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Enfin, engager ses publics et les rendre acteurs de la communication pourrait aller jusqu’à abandonner la communication classique qui relève du modèle de la « communication persuasive », pour adopter une « communication engageante ». Ces modèles sont issus de la psychologie sociale qui étudie notamment la manièr e dont les personnes changent de croyances, d’opinions et de comportements. Le modèle de la communication persuasive postule que, pour modifier les comportements, il faut modifier les attitudes (ensembles d’idées et d’affects) qui sous-tendent ou produisent les comportements, et donc utiliser des stratégies communicationnelles de persuasion. Le modèle de la communication engageante remet en cause ce paradigme en affirmant que, pour amener quelqu’un à changer de comportement, il faut faire précéder la diffusion du message persuasif de la

163 Entretiens avec Natalie NIANG, Chargée de la promotion des collections et des services du SCD de l’Université Paris Diderot, le 11 octobre 2018 et Guillemette TROGNOT, Responsable des services au public et de la communication du SCD de l’INSA de Lyon, le 19 juillet 2018.

164 BARTHET, Émilie et BANDIER, Lorine. Tu likes ou tu likes pas? De l’usage professionnel des réseaux sociaux dans les BU Jean Moulin Lyon 3. Ar(abes)ques. 2018, no 91, p.15.

165 Entretien avec Nathalie CLOT, Directrice de la Bibliothèque universitaire d’Angers, le 3 septembre 2018 . Voir aussi les billets de blog : DESGRANGES, Frédéric. On a osé : la fête dans la BU. Dans : BUApro [en ligne]. 13 avril 2015. [Consulté le 13 février 2019]. Disponible à l’adresse : http://blog.univ-angers.fr/buapro/2015/04/13/on -a-ose-la-fete-dans- la-bu/ et CLOT, Nathalie. “Pourquoi viennent-ils ?” De la bibliothèque comme lieu et comme marque. Dans  : BUApro [en ligne]. 24 octobre 2017. [Consulté le 13 février 2019]. Disponible à l’adresse : http://blog.univ- angers.fr/buapro/2017/10/24/pourquoi-viennent-ils/

réalisation par la personne d’un acte engageant afin qu’elle se perçoive comme productrice de son comportement.

Selon les chercheurs Robert-Vincent Joule et Jean-Léon Beauvois, pour qu’une personne produise un acte engageant, il faut : la déclarer libre ; choisir un acte ayant un coût élevé pour la personne et mettre en relief les conséquences de son acte ; rendre l’acte le plus visible possible (en lui donnant un caractère public, en soulignant le caractère explicite de sa signification, en le rendant irrévocable) et éviter toute justification d’ordre externe (menace, récompense)166. En effet, si un comportement est adopté pour obtenir une récompense par exemple, il ne sera pas durable une fois acquise la récompense, ce qui souligne les limites de l’utilisation du jeu pour modifier les comportements. Plusieurs techniques peuvent permettre d’obtenir un acte engageant de la part des personnes visées, comme le pied-dans-la- porte (faire une demande peu coûteuse qui sera facilement acceptée, comme répondre à une enquête, suivie d’une demande plus coûteuse – l’acceptation de la première disposant à accepter la seconde). Les auteurs donnent l’exemple d’une expérience qu’ils ont menée sur un campus universitaire où ils demandaient à un groupe d’étudiants d’arrêter de fumer pendant quelques heures, puis pendant une journée, et à un autre groupe d’étudiants d’arrêter de fumer pendant une journée ; or les individus du premier groupe étaient plus enclins que ceux du second à se priver de tabac pendant une journée. L’engagement s’obtient en outre en rendant la personne actrice de la discussion, en valorisant son action et en cherchant à faire en sorte qu’elle s’identifie à son action.

Cette théorie dite de la soumission librement consentie a pour but d’influer durablement sur les comportements pour de bonnes causes et est mise en œuvre dans des campagnes de communication pour la sécurité routière, la santé publique ou encore l’écologie. En bibliothèque, nous pouvons réfléchir à l’application de la communication engageante pour communiquer par exemple sur les interdits, pour lesquels les injonctions négatives ou les menaces ont peu d’effets et doivent toujours être réitérées. Selon le modèle de la communication engageante, notifier aux usagers un interdit dans un contexte d’engagement a pour conséquence que les personnes en arrivent à moins désirer ce qu’elles se sont abstenues de faire167. De la même manière que pour les nudges dont elle est proche en ses principes, la communication engageante pose des questions d’éthique car même si elle se fonde sur l’affirmation de la liberté des personnes dont on veut voir le comportement modifié, elle donne lieu à la mise en œuvre de techniques de manipulation.

Communiquer de façon efficace nécessite de prendre en compte le facteur contextuel essentiel qu’est la spécificité des publics auxquels on s’adresse, afin de rendre plus favorables les conditions de réception des messages communicationnels. C’est en effet en s’intéressant aux publics, en cherchant à les connaître, à adopter leur point de vue et à les comprendre, qu’on peut savoir à quels messages et quels modes et canaux de communication ils sont le plus attentifs et réceptifs et qu’on peut adapter le discours de la bibliothèque en utilisant un langage et des arguments qui font sens pour eux. La réception de la communication peut également être améliorée en rendant l’usager acteur de la communication, par des actions interactives ou engageantes, par le développement d’un réseau de relations parmi les usagers et par

166 Voir JOULE, Robert-Vincent et BEAUVOIS, Jean-Léon. La soumission librement consentie: comment amener

les gens à faire librement ce qu’ils doivent faire ? Paris : Presses universitaires de France, 2017.

différents en bibliothèque académique

des initiatives visant à nourrir le bouche-à-oreille. Une communication ciblée et orientée-usager ne peut toutefois être pleinement efficace que si elle est opportune, c’est-à-dire si elle est mise en œuvre au bon endroit, au bon moment et si la bibliothèque exploite opportunément son réseau de partenaires.

UNE COMMUNICATION OPPORTUNE : SAVOIR