afin de vendre à une clientèle spécifique des produits apparaissant ainsi plus luxueux, ou encore la musique classique utilisée comme easy

listening, c’est-à-dire écoutée dans une situation où l’on y prête peu d’attention et qui ne sert

que de « bruit de fond » à l’activité en cours. Enfin, toujours selon Parakilas, l’accroissement de la classe élitiste, considérée comme le public cible de la musique classique, augmenterait la popularité de celle-ci, tant de façon quantitative que qualitative. En effet, Parakilas note que la classe élitiste, jadis principale consommatrice de musique classique, est plus grande que jamais et que ce déplacement de la classe élitiste dans la société implique un changement dans la hiérarchie des goûts et que les goûts de cette nouvelle classe sociale deviennent davantage la norme, donc plus populaires. Ainsi, la plus grande diffusion de la musique classique provoque une certaine perte d’identité : certaines pièces classiques sont tellement entendues qu’elles en perdent leur statut de musique classique tant elles sont populaires.

Problème

La présente recherche porte donc sur le phénomène du crossover, défini comme étant le résultat d’un élément musical voyageant d’un genre ou palmarès musical distinct vers un autre genre différent (Brackett 1994). Cette pratique, dans le milieu de la musique classique, est souvent présentée comme étant une stratégie marketing pour développer le public. D’ailleurs, plusieurs orchestres, particulièrement aux États-Unis où il semble y avoir une prolifération de la pratique du crossover (Dimond 2012), utilisent cette pratique pour tenter d’approcher un nouveau public, et par le fait même augmenter le taux d’assistance à leurs concerts afin de remédier à des problèmes financiers qui menacent par ailleurs plusieurs institutions de faillite (Flanagan 2012). Les recherches sur le phénomène du crossover, qui se font de plus en plus nombreuses, démontrent l’importance de celui-ci et la popularité d’une telle pratique (p. ex. : Stanbridge 2007; Dimond 2012 ; Fryer 2014). De plus, la littérature sur le crossover en tant que phénomène d’hybridation musicale où des éléments musicaux

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provenant de genres musicaux distincts se fusionnent pour en devenir un nouveau genre musical en soi est vaste (p. ex. : Garofalo 2002 ; Swzed 2005 ; Brackett 1994 ; 2016).

Enfin, au Québec, l’équipe de recherche du Développement des publics en musique

au Québec (DPMQ), nouvellement nommé Partenariat sur les publics de la musique (P2M),

étudie les rapports entre les organismes culturels à vocation musicale et les publics. Ce travail est intéressant puisqu’il veut promouvoir la culture de la musique au Canada et développer, en termes quantitatifs, les publics. Cependant, il n’explore pas la nature en tant que telle des programmations de concerts où le crossover semble avoir droit de cité, ni la réalité socioculturelle du phénomène lorsque celui-ci affecte la musique classique. Plus encore, aucune recherche ne permet, à notre connaissance, de saisir les enjeux de ce phénomène par-delà sa valeur commerciale, ni dans ce qu’elle nous indique sur le rapport de la société québécoise avec les institutions de musique classique.

Ainsi, à la lumière de ce qu’il ressort de la littérature sur le sujet, nous constatons donc que malgré l’ensemble des études réalisées sur le phénomène du crossover, aucune ne nous permet de comprendre la nature de la pratique du crossover par les orchestres symphoniques, et quelle place ce phénomène occupe au sein des pratiques culturelles et des rapports entre le public et les organismes culturels à vocation musicale classique au Québec. De cette façon, les études réalisées jusqu’à présent ne permettent pas de saisir si le phénomène du crossover, au-delà de la seule stratégie marketing, ne relèverait pas en fait une pratique socioculturelle représentative d’un rapprochement et d’une réappropriation culturelle de la société québécoise avec ses institutions de musique classique. Ainsi, jusqu’à quel point est-il question d’une stratégie marketing visant à pallier les difficultés financières des institutions musicales classiques ? Car si cette pratique se veut a priori être un moyen d’augmenter les revenus provenant de la vente de billets, il n’en demeure pas moins qu’elle contribue à une diversification des programmations de concerts, rendant alors les orchestres symphoniques plus accessibles culturellement à un plus vaste public. De plus, il est important de noter que les orchestres symphoniques sont notamment subventionnés par le Ministère de la Culture et des Communications (MCC), doté d’une politique culturelle visant à mettre en œuvre des actions de démocratisation culturelle. De ce fait, à quels critères « d’accès des

