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Le cas des enseignants-chercheurs : une communication individualisée et personnalisée

S’il nous semble que certains services proposés par les bibliothèques de l’enseignement supérieur pourraient relever du marketing individuel (les services de référence en présentiel ou en ligne ou encore les suggestions d’acquisition), une chose est certaine : les bibliothécaires privilégient la communication individualisée pour une certaine catégorie de publics. En effet, au cours des entretiens que nous avons menés avec des bibliothécaires responsables de la communication, nous avons pu entendre un discours récurrent : la communication à destination des enseignants- chercheurs relève davantage d’une communication individualisée, voire personnalisée et sur-mesure111. Le contact direct et individuel semble être l’un des moyens les plus efficaces d’atteindre les enseignants-chercheurs, public parfois difficile à toucher par la BU, pour les intéresser à la bibliothèque et leur faire connaître son offre.

Les bibliothécaires ayant constaté qu’un grand nombre de chercheurs venaient peu en bibliothèque et ne lisaient pas toujours les informations envoyées par e-mail, il leur incombe souvent d’aller à leur rencontre, en allant les trouver dans leurs bureaux, en organisant des visites dans les laboratoires ou en abordant ceux qui participent aux conseils et commissions de l’établissement (Conseil documentaire, commission Recherche, commission Formation et Vie Universitaire…). Les bibliothécaires exploitent d’ailleurs tous les points de contact avec ce public : les chargés des acquisitions ou de la documentation électronique connaissent bien le champ disciplinaire des enseignants et travaillent parfois étroitement avec eux en récupérant les bibliographies de leurs cours ; les chargés de formation peuvent nouer des liens avec des doctorants et des chercheurs lors d’une formation ou au moyen des services aux chercheurs ; il peut arriver qu’un chercheur vienne faire une demande spécifique et personnalisée à un bibliothécaire… Toutes ces occasions donnent la possibilité de nouer des contacts de façon locale, dans les UFR et les centres de recherche, et de communiquer sur la bibliothèque, sur les outils et les services utiles aux étudiants comme sur les services aux chercheurs. Pour reprendre une expression utilisée par quelques-uns des professionnels interrogés : « Il faut mettre un pied dans la porte et s’engouffrer dès qu’on nous ouvre la porte ». La communication informelle joue par ailleurs un rôle important et a parfois plus d’efficacité selon David Benoist : les bibliothécaires peuvent rencontrer des enseignants-chercheurs à la machine à café ou à l’entrée de la faculté s’ils fument, ce qui permet de discuter des travaux de recherche et de ce qui se fait à la bibliothèque112.

L’enquête menée dans le cadre du projet ERIAL (Ethnographic Research in

Illinois Academic Libraries) auprès d’enseignants-chercheurs de l’Université

d’Illinois, aux États-Unis, entre 2008 et 2010 a montré que ces derniers valorisent particulièrement la communication orale, en face-à-face, et apprécient avoir une personne référente à la bibliothèque avec laquelle nouer une relation privilégiée et vers laquelle se tourner en cas de besoin. Certains enseignants-chercheurs interrogés au cours de cette enquête ont émis l’idée de la mise en place d’une présentation de

111 Voir entretiens avec Émilie Barthet, David Benoist, Judith Ducourtieux, Olga Jeannaud, Mathilde Poulain, Guillemette Trognot.

