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2.2. Facteurs d’influence sur le développement de cette pratique

2.2.1. Facteurs incitant à la pratique

2.2.1.2. Baisse des publics

Dans un rapport du Ministère de la Culture et des Communications du Québec (MCC) publié en 2004, les auteurs Rosaire Garon et Lise Santerre faisaient état d’un déclin de la culture classique et de ses pratiques, comme la fréquentation d’institution musicale classique. Au Québec, bien que le taux d’assistance des sorties au concert classique reste relativement constant (Garon 2004 : 13 ; Garon & Santerre 2004 : 176), il n’en demeure pas moins que la culture classique demeure l’apanage de la population plus âgée, contribuant ainsi au vieillissement du public et aux problèmes de renouvellement des publics. De plus, comme

nous venons de le mentionner, la baisse de fréquentation des publics est un des problèmes qui affectent le bon fonctionnement des orchestres symphoniques, puisqu’une diminution du public entraîne une baisse de revenus attribuables à la vente de billets.

En 2016, la question du public était pressante du côté de l’OSQ. Dans une entrevue accordée au journaliste Yves Leclerc pour le Journal de Québec (2 février 2016), le président du conseil d’administration de l’OSQ, Jean-Yves Germain, affirmait que l’orchestre avait « besoin de 60 000 spectateurs par année » (Leclerc 2016) alors qu’il n’en avait que 40 000 au moment de l’entrevue. M. Germain précisait d’ailleurs que le fonctionnement de l’orchestre serait difficile, dans les saisons à venir, « si [l’orchestre] n’augmente pas [ses] revenus de billetterie » (Leclerc 2016). L’institution devait alors augmenter de 50% le nombre de spectateur∙rice∙s pour s’assurer un revenu suffisant provenant de la vente de billets. Dans le même article, on mentionne aussi que le taux de fréquentation, en 2016 à l’OSQ, n’était que de 65%19. Il s’agit d’une situation critique qui nécessite des actions importantes pour remonter la pente et pour attirer le public, comme proposer des concerts et des événements qui susciteront l’intérêt du plus grand nombre possible de spectateur∙rice∙s : par exemple, les concerts crossover.

Pour ce qui est de l’OSM, nous ne sommes pas en mesure d’affirmer si l’orchestre est encore aux prises ou non avec un problème de diminution de la fréquentation des publics actuellement, mais il est clair que depuis le début de notre période d’analyse pour ce mémoire, soit de la saison 2000-2001 à la saison 2017-2018, l’orchestre a fait face à d’importants problèmes de fréquentation des publics (Cardinal & Lapierre 1999). Somme toute, l’OSM s’est doté d’un Clubs des jeunes ambassadeurs de l’OSM, dont la mission est de « sensibiliser les 34 ans et moins à la musique classique afin de développer une nouvelle génération de mélomanes et de philanthropes » (OSM 2019). Ainsi, bien que la problématique de la diminution des publics n’y soit pas énoncée explicitement, l’objectif de renouvellement du public de l’OSM par l’intermédiaire de ses « jeunes ambassadeurs » n’est pas anodin. Ce club agit comme une occasion de créer une nouvelle habitude auprès de ces jeunes adultes et, par le fait même, permet d’aller chercher une source de revenu

supplémentaire par la vente de billets auprès de ces jeunes qui autrement n’assisteraient peut-être pas aux concerts de l’OSM dans le cadre d’une activité culturelle. Ainsi, si l’OSM cherche à renouveler son public, c’est peut-être signe que celui-ci est vieillissant, comme pour plusieurs orchestres et institutions de la culture classique d’ailleurs, et que le public délaisse peu à peu la salle de concert de cette institution symphonique.