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citoyens à la vie culturelle » de la politique culturelle de 1992 (Ministères des Affaires culturelles 1992) les directions artistiques doivent-elles répondent ? Comment cette pratique pourrait-elle être une adaptation esthétique nécessaire de la part des orchestres afin de s’adapter aux goûts et à la demande d’un public amateur d’une plus grande variété de genres musicaux ? Comment le crossover contribue-t-il à assurer une place à la musique classique sur le marché de la musique, compte tenu d’une « surproduction » dans l’offre culturelle (Garon & Santerre 2004) ? La présente recherche s’articulera donc autour de cette question plus générale : dans quelle mesure le crossover pourrait-il alors se faire le chantre d’une démocratisation de la musique classique et de ses institutions symphoniques au Québec ?

Par conséquent, ce projet de recherche est important pour le développement des connaissances relatives au phénomène du crossover au Québec, puisqu’il permet de mieux comprendre les rapports entre la société québécoise et les institutions de musique classique et quels facteurs, dans le cas du crossover plus particulièrement, incitent le public à retourner dans les salles de concert et à reprendre contact avec les institutions de musique classique. De plus, une meilleure compréhension du phénomène du crossover au Québec permettra de mettre en lumière l’adaptation nécessaire des institutions de musique classique en fonction des possibles changements chez le public. C’est-à-dire qu’ainsi nous pourrons mieux comprendre comment le changement de la nature du public, ayant des goûts plus vastes et moins « élitistes » qu’auparavant, soit un public « omnivore » tel que décrit par Peterson (1992), implique des changements dans le répertoire choisi et présenté par les orchestres symphoniques au Québec.

Objectifs

Les objectifs de cette recherche sont donc de : 1- faire ressortir une pratique (analyse quantitative), soit le crossover, en fonction du cadre d’analyse des théories sur les classes sociales et le goût émises par Bourdieu et Peterson (analyse qualitative); 2- mieux comprendre, à la lumière de la notion de l’omnivorité la manière dont le crossover sert d’outil pour l’OSQ et l’OSM au service de leurs rapports avec les publics (analyse qualitative); 3-

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participer au développement du savoir en identifiant de manière précise la notion de « démocratisation culturelle » mise de l’avant par la politique culturelle (renouvelée en 2018) au Québec telle qu’elle s’exerce chez les institutions symphoniques au Québec, plus particulièrement l’OSQ et l’OSM (analyse qualitative). Enfin, en quoi cette stratégie marketing pourrait-elle s’inscrire, de façon consciente ou non, comme une action menant à la démocratisation culturelle de ces institutions ? Et jusqu’à quel point le crossover correspond-il à un phénomène socioculturel contribuant à la pérennité des institutions symphoniques dans le paysage culturel québécois ?

