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3 Quelles compétences pour lire sur internet ?

3.2 La compétence multimodale

Pour lire sur Internet, l’élève doit aussi mobiliser des compétences spécifiques à la lecture et à l’interprétation d’images fixes ou mobiles. Il s’agit donc de maîtriser la signification des composantes de l’image (sémiotique de l’image) et leur rhétorique. Il s’agit pour l’élève de reconnaître et analyser :

- les fonctions d’étayage du texte par l’image ; - la rhétorique de l’image à partir de sa composition ; - le discours idéologique ;

- le contexte de production de l’image.

On remarquera que les trois dernières compétences sont communes à la lecture de textes. Elles sont donc particulièrement intéressantes à observer, et c’est le choix que nous avons fait pour une partie de notre analyse.

L’ensemble de ces compétences se trouvent mises en interaction dès lors que l’internaute se trouve face à un document composé de textes, images fixes ou

88 La compétence multimodale inclut les compétences liées à l’oralité et au langage sonore, qui permettent de de reconnaître, utiliser, interpréter les codes linguistiques, phonologiques et rhétoriques de l'expression orale. Cette compétence n’a pas été mobilisée dans notre travail que nous avons volontairement limité aux compétences strictement liées à la lecture et à l’interprétation de textes et de documents imprimés ou numériques.

mobiles, sons et enregistrements sonores, comportant des hyperliens activables. Lebrun et Lacelle appellent compétence multimodale l’ensemble des capacités qui permettent à l’élève d’être conscient des savoirs et des savoir-faire impliqués par la combinaison des médias en un seul support.

Les médias audiovisuels récents et nouveaux (CDrom, sites, DVD) combinent les codes du langage sonore, ceux de l’image fixe et mobile, ceux du texte par le biais de l’hypertexte, lien matériel, activable par l’utilisateur, pour passer d’un document à l’autre, superposer les documents, les mettre en relation d’une manière ou d’une autre. Au-delà des possibilités techniques que le principe de l’hypertexte offre de mettre en relation des documents, quels qu’ils soient, et des informations, quels que soient les supports, le lieu et le moment de leur production, l’hypertexte contribue à créer des codes spécifiques de lecture ou d’écriture. Lire avec l’hypertexte nécessite d’activer des compétences s’ajoutant à celles que nous avons présentées ci-dessus. Il s’agit pour l’élève de reconnaître et analyser :

- les buts de l'utilisation conjointe des codes -ou fusion des codes- : concurrence, redondance, complémentarité, conjonction ;

- la simultanéité d'utilisation des codes et ses modalités.

Cette compétence extrêmement complexe ne peut être maîtrisée par des élèves de sixième. En revanche, la travailler très tôt permet de s’assurer la formation d’un lecteur critique, analytique et autonome dans ses choix.

Ces informations multimodales peu souvent hiérarchisées et présentant peu de repères topographiques créent encore des difficultés de traitement de l'information, de représentation mentale du contenu observable. Jérôme Dinet89 a mis en évidence, dans le cadre d’un hypertexte construit et fermé –ce qui n’est pas le cas d’Internet-, les compétences, qu’il nomme aussi habiletés, que mobilisent les élèves dans le cadre d’une recherche d’informations90

, compétences également

89

DINET, Jérôme. Chercher des informations dans un hypertexte : quels liens avec les

compétences initiales chez les jeunes apprenants ? disponible sur le site

http://archiveseiah.univ-lemans.fr/EIAH2003/Pdf/n018-40.pdf. Actes du colloque du 15- 16-17 avril 2003, à Strasbourg. Organisé par Environnement Informatiques pour l’Apprentissage Humain, Strasbourg, 2003. 12 pages.