112 Entretien avec David BENOIST, chargé de mission Web à la Bibliothèque interuniversitaire de Santé , le 6 septembre 2018.

différents en bibliothèque académique

la bibliothèque pour les nouveaux membres du personnel enseignant113. Ces résultats donnent deux pistes afin de favoriser la communication avec les enseignants - chercheurs. Premièrement, les bibliothèques peuvent opter pour la mise en place de bibliothécaires de liaison – de la dénomination « liaison librarian » pour désigner dans les bibliothèques américaines un bibliothécaire spécialisé dans un e discipline et chargé de développer des liens avec le département de cette discipline, et en particulier avec les enseignants-chercheurs. Deuxièmement, à l’image des efforts de communication déployés en direction des étudiants à la rentrée, l’organisation par la bibliothèque de visites pour les enseignants-chercheurs nouvellement arrivés dans l’établissement peut permettre à la fois d’améliorer la connaissance des ressources et services offerts par la bibliothèque et d’initier une relation potentiellement fructueuse. Ces dispositifs peuvent favoriser le rapprochement entre l’équipe enseignante et les bibliothécaires, et donc la mise en place d’éventuels partenariats pédagogiques. C’est le cas à LILLIAD Learning center Innovation où la mise en place de bibliothécaires de liaison a permis à un enseignant en chimie, souhaitant intégrer une recherche documentaire à l’un de ses cours, de se rapprocher facilement de la bibliothécaire de liaison en Physique-Chimie. Ce contact a permis la mise en place dans le learning center d’une formation sur le modèle du « bibliothécaire embarqué » où le bibliothécaire intervient en lien avec le cours de l’enseignant114.

D’une façon générale, il semblerait que personnaliser la communication, mettre un nom et un visage derrière l’entité abstraite et anonyme qu’est l’établissement documentaire améliore la réception de la communication. C’est probablement aussi vrai pour les usagers autres que le public enseignant-chercheur et l’on verra par la suite à quel point le bouche-à-oreille et les interactions individuelles et orales entre les bibliothécaires et les étudiants sont efficaces pour faire connaître l’offre de la bibliothèque. Afin de faciliter le rapprochement entre les usagers et le personnel et rendre la bibliothèque moins anonyme aux yeux des usagers, les établissements documentaires peuvent a minima présenter leurs équipes sur leur site web, avec pour chaque agent, son nom, sa fonction, ses champs de spécialité, son numéro de téléphone professionnel et son adresse e-mail, et éventuellement une photographie, son parcours et ses centres d’intérêt. Que la communication personnalisée soit toutefois utilisée principalement avec les enseignants-chercheurs s’explique par le fait que ce mode de communication, qui repose plus sur le qualitatif que sur le quantitatif, demande beaucoup de travail et que le fruit de tant d’efforts peut rapidement être perdu : convaincre les enseignants un à un de l’utilité des services de la bibliothèque est un travail sans fin et lorsque qu’une personne – bibliothécaire ou enseignant-chercheur – qui avait développé des relations quitte l’université, il faut reconstruire le lien.

113ARMSTRONG, Annie. « Marketing the Library’s Instructional Services to Teaching Faculty : Learning from Teaching Faculty Interviews », dans : DUKE, Lynda M. et ASHER, Andrew D. (dir.). College libraries and student

culture: what we now know. Chicago : American Library Association, 2012, p.44-47.

114 Voir le retour d’expérience sur le site de LILLIAD Learning center Innovation : https://lilliad.univ-

S

E METTRE A LA PLACE DE SES USAGERS

:

METTRE EN AVANT LES BENEFICES POUR LES PUBLICS ET ADAPTER LE LANGAGE DE LA COMMUNICATION

Au-delà du choix du mode et des canaux de communication, pour atteindre leurs publics, les bibliothèques ont tout intérêt à adapter leurs messages communicationnels (en termes de contenu et de ton) au contexte, et en l’occurrence au profil des usagers visés. Le défi est de comprendre les usagers (qu’est-ce qui les motive ?) afin de délivrer l’information qu’ils veulent entendre d’une façon qui fait sens pour eux115. À cette fin, nous pouvons reprendre les conseils délivrés par Florence Muet et Jean-Michel Salaün : un message doit être réaliste, simple et compréhensible, original et fort, il doit partir des besoins et des critères de satisfaction des usagers et insister sur le « bénéfice-client » et sur les solutions apportées et non sur les moyens116.