Cadre théorique

Omnivorité

À travers le concept de l’« omnivorité » tel que suggéré par Peterson (1992), nous observerons le phénomène du crossover pratiqué par les institutions de musique classique au Québec, comme les orchestres symphoniques de Québec et de Montréal. Cette omnivorité est identifiée comme une nouvelle forme de capital culturel qui se veut « une aptitude à apprécier l’esthétisme propre à une vaste gamme de formes culturelles, qui englobent les arts mais aussi toute une série d’expressions populaires et folkloriques » (Peterson 2004 : 159). En opposition à ce concept d’omnivorité, Richard A. Peterson et Albert Simkus ont aussi proposé l’« univorité » pour désigner le « snobisme culturel » qui, selon la théorie du goût de Pierre Bourdieu (1979), était considéré comme une forme de capital culturel. Ainsi, cette théorie de l’omnivorité se veut un prolongement de la sociologie du goût - voire une sociologie de la domination - établie par Bourdieu, proposant une nouvelle définition de ce qui pourrait être qualifié de « capital culturel élevé ». Par conséquent, cette théorie de l’omnivorité prend davantage en compte les différents facteurs sociodémographiques, à même d’avoir un impact sur les goûts culturels d’un individu, sur l’évolution de ceux-ci au cours de la vie et du changement d’environnement de l’individu. Le phénomène du crossover, mariant musique classique et musique populaire, semble apparaître dans la lignée d’un public plus omnivore. En effet, le crossover crée un pont entre ces mondes de la musique classique et populaire pour attirer cette nouvelle cohorte de publics omnivores, alors disposée à apprécier le résultat des deux genres musicaux fusionnés. En quoi cette culture omnivore

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permet-elle alors de comprendre le crossover, phénomène d’hybridation musicale, dans le cas particulier des orchestres symphoniques au Québec ? Le concept d’omnivorité développé par Peterson s’applique au changement de goût observé chez le public et la nouvelle forme de capital culturel que celui-ci entretient, en plus d’expliquer la popularité et l’intérêt pour ces concerts crossover en tant que rencontre de la musique populaire et de la musique classique.

Action et démocratisation culturelles

Afin de bien saisir en quoi cette pratique de crossover pourrait s’inscrire comme une action menant à la démocratisation culturelle des orchestres symphoniques, il est important de définir ici ce que nous entendons par action et démocratisation culturelle.

Action culturelle

D’abord, l’action culturelle peut être déclinée, comme le mentionne Jocelyne Lamoureux dans son article « L’action (ou animation) culturelle dans la Cité : État des lieux au Québec » (2004), selon trois conceptions idéologiques : 1- le développement culturel ; 2- la démocratisation culturelle ; et 3- la démocratie culturelle. Selon nous, la pratique du

crossover correspondrait à une action culturelle. Certes, cette pratique correspond à une

stratégie marketing à court terme pour apporter un revenu supplémentaire à l’organisme par le biais de la vente de billets. Toutefois, nous pouvons clairement dégager de cette pratique une volonté de développer, d’attirer et de familiariser à la musique classique, particulièrement aux orchestres symphoniques, un public qui autrement ne fréquenterait pas ces institutions. Il y a donc une idée, à moyen et long terme, de développement culturel à travers un développement des publics.

Démocratisation culturelle

En tenant compte de cette volonté de développement des publics pour les orchestres symphoniques, il semblerait que cette action culturelle ait une visée de démocratisation

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culturelle. D’ailleurs, Guy Bellavance, dans « Démocratisation culturelle et actions locales » (2002) y énonce les trois conceptions de la culture et de l’objet de démocratisation :

1- Classique-élitiste, qui cherche à rendre accessible au plus grand nombre possible les œuvres majeures du patrimoine artistique ;

2- Populiste, qui cherche à favoriser la participation des citoyens à la vie culturelle ; 3- Capitaliste-fonctionnaliste, qui incite à la consommation culturelle afin de

développer les marchés culturels.

Ainsi, en tenant compte de ces trois conceptions et en dégageant ce qui semble être les deux objectifs principaux de cette pratique, il apparait que le crossover comme action menant à la démocratisation semble répondre, en réalité, de deux de ces conceptions, soit

classique-élitiste et capitaliste-fonctionnaliste. D’un côté, on cherche à rendre accessible

culturellement une institution classique et catégorisée comme élitiste, et de l’autre côté on cherche à convaincre un « consommateur », ou le séduire, pour qu’il choisisse ces concerts, plutôt qu’une autre activité culturelle parmi toute l’offre à laquelle il a accès.

De plus, dans le rapport d’étude De la démocratisation de la culture à la démocratie

culturelle (MCC 1999), on y établit trois caractéristiques correspondant à la démocratisation

de la culture telle qu’elle apparaît dans les politiques culturelles : 1- sensibilisation ; 2- éducation ; 3- développement. Il s’agit là de trois caractéristiques tout autant attribuables aux institutions de musique classique au Québec, considérant l’ensemble des actions mises sur pied par entre autres l’OSQ et l’OSM pour s’assurer une « existence » financière et culturelle.