90

Nous appelons « information » tout « extrait de texte ou d’image » pouvant prendre un des sens suivants :

requises pour la lecture d’un texte imprimé. Il évalue trois types de compétences, ce qui ne signifie pas, d’ailleurs, que ce soit les seules à être activées dans ces modalités de lecture :

- Des « compétences intellectuelles » (déterminées à partir du test de QI WISC-III) ;

- des compétences « en détection lexicale et sémantique » qui permettent d’évaluer « certaines dimensions des compétences en lecture- compréhension » et concernent la rapidité de lecture (nombre de mots lus, c’est-à-dire « parcourus des yeux ») par le sujet ; le niveau et la rapidité de compréhension des mots repérés et lus ; le « facteur de régulation gnoso-sémantique qui évalue la compétence attentionnelle en lecture dont peut faire preuve le sujet » ;

- l’empan mnésique non verbal91, capacité mémorielle dont peut faire preuve un sujet à l’égard de couleurs et non de formes (que pourrait représenter les mots par exemple).

La présence de ces compétences affecte essentiellement le temps de recherche des informations dans l’hypertexte. Celui-ci diminue significativement lorsque « le niveau de rapidité de compréhension, les compétences verbales générales, les compétences intellectuelles, le niveau de compréhension verbale » augmente. C’est donc en agissant sur ces compétences spécifiques que l’on peut espérer former de meilleurs lecteurs-chercheurs, si tant est que l’on puisse lier ces deux domaines de lecture. En 2008, Le même chercheur identifie cinq

- « élément de connaissance susceptible d'être représenté à l'aide de conventions pour être conservé, traité ou communiqué » (Larousse, 2011) ;

- « indication, renseignement, précision que l’on donne ou que l’on obtient sur quelqu’un ou quelque chose » (Larousse, 2011);

- « événement, fait, jugement porté à la connaissance d’un public plus ou moins large sous forme d’image, de textes, de discours, de sons » (Larousse, 2011).

91

L’empan mnésique correspond à la capacité à maintenir un certain nombre d’informations en mémoire à court terme pendant une période restreinte de 20 à 30 secondes. Normalement, l’empan moyen est de 7 + ou – 2 éléments (Miller, 1956). L’information est très vulnérable à l’interférence. Aussi, l’empan est influencé par la culture, le contexte, le contenu (il est plus facile par exemple de retenir une série de mots qui forment une phrase plutôt qu’une série de mots qui n’ont pas de lien entre eux). L’âge, le niveau d’éducation et le sexe influent également. Les sujets de sexe masculin seraient plus performants que les sujets de sexe féminin (Grossi, Orsini & al. 1979).

« compétences-pivot », c’est-à-dire « des pré-requis pour la mise en œuvre d’autres compétences » à développer.

1. La capacité à se représenter l’univers d’Internet comme un environnement documentaire, source d’informations et de connaissances. Or pour « de jeunes utilisateurs, le Web équivaut à l’ordinateur », donc ni plus ni moins qu’à un outil à peu près aussi limité et fermé que le livre quel qu’il soit.

2. La capacité à spécifier le besoin informationnel qui permet de hiérarchiser les problèmes, formuler des hypothèses, réviser les stratégies de recherche au fur et à mesure qu’elle se construit.

3. La capacité à choisir, appliquer et « monitorer » une stratégie de recherche ;

4. la capacité à s’approprier personnellement la question et la transformer en besoin d’information ;

5. La capacité à interpréter et personnaliser les nouvelles informations. Cette compétence concerne plus directement notre réflexion, parce qu’elle rejoint directement la compétence de lecture nommée « transformer sa pensée » par Adrienne Gear.

On voit combien ces compétences sont proches de celles qui conditionnent une lecture littéraire. Elles rejoignent en effet les capacités et compétences liée à la conception et à la mobilisation d’images mentales (représentation du web) ; celles qui touchent les stratégies de lecture (sélection d’information) ; d’appropriation d’un univers et de questionnement (interactions avec le texte) et d’interprétation (construction d’une signification personnelle). Faut-il dès lors posséder des compétences spécifiques pour lire sur Internet ?

3.3 Des compétences spécifiques pour la lecture littéraire sur