Ces deux exemples illustrent l’importance du renouvellement du public, tant chez l’OSQ que chez l’OSM, devenu une nécessité entre autres raisons du vieillissement du public et d’une diminution de la fréquentation. Par conséquent, ces deux institutions symphoniques sont devant l’obligation de prendre des initiatives et de développer des moyens et des stratégies pour intéresser à nouveau le public aux concerts symphoniques et attirer à nouveau les spectateur·rice·s dans leur salle de concert. Pour convaincre le public de choisir l’orchestre symphonique plutôt qu’une autre offre parmi le vaste paysage culturel, les orchestres symphoniques doivent donc proposer quelque chose allant au-delà de leur habitude, au-delà du concert symphonique traditionnel puisque cette offre nichée ne semble pas attirer suffisamment le public pour répondre aux besoins des institutions. C’est alors que les concerts crossover apparaissent comme une stratégie gagnante pour séduire à nouveau le public en diversifiant l’offre de concerts. Simon Leclerc, chef associé de la série OSM Pop à l’OSM, abonde par ailleurs en ce sens dans une entrevue accordée au journaliste Hugo Pilon-Larose pour La Presse : « Avec la mondialisation et l’internet, les gens ont accès à une impressionnante offre en divertissement. C’est énorme ! Si on veut se démarquer au travers de tout ça, il faut arriver avec des propositions qui sont différentes. Les concerts pop de l’OSM, c’est un peu ça » (La Presse, 29 avril 2017). Cette affirmation vient confirmer la corrélation faite entre les problèmes constants de renouvellement du public et le développement de la pratique du crossover à l’OSQ et à l’OSM. En effet, la pratique apparait clairement comme moyen pour remédier, pour le moins à court et moyen termes, à la baisse généralisée du public auprès des institutions classiques.

2.2.1.3. Conclusion partielle

À la lumière des deux facteurs incitant à la pratique du crossover dont nous venons de faire état, il apparait que les concerts crossover représentent, de prime abord, une stratégie

marketing élaborée dans la même mesure qu’un plan d’urgence pour pallier les problèmes financiers subséquents à la diminution de la fréquentation du public chez les deux orchestres symphoniques observés, l’OSQ et l’OSM. En effet, comme l’ont mentionné Bélanger (2016) et Flanagan (2012), les problèmes financiers des orchestres symphoniques sont récurrents puisque ceux-ci sont dus à la structure et au mode de fonctionnement même des orchestres. Il en coûte de plus en plus cher pour produire les concerts et bien qu’une part du budget des institutions symphoniques relève des subventions gouvernementales, des dons et des commandites, il n’en demeure pas moins que la part du budget provenant de la vente de billets est essentielle au fonctionnement des orchestres. Toutefois, si le public vient à se faire absent, il en résulte une perte de revenus pouvant être considérable et qui doit, dans tous les cas, être comblée. C’est pourquoi, à défaut d’obtenir davantage de subventions gouvernementales, qui sont déjà importantes dans les cas de l’OSQ et de l’OSM, et de commandites de la part des partenaires de saisons, il leur faut développer des stratégies pour que le public se fasse présent à nouveau. Cependant, si les spectateur·rice·s ne répondent pas à l’appel avec l’offre de concerts symphoniques traditionnelle, les institutions doivent proposer des concerts qui sachent susciter leur intérêt, comme les concerts crossover. Ainsi, ces concerts crossover sont sans contredit en premier lieu une stratégie marketing pour attirer le public et combler le manque à gagner financier pour assurer la survie budgétaire des institutions. Toutefois, comme nos analyses l’ont montré, les concerts crossover ne sont pas un ajout récent au sein des programmations annuelles de l’OSQ et de l’OSM, et la longévité de cette pratique, bien qu’elle ne soit pas constante du côté de l’OSM, laisse supposer qu’elle réponde à des motivations allant au-delà de la stratégie marketing. Ainsi, nous proposons que la pratique du crossover chez l’OSQ et l’OSM soit, au-delà de sa fonction de stratégie marketing, une action mise en place afin de viser la démocratisation culturelle de ces institutions. Cependant, avant d’élaborer davantage sur ce point, nous présenterons, à la section suivante, les facteurs pouvant expliquer la différence observée entre la pratique du

2.2.2. Facteurs explicatifs : Différence observée entre la pratique de l’OSQ et de