Ainsi, dans quelles limites une analyse quantitative des programmes de concert nous permettrait-elle de parler d’une pratique établie, voire d’une démocratisation des orchestres symphoniques au Québec ? À la lumière de ces définitions, comment une analyse qualitative du phénomène contribuerait-elle à comprendre le crossover comme une pratique destinée à satisfaire les goûts d’un public omnivore ?

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Méthode

La méthode proposée s’articule entre deux types d’approches, quantitative et qualitative, qu’elle fait dialoguer.

1- Analyse qualitative : identification de la nature de chacun des concerts pour en dégager les concerts crossover parmi l’ensemble des concerts proposés au sein des programmations de l’OSQ et de l’OSM depuis la saison 2000-2001, selon les critères préalablement établis. Cette première étape permettra d’observer si la théorie de l’omnivorité se reflète par une diversification de l’offre de concerts de ces deux institutions ;

2- Analyse quantitative : a) identification du nombre de concerts crossover au sein des programmations de l’OSQ et de l’OSM afin d’identifier le début de cette pratique et connaître l’espace qu’occupent ces concerts dans les programmations ; b) identification du nombre de concerts crossover de musique populaire parmi l’ensemble de concerts crossover observés. Cette seconde étape permettra de mettre en lumière la présence plus ou moins marquée des concerts de musique populaire offerts par l’OSQ et l’OSM, contribuant à la démocratisation culturelle de ces institutions.

Une fois les données qualitatives et quantitatives récoltées et analysées, nous brosserons un portrait précis de la pratique du crossover au sein de ces deux orchestres symphoniques et en dégagerons les constantes et les variantes de cette pratique, tout en considérant les situations géo-démographiques contrastantes de ces deux orchestres symphoniques. Ainsi, nous serons en mesure de mieux comprendre dans quelle(s) mesure(s) ces orchestres symphoniques se sont tournés vers cette pratique (plutôt qu’une autre), quels sont les processus motivationnels face à cette pratique, et en quoi celle-ci rejoint les goûts du public selon la notion de l’omnivorité. De plus, cette mise en lumière de la situation nous permettra de mieux comprendre la portée des politiques culturelles, à la lumière de la notion de démocratisation culturelle, sur les décisions des directions artistiques des orchestres symphoniques. La notion d’omnivorité appliquée au Québec justifierait-elle l’engouement pour le crossover au sein des orchestres symphoniques ?

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Chapitre 1

Analyses qualitatives et quantitatives des programmations de concerts

officielles : les cas de l’OSQ et de l’OSM

Dans ce premier chapitre, il s’agira avant tout de procéder à une analyse qualitative des programmations officielles de la saison 2000-2001 jusqu’à la saison 2017-2018 inclusivement de l’OSQ et de l’OSM. Notre objectif est de déterminer la nature – classique ou crossover – de chacun des concerts proposés au sein des programmations étudiées. Ensuite, nous procéderons à une analyse quantitative des résultats obtenus à la suite de l’analyse qualitative dans le but de connaître les statistiques relatives à la présence de concerts crossover au sein des programmations sous analyse. Cette analyse nous permettra de connaître l’espace exact occupé par les concerts crossover au sein des programmations annuelles de l’OSQ et de l’OSM au cours des 18 dernières saisons, ainsi que l’évolution de l’offre de concerts crossover.

Afin de mieux comprendre le phénomène d’intégration de concerts de musique populaire au sein des programmations officielles des orchestres symphoniques au Québec, il a été nécessaire de déterminer les orchestres symphoniques faisant l’objet de l’étude de cas, ainsi que la période de temps observée. Bien que plusieurs orchestres symphoniques au Québec présentent aujourd’hui un répertoire allant au-delà du cadre du répertoire symphonique traditionnellement présenté par un orchestre symphonique – par exemple l’Orchestre métropolitain ou encore l’Orchestre de jeux vidéo –, l’OSQ et l’OSM ont retenu notre attention. En effet, ces deux institutions sont essentielles pour cette recherche puisqu’elles sont deux des plus anciennes institutions symphoniques au Québec – l’OSQ ayant été fondé en 1902 et l’OSM étant actif depuis 1934 – et qu’elles proposent un nombre élevé d’activités. En raison de la période d’activité prolongée de ces deux orchestres, il est donc possible de faire apparaître des facteurs ayant contribué à l’évolution de l’offre de concerts de ces institutions au fil du temps, jusqu’à proposer des concerts de musique populaire. En outre, il s’agit de deux orchestres piliers des deux villes en importance au Québec d’un point de vue démographique. De plus, dans le cadre des subventions accordées pour « Soutien à la mission » par le Conseil des arts et des lettres du Québec (CALQ), il

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s’agit des deux orchestres symphoniques ayant bénéficié des subventions les plus importantes en date du 19 juillet 2017 : 8 555 550$ ont été accordés à l’OSM, 1 987 500$ à l’OSQ. Il s’agit d’un financement substantiel et considérablement plus important que pour les autres orchestres symphoniques subventionnés par cet organisme gouvernemental. Nous reviendrons sur cet aspect comme faisant partie des facteurs contribuant au phénomène d’intégration de la musique populaire au sein des orchestres symphoniques au chapitre 2 de ce mémoire.

En ce qui concerne la période de temps observée, il nous est apparu nécessaire de couvrir une période suffisamment longue afin de bien saisir l’évolution de cette pratique au cours des dernières années, tout en s’assurant que la période de temps débutait à ce qui nous semblait correspondre aux débuts de cette pratique. De plus, il était essentiel que la période de temps n’excède pas la période couverte par la dernière politique culturelle du Québec de 1992, Notre culture, notre avenir (MAC 1992). En effet, comme l’objectif de ce mémoire de maîtrise est de mieux comprendre en quoi l’intégration de concerts de musique populaire chez les orchestres symphoniques permettrait de mener à la démocratisation culturelle de ces institutions, il est essentiel que la période d’observation n’excède pas le cadre de cette politique dont l’un des trois grands axes est, justement, « l’accès et la participation des citoyens à la vie culturelle » (MAC 1992), soit la démocratisation culturelle. Par conséquent, la période d’analyse déterminée s’étend de la saison 2000-2001 à la saison 2017-2018, tant pour l’OSQ que pour l’OSM. Il a été déterminé d’établir la saison 2000-2001 comme limite antérieure puisqu’il s’agit de la saison à partir de laquelle l’OSM a présenté ses premiers concerts de musique populaire. En effet, lors d’une première lecture des brochures de saisons officielles constituant notre corpus, nous avons remarqué que l’OSM a intégré à sa programmation une série de concerts dédiée entre autres à la musique populaire à la saison 2000-2001. Ainsi, comme il s’agissait d’un point charnière dans le cas de l’OSM, la même limite temporelle a été appliquée pour l’OSQ afin de rendre la comparaison des deux cas à l’étude possible.

Les données utilisées pour les analyses qualitatives et quantitatives des programmations annuelles de l’OSQ et de l’OSM ont été recueillies à partir des brochures

Figure

Figure 1. Histogramme présentant l’ensemble des concerts crossover exclusivement musicaux selon les six catégories  générales, présentés par l’OSQ de la saison 2000-2001 jusqu’à la saison 2017-2018
Figure 2. Séries de concerts présentant la majorité des concerts crossover à l’OSQ de la saison 2000-2001 à la saison 2017- 2017-2018
Figure 3. Histogramme présentant l’ensemble des concerts crossover exclusivement musicaux selon les six catégories  générales, présentés par l’OSM de la saison 2000-2001 jusqu’à la saison 2017-2018.
Figure 4. Séries de concerts présentant la majorité des concerts crossover à l’OSM de la saison 2000-2001 à la saison  2017-2